La question et sa réponse

Qu’appelle-t-on principe de l’avantage comparatif ?

Rédacteur : Stéphane Ménia

Le principe général

C’est sur cette base élémentaire que reposent les arguments en faveur du libre-échange. On doit sa première version à David Ricardo au 19ième siècle. Bertil Ohlin et Paul Samuelson, auxquels on ajoutera Eli Heckscher et Wolfgang Stolper ont approfondi son analyse au 20ième siècle.

Le principe de l’avantage comparatif peut s’énoncer de la façon suivante : deux pays fermés ont toujours intérêt à s’ouvrir et échanger en se spécialisant dans la production dans laquelle ils disposent d’un avantage comparatif.

Un avantage comparatif correspond à une productivité relative élevée dans une production spécifique. Il ne signifie pas nécessairement que le pays est le plus productif dans ce secteur, mais que comparativement à ce qu’il pourrait produire par ailleurs, renoncer aux autres productions est une façon d’utiliser au mieux ses compétences et ses ressources.

L’idée que l’échange international est mutuellement avantageux quand chaque pays se spécialise repose sur le fait que si chacun laisse les autres faire ce qu’ils savent faire de mieux, alors les ressources nécessaires pour produire l’ensemble des biens au niveau mondial seront plus faibles que si chacun vit en autarcie (c’est d’ailleurs la logique qui sous-tend l’échange de façon générale, pas seulement au niveau international). Il suffit alors d’échanger cette production pour satisfaire les besoins de tous les pays dans les différents biens, tout en partageant les gains générés.

Quand les spécialisations se font sur la base des avantages comparatifs, le mécanisme de l’offre et de la demande garantit que les prix se fixeront de sorte à rendre l’échange intéressant pour tous. On peut le comprendre de la façon suivante. Si un pays ne réalise pas un gain à l’ouverture aux prix en vigueur, il n’a pas intérêt à la réaliser, ce qui réduit à zéro la demande qui s’adresse à l’autre pays pour le bien dans lequel il devrait se spécialiser. Ce prix baissera jusqu’à ce que l’échange soit mutuellement avantageux. Évidemment, le partage des gains peut être inégalitaire, mais il sera positif pour tous. Certains peuvent gagner plus à l’ouverture, mais tous gagnent (ou ne perdent pas).

Un petit exemple numérique

Soient 2 pays A et B. 2 biens 1 et 2. A et B sont initialement fermés et produisent chacun à la fois 1 et 2. A est meilleur que B pour produire 1 et 2. Les productions pour 1h de travail sont les suivantes :

Pays A Pays B
Bien 1 100 40
Bien 2 200 100

Rappel/définition : mesurer une productivité consiste à faire le rapport entre une production réalisée et les moyens mis en œuvre pour la réaliser (travail ou capital). Ici, on mesure donc la productivité par heure du travail dans les deux pays et les deux secteurs.

Productivité de A par rapport à B pour le bien 1 : 2,5 (100/40)
Productivité de A par rapport à B pour le bien 2 : 2 (200/100)

B est « moins mauvais » pour produire 2.
A doit produire le bien 1 et B le bien 2.

Les demandes pour les deux biens sont les suivantes :

Pays A Pays B Demande mondiale
Bien 1 500 300 800
Bien 2 600 400 1 000

On compare le cas sans échanges et spécialisation au cas avec échange et spécialisation. On étudie les gains et les coûts liés à chaque situation.

Cas autarcique (aucun échange)

A produit 500 unités de bien 1. Cela nécessite 5 heures de travail. A produit 600 unités de bien 2, nécessitant 3 heures de travail. Au total, il faut à A 8 heures de travail pour satisfaire sa consommation.

B produit 300 unités de bien 1, soit 7,5 heures de travail. Et B produit 400 unités de 2, pour 4 heures de travail. Au total, il faut 11,5 heures de travail pour B afin de satisfaire sa consommation.

Il faut plus d’heures en B qu’en A, malgré une production plus faible. Ce qui est normal : A est nettement plus productif.

Cas d’échanges spécialisés

A produit toute la demande de bien 1 et B toute la demande de bien 2.
Pour A, 800 unités de bien 1 demandent 8h de travail. Pour B, 1 000 unités de bien 2 impliquent 10h de travail. L’économie mondiale dans son ensemble a gagné 1,5h de travail.
Mais si on en reste là, A n’a rien gagné, alors qu’il est plus productif que B. Ce qui est normal, puisque nous n’avons pas pris en compte les conditions de l’échange, en particulier le prix d’échange.

Quand A et B échangent, ils échangent des heures de travail (avec de la monnaie, mais on peut raisonner sur l’échange d’heures de travail sans que cela ne change le propos).

L’échange porte sur 300 unités de bien 1 (de A vers B) et 600 unités de bien 2 (de B vers A).
300 unités de 1 produites en A représentent 3h de travail en A. 600 unités de 2 en B correspondent à 6h de travail en B.
En fonction du prix d’échange des heures de travail, le surplus mondial sera partagé différemment.

Pour qu’il y ait un gain à l’échange pour tous, il faut que le prix d’une heure de travail en A contre x heures de travail en B prennent des valeurs spécifiques.

Exemple 1 : 1h de A = 1h de B.
Pour obtenir 600 unités de 2, A doit donner 6h de travail. Donc, pour sa consommation de bien 1, A utilise 5h et donne 6h pour le bien 2, soit 11h. 11h > 8h (autarcie). A refuse logiquement l’échange.

Exemple 2 : Si 1h de A = 2h de B.
En A, il faut 5h pour produire le bien 1 et 3h pour acheter 600 unités de 2. Soit un total de 8 heures, équivalent à l’autarcie. En A on est indifférent à se spécialiser ou rester en autarcie. En B, on gagne donc les 1,5h mondiales.

Exemple 3 : 1h de A = 3h de B.
En A, 5h pour obtenir la production de 1 et 2h(6h de B, 6/3) pour acheter les quantités de bien 2. Soit 7h. Plus intéressant que l’autarcie (8h). Mais en B, il faut 4h pour produire 2 et 9h (3×3) pour acheter le bien 1. Soit un total de 13h, qui dépasse les 11,5h de l’autarcie. B refuse l’échange.

Exemple 4 : 1h A =2,25h B.
En A, il faut 5h pour obtenir le bien 1 et 2,67h (6h de B, 6/2,25) pour acheter le bien 2. Soit 7,67h. Ce qui est plus intéressant que l’autarcie (8h). En B, 4h sont nécessaires pour produire le bien 2 et 6,75h (3×2,25) pour acheter le bien 1. Chez B, satisfaire la demande des deux biens requiert donc 10,75h. Ce qui est inférieur aux 11,5h nécessaire en autarcie. B accepte donc aussi l’échange spécialisé.

Conclusion

Si le prix d’échange des biens (donc des heures de travail des 2 pays) est situé dans une certaine fourchette, l’échange profite à tous. Si les marchés fonctionnent bien, c’est-à-dire si les changements dans l’offre et la demande font évoluer le prix de sorte qu’il se situe dans la bonne fourchette, le prix se fixera à un niveau adéquat.
Plus précisément, le prix doit être situé entre les rapports des productivités des biens dans chaque pays. Ici, 1h de A doit valoir entre 2 (200 biens 2/100 biens 1) et 2,5 heures de B (100 biens 2/40 biens 1). Chaque pays renonce à produire l’autre bien, si renoncer à le produire est « rentable », compte tenu du prix d’échange. Chaque pays est supposé se spécialiser totalement dans la production du bien dans lequel il dispose d’un avantage comparatif. C’est ce qui maximise les gains.

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