Via Greg Mankiw et le Financial Times, le gouverneur de Californie A. Schwarzenegger a trouvé un accord avec l’opposition démocrate pour la mise en place d’un système de droits à polluer visant à réduire de 25% les émissions de gaz à effet de serre de l’Etat d’ici 2020. Cela ferait de la législation californienne la plus restrictive des USA, et pourrait avoir des conséquences sur la politique nationale. cela appelle quelques remarques.
– C’est une décision qui n’est pas facile à expliquer. La réduction de l’effet de serre correspond à un dilemme du prisonnier : comme le gain est collectif et les efforts individuels, un groupe isolé (par exemple, un Etat des USA) n’a pas intérêt à décider tout seul de réduire ses émissions. En effet, si les autres, dans le même temps, ne réduisent pas leurs émissions, ils n’ont aucun coût à supporter, et bénéficient des efforts du premier. C’est sur la base de ce raisonnement qu’on tend à privilégier pour lutter contre les pollutions globales les accords internationaux, comme les accords de Kyoto, plutôt que sur des initiatives individuelles. Pour constater ensuite que ces accords internationaux sont des échecs.
ce que montre cette décision isolée de la Californie, c’est que le monde ressemble beaucoup plus à l’ensemble complexe de réputations, de conventions, d’engagements, tel que décrit par Thomas Schelling qu’au jeu d’acteurs froids et rationnels tel que perçu par les géostratèges (et souvent par les économistes). Les californiens veulent réduire leurs émissions non pas parce qu’ils vont en recevoir un bénéfice immédiat, mais pour des raisons morales.Reste à savoir si ces raisons seront suffisantes sur le long terme.
– Car il existe une justification théorique de la décision Californienne : elle tourne autour de l’idée de Courbe de Kuznets environnementale, qui suppose que lorsque le PIB par habitant augmente, la pollution commence par augmenter, puis atteint un palier, avant de diminuer, les habitants privilégiant alors la qualité de vie sur l’enrichissement et disposant des moyens de réduire leur pollution. Si la courbe de Kuznets environnementale a été vérifiée pour certaines pollutions (qualité de l’air et de l’eau notamment) elle semble cependant reposer de façon importante sur la capacité de délocaliser la pollution; lorsqu’un pays riche décide d’adopter une réglementation environnementale contraignante, les industries les plus polluantes ont tendance à disparaître et s’installer dans des pays pauvres, dont les habitants préfèrent s’enrichir quitte à subir la pollution industrielle plutôt que de rester misérables (voir Mark Thoma et Natural Capital). Si les réglementations californiennes ont cet effet, elles n’auront aucune conséquence sur l’effet de serre global.
– Même si l’on ne connaît pas dans les détails le dispositif envisagé – on sait simplement qu’il va reposer sur un système de droits à polluer – on peut déjà se poser quelques questions. Comment le nombre de permis distribués sera-t-il déterminé? Et comment, ensuite, ces permis seront-ils alloués? Pour l’allocation, le meilleur système est la vente aux enchères par le gouvernement de l’Etat, ce qui constitue comme le rappelle Mankiw une fiscalité sans distorsions qui peut être utilisée pour réduire les autres impôts. Une autre façon de faire – celle que l’Union Européenne avait choisi pour ses propres réductions d’émissions – consiste à distribuer les permis gratuitement. Ce qui a pour inconvénient de favoriser les “vieux pollueurs” au détriment des “jeunes pollueurs” qui devront acheter des permis, contrairement aux entreprises en place.
L’exemple européen n’incite guère à l’optimisme pour ce mécanisme Californien. Le mécanisme européen a mal fonctionné pour une raison simple : chaque gouvernement est incité à trouver des expédients pour réduire les contraintes qui vont s’exercer sur ses industries nationales. De ce fait, la quantité de permis émise devient facilement trop élevée, et de multiples dispositifs permettent aux pollueurs de ne faire aucun effort. Dans un Etat comme la Californie, dont le système politique contient des déficiences bien connues et largement aussi importantes que la politique européenne (ce qui n’est pas peu dire) il est à craindre que le mécanisme ne sombre rapidement dans un magma de subventions, d’exemptions diverses, et de permis émis en nombre trop important. Néanmoins, cet exemple californien montre que la politique de l’environnement peut survivre à l’échec des négociations internationales : c’est surtout cela qui est une occasion d’être optimiste.
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Il devrait penser à mettre un soutif le Schwarzie.