La Guadeloupe?

Un lecteur, via la chatbox, nous a demandé quelques explications sur la “vie chère” aux Antilles, autour de l’actualité récente. Pour être tout à fait franc, je ne dispose d’aucune espèce d’expertise sur les spécificités de l’économie locale. Mais si j’en juge par ce que l’on trouve en cherchant à s’informer sur le sujet, ce n’est pas un obstacle pour donner son avis; c’est ainsi que l’on est abreuvés de commentaires sur “l’héritage de l’esclavage”, “le poids de la colonisation”, ouvrant la voie à une lecture de la situation sans nuances et sans réflexions; comme s’il y avait encore des esclaves en France, comme si le commerce triangulaire et la colonisation, disparus depuis des siècles, pouvaient suffire comme grilles de lecture pour les problèmes actuels. Certes, l’histoire a des conséquences; mais les problèmes économiques du moment peuvent s’expliquer par des raisons beaucoup plus prosaiques. Geographe du Monde a consacré deux posts à la situation des Antilles, (premier deuxième) que je vous invite à aller consulter. Quelques idées par ailleurs :

– les particularités locales des prix peuvent très bien s’expliquer par les conditions locales. Comme le constatait Adam Smith, la division du travail est toujours limitée par l’extension du marché. Sur un marché restreint, il est normal d’observer des prix élevés parce que la division du travail ne peut pas jouer à plein; vont s’y ajouter les effets d’une concurrence nécessairement réduite, faute d’un marché suffisant pour permettre à un nombre suffisant d’intervenants d’y participer. Si l’on y ajoute le caractère périphérique des régions concernées, cela impliquera des coûts de transport; l’impact éventuel de spécificités géographiques (effet du climat?); au total on trouvera nécessairement des prix plus élevés. Essayez de vous installer au milieu du Cantal, vous rencontrerez le même genre de problèmes : peu de pompes à essence pratiquant des prix beaucoup plus élevés que dans les grandes agglomérations, peu de commerces de détail, des prix pour les biens de consommation plus élevés que dans les grandes villes ceinturées d’hypermarchés.

– On lit que ces facteurs certes existent, mais qu’ils sont aggravés par le fait que les productions locales sont “étouffées”. Mais étouffées par quoi? Toutes les caractéristiques que l’on lit sur l’économie antillaise hurlent en même temps “dutch disease“; la situation dans laquelle quelques secteurs étouffent le développement manufacturier local. Et toutes les activités qui étouffent le reste ont une chose en commun : elles font l’objet de subventions publiques massives. Citons la culture de la banane, archisubventionnée depuis les années 60 et bénéficiant du régime ACP; les investissements touristiques dopés par la loi Pons; et de façon générale les massifs transferts en provenance de la métropole, qui produisent exactement l’effet de dutch disease constaté pour l’aide extérieure en économie du développement; on pourra se référer aux travaux de Rajan et Subramanian sur ce sujet. Toutes ces politiques publiques ont été encouragées systématiquement, à gauche comme à droite, en métropole comme par les élus locaux, békés ou créoles. Il n’est pas du tout étonnant qu’elles produisent l’atrophie des secteurs non subventionnés, le renchérissement des prix, et de fortes inégalités; c’est exactement ce que l’on s’attend à observer avec le dutch disease. On pourrait y ajouter l’application peu discriminée du droit du travail métropolitain, pas forcément très adapté à une économie dont la productivité moyenne n’est pas la même. La république Dominicaine voisine ne semble pas avoir le même genre de problèmes que la Martinique et la Guadeloupe.

– L’analyse économique des frontières – voir par exemple Alesina et Spolaore – montre qu’une tendance lourde de l’époque est le coût croissant de la détention par un Etat de régions périphériques. Maintenir de telles régions dans le giron national tend à nécessiter des transferts de plus en plus conséquents; A ce titre le conflit actuel peut être interprété très prosaiquement comme une façon de faire monter les enchères. Au passage, ces transferts finissent par être de moins en moins acceptés par les métropolitains, si l’on en juge par la floraison des commentaires à base de “qu’on leur donne leur indépendance” qui fleurissent sous les articles consacrés au sujet dans les médias nationaux.

Ces explications sont probablement typiques de ces économistes qui nient l’humain et la société et appliquent les mêmes modèles à toutes les circonstances au mépris de l’histoire et des spécificités sociales; si vous préférez considérer que l’économie locale est une version moderne de la traite et du comptoir colonial – et que cette interprétation respecte mieux l’histoire et les spécificités sociales, libre à vous.

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Alexandre Delaigue

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16 Commentaires

  1. "Ces explications sont probablement typiques de ces économistes qui nient l’humain "

    Non, non, je vous assure.

    Si cette question précise vous intéresse, le très relatif déni des conditions réelles d’existence de ceux qui refusent le labeur contraint en France qui (me semble) transparaitre dans l’allusion que vous faites à la disparition de l’esclavage pourrait davantage être interprété ainsi, même si, à la lecture régulière de vos écrits il est apparent que tel n’est pas réellement le cas.

  2. Votre opposition me semble assez artificielle. L’économie antillaise est victime du dutch disease. Mais cela résulte très directement du processus par lequel certains traits propres à un comptoir colonial et esclavagiste ont été perpétués, sous des formes en partie transformées, après l’abolition de l’esclavage, et la décolonisation. La dutch disease ne tombe pas du ciel : et même, elle a une histoire, qui ne commence pas en 1960.

    Réponse de Alexandre Delaigue
    La répartition de la terre agricole en France métropolitaine n’est pas différente de celle qu’on trouve en Guadeloupe; est-ce en raison de la pratique de l’esclavage et de la traite en France? Les problèmes de coût et de structure du marché (et l’effet malencontreux des subventions), on les trouve dans d’autres économies insulaires, et de façon générale dans les régions périphériques. L’incurie des élus locaux, on les trouve partout, tout spécialement depuis les lois de décentralisation. A crier “esclavage et colonisation” chaque fois qu’on voit des noirs et des blancs, en récupérant toute la grille de lecture misérabiliste (Marx aurait dit : vulgaire) qui va avec, on oublie de penser à ce qui devrait être évident.

  3. Est-ce que ces éléments suffisent à expliquer les inégalités de revenus (moitié des revenus pour les 5% les plus riches) ?

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Pour ce que j’en ai vu sur l’insee, ce n’est pas à ce point; par ailleurs cela concerne les revenus avant transferts sociaux, qui jouent un rôle local important. Sinon, la défiscalisation tendance loi Pons avantage grandement les hauts revenus locaux; même chose pour les soutiens à la banane. Ajoutez un fort taux de chômage (protection de l’emploi encore plus inadaptée localement qu’en France) et vous n’avez pas besoin d’aller chercher beaucoup plus loin. Je ne serai pas surpris que le niveau d’inégalités dans le Pas de Calais soit du même ordre d’ailleurs.

  4. Pour la division du travail, j’avoue ne pas être très convaincu par l’argument. D’une part parce que les produits concernés ne sont pas, pour l’essentiel, produits localement. La Gadeloupe fait partie d’un marché plus vaste et profite des gains d’efficacité sur l’ensemble de ce marché. L’analogie avec le Cantal me semble aussi passer à côté de la très forte densité de population de la Gadeloupe, qui devrait en toute logique permettre l’installation de nombreux points de vente de taille moyenne. Je soupçonne plutôt des déterminants historiques qui ont conduit à une concentration de la distribution (et là, la concentration initiale du capital dans quelques mains a des raisons d’être un facteur explicatif important).

    Réponse de Alexandre Delaigue
    C’est plausible, mais si une concentration forte initiale peut s’expliquer par des facteurs historiques, pourquoi subsiste-t-elle? Qu’est-ce qui empêche de mettre des leader price partout sur l’île? Pour que la forte concentration initiale subsiste, il faut une forme de barrière à l’entrée – difficile alors de ne pas incriminer des politiques publiques. Ou alors une rentabilité insuffisante, et dans ce cas, on peut soit incriminer le dutch disease, soit un problème de taille du marché.

  5. J’avoue que le chiffre a 15 ans (http://www.insee.fr/fr/insee_reg... ). Mais ces chiffres là (http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_... ) mettent quand même en évidence un rapport interdécile deux fois plus élevé qu’en France (l’IdF est apparemment la région métropolitaine avec le rapport interdécile le plus élevé, plus que le NdPC par exemple). Mais il est vrai que la Corse a aussi un rapport interdécile élevé, et donc que l’insularité doit jouer son rôle. (http://www.insee.fr/fr/themes/ta... )

  6. Le misérabilisme, c’est de crier "méchants blancs, pauvres noirs", dès qu’il est question de DOM TOM, et de croire que l’on a expliqué quelque chose par cette déploration. Par contre, l’économiste vulgaire, comme le dit très justement Marx, est celui qui nie la constitution historique des rapports sociaux de production. Je ne vois aucune raison de succomber aux deuxième travers, pour éviter le premier.

    Dans le cas précis, notre maladie hollandaise prend la forme d’une double économie de rente.
    Première rente : les revenues de transferts sociaux très importants, joints à des salaires de fonctionnaires bonifiés de 40%. Bref, des revenus sans contrepartie équivalent en termes de production économique, qui tuent précisément la production économique, et créent de très fortes inégalités entre salaires bonifiés et les autres.

    Deuxième rente, évoquée par Matthieu P. : la concentration dans la distribution, qui impose des marges très importantes, sans contrepartie de service, et qui est d’autre part construite sur des rapports commerciaux privilégiés avec la métropole, disante de 7000 km, plutôt qu’avec l’espace économique environnant. Observons que cette deuxième rente n’existe que grâce à la première qui la solvabilise.

    La première rente est l’héritage direct des pratiques de rémunérations coloniale, de même que de l’achat de populations rétives par des revenus de reversion.
    La deuxième rente est le fruit du monopole de comptoir colonial (imposant des liens commerciaux exclusif avec la métropole) réapproprié par une partie des békés, rejoints par la grande distribution métropolitaine (Total), et perpétué par l’entente tacite ou explicite qui lie fortement ces élites "compradores" et les pratiques anticoncurrentielles propres à la grande distribution française. Là encore, la continuité coloniale est évidente.

    D’où ma remarque : il n’y a aucune raison d’opposer le synchronique et le diachronique, l’explication économique d’une "dutch disease" et l’analyse de son processus de constitution historique -qui renvoie pour une large part au passé colonial de l’île, même s’il ne s’y réduit pas.

  7. C’est curieux.
    La situation ne semble pas différente de celle d’un pays ensoleillé moins développé où arrive une population étrangère retraitée qui conserve ses habitudes de consommation. Les produits importés sont à leur portée, pas à ceux des indigènes qui conservent leur style de vie plus modeste, Ex : l’Espagne, il y a des décennies avec l’arrivée des Européens du Nord.
    L’équivalent en Guadeloupe sont les fonctionnaires au traitement majoré, beaucoup plus nombreux proportionnellement que les retraités autrefois en Espagne.
    Les locaux antillais souhaitent le même type de consommation qui ne peut être généralisé que par le développement local ou la subvention.
    La subvention on connaît. On est dans le cas de cette demande.
    Le développement local ne peut se faire que dans un ensemble plus grand, celui de la Caraïbe. Il supposerait une baisse du niveau de vie immédiate en cas d’ouverture et de concurrence (les Antilles françaises ont un niveau de vie plus élevé) et beaucoup de temps. Impensable
    Les schémas de développement et de remèdes franco-français possibles donnent lieu à une intéressante conversation de café du commerce et comme tels sont voués au sort habituel de ces solutions.
    Conclusion : situation inextricable alors que la population s’accroît proportionnellement plus qu’en métropole.
    On passera donc ce problème à nos héritiers, avec la dette et les créances comme dirait Jean Paul Fitoussi (pour qui en bon keynésien cela n’a aucune importance puisqu’à long terme nous sommes tous morts.)

  8. Merci pour les liens qui sont très intéressants.

    Je partage tout a fait votre analyse désincarnée, ce qui veux dire, me semble t il, que les augmentations de revenus consenties actuellement seront récupérées par l’inflation et que par conséquent les "solutions sur la table ne sont qu’un fix passager. Mais il y a aussi des raisons historiques pour que l’économie soient entre les mains de la même poignée de famille depuis des siècles.

    Il me semble également que le même genre d’economie "coloniale" existe dans d’autres iles ou le problème "esclavagiste" ne me semble pas exister comme les Azores par exemple.

    Ces iles forment une région autonome ou le pouvoir politique et économique est entre les mains d’une demi douzaine de familles qui trustent tout. Le système de pricing des carburants par exemple est similaire a celui des Antilles (pour des raisons de taille de marché et d’éloignement) et les mêmes raisons produisant les mêmes effets les marges de distribution sont tout simplement succulentes.
    Ceci dit aux Antilles on peut se demander pourquoi on a construit une raffinerie alors que la ressource est abondante et moins chère dans la région.

    Pour rebondir sur le commentaire de bof, le même type d’économie "coloniale" (ou résidentielle comme dirait Davezies) existe sur la "Cote d’Azur".

    Il est intéressant de constater que le revenu par tête de ces confettis d’Empire est un multiple de celui de leurs voisins immédiats (cf Réunion, Ile Maurice) mais qu’on a l’impression que le niveau de vie est plus bas.

  9. Merci d’apporter de vraies explications économiques au phénomène, plus convaincantes que des références plutôt vagues au poids de la colonisation ou de l’esclavage.
    Je ne suis pas sûr de comprendre l’explication par l’absence de division du travail, après tout le Luxembourg ce n’est pas très grand non plus et il paraît que les pays ont intérêt à se spécialiser dans leur avantage comparatif. Une faible division du travail ne me semble être un désavantage que si les coûts d’importation sont élevés, en quel cas le problème vient surtout de ces coûts.
    Mais sont-ils si élevés ? Il serait bon d’avoir quelques chiffres, car si pour nous la Guadeloupe paraît lointaine ce n’est pas forcément le cas pour quelqu’un qui envisage d’en faire une escale pour ses cargos sur la route des Etats-Unis.
    Totalement d’accord en revanche sur l’effet d’un marché restreint sur la concurrence et les prix pratiqués. S’il est vrai que les bananes guadeloupéennes coûtent plus cher en Guadeloupe qu’en métropole et qu’en Martinique des distributeurs ont accepté de baisser leurs prix de 20% on est en droit de penser que les distributeurs locaux font des marges assez attirantes. Si le problème est là une intervention musclée des pouvoirs publics pour que distributeurs et/ou importateurs soient un minimum compétitifs est à la fois souhaitable et possible.
    C’est probablement parce que la macro n’est pas mon truc mais j’ai tout de même quelques doutes sur l’effet "Dutch Disease". Si je me souviens bien le problème est in fine un renchérissement des facteurs de production pour les secteurs autres que celui du "boom" (la banane en l’occurence). Or vus les taux de chômage en Guadeloupe j’ai du mal à croire que le secteur de la banane soit responsable d’une trop grande rareté du facteur travail.
    Il paraît effectivement probable que le niveau du SMIC de la métropole ne soit pas adapté à une économie aux caractéristiques très différentes, et on peut en tirer deux conséquences : soit changer le code du travail dans les DOM (peu faisable politiquement et potentiellement très néfaste si effectivement les employeurs sont en petit nombre), soit se demander pourquoi la productivité apparente du travail est faible. Une explication souvent négligée est tout de même qu’une entreprise qui s’installe dans le Cantal s’installe à proximité d’un marché français voire européen important, que ce soit celui des facteurs de production ou celui de son produit, tandis que se localiser en Guadeloupe est nettement moins intéressant de ce point de vue. L’aspect "économie géographique" du problème mérite probablement d’être creusé, bien que les solutions à apporter ne soient pas évidentes.

    Réponse de Alexandre Delaigue
    En repensant à la question du dutch disease, il a un autre effet, qui est un taux de change non compétitif pour les activités n’en bénéficiant pas. Ce qui conduit à s’interroger sur l’impact du taux de change local de façon générale. Sinon bien d’accord sur la question d’économie géographique : on pourrait peut-être le rapprocher du cas des pays “enclavés mal entourés” – ce qui ramène à la question de la taille du marché, mais dans un contexte de rendements croissants plus que du modèle ricardien. Je pense à autre chose : quid des infrastructures portuaires locales, et notamment, de la containerisation?

  10. Si les fonctionnaires ont un traitement majoré de 40%, en moyenne cela devrait augmenter les revenus réels des gens qui ne sont pas fonctionnaires.

    J’ai l’impression que l’on tombe ici dans le paradoxe chinois : si mes voisins deviennent plus riches, ils vont consommer plus, et je vais m’appauvrir. Mmmh…

    Comme J-E, je suis preneur d’explications économiques.

    Vu les symptômes du patient, mon intuition est que le virus est très banal, du style cartel/monopole légal, barrières à l’entrée, contrôle des prix, etc. Quelqu’un a-t-il des infos précises à ce sujet?

  11. 9. J-E: Dans le Cantal, les salaires du privé et loyers sont moins élevés qu’à Paris, mais le SMIC et les traitements de fonctionnaires (salaires règlementés)sont identiques. Même problème!
    Les luxembourgeois commercent avec les pays voisins comme s’il n’y avait pas de frontière.

    2. stagell (Réponse de Alexandre Delaigue) :
    "La répartition de la terre agricole en France métropolitaine n’est pas différente de celle qu’on trouve en Guadeloupe".
    agreste.agriculture.gouv….
    Il apparaît qu’il y a beaucoup de très petites exploitations à temps partiel, non professionnelles.
    1/3 des terres est en fermage.
    "Une trentaine d’exploitations de plus de 50 ha, toutes classées professionnelles, valorisent en moyenne 150 hectares.
    Le professionnalisme se distingue surtout dans la filière banane où neuf hectares sur dix de la sole bananière
    y sont valorisés, alors que dans le secteur cannier, il s’agit de six hectares sur dix."
    150 ha. de bananiers, c’est évidemment plus que 150 ha. de céréales, mais je suppose qu’en Amérique centrale il doit y avoir beaucoup plus grand!

  12. Je ne comprends pas l’effet "Dutch Disease". Il me semblait qu’il était du a la surévaluation du taux de change consécutif a l’apparition soudaine d’une rente (en l’occurrence le gaz) mal maitrisée et dépensée en surconsommation.

    Dans le cas des Antilles et des DOM généralement, le taux de change est une donnée complètement exogène et ne saurait donc être explicatif.

    Ne sommes nous pas en présence plutôt d’un bon vieux système corporatisto-cartelliste a la Française dont la persistance et l’ampleur s’expliquent (a) par l’environnement local – Je veux dire que ce serait la même chose en France si il n’y avait l’EU et le voisinage de pays sérieux et différents alors que l’entourage des Antilles est plus "exotique" et (b) et l’absence de contraintes économiques réelles; les Antilles n’ont pas besoin d’entre "compétitives" ou de produire quoi que ce soit de tangible pour exister dans la mesure ou leur unique produit d’exportation est la "fierté" que les Français retirent d’avoir un Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais.

    Le problème étant que dans ce contexte de crise ou les consommateurs font le dos rond, ce sont les super exportateurs qui vont souffrir le plus.

  13. Je veux bien croire que le modèle du "dutch disease" et autres "subventions publiques massives" expliquent de façon pertinente l’économie de la Guadeloupe. Mais peut-on encore se satisfaire de ce niveau d’explications ? Peut-on, malgré la crise, faire abstraction des rapports de force sociaux ? Petite citation marxiste : «Sans esclavage, vous n’avez pas de coton ; sans coton vous n’avez pas d’industrie moderne. C’est l’esclavage qui a donné de la valeur aux colonies, ce sont les colonies qui ont créé le commerce du monde, c’est le commerce du monde qui est la condition nécessaire de la grande industrie machinelle. Aussi, avant la traite des nègres, les colonies ne donnaient à l’ancien monde que très peu de produits et ne changeaient visiblement pas la face du monde. Ainsi l’esclavage est une catégorie économique de la plus haute importance.» Voir philosophie.blogs.liberat…

  14. Bonjour,
    Bravo pour votre article qui cherche à comprendre et ne se limite pas à des clichés bien trop vite acceptés!

    Petites pistes pour les raisons de la vie chère aux Antilles:
    Importations: L’éloignement impose des stocks importants (2 à 6 mois de rotation) qu’il faut financer, et mettre en dépôt! les couts bancaires, d’assurance, de construction (zone à fort risque sismique), fonciers se cumulent! Les faibles volumes d’exportations créent un déséquilibre dans le remplissage des bateaux pour le trajet retour qui impose un surcout du transport!)
    Production: La productivité est faible et cela est en partie du à la taille de ces îles qui ne permettent pas une production de taille suffisante pour arriver à des niveaux industrielles avantageuses.
    Répartition des richesses: Le surcout ( 40% de “vie chère”) de tous les fonctionnaires, a pour conséquence directe que les budgets des collectivités se limitent à un rôle de paiement de fonctionnaires! et ne font pas ou peu d’investissements ou d’aides à la création d’entreprises, d’aides aux formations… formations qui sont aussi couteuses! Faire venir un spécialiste ne coute pas un billet SNCF!
    Travail au noir! Aux Antilles, le travail au noir (appelé cout de main) est une institution locale qui n’est remise en question par aucun politique! Ce mode de fonctionnement explique un si fort taux de chômage et une population qui ne meurt pas de faim. Le problème est alors une économie parallèle sans impôts, sans charges sociales et cumulé avec les minimas sociaux RMI, CMU, chômage…

    Merci encore pour vos réflexions.

  15. Quelques remarques: (pour Bof), la population en Guadeloupe et Martinique ne s’accroît pas (du moins plus à présent) plus fort qu’en métropole, environ +4,5 à +5% en 10 ans — c’est +8,6% pour Provence-Côte d’Azur, +8% pour la Bretagne…
    Pour la formation des prix, il est faux de dire que les coûts de transport sont responsables, rien n’est plus bon marché que le transport maritime qui n’entre que pour un pourcentage infime dans les prix de revient. Sinon comment se justifierait les délocalisations en Chine et les importations massives de produits manufacturés de ce pays?
    Quant aux méthodes portuaires et à la containerisation, la Guadeloupe et la Martinique valent tous les ports du monde!
    En réalité c’est bien le monopole des imports dans les mains de quelques familles qui explique les prix élevés de la distribution, avec la complicité des autorités françaises — le reportage diffusé il y a peu sur Canal+ sur le lobbying futré mais oh combien efficace exercé par les entrepreneurs béké au niveau de Bruxelles était à cet égard très édifiant.
    A propos de la masse des transferts financiers de métropole qui créeraient une économie artificielle par rapport aux îles indépendantes voisines, par exemple St Domingue: qui parmi tous les intervenants dans ce débat accepterait de couper la canne dans les plantations de la Rép. Dominicaine (cf les semi-esclaves haïtiens qui y travaillent) pour un maigre poignée de dollars par jour?
    Il me semble que si la France en avait eu la volonté nous aurions pu donner à ces départements un rôle de "porte-avions" de l’économie française dans la région en s’appuyant sur le système scolaire et de formation, sur les infrastructures etc… pour y créer une économie de type technopole (une "Silicon island" en quelque sorte). Mais en fait Paris ne s’en est jamais soucié, et c’est là qu’on en revient aux rapports de type colonial pas vraiment oubliés — le bon vieux système de l’exclusif colonial: l’Outre mer ne doit dépendre que de la "mère patrie".
    Au fait il y a dans la région une autre île, territoire d’une grande puissance: Porto Rico. Ils se portent comment là-bas?

  16. Bonjour,

    Merci d’avoir repondu a ma requete dans la chatbox et de nous avoir fourni quelques explications economiques (dutch disease etc).

    Comme le dit Patrick T., le reportage de Canal+ a permis de realiser certaines choses comme le monopole de certaines familles sur la distribution, l’import/export,… En effet, si vos seuls concurrents sont votre beau-frere et votre cousin, la concurrence n’existe pas.

    Le reportage de Canal+ met aussi en avant ce compte rendu parlementaire de 2007 de la commission des finances de l’economie generale et du plan ( http://www.assemblee-nationale.fr/12/cr-cfiab/06-07/c0607037.asp )dont voici un extrait: "La petite taille des économies ultramarines permet en effet à quelques importateurs ou distributeurs de capter l’ensemble du marché – certains observateurs vont jusqu’à évoquer une économie de « comptoir » – et encaisser des marges incroyables en profitant de monopoles ou d’oligopoles."

    La question que je me pose est: quelles seraient les politiques economiques a appliquer pour resoudre ce probleme de vie chere aux Antilles Francaises ?

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