La proposition, par Ségolène Royal, de mettre en place des jurys de citoyens pour évaluer les politiques a déchaîné les passions, les commentaires et les analyses de tous côtés. L’accueil de l’idée a été, on peut le dire, glacial. La critique a porté sur le caractère manoeuvrier et démagogique de l’expression de cette idée; mais également sur le fond. “Disparition de la démocratie représentative“, “mandat impératif” ont été les reproches les plus généreux; on a plutôt vu voler des invectives évoquant les soviets, le maoisme, le populisme à la mode sud-américaine, la Terreur. Comment des gens tirés au sort pourraient-ils avoir la compétence d’évaluer de bonnes politiques? N’y a-t-il pas là un risque d’énorme régression par rapport à la démocratie?
Il est possible pourtant de considérer cette proposition comme une idée institutionnelle remarquable. Une idée qui va au coeur des fondements de la démocratie; une idée, de façon très surprenante, que l’on peut rapprocher de celles de Friedrich Hayek.
L’argument apparemment imparable contre une proposition faisant reposer sur le hasard le contrôle de l’exercice des politiciens a été présenté de la meilleure façon par Daniel Schneidermann : qui aurait envie de faire confiance à un chirurgien tiré au sort? Personne. On peut multiplier les exemples de ce type : qui a envie de monter dans un avion dont on va désigner le pilote parmi les passagers, par tirage au sort? Dans une version plus modérée, quel intérêt y aurait-il à mettre, à côté du commandant de bord, un passager tiré au sort chargé de contrôler son travail? Effectivement, aucun. Vu comme ceci, l’argument est imparable.
Mais il est tellement imparable qu’il est aussi d’une redoutable efficacité contre le vote majoritaire. On ne désigne pas les chirurgiens au suffrage universel; et personne ne monterait dans un avion dans lequel on vote, avant le vol, pour désigner le pilote. Certes, la procédure de vote semble un peu plus performante que le simple tirage au sort : on peut penser par exemple que si les passagers d’un avion doivent voter pour le pilote, ils essaieront autant que faire ce peu d’identifier les personnes ayant des compétences en pilotage; on peut même imaginer qu’ils choisiront le même au retour si le vol aller ne s’est pas trop mal passé. Mais la procédure de vote reste quand même une bizarrerie : on ne désigne pas les pilotes, ni les chirurgiens, ainsi. On leur demande de suivre de longues études, d’obtenir des diplômes; le choix des utilisateurs ne s’exprime pas par un vote, mais par un achat de services. Si c’est vraiment la compétence que l’on recherche chez les dirigeants, le vote majoritaire est une très mauvaise façon de l’obtenir. Mieux vaudrait sélectionner des dirigeants formés dès leur plus jeune âge; leur faire passer des diplômes; leur compétence étant alors aussi reconnue que celle des médecins, on pourrait leur faire confiance et il serait inutile de s’embêter à aller voter. La méritocratie est une procédure beaucoup plus rationnelle pour désigner des dirigeants que l’élection. Elle tire par ailleurs sa légitimité de la compétence des dirigeants qu’elle génère. Considérer que le talent pour diriger doit déterminer les dirigeants, c’est promouvoir une aristocratie (éventuellement méritocratique), pas la démocratie.
La démocratie, par contre, ne génère pas des dirigeants compétents : elle met au pouvoir des ambitieux, des gens disposant de grandes qualités pour se faire élire et réélire; certainement pas des gens compétents pour diriger. Cette semaine, un reportage consacré à la carrière de Jacques Chirac le montrait jusqu’à la caricature : la France aura été, pendant 12 ans (et peut-être 17…) dirigée par un agité animé uniquement par une grande qualité à prendre le pouvoir, et une absence complète de compétence pour l’exercer. Et ce n’est pas une spécificité; la critique de la démocratie repose sur le constat, amplement démontré par les théoriciens du public choice, que l’objectif des dirigeants n’est pas d’être bienveillants et de veiller à l’intérêt collectif, mais de se faire élire et réélire; dans ce but, il est nécessaire de constituer des coalitions de groupes de pression, d’intérêts particuliers qui cherchent à capter le pouvoir politique et ses prébendes dans leur intérêt exclusif. S’imaginer que les mécanismes du suffrage universel visent à désigner les meilleurs pour accomplir l’intérêt général est une impasse logique et une absurdité : la démocratie en est incapable, car ce n’est pas son but.
Quel est son but, alors? Karl Popper, dans la Société ouverte et ses ennemis, constatait que la “société ouverte” – la démocratie, au sens moderne du terme – ne tient pas sa supériorité de sa capacité à désigner les meilleurs pour diriger. Au contraire, sa qualité réside dans l’abandon de la question “qui doit diriger?”, question qui n’a aucune réponse satisfaisante; dans une démocratie, la vraie question est la suivante : “comment ceux qui dirigent voient-ils leurs pouvoirs limités et contrôlés?”. L’élection, dans cette perspective, ne vaut pas tant parce qu’elle choisit les bons pour diriger, mais parce qu’elle aboutit à une attrition régulière qui remplace les dirigeants par d’autres. L’organisation institutionnelle, la division des pouvoirs, n’a pas pour objectif l’efficacité de l’exercice du pouvoir, mais au contraire, sa limitation.
C’est ce qui fait de la dénonciation de la démocratie comme “tyrannie de la majorité” est infondée : la démocratie ne se limite pas à l’élection par une majorité de ceux qui vont ensuite exercer un pouvoir illimité jusqu’à la prochaine; l’élection dans une démocratie complète n’est qu’un mécanisme, parmi d’autres, qui a pour effet à la fois de limiter le pouvoir et de le rendre légitime par cette limitation même, et par une ritualisation qui crèe l’illusion d’une transcendance par une “volonté collective” entièrement fictionnelle.
Et l’élection, en elle-même, est un processus de désignation des dirigeants qui contient une bonne dose de hasard; hasard qui provient des divers paradoxes que le mécanisme du vote fait naître. Jean-Pierre Dupuy, dans avions-nous oublié le mal? présente l’exemple de trois des paradoxes qui naissent du vote.
Le premier, bien connu des économistes, est le théorème d’impossibilité d’Arrow, qui généralise le paradoxe de Condorcet. Il montre qu’il n’existe aucune procédure rationnelle permettant d’agréger les préférences individuelles. Même le vote à la majorité est susceptible d’aboutir à des impasses. Pour ceux qui pensent qu’il n’y a là qu’une fantaisie théorique, qu’il soit permis de rappeler que le 21 avril 2002 peut s’interpréter comme une superbe application du paradoxe de Condorcet : la procédure de vote a conduit les français à choisir Chirac plutôt que Lepen, et Lepen plutôt que Jospin; mais s’ils avaient eu le choix entre Jospin et Chirac, il est tout à fait plausible de considérer qu’ils auraient choisi Jospin plutôt que Chirac. Dans ces conditions, loin d’aboutir à un choix rationnel, la procédure de vote se contente de choisir le gagnant au hasard.
Le second paradoxe des élections a été mis en évidence par Herbert Simon, est est le paradoxe des sondages. Chacun sait que les sondages peuvent modifier les opinions des gens et rendre ainsi caduque leur propre prévision; par exemple, si un sondage annonce que mon candidat est sûr de gagner, je peux renoncer à me déplacer pour aller voter pour lui; si beaucoup de gens font de même, c’est l’adversaire qui va l’emporter. Avant Simon, on croyait que ce mécanisme faisait que toute prévision d’un comportement collectif était impossible car la simple énonciation de la prévision modifiait le résultat. Simon a montré que ce mécanisme, loin de conduire à une situation chaotique, converge en réalité vers une situation d’équilibre. Seul problème : son modèle présente des équilibres multiples, qui sont dépendants du chemin suivi. Ce qui signifie que ce sont des évènements aléatoires qui, déterminant le chemin suivi, vont décider de l’issue de l’élection (l’équilibre qui surviendra parmi les différents possibles). Là encore, l’actualité illustre ce mécanisme : On peut imaginer qu’une partie significative des militants du Parti Socialiste qui ont l’intention pour l’instant de donner l’investiture à Ségolène Royal le font parce qu’elle est en tête dans les sondages : on vote pour elle parce qu’on vote pour elle. Au bout du compte, on constate que le simple fait d’avoir été en tête dans les sondages un an et demi avant l’élection (ce qui ne préjuge pas de l’avenir : après tout, les candidats présidentiels en tête un an avant l’élection sont rarement élus en France) suffit, par le jeu des procédures de désignation, à sélectionner un gagnant. Là encore, la procédure n’apparaît pas comme rationnelle, mais comme une façon de trancher dans l’indécidable par le hasard.
Le troisième et dernier paradoxe est le paradoxe du vote : pourquoi un individu va-t-il voter alors que la probabilité que son vote modifie l’issue finale est infinitésimale? Le raisonnement des votants sur le sujet, étudié attentivement par A. Tversky, est rempli de pensée magique et absurde. Beaucoup pensent que s’ils prennent la décision d’aller voter, d’autres qui pensent comme eux prendront la même; de ce fait, les “électeurs du matin” pensent avoir plus d’influence sur le résultat du scrutin que les électeurs du soir! Mathématiquement, la situation dans laquelle un bulletin de vote a le plus de chances de créer une différence est celle dans laquelle l’opinion est exactement partagée entre deux possibilités. Mais alors, il y a un problème, vécu amèrement par Al Gore en 2000; c’est que la procédure de dépouillement des votes comporte nécessairement une (petite) marge d’erreur de comptage. Si le vote effectif des électeurs est dans cette marge d’erreur, alors, le résultat de l’élection n’est pas déterminé par les électeurs mais par le hasard. Ce qui aboutit au plus grand des paradoxes : la seule situation dans laquelle le vote d’un électeur a des chances de compter est la situation dans laquelle l’élection sera décidée par le hasard de la marge d’erreur.
Pire même : si l’on en croit une analyse présentée il y a quelques temps dans le Monde, le nombre des élections à 50-50 est voué à augmenter. Nous l’avons vu récemment aux USA, au Mexique, en Italie, en Allemagne. En d’autres termes, les procédures électorales ressemblent de plus en plus à une désignation au hasard des élus, la procédure de vote ne servant qu’à légitimer par ritualisation cette désignation. Au bout du compte, loin d’être une vieillerie exotique de la Grèce Antique ou une fantaisie populiste, le hasard est d’ores et déjà au coeur de nos mécanismes démocratiques. Loin d’en être la négation, il en constitue plutôt un fondement, qui permet d’éviter la dérive du système vers la tyrannie de la majorité.
Dans tout cela, ou se situe Friedrich Hayek? Dans Droit, législation et liberté, prenant acte de la dérive de la démocratie vers le pouvoir des coalitions de groupes de pression, de la dérive du droit ou l’on abandonne la définition de principes généraux pour y préférer la perspective chimérique de résoudre tous les problèmes sociaux à coups de permissions et d’interdictions, il recommandait l’établissement d’une constitution visant à rétablir à la fois le droit et la souveraineté populaire. Son principe institutionnel reposait sur deux chambres : une première chambre “exécutive”, chargée de l’exercice du pouvoir et fonctionnant en pratique comme les assemblées parlementaires actuelles; et une assemblée “législative” de citoyens pris dans les classes d’âge de 45 à 60 ans (il constatait non sans malice que cela conduirait à rajeunir les assemblées…), nommés pour 15 ans, pris au hasard dans la population (selon la même procédure que pour la désignation des jurys d’assises) et ayant le pouvoir d’imposer son veto à toute législation mise en place par le pouvoir exécutif. Cette assemblée ne peut elle-même pas faire de lois, mais seulement en défaire.
Et finalement, la logique des “jurys citoyens” n’est pas si éloignée de cette idée générale : c’est une façon de mettre en place une procédure de censure, de limitation du pouvoir des élus. Procédure “sovietique et populiste”? mais c’est oublier que le problème des soviets ou des CDR cubains ne vient pas de leur existence, mais du fait que leurs membres sont de fait désignés par le parti et qu’ils n’ont de ce fait jamais exercé le moindre contrôle sur les dirigeants; l’objection s’effondre si leurs membres sont désignés par tirage au sort. Mandat impératif? Mais ce n’est pas le cas si la procédure permettait aux “jurys” en question d’uniquement censurer des propositions. Les élus proposent, et doivent revoir leur copie si leur proposition est refusée : en quoi est-ce un “mandat impératif”? Méfiance envers les élus? Mais cette méfiance existe déjà, et serait limitée par le sentiment que les élus ne peuvent pas faire n’importe quoi. Remplacement de la démocratie par le hasard? Mais le hasard est déjà au coeur de nos procédures démocratiques, et pour d’excellentes raisons. Pouvoir accru des technocrates qui pourraient “manipuler” les membres naïfs des jurys? mais cela leur ferait un obstacle de plus à franchir, puisqu’aujourd’hui, ils peuvent se limiter à convaincre les députés (qui sont souvent eux-mêmes des technocrates).
Alors oui, il y a une bonne dose d’opportunisme, voire de démagogie, dans la proposition telle qu’elle est faite. Oui, c’est manoeuvrier; oui, en l’état, c’est plus de l’ordre du gadget électoral qu’autre chose. Il faut noter pourtant qu’en l’espèce, Ségolène Royal touche au coeur de la question de la démocratie, et que sa proposition, qui met le hasard au coeur du contrôle de l’exercice du pouvoir, se place dans une tradition philosophique éminemment respectable, visant à trouver l’équilibre entre hasard et choix dans la sélection des dirigeants. Et comme le disait Montesquieu, Le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie. Le suffrage par le choix est de celle de l’aristocratie. Le sort est une façon d’élire qui n’afflige personne; il laisse à chaque citoyen une espérance raisonnable de servir sa patrie.
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"On leur demande de suivre de longues études, d’obtenir des diplômes; le choix des utilisateurs ne s’exprime pas par un vote, mais par un achat de services. Si c’est vraiment la compétence que l’on recherche chez les dirigeants, le vote majoritaire est une très mauvaise façon de l’obtenir."
L’étonnante inspiration Anarcho-capitaliste d’Alexandre Delaigue. 😉
"tyrannie de la majorité"
De fait les théoricien du public choice ont trés bien démontré l’inverse
"une assemblée "législative" de citoyens pris dans les classes d’âge de 45 à 60 ans … nommés pour 15 ans, pris au hasard"
De mémoire cette idée d’Hayeck est aussi dans "la constitution de la liberté".
Trés bon article
Article problématique pour moi qui croit encore au choix démocratique et qui ne peut me résoudre à penser comme "pensée magique et absurde" le déplacement du votant. Absurde, mais probablement à la source du lien social et à la définition d’une nation. Mais je suis conscient que ce concept là a mener à la guerre et à de nombreux excés. Je n’aurai pas la prétention de contredire vos arguments ils sont brillants et bizarrement arrive à une conclusion pas trés loin de la mienne. Donc vous dites que c’est pas si mal de mettre du hasard dans la démocratie et cela permet de rediscuter la démocratie, ok.
pour en arriver là vous considérez :
1°d’aprés condorcet la démocratie tel que pratiquée peut arriver à des paradoxes qui ne permettent pas de choisir un représentant. Dans un système fini ou finalement il n’y a aucun électeur indécis et où du coup l’enjeu n’éxiste pas, est, oui, "utopique’ dans le plus mauvais sens du terme. Il n’est simplement pas réaliste ou réalisable. Vous citez les exemples des états unis ou du mexique via votre lien sur le monde, des exemples qui pour démontrer la tendance au hasard de l’élection démontrent plutôt que la main-mise sur les médias peuvent entrainer un mauvais fonctionnement de celle-ci. ok vous allez me dire que j’utilise un argument d’ultra: "C’est parce que la démocratie ne fonctionne pas bien, qu’elle ne fonctionne pas bien…". quant au 21 avril que vous citez il semble plus sujet à "simon"..
2°Donc les sondages influe , j’en convient. Las d’être influencé certaines personnes vote en opposition des sondages, certe. Mais probablement que pendant tout ce temps les politiques sont absent puisque, eux qui ont un peu accés au médias, n’arrive pas à changer le cours des événements ( qui s’est tout de même décidé dans la dernière semaine je le rappelle). Et je me permettrai d’en citer un(e) : "même avec un bon bilan les français peuvent ne pas voter en faveur d’un candidat". De là à dire que les français sont des cons… En tout cas ce que je sais du terrain que cette fois-ci beaucoup d’électeurs dise qu’il voteront "utile" dés le premier tour.
3°C’est presque douloureux d’être obligé de le redire. Il n’y aura pas beaucoup de politiques pour venir le dire su ce blog : et pour dire que ce n’est pas absurde d’aller voter, que c’est simplement la réaffirmation que nous sommes plus que des animaux , plus que des meutes que nous pouvront être un peuple avec une tradition une histoire et que le vote est une des traditions dont nous pouvons être fier ( malgré l’accession tardive des femmes ). J’en suis fier parce que par rapport à d’autres pays étrangers nous avons la chance d’avoir un jour ou la France entière célèbre un acte rare. voilà tant pis si ces propos paraissent ridicules. j’assume et mieux; comme dirais certains : je persiste et je signe ..
Finalement "la démocratie étant le plus mauvais des systèmes à l’exception de tous les autres" je pense qu’il peut intégrer cette "tradition philosophique éminemment respectable" qu’est le tirage au sort, mais certainement pas le remplacer, car le choix du meilleur reste tout de même la seule garantie pour éviter l’anarchie. A moins que… tout de même connaissez vous un seul pays de plus de 50 millions d’habitants qui puissent éxister sans cette "tyrannie de la majorité" et rester en paix sur son territoire pendant plus de cinquantes ans ?
Je ne savais pas que cette idée était de Hayek, mais cela fait quelques temps que je la trouve interessante pour le Sénat. Je la voyais cependant avec quelques différences
L’idée est de désigner le Sénat par tirage au sort, chaque sénateur étant désigné pour 6 ans. On garderait la désignation par tiers pour assurer une base de compétences permanente
La durée de 6 ans me parait suffisante pour apporter la compétence minimale et suffisamment courte pour ne pas créer un corps finalement coupé de la réalité. Il faudra évidemment aider les personnes à se recaser ensuite.
Pour lâge, je ne donnerais pas de limites, ou alors beaucoup plus larges, par exemple 25 / 75 ans .
Le système par tirage au sort permettrait une bien meilleure représntation de toutes las catégories actuellement absentes du Parlement: jeunes, femmes, ouvriers, handicapés, moches etc
même si le jury populaire tiré au sort n’a qu’un rôle de censure, les mécontents prétendront toujours qu’il n’est pas représentatif de la population, et il sera impossible de prouver le contraire.
Il y aura toujours autant de minoritaires excédés par les décisions de la majorité.
Pour éviter les conflits on continuera donc à ne rien faire, ou à s’agiter pour faire semblant d’avancer.
On notera avec intérêt qu’il reste possible de mettre en oeuvre l’essentiel de l’idée sans même devoir attendre une initiative institutionnelle.
Rien n’interdirait par exemple à une association de créer une assemblée de citoyens tirés au hasard se donnant pour mission de commenter la vie politique locale ou nationale, modalités de détail restant à définir.
J’ai même toujours été surpris que les partis politiques eux-mêmes ne se dotent pas, en interne, de tels outils, avec toutes les réserves bien connues énumérées par Franck Herbert au sujet de la "sondem" (démocratie par sondages) qui n’a rien à voir avec le contrôle du fonctionnement d’institutions démocratiques
Mehdi : Vous semblez considérer que le fait d’avoir des motivations "absurdes et irrationnelles" pour aller voter tend à considérer les gens comme des animaux; mais c’est une spécificité humaine que de réfléchir aux conséquences de ses actes de façon rationnelle, et à ne pas se contenter de réflexes et de coutumes. Or si vous réfléchissez aux raisons d’aller voter, vous constaterez que les raisons en sont beaucoup plus rituelles que rationnelles. On peut dire d’ailleurs la même chose du fait de passer devant le maire pour se marier; ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas le faire, mais cela rappelle que le vote, contrairement à ce que l’on croit, n’est pas une procédure rationnelle, mais un rituel; que "l’opinion" dont les commentateurs se font les choux gras n’est qu’une fiction. Il est quand même extraordinaire de voir les journalistes après un vote à 49-51 dire "les français ont voulu dire qu’ils étaient d’accord, mais adresser en même temps un avertissement au gouvernement…"
Qui a dit cela? Il y a des gens qui ont voté contre, des gens qui ont voté pour. PERSONNE n’a tenu un tel raisonnement dans son vote. On est ici en pleine fiction.
Ensuite, le hasard ne résulte pas de la "mainmise des médias" et ne constitue pas une négation de la démocratie, il en est au contraire, comme le rappelle Montesquieu, le fondement : l’organisation institutionnelle, c’est trouver un équilibre entre aristocratie (c’est à dire élection) et démocratie (c’est à dire hasard). Quant aux pays dans lesquels les institutions permettent à la majorité de devenir tyrannique, ils ont tous, toujours, explosé dans la guerre civile.
Verel : en effet, c’est une version attrayante de l’idée.
Passant : peut-être que les partis cherchent à prendre et exercer le pouvoir, et n’apprécieraient guère d’être contrôlés par des citoyens pris au hasard.
@Yvon,
Certes, ils ne sont pas représentatifs (encore que, comme le dit Verel, il ya des chances pour qu’ils "ressemblent" un peu plus à la société).
Cependant, ce critère discalifie-t-il pour autant tous les jugements rendus "au nom du peuple français" par 12 types tirés au sort.
-alexandre: Je suis bien d’accord avec vous. J’observerais même que, vu sous l’angle de l’organisation industrielle, l’exercice, l’activité et l’organisation des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires a très peu évolué dans ses formes en un siècle malgré des progrès techniques phénoménaux, alors que rien ne distingue aux yeux de la théorie ces activités de tant d’autres.
Par exemple, une assemblée plénière de représentants élus pour cinq ans à Paris se justifiait-elle même à l’époque du plan Giscard pour la téléphonie ? pratique de la visioconférence est-elle incompatible avec la députation ?
Je crois d’une manière plus générale que les institutions pensées en son temps par Bonaparte étaient modernes au sens où, par leur dépendances aux communications par messagers et donc, aux routes et aux pièces, elles s’intégraient dans les possibilités de la société de l’époque mieux que ne le faisaient les systèmes féodaux antérieurs. Constat qui rend d’autant plus criant la très faible prise en compte de l’évolution de la société civile par ceux qui se donnent mission de la régir, c’est à dire, la difficulté de la part de ceux qui aspirent à gouverner d’appliquer à eux-mêmes les modes de pensée qu’ils se donnent pour mission d’imposer au reste de la société.
« On peut dire d’ailleurs la même chose du fait de passer devant le maire pour se marier; ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas le faire, mais cela rappelle que le vote, contrairement à ce que l’on croit, n’est pas une procédure rationnelle, mais un rituel »
N’est-ce pas à dire que seule importe la manifestation du rituel et pas sa finalité ?
Que le rituel du vote n’est que la manifestation d’une procédure démocratique qui n’aurait d’autre fin qu’elle même, d’un répertoire d’action que nous aurions sagement assimilé au fil des années et pas d’ un acte en conscience, fruit d’une réflexion plus ou moins poussée en accord avec notre propre vision du monde, elle-même résultat de toute une série de facteurs structurants ?
Plus prosaïquement : voter pour DSK ce n’est pas la même chose que voter pour Le Pen.
« voter pour DSK ce n’est pas la même chose que voter pour Le Pen », certes, mais si on reprend la remarque d’Alexandre Delaigue (« la procédure de vote a conduit les français à choisir Chirac plutôt que Lepen, et Lepen plutôt que Jospin ») on peut dire qu’en 2002 ceux qui ont voté Mamère, Besancenot, Taubira, ont voté Lepen au premier tour.
Et Chirac au second ; ce qui était une manière de passer de la théorie du hasard à la théorie du chaos.
L’article m’a passionné, mais il fait l’impasse sur l’argument cité par babybarn. Après tout, même si mon vote n’a aucune influence sur le résultat final, c’est un vote, un choix, un vrai. Mes motivations peuvent être magiques, mon choix n’en demeure pas moins.
Ou dit autrement : 20 % pour le Pen et 80% pour Chirac, ce n’est pas la même chose que 80% pour Le Pen et 20 % pour Chirac.
Le résultat d’un vote a une signification, et il ne me semble pas totalement absurde de considérer le corps politique comme une entité, une unité, certes irrationnelle, mais qui a ses humeurs, ses désirs contrariés et même (parfois) ses comportements rationnels.
Si le groupe des hommes politiques entre lesquels les électeurs doivent choisir est dû au hasard, et si même celui qui est élu le doit au hasard, ne peut pas imaginer que l’élection dans son ensemble soitun processus rationnel. Pour prendre un exemple en physique : le mouvement de chaque atome d’un gaz est très erratique, mais il n’empêche que lorsque vous ouvrez votre fenêtre en hiver, les gaz chauds sortent et les gaz froids entrent.
Merci pour ce billet. J’ajoute un argument en faveur de cette idée de jurys tirés au sort pour "évaluer les politiques publiques". Il me semble bon, de façon générale, que les évaluateurs d’une décision ne soient pas, ou du moins pas uniquement, ceux qui l’ont prise et/ou mise en oeuvre. Ceci, non seulement parce que ceux qui ont pris une décision qui s’avère discutable pourront vouloir, délibérément, embellir le bilan, mais parce que, même en l’absence d’un tel biais délibéré, il est difficile d’évaluer froidement sa propre oeuvre : on y a engagé sa personne, ses conceptions, sa compétence. Ceci ne disqualifie pas une évaluation par le décideur lui-même, mais disqualifie le fait qu’elle soit la seule évaluation.
Certes, des évaluations par l’appareil administratif existent, c’est heureux. Mais elles peuvent rester peu médiatisées et donc peu influentes; par ailleurs elles sont parfois le fait de l’appareil même qui a eu, non à prendre la décision, mais à la mettre en oeuvre, et donc à s’y engager aussi. Ceci, semblablement, qualifie cette évaluation (ces personnes ont mis en oeuvre la décision, sont compétents pour juger) et la disqualifie (ils en sont partie prenante).
Une instance d’évaluation formée de citoyens tirés au sort ne serait pas qualifiée par sa compétence ou sa pratique des choses, mais cette fois par son indépendance objective vis-à-vis de la décision : elle n’a eu part, ni à sa prise, si à sa mise en oeuvre. Par ailleurs, je parierais bien que les médias s’y intéresseraient, ce qui contribue, dans nos démocraties contemporaines, à l’effectivité d’un contre-pouvoir.
Le choix technique (jurys tirés au sort) pour constituer de telles instances d’évaluation peut se discuter; de telles instances me semblent une bonne idée et le choix du hasard être, au moins, un des moyens adaptés pour évaluer les décisions indépendamment des décideurs.
babybarn : "voter pour DSK ce n’est pas la même chose que voter pour Le Pen." Tout dépend de ce que vous appelez "la même chose". Du point de vue du résultat, que vous, individuellement, votiez pour l’un ou pour l’autre ne change pas le résultat. Imaginez que suite à une confusion, vous mettiez un autre bulletin dans l’urne; le résultat final de l’élection n’en est pas modifié. Et même si par hasard ce devait être le cas – un candidat a une voix d’avance et une seule sur l’autre – l’élection serait probablement annulée car un tel résultat serait sous la marge d’erreur, rendant toute requête en annulation recevable. Donc si votre vote compte, ce n’est pas par rapport au résultat final. L’importance pour vous du vote tient à d’autres raisons, en partie la pression des pairs : vos amis vous regarderaient différemment si vous leur disiez que vous avez décidé de voter Lepen plutôt que strauss-kahn. Donc ce n’est pas tant l’issue que le processus qui compte. J’ajouterai qu’effectivement, le processus peut amener des extrêmes dangereux au pouvoir, ce que l’histoire a amplement démontré, et qui reste possible à l’avenir.
Paul : la différence avec la physique, c’est que personne ne prétend que les mouvements des gaz expriment l’agrégation de la volonté des molécules (les molécules chaudes qui ont trop chaud, les autres qui ont trop froid par exemple); par ailleurs ce comportement global respecte un certain nombre de règles de cohérence; enfin pour poursuivre la métaphore, le mouvement brownien montre que des mouvements aléatoires peuvent s’agréger en un ensemble lui-même aléatoire; mais personne ne prête une "intentionnalité spécifique" à ce résultat. Le "corps politique" ou "l’opinion" n’est rien d’autre que cela; mais ce n’est pas parce que c’est une fiction que ce n’est pas une fiction puissante.
Pour élargir encore plus le débat, je me permets de placer un lien sur le point de vue des neurosciences et de la psychogie sur cette même proposition :
http://www.cognition.ens.fr/~alp...
(en Anglais.)
Article particulièrement interessant, rehaussé par la qualité de certains commentaires.
chez ENERGIES 2007, nous sortons d’un séminaire de responsables, venus de toute la France, pour trouver le meilleur angle de message et éveiller le plus grand nombre aux enjeux 2007.
Nous pensons, que l’information la plus claire,aussi anti-électorale soit -elle, est désormais indispensable.
Nous migrons vers le "BEHAVIOUR" le comportemental,voilà ce qui nous parait bien et bon pour la France, de vos enfants et petits enfants, par votre vote vous pouvez l’accepter ou le refuser,…..nous aurons eu le mérite de le proposer.
c’est la seule voie, et seuls ceux qui ne font pas commerce de la politique, peuvent s’offrir le luxe d’un vrai contrat avec les français, avec obligations de moyens et de résultats.
Pour le reste et avant d’exhumer le bi-caméralisme d’HAYEK, finissons la V REPUBLIQUE, telle qu’elle a été pensée, c’est à dire en achevant la régionalisation.La Commune (regroupée), la région, L’Etat et l’EUROPE, un schéma lisible.
Un dernier mot, nous sommes nombreux a bien connaître les mécanismes, les leviers, les limites, toutes les analyses sont faites, il faut sortir du PLATONICIEN , pour passer aux travaux pratiques, nous cherchons des "vulgarisateurs".
par rapport aux régimes autoritaires, les belles démocraties ont un handicap, courir aprés la chimére de contenter tout le monde et son pére (autre version de la théorie d’ARROW sur l’agrégat des préférences individuelles), ce qui nuit a la réactivité dans un monde en mouvement.
Gardons notre démocratie mais parlons franchement, cela implique un autre type d’élus, avec 1 seul mandat et qui passent, pour une mission, qui pourra être évaluée et contrôlée.
Article passionnant.
La question est bien devenue "comment ceux qui dirigent voient-ils leurs pouvoirs limités et contrôlés?", mais dirigent-ils encore? Le but de Hayek (et de tous les vrais libéraux) c’est qu’à la fin personne en particulier ne dirige, que le processus impersonnel du marché prenne les commandes. L’auto-gestion, la fin du politique, la fin de l’état. A la limite, et si on suit la tendance, non seulement on pourrait se passer d’élections, mais aussi des élus.
Et ça donne quoi une fois le but atteint? Un marché véritablement démocratique ou une ploutocratie totalitaire? Qui limitera le pouvoir des happy few que le marché désignera (au hasard)?
Croire qu’il y a dans le mécanisme électoral une rationalité du choix est évidemment une faribole. Rien de justifie le vote ni ne le légitime autrement que de penser que l’on ne fait pas le bonheur du peuple contre sa volonté et que le meilleur moyen de connaître sa volonté est encore de le laisser s’exprimer. Certes, on peut alors penser que seule la démocratie directe est un moyen sérieux d’exercice du pouvoir mais lorsque l’on sait que là où elle se pratique, le droit de vote n’est pas forcément reconnu au femmes, on peut aussi s’interroger. Reste à donner malgré tout quelques précisions complémentaires.
Sur le vote tout d’abord. Vote ou tirage au sort : croire qu’ils ont la même valeur et qu’ils sont tous les deux aussi hasardeux est malgré tout dénier tout intelligence au corps social prit en tant que « groupe ». C’est ici la théorie des grands nombres qu’il faut invoquer pour diminuer le risque d’erreur ; le diminuer mais non pas le réduire à zéro. Mais se faire opérer par un chirurgien hyper diplômé ne réduit pas non plus le risque à néant. Il y a dans toute action de l’homme un part d’erreur qui fait justement que l’action est humaine. On indiquera pas ailleurs que le vote, malgré tous les défauts qu’ils présente est encore le meilleur système ou du moins qu’il n’est pas pire que les autres ne sont. Pour reprendre un aphorisme célèbre : « la démocratie est le pire de tous les régimes à l’exception de tous les autres ». Enfin, el vote est un moyen d’existence pour ceux qui l’exercent. Le tirage au sort ferais perdre se sentiment de participation si important. Pour reprendre l’exemple du 21 avril, combien sont ceux qui, au soir des résultats ont dû se sentir « coupable » et penser que leur voix (toute petite voix) peut avoir contribuer au résultat de ce jour. Le mécanisme du vote serait-il à bannir rien que parce qu’il ne désigne pas les meilleurs ? Non car il n’existe aucun mécanisme qui permettent de désigner les meilleurs qui soit plus démocratique que celui là. Du reste, se plaint-on aux Etats-Unis du fait qu’un grande partie des principaux personnels de la justice soit élu ? Les magistrats américains se trompent-ils plus que les nôtres. Non ni plus ni moins. Enfin on peut encore dire que l’expérience prouve (s’il en était besoin) que le fait de mettre un spécialiste à la tête d’un ministère n’est pas nécessairement en gage de réussite et de qualité. Rien n’est parfois pire qu’un médecin à la santé (le ministère pas la prison) ou qu’un enseignant à l’éducation.
Sur le tirage au sort ensuite. La question des jury populaires est certainement intéressante et préférer le tirage au sort à l’élection une position que l’on peut parfaitement défendre même si, on l’aura comprit, nous ne la partageons pas. Ce qui est plus contestable c’est l’utilisation du « jury populaire » ou puisque ce vocabulaire est maintenant dénoncé par l’auteur de la proposition d’un « observatoire des politique publique » pour « juger » ou « observer » (mais on pense bien qu’il ne s’agit pas d’une observation passive) des élus. En quoi l’illégitimité de l’élu serait-elle renforcée par l’aval d’un panel de gens tirés au sort. Si l’élection n’est pas un bon mécanisme et que le tirage est meilleur, pourquoi garder la première et ne pas généralisé le second. Enfin on terminera en rappelant que, s’agissant des jury d’assise, exemple classique du fonctionnement du tirage au sort dans notre pays, il y a bien tirage au sort sur les listes électorales mais tous ceux qui de prêt ou de loin on une bonne connaissance du monde du droit sont écartés automatiquement tant on se méfie des spécialistes. Ecartera-t-on des listes électorales tous les militants politiques voire associatifs ?
Il manque juste un petit truc, mais un truc qui me chagrine, dans votre article c’est la question de la sanction, donc de la responsabilié, des personnes tirées au sort. Dans notre démocratie, la sanction est la non réélection, mais qu’en est-il d’un représentant tiré au sort?
Vulgos : vous vous méprenez sur Hayek (ce qui est excusable, c’est une méprise très fréquente). Extrait de "droit, législation et liberté" : "certains théoriciens ont jadis en effet prôné cet "etat minimal" (…) Loin de plaider pour un tel état minimal, il nous apparaît hors de doute que dans une société évoluée le gouvernement doive se servir de son pouvoir fiscal pour assurer un certain nombre de services qui, pour diverses raisons, ne peuvent être fournis par le marché" (s’ensuit une discussion sur les biens collectifs et les externalités ou Hayek montre le rôle potentiel de l’Etat dans ces domaines) "l’assurance d’un certain minimum de ressources pour chaque individu, ou une sorte de niveau de base au dessous duquel personne ne risque de tomber même s’il est incapable de pourvoir à sa subsistance, voilà qui peut être considéré non seulement comme une protection tout à fait légitime contre un risque commun à tous, mais encore comme un élément essentiel de la société élargie" Hayek évoque ensuite les "solides arguments" pour une instruction générale financée par le gouvernement. Hayek n’est clairement pas un social-démocrate, mais ce n’est pas non plus un partisan de l’extinction de l’Etat par la paralysie comme peut l’être un Friedman.
Balatian : il y a plein d’institutions non sanctionnées (à commencer par les jurys d’assises, qui ne sont pas punis pour envoyer des innocents au gnouf) et la sanction par la non-réélection est très relative. Ajoutons que le rôle du hasard procédural dans l’élection rend cette sanction encore moins forte. Par ailleurs la crainte de n’être pas réélu conduit aussi à des mauvais choix politiques alors que le fait de savoir qu’on n’est là que pour un temps, sans possibilité de réélection ni de sanction, apporte une indépendance de jugement qui peut être bienvenue. C’est pour cela que l’équilibre à trouver est entre une assemblée d’élus "standard" et le rôle du hasard.
econoclaste-alexandre : c’est vrai, Hayek a bien dit cela. Mais remettez cela dans le contexte, ce sont des concessions faites à une époque profondément social-démocrate (voire communiste), des pis-allers pragmatiques, non des mesures positives de sa théorie. Idéalement, sa conception de la société se passe d’Etat, elle est déterminée par la loi qu’elle construit elle-même par essais et erreurs et cette loi coutumière est appliquée par des tribunaux coutumiers. Il voit donc la société comme un marché auto-géré, sans nécessité aucune d’une volonté extérieure donc d’Etat.
D’ailleurs, on pourrait tout autant objecter que Smith était favorable à un état minimal et même plus. Cela n’enlève rien au fait que pour lui idéalement, à terme, le marché créera sous l’effet de la Providence (la main invisible) les conditions d’une disparition de l’Etat (abondance, pacifisme généralisé, etc). Le libéralisme est ainsi en quelque sorte une philosophie de l’histoire dont l’un des derniers avatars est Fukuyama.
C’est évidemment une thèse qui ne m’est pas propre que j’expose ici, et je lui trouve pour ma part une grande force explicative.
Oui, oui, oui, oui. Mais vous voyez bien que ce n’est pas là où je veux en venir…
Vous voyez bien que j’investis l’expression « la même chose » d’un sens « qualitatif » et pas « quantitatif ».
Mon choix individuel – qui effectivement est aussi le résultat de facteurs sociologiques : « Les gens qui travaillent ou vivent ensemble ou se distraient ensemble sont enclins à voter pour les mêmes candidats » disait Lazarsfeld- obéit à sa rationalité propre. L’issue m’importe grandement car je serai très content de la fusion du Trésor et des Impôts en cas de victoire de DSK et vraiment pas content du tout quand Le Pen aura abrogé la loi sur l’avortement.
babybarn : votre satisfaction ou dissatisfaction par rapport à l’issue ne change rien au fait que vous n’avez absolument aucune influence sur celle-ci.
Bonjour,
il faut faire la part des choses :
– je pense qu’il est correct de dire que SR ne sait pas très bien de
quoi elle parle. Effectivement, il y a une certaine variété entre les
diverses expériences de démocratie participative, et le concept semble
peu défini quand elle en parle. Néanmoins, le fait qu’elle en parle
parce que c’est à la mode ne signifie aucunement que c’est sans intérêt.
– la référence aux soviets me paraît de mauvaise foi.
– j’ai produit une recherche sur le budget participatif de Porto Alegre
il y a quelques années, un travail d’étudiant bien trop bâclé à mon goût
mais qui avait ses mérites. Je suis très peu convaincu par la formule si
on veut l’appliquer dans un pays riche et sans déséquilibre social manifeste. A la rigueur ç’aurait un sens pour les zones les plus défavorisées du territoire. Mais pour l’essentiel, c’est un système coûteux et largement basé sur la motivation individuelle, donc pas
robuste face aux incitations économiques. Ca ne marche que s’il y a des gens très pauvres qui ont clairement quelque chose à y gagner. Dans la
plupart des cas ça me paraît inadapté.
– à mon avis l’erreur c’est d’avoir parlé de démocratie "participative", qui fait penser à certaines choses. Le concept le plus approprié, ce
serait plutôt la démocratie délibérative (cf. Habermas, Niño, etc.). Il s’agit de mettre en oeuvre une régulation étatique non-biaisée, ce qui
suppose des contre-pouvoirs.
– les contre-pouvoirs, c’est ce qui manque en France, où depuis toujours on constate le manque de liens entre la base et les élites. Chacun vit
de façon autonome, de plus en plus comme dans un pays du tiers-monde. Il faut que ça
circule, que ça communique davantage. Il faut déréglementer, re-contrôler, re-démocratiser la France.
– un grand bravo pour leur courage à tous les élus qui ont manifesté leur désapprobation vis-à-vis de l’idée d’un contrôle populaire. Il va
sans dire que tous sont des Churchill en puissance, capables de résister à la faiblesse humaine en toute circonstance et motivés par le seul intérêt général. La bonne blague… C’est amusant de voir ces gens se draper dans la toge du leader capable de garder le cap moral et
intellectuel, quand le public, lui, se trompe plus souvent qu’à son tour. Curieusement, je fais plus confiance aux Français qu’à un Chirac
pour prendre des décisions qui ne mettront pas trop la France à genoux.
En conclusion, vive la démocratie… délibérative.
Ciao,
LPhC.