Cette semaine, Standard & Poors a dégradé la note de la dette publique portugaise, après la Grèce, l’Espagne, et indiqué que l’Irlande risquait fort de suivre. Ce genre d’indication a de lourdes conséquences pour les gouvernements concernés, puisque cela élève immédiatement le coût de tout endettement ultérieur.
Par contre, General Electric a conservé sa notation triple A, ce qui, comme le souligne Felix Salmon, est parfaitement absurde. Un actif triple A est après tout considéré comme “sans risque”, et rien dans les comptes de General Electric ne permet d’en retirer cette conclusion. Rien, sauf l’idée qu’en cas de faillite, General Electric entre dans la catégorie “too big to fail” et bénéficie donc d’une garantie implicite du gouvernement américain. Ce qui est fort possible, mais pas certain. Et quand bien même, si le gouvernement américain apporte la garantie implicite de sauvegarder toutes les grandes entreprises nationales en faillite, n’y a t-il pas un problème dans la notation de ce gouvernement?
Les notations ne signifient rien lorsque des gouvernements de pays souverains et stables, qui peuvent augmenter les impôts, bénéficier en cas de problème d’aides d’autres pays européens, voire d’un plan du FMI en cas de difficultés, sont plus mal notés qu’une entreprise qui a 500 milliards de dollars de dette et dépend, jusqu’à preuve du contraire, de la bonne volonté de ses clients pour ne pas mettre la clé sous la porte. Ou lorsque ces pays reçoivent des avertissements pour “la hausse de leur endettement” alors que les USA et la Grande-Bretagne, dont l’endettement s’est accru beaucoup plus, n’en reçoivent aucun.
Il est assez incroyable que l’on accorde encore la moindre crédibilité aux agences de notation, après que celles-ci aient systématiquement déclaré “sans risques” les actifs titrisés les plus pourris pendant des années, et ce, en pleine connaissance de cause. Des banques ont fait faillite, d’autres ont été nationalisées, d’autres se voient imposer des contraintes en contrepartie d’aides, des licenciements importants ont eu lieu dans les institutions financières. L’affaire Enron avait coûté, en son temps, son existence au cabinet comptable Arthur Andersen.
Mais les agences de notation, Standard & Poors la première, alors qu’elles ont eu systématiquement tort au cours des dernières années, et sont amplement responsables de la crise, semblent s’en sortir avec leur crédibilité intacte, et continuent comme si de rien n’était de donner leur avis sur le risques des actifs, avis suivi benoîtement par les opérateurs des marchés financiers. Alors qu’on sait désormais que cet avis est largement fondé sur des préjugés, et a produit la crise actuelle. Combien de temps cette fumisterie va t-elle encore durer?
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Ah mais…
C’est une peu comme la monnaie.
Considérons la notation comme une forme de monnaie. C’est de la confiance dans cette notation que réside sa capacité à influencer le comportement des acteurs.
En l’occurrence, je suppose que la confiance donnée à la notation dépend moins de la réalité de la situation que de l’anticipation que l’on forme quant à la confiance que prêtent les autres agents à cette même notation.
Autrement dit, il n’est pas irrationnel de s’appuyer sur cette notation parce que l’on estime que les autres feront de même.
Une forme de cours légal de la dette, en quelque sorte.
Réponse de Alexandre Delaigue
Ouaip, c’est une défaillance du marché. Vis à vis de laquelle il serait temps de sévir.
Faut-il noter les agences de notations ???
Et si oui, qui aura le crédit suffisant pour le faire ? Hein hein ?
"Autrement dit, il n’est pas irrationnel de s’appuyer sur cette notation parce que l’on estime que les autres feront de même."
Oui, et ce même si on est rationnellement persuade que cette note correspond a n’importe quoi, c’est bien la le problème.
N’y-a-t’il pas aussi une question de responsabilité des acteurs ou de «parapluie» ? C’est un point de vue de juriste et pas d’économiste mais voilà mon idée.
Je dois investir les sous de mes clients. Je suis responsable si je me plante. Mais ne puis-je pas échapper à ma responsabilité à partir du moment où je peux mettre en avant le fait que mon investissement était judicieux puisque je me suis référé aux indications des agences de notations ? Sans agence de notation, il aurait sans doute fallu que je me renseigne moi-même pour rassembler des éléments tangibles à faire valoir en cas de pépin.
En gros, l’agence de notation servirait d’assureur de responsabilité aux gestionnaires financiers.
La limite de mon raisonnement est qu’il ne semble pas que les agences de notations indemnisent les gens qui ont mal investi en se référant à leurs «conseils» bénévoles (gratuit sauf pour les notés).
Quel ton revendicatif M. Delaigue, d’habitude vous êtes (beaucoup) plus pondéré.
D’une certaine façon, les agences courent après le marché. Voila belle lurette que la dette de la Grèce, Italie, Irelande etc. se traite avec un spread grandissant p.r. a l’Allemagne.
De plus le problème est un peu plus complexe que vous ne le présentez. Les USA et l’UK disposent en plus d’une banque centrale indépendante qui peut (et d’ailleurs le fait) imprimer des petits billets a tout va – ce n’est pas le cas des pays de la zone Euro. Les USA sont en sus débiteur dans leur propre monnaie – voila un AAA bien accroché et qui vaut son poids de papier (monnaie).
J’attire également votre attention qu’il existe un marché pour les Government Credit Default Swaps (CDS) qui distingue entre les différents risques souverains. Sur ce marché d’ailleurs le UK (AAA) est traité comme l’Espagne (AA+) et non comme la France et l’Allemagne (AAA).
Pensez vous que ce Government CDS market a quelque validité que ce soit et alors pourquoi ne pas l’englober dans votre ire?
Quand a GE je suppose qu’il faut prendre en compte le timing du remboursement de ses dettes, de sa génération de free cash flow, des lignes de crédit non utilisées auprès des banques (pour ce que cela vaut), de la qualité des assets, etc.
Et je présume que bien que AAA le cout de sa dette est toujours supérieur au A quelque chose de la Grèce.
Bref pas de quoi fouetter un chat; ni un analyste financier d’ailleurs – sauf dans des lieux appropriés bien sur.
Réponse de Alexandre Delaigue
Je me borne à être surpris de ce que dans l’ire générale envers les banques et la finance, les agences de notation, pourtant visiblement incapables de faire leur boulot et inutiles, s’en sortent comme si de rien n’était et continuent à émettre des avis dont la pertinence pourrait, à tout le moins, être discutée, surtout au vu des performances passées.
"Les notations ne signifient rien lorsque des gouvernements de pays souverains et stables, qui peuvent augmenter les impôts…" et décréter souverainement un moratoire sur sa dette/une conversion forcée/une banqueroute partielle…
et l’histoire montre que les politiciens préfèrent souvent assurer leur prochaine élection que de respecter les contrats avec des créanciers étrangers. GE ne peut pas.
La probabilité qu’on renfloue General Electrics avec de l’argent public me semble quand même en pratique infiniment supérieur à la probabilité qu’on renfloue l’Espagne avec de l’argent public.
Je ne serai même pas surpris que General Electrics possède un engagement écrit du gouvernement américain sur ce point précis. Je doute que l’Espagne dispose de mêmes garanties.
Du coup, je ne vois pas de biais dans le raisonnement des agences de notation.
Allez, je vais me faire l’avocat du diable: S&P donne juste son opinion sur la probabilité de défaut de certaines entités. Ceux qui discourent sur l’inutilité des agences de rating parlent du fait que la plupart des grandes banques et institutions ont leurs propres services de rating, mais justement! Ça montre bien que personne ne pense que ces agences sont infaillibles et qu’elles fournissent juste un avis.
Est-il vrai que la réglementation de la SEC garantit à S&P, Moody’s et Fitch un oligopole durable?
L’argument de Jules est très juste à court terme. Les évaluations des agences ne passent pas l’acid test des cycles économiques tous les 10 ans. A long terme, une agence capable d’évaluer ce genre de risque correctement aurait un avantage. Mais si la SEC l’empêche d’entrer dans le marché… En d’autres termes, la piètre performance des agences résulte-t-elle d’une imperfection du marché de l’information financière, ou bien d’une intervention publique dans ce marché?
Par ailleurs, l’étude de Reinhart et Rogoff nous rappelle qu’il existe bien un risque de défaut "des gouvernements de pays souverains et stables". Et encore faudrait-il ajouter le risque de répudiation des dettes publiques par l’inflation.
Réponse de Alexandre Delaigue
L’inflation, pour des pays européens? Dans ce cas, tous les gouvernements de la zone euro devraient être concernés…
Si je résume, le marché accorde à ces agences une certaine crédibilité qui n’est pas la bonne selon vous, qui voudriez voire les gouvernements intervenir pour corriger cette "défaillance du marché".
Je ne suis pas très convaincu… Peut-être parce que, une fois n’est pas coutume, cet article est plus politique qu’économique, et pour tout dire assez peu instructif.
Réponse de Alexandre Delaigue
Oui, enfin, les liens qui sont dans le texte font partie du texte, hein… On a aussi le droit de les lire.
Il ne faut pas perdre de vue que les notations sont une arme économique redoutable pour déstabiliser la concurrence dans certains secteurs. En réussissant à faire mal noter un concurrent, on dégrade le cours de son action, on l’oblige à se restructurer alors qu’il n’en avait pas forcément besoin pour permettre une augmentation de sa rentabilité à court terme mais on l’entraîne en fait dans un cycle infernal et instable qui va renforcer celui qui aura généré cette mauvaise notation…
Je pense que mon argument peut se résumer a deux points:
1. Les agences de notations ne sont pas les seuls juges de la qualité des dettes. Il existe aussi des marchés du crédit et des dérivatifs qui le font; sans meilleurs résultats. La conclusion c’est que nul n’est parfait. L’autre conclusion c’est que "caveat emptor". Nota: AAA ne veut pas dire sans risque.
2. Les agences de notation ne sont pas "inutiles". Elles jouent un rôle institutionnel. On peut regretter l’absence de compétition, les conflits d’intérêts etc. mais je remarque que ce sont des plaintes récurrentes et que s’il était facile de régler ces "problèmes" voila belle lurette qu’on l’aurait fait.
Pour le reste, il arrive que des États défaultent sur leur dette (même si certain le font de manière feutrée, par exemple en ne revalorisant pas les retraites ou en faisant tourner la planche a billet) et si vous êtes si optimiste que cela je pense que vous devriez investir massivement dans la dette Grecque. Alternativement demandez la nationalité Islandaise.
Les agences de notation n’ont guère plus d’importance que les déclarations comptables, c’est juste une manière de voir les faits.
Ce qui compte c’est l’avis du marché à travers les spread ou les cours des CDS (idem pour une entreprise).
Les agences de notation comme n’importe quel analyste ne peut pas faire de meilleures prévisions sur l’avenir que le marché. Le marché sera toujours en avance sur toute analyse.
Pour le remboursement de la dette par l’inflation en monnaie nationale, il ne faut pas oublier ce que cela implique pour les citoyens au-delà de la spoliation de l’épargne.
A part les US qui bénéficient d’un statut particulier, faire marcher la planche à billet implique de fermer les frontières afin d’empêcher les capitaux de s’enfuir…
Réponse de Alexandre Delaigue
Le marché est tellement “en avance” que les spreads montent après les notations…
@txomin: "Les agences de notation comme n’importe quel analyste ne peut pas faire de meilleures prévisions sur l’avenir que le marché. Le marché sera toujours en avance sur toute analyse."
Je ne sais pas si c’est vrai ou pas, mais je trouve que c’est beaucoup plus drôle en remplaçant "le marché" par "le Pape"
Olivier : un investisseur qui se laisse gouverner par des considérations psychologiques ne restera pas bien longtemps en mesure d’investir.
Sauf, bien sûr, s’il s’agit d’une banque, statutairement clairvoyante et de ce fait infaillible.
"Réponse de Alexandre Delaigue :
Le marché est tellement "en avance" que les spreads montent après les notations… "
C’est faux, les notations réagissent toujours après, c’est bien ce que certains leur reproche.
(Le creusement des spreads entre emprunts d’Etats date de plusieurs mois)
@Vains Dieux: Le Pape a renoncé depuis longtemps à la prétention d’une connaissance supérieure, ce qui n’est pas le cas de tous les économistes…
Je ne dirai qu’une chose : CCC pour S&P (et ses consoeurs). Cf. fr.wikipedia.org/wiki/Not…
Tout comme certaines banques "centrales" sont (parfois à ¾…) "privées", certaines agences de natation le sont aussi…Paul de Grauwe (article concernant le tort) veut attirer notre attention sur une "faille majeure(?!?)" du système…
Conflit d’inérêts/Politique économique…quand tu nous tiens?
http://www.youtube.com/watch?v=n... (*)
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Clip réalisé dans le "Berkshire"…