Dans le premier chapitre de capitalisme, socialisme et démocratie, J. Schumpeter constatait qu’une bonne partie du succès du marxisme provenait de sa dimension religieuse. Il admirait l’adresse avec laquelle Marx, en mélant le positivisme de son temps avec des frustrations profondes, avait su captiver son époque. Un simple sermon aurait rapidement ennuyé; un discours technique n’aurait intéressé que des experts. En mêlant les deux, Marx avait su constituer une religion de substitution face au déclin des croyances traditionnelles. S’il observait notre époque marquée par le déclin des religions traditionnelles et du marxisme, Schumpeter aurait pu constater à quel point, suivant le modèle marxiste, l’écologie prenait le relais en apportant à la fois une conception de la nature se substituant à celle des religions, et un système politique de critique radicale du capitalisme prenant le relais du socialisme.
Comme le rappelle John Kay, les anthropologues ont constaté que toutes les sociétés humaines font référence à des mythes communs; parmi ceux-ci, le mythe du paradis perdu et celui de l’apocalypse. L’écologie présente un mythe du paradis perdu : celui des “peuples premiers” vivant en harmonie et en équilibre dans un environnement préservé, équilibre rompu par l’homme moderne. Elle a aussi son mythe de l’apocalypse, qui explique que la corruption morale de l’Homme le conduit à la catastrophe, mais qu’il est temps, par la conversion et la vertu, de se racheter et d’être sauvé au dernier moment. Les juifs attendent avec crainte la venue du Messie; les marxistes ont attendu des années la fin du capitalisme. Ces mythes n’ont qu’un rapport lointain avec la réalité, mais leur valeur ne tient pas à leur réalisme, seulement à leur capacité, pour reprendre les termes de Schumpeter, à combiner toutes ces aspirations extra-rationnelles que la religion en déclin laisse désormais traîner ça et là (…) avec les tendances contemporaines au rationalisme et matérialisme.
Constater la dimension religieuse de l’écologie ne signifie pas qu’il faut laisser de côté comme superstitions irrationnelles toutes ses préconisations. Après tout, ce n’est pas parce que les religions prônent souvent de ne pas voler ni tuer, et l’amour de son prochain, que ces valeurs sont dénuées d’intérêt. Le succès des religions et leur survie tient pour une large part à leur capacité à fournir des codes de moralité et de conduite qui bénéficient à ceux qui les adoptent. De la même façon, il est souvent de notre intérêt bien compris d’économiser l’énergie et les ressources, et de chercher à limiter les risques environnementaux.
Mais ce qui est caractéristique des religions, c’est de considérer ces codes non comme des moyens, mais comme des fins; et à ce titre d’associer à des comportements bénéfiques des dogmes et des pratiques parfaitement irrationnelles, qui permettront de vérifier que c’est par adhésion à la foi que les personnes se conduisent bien, et pas simplement par calcul rationnel. A côté de commandements de bon sens pour la vie en société, le décalogue ne manque pas de rappeler que l’Eternel est un dieu jaloux; et toute religion présente un certain nombre de devoirs d’une rationalité plutôt limitée (rituels étranges, tabous alimentaires…) mais qui servent à distinguer ceux qui ne sont pas de vrais croyants. Il est frappant à ce titre de constater que l’écologie est surtout intéressée par l’origine humaine du réchauffement climatique et la présentation apocalyptique de ses conséquences. Or le fait est que même en considérant que le réchauffement présente des coûts élevés et des conséquences graves, ses conséquences (telles qu’envisagées par le consensus scientifique du moment) ne signifient pas l’apocalypse; surtout, le bon sens face au réchauffement viserait à chercher les moyens les plus divers d’en amortir les effets négatifs. Etrangement, ces moyens intéressent très peu les écologistes, comme le fait qu’un mélange de progrès technique, de taxes modérées, et d’investissements, permettrait de largement régler le problème sans avoir à changer les modes de vie. Ces moyens n’intéressent pas les écologistes précisément parce qu’ils n’exigent pas de changement de mode de vie : on leur préférera systématiquement le rationnement et les rituels purement symboliques.
Les gens qui s’étonnent de la fascination pour le solaire ou l’éolien subventionné, qui se demandent s’il est très opportun de vouloir arrêter l’usage de l’énergie nucléaire dans une période ou l’utilisation d’énergies fossiles apparaît comme de plus en plus coûteuse; ceux qui se consternent de rituels grotesques allant à l’encontre du but recherché; ceux qui s’effarent de ces manifestants qui proclament ne pas vouloir d’ADN dans leurs tomates (sic); ceux qui déplorent l’irrationalité de politiques publiques dominées par la foule et non la connaissance, et persifflent vis à vis de discours militants particulièrement gratinés, voire dénoncent l’imposture écologique; ceux qui démontent le discours irrationnel des nouveaux apôtres; tous passent à côté du problème. S’interroger sur l’opportunité et l’intérêt des éoliennes subventionnées qui poussent dans les campagnes françaises comme des champignons, c’est oublier que ces mastodontes sont au monde contemporain ce que les clochers des églises étaient aux paysages d’autrefois. Un clocher d’église était une façon assez coûteuse et malcommode de donner l’heure aux habitants d’un village; mais tel n’était pas son but premier. A notre époque rationnelle et matérialiste, la construction d’un temple à la religion des temps modernes se doit d’être effectuée sous l’apparence de rigoureux calcul d’intérêt.
Tout aussi religieuse est l’attitude vis à vis du discours scientifique qui sous-tend la pensée écologique. En science, “vérité” signifie qu’un consensus raisonnable s’est établi autour d’une théorie pour la considérer comme acceptable, jusqu’à ce que quelqu’un montre de façon convaincante qu’elle peut être améliorée ou doit être abandonnée. En bref, la connaissance scientifique est relative à un temps, à un état des connaissances et de la communauté scientifique : elle ne saurait constituer un dogme immuable. Etrangement, à une époque ou l’on ne croit plus à la façon de compter le nombre de chômeurs, la croissance ou la hausse des prix, chacun est disposé à considérer comme vérité d’évangile des prévisions météorologiques modélisées à plus de 100 ans (prévisions qui dépendent pour une large part de prévisions… de croissance économique). Vérité d’évangile est d’ailleurs le mot : lorsqu’on décide d’éteindre sa lumière au moment précis ou l’oracle des scientifiques parle, dans le but avoué de “donner une pause à la planète” (on appréciera la personnification) on est face à la foi, pas à la raison. De la même façon, pour là encore citer Schumpeter, l’opposant ne commet pas seulement une erreur, mais aussi un péché. Toute dissidence est condamnée, non seulement d’un point de vue intellectuel, mais encore du point de vue moral. Aucune excuse ne saurait être invoquée en sa faveur dès lors que le Message a été révélé.
Dans ce paysage, Nicolas Hulot apparaît comme l’un des prédicateurs les plus accomplis de la religion des temps modernes. Peu ont comme lui exalté le mythe de la terre comme paradis perdu, dans lequel des hommes vivaient en harmonie avant que leur méchanceté ne les en chasse; et présenté l’avenir comme une catastrophe inéluctable pour peu que l’homme ne s’amende et se convertisse à l’austérité. Après avoir fait chanter les candidats en menaçant de se présenter et de leur prendre des voix s’ils ne signaient pas son pacte écologique, il décide d’octroyer son onction aux fidèles, dans une cérémonie passablement ridicule et complaisamment médiatisée. A la manière des théocraties, dans lesquelles un conseil de clercs vérifie la compatibilité des lois avec le dogme avant que celle-ci ne soit votée, il préconise la mise en place d’un vice-premier ministre chargé de vérifier la compatibilité environnementale de chaque loi. Sa proposition d’une taxe sur le carbone n’est pas mauvaise (quoiqu’elle soit présentée comme moyen de résoudre la question de la raréfaction des énergies fossiles, ce qui est une aberration si l’on veut prendre en compte la question du réchauffement); mais elle est noyée dans un magma de recommandations hétéroclites, ayant toutes en commun de vouloir avant tout modifier les comportements individuels et brimer les libertés (au nom de la sauvegarde de la planète, évidemment), avant de s’interroger sur la réelle opportunité de ces mesures. L’exemple typique étant la volonté d’encourager une localisation de l’agriculture à proximité des villes, négligeant le fait que les coûts environnementaux pour compenser des écarts de productivités entre terres sont supérieurs au coût de transport des produits; ou la promotion de mesures visant à dissuader les pays pauvres de se développer. Que Nicolas Hulot aime le pastoralisme, c’est son droit : vouloir l’imposer aux autres sous prétexte de réchauffement climatique est une escroquerie intellectuelle. Ayant bien compris que celui qui sera élu sera celui (ou celle) qui aura suscité le moins de détestation au cours de la campagne, les candidats ne pouvaient que s’y rendre pour recevoir la bonne parole.
Leurs actions, pour autant, n’auront qu’un rapport lointain avec ce discours. Car c’est, assez ironiquement d’ailleurs, une constante de l’écologie que de ne progresser concrètement que sous l’effet de l’appui de lobbys industriels. L’accord mondial sur la limitation des CFC, pour la couche d’ozone, a été largement facilité par l’existence d’entreprises capables de fournir des substituts et auxquelles cet accord allait largement bénéficier. Les banques d’affaires et les sociétés de courtage ont poussé à la mise en place en Europe de marchés de droits à polluer qui leur garantiraient des commissions confortables; aujourd’hui, les “biocarburants”, malgré un bilan écologique très incertain, sont surtout appréciés pour leur capacité à permettre de maintenir des subventions agricoles vers les céréaliers ou les sucriers. Toyota n’a jamais été aussi écologique que depuis que cette entreprise a mis au point un moteur hybride vendu fort cher à des gens avides de contentement de soi. La “fiscalité écologique” paraît un excellent moyen pour les industries insuffisamment compétitives de bénéficier de droits de douane à prétexte écologique. En Californie, la “conversion” d’Arnold Schwarzenegger à l’écologie tient surtout du soutien à la Silicon Valley et de la recherche de moyens d’alimenter le budget de l’Etat fort désargenté sur le dos d’industriels. Les intérêts ont plus d’influence sur l’évolution du monde que les sermons des prédicateurs, ce qui a quelque chose de rassurant.
Car en matière écologique, la tendance actuelle à l’irrationnel a pour conséquence de se focaliser sur l’accessoire et les rituels, au détriment de la recherche de solutions pragmatiques aux problèmes lorsqu’ils se poseront. C’est lorsque les rituels, la rhétorique et les postures prennent le pas sur la raison que l’on prend le chemin de l’Ile de Pâques.
- William Nordhaus, Paul Romer, Nobel d’économie 2018 - 19 octobre 2018
- Arsène Wenger - 21 avril 2018
- Sur classe éco - 11 février 2018
- inégalités salariales - 14 janvier 2018
- Salaire minimum - 18 décembre 2017
- Star wars et la stagnation séculaire - 11 décembre 2017
- Bitcoin! 10 000! 11 000! oh je sais plus quoi! - 4 décembre 2017
- Haro - 26 novembre 2017
- Sur classe éco - 20 novembre 2017
- Les études coûtent-elles assez cher? - 30 octobre 2017
Oh pétard… Hulot = Marx. Eolienne = clocher. Bon, je te laisse, je vais me mettre à l’abri avant la pluie de sauterelles…
Excellente mise en situation de la parabole du bon grain et de l’ivraie… Je ne suis pas sur que cet excellent post ne déchaine moins les passions et les groupuscules de posteurs fou de la campagne présidentielles que le monde entier vous envie.
Merci pour ce billet. Deux choses :
1/ ton paragraphe "En science, "vérité" signifie .. un dogme immuable." ne me va pas. Il sous entend que tout ce que disent les scientifiques est grosso modo à peu près vrai aujourd’hui dans une communauté mais p’tet que demain, ben en fait, ce sera plus vrai… Tout le travail d’un scientifique est justement de dire des choses qui ne pourront pas être contredites plus tard. Cela s’appelle la justesse du discours comme le rappelait je ne sais plus quel climatologue récemment sur ASI. Tu ne peux pas balancer aux oubliettes les arguments scientifiques à la base du discours écologique. Que ces arguments soient mal interprétés par 90% des gens, par les journalistes, qu’ils soient amplifiés et exploités à tout bout de champ d’accord mais il y a bien une fondation solide à ce discours qu’on en peut pas nier.
2/"Etrangement, ces moyens intéressent très peu les écologistes, comme le fait qu’un mélange de progrès technique, de taxes modérées, et d’investissements, permettrait de largement régler le problème sans avoir à changer les modes de vie." Alexandre a trouvé la solution à l’effet de serre youpi !! des liens ? des infos ? je suis impatient de lire ça !!!! penser avec certitude que le progrès technique permettra de préserver nos modes de vie c’est vraiment illusoire.
C’est assez bizarre comme ces deux points se contredisent, l’un nie la solidité de données scientifiques déjà établies et l’autre considère comme un acquis le fait que la science nous permettra de surpasser le problème climatique…
1- exact : ce qui caractérise le savoir scientifique c’est précisément d’être évolutif et non définitif, contrairement au dogme religieux. Sans entrer dans une conversation épistémologique, rappelons simplement Popper et le fait qu’un énoncé est scientifique s’il est susceptible d’être infirmé. Tout le travail d’un scientifique consiste donc à énoncer des choses susceptibles d’être contredites, sinon, il ne fait pas de la science. Ce n’est pas un argument pour rejeter le consensus scientifique, bien au contraire : celui-ci tient sa valeur de cette évolutivité. Ce qui est contestable c’est sa transformation en dogme exigeant l’application de rituels absurdes.
2- Cette remarque traduit exactement l’état du débat : l’ignorance complète sur l’ampleur réelle des solutions. Mais le rapport Stern recommande par exemple l’application d’une fiscalité sur le carburant aux USA correspondant à son niveau actuel; par ailleurs, vous trouverez dans le dernier numéro d’Esprit un article montrant qu’un gasoil à 1.6 € le litre et un mazout à 1000 € le m3 suffirait à atteindre des objectifs élevés de réduction des émissions. En bref, rien d’inaccessible, bien au contraire. Le fait que ce dont on parle, ce sont des scénarios fumeux de catastrophe au lieu de ces solutions concrètes, voilà le vrai problème.
"Etrangement, à une époque ou l’on ne croit plus à la façon de compter le nombre de chômeurs, la croissance ou la hausse des prix, chacun est disposé à considérer comme vérité d’évangile des prévisions météorologiques modélisées à plus de 100 ans (prévisions qui dépendent pour une large part de prévisions… de croissance économique)."
Je ne comprends pas très bien votre propos ici. J’ai l’impression pour ma part que les données expérimentales passées sont assez sûres et assez fiables pour faire des prédictions assez fines, y compris à l’échelle de la décennie (et me paraissent à vrai dire effectivement plus plausibles que certaines prédictions économiques, peut-être parce qu’on connaît mieux les lois de la physique que celle de l’économie). Il y une corrélation très forte avérée entre concentration de CO2 et température moyenne (des dizaines de milliers d’années de données !), et la concentration de CO2 a cru exponentiellement sur ces dernières années (la température moyenne suivant tout à fait conformément le mouvement, mais avec un délai, comme observé sur les courbes passées), donc de ce point de vue là la prédiction est très claire et pour l’instant vérifiée. De plus, on sait qu’il y a beaucoup d’inertie dans le système à partir des courbes historiques, donc pas besoin de croissance économique pour avoir une montée de température à l’échelle de plusieurs décennie. Je vous rejoins donc sur le fait qu’il paraît plus urgent d’essayer de préparer le changement climatique…
Sinon, j’ai l’impression que ce côté religieux est inévitable dès qu’on essaie de proposer des modèles de société, l’écologie a juste bonne presse actuellement auprès du grand public; dans d’autre classes sociales, la mode est au mouvement libertarien …
Le problème de fond c’est que la prévision de la concentration de CO2 et autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère dépend de façon cruciale de la croissance économique au cours du prochain siècle. Pour vous donner un exemple, entre 1990 et 2000 la Russie a connu une diminution d’un tiers de son PIB par habitant, et de ce fait une diminution de ses émissions conséquente. Dans ces conditions, le niveau de développement que vont atteindre les pays émergents à forte population (genre Inde, Chine) et les techniques qu’ils vont utiliser déterminent le niveau des émissions à prévoir. En tous les cas, donc, les prévisions dépendent de prévisions économiques. Si vous pensez que les prévisions économiques à 100 ans ne sont pas fiables (et elles ne le sont pas) vous devez considérer les prévisions climatiques comme limitées pour la même raison.
Ce n’est pas très honnête.
Vous assimilez tous les écologistes à quelques caricatures (Hulot, …).
On pourrait dresser le même tableau et conclure de la même manière sur les économistes (dogme, religion de la croissance, imposture intellectuelle de l’individu rationnel) en se basant sur un relevé de toutes les conneries que des "économistes de télévision" ont pu sortir dans les vingt dernières années.
Ouah! De la sociologie, de l’économie, de la politique et de l’anthropologie (sans compter l’étude du climat et des religions!) dans un seul billet.
Et en plus il est excellent!
Un exemple, pour sortir de l’île de Pâques: les cités Maya du Yucatan (Uxmal, par exemple).
Le Yucatan est sec, très sec. Mais il contient des ressources en eau souterraines. Les Mayas ne creusaient pas la terre. Incapables d’exploiter les richesses en eau de leur terre (qu’ils n’auraient pas asséchées, leur population n’étant pas suffisamment nombreuse), ils ont préféré planter des tiges dans des phallus de guerriers glorieux qui en mourraient, pour que leurs dieux rendent la terre fertile.
C’est l’exemple type où un progrès technique (comment creuser la terre) aurait permis à une civilisation de ne pas végéter, voire, pour certaines cités, disparaître.
Je lis pas mal de blogs "intellectuels" et je trouve que votre billet est un des plus intelligents, des plus aboutis, des plus perspicaces que j’ai lu de puis longtemps. Monsieur, bravo !!!
Je suis, sur le fond, d’accord. Mais étonné par cette propension des économistes à considérer que l’intérêt est le seul moyen de faire évoluer les comportements humains, tout en dénonçant parallèlement l’emprise des "mythes" sur les consciences (éminent paradoxe !). Et si une bonne politique publique, c’était à la fois jouer sur l’intérêt et sur "l’éducation" ? Peut-être tous les individus ne sont-ils pas sensibles aux mêmes aspects de l’existence ; il serait ainsi plus "efficient" de toucher un bobo à la conscience écologique et un motard fou tel que dirtydenis au portefeuille, en consacrant à chacune des politiques moins que ce qu’on aurait consacré à une seule d’entre elle. C’est idiot ?
Le problème lorsqu’on utilise les mythes pour faire des politiques souhaitables est le même que lorsqu’on dit aux gens “si tu voles, tu iras en enfer”. C’est de voir les comportements utiles remplacés par des rituels (je voyage en avion privé, mais j’ai acheté une toyota prius…). Ou de voir les “pieux mensonges” pris au pied de la lettre. Actuellement en matière écologique, le refus des choix clairs et la prégnance des rituels conduit souvent à des résultats contreproductifs, comme l’insistance sur l’agriculture “locale” qui au bout du compte est écologiquement plus nuisible que l’agriculture classique.
Rien à ajouter au commentaire de Tom Roud sauf une ou deux choses.
"En science, "vérité" signifie qu’un consensus raisonnable s’est établi autour d’une théorie pour la considérer comme acceptable, jusqu’à ce que quelqu’un montre de façon convaincante qu’elle peut être améliorée ou doit être abandonnée"
C’est typique des sciences humaines qui, faute d’atteindre la rigueur et la précision des sciences dites dures, font du relativisme (signe d’un complexe d’infériorité?). Chez nous, nous n’avons pas la même vision de la vérité, certes à part les mathématiques dont je suis un praticien, nous établissons essentiellement des modèles que nous confrontons à la réalité ou plus précisément aux faits expérimentaux (les sciences humaines ont une pratique bien plus limitée de l’expérience). C’est à dire qu’il existe une vérité objective, i.e. indépendante des opinions de l’observateur, dont nous pouvons nous en approcher de plus en plus et affiner notre compréhension via des modèles. Votre conception de la vérité est singulièrement subjective. C’est sans doute là la faiblesse des sciences humaines.
Votre remarque me fait simplement penser que les cours d’épistémologie devraient être obligatoires dans toutes les universités. La relativité des connaissances scientifiques vient de ce que la réalité sera toujours plus compliquée qu’un modèle et recèle une incertitude radicale : rien n’empêche des phénomènes vérifiés jusqu’à présent de cesser de l’être (les faits vérifiés peuvent simplement relever d’une simple régularité statistique).
Clap, clap, clap. Je note, et je recommande.
>>la recherche de solutions pragmatiques aux problèmes lorsqu’ils se poseront.<<
les problèmes se posent. aujurd’hui. le corail est en danger. je conçois qu’en europe la chose ne pose pas problème. pas chez moi. je vis dans un endroit merveilleux, il y a le plus grand lagon du monde. et le corail, c’est tout l’écosystème. la pêche, certes, mais aussi la beauté d’un tombant du récif.
et je ne suis pas d’accord avec ceci :
"Car c’est, assez ironiquement d’ailleurs, une constante de l’écologie que de ne progresser concrètement que sous l’effet de l’appui de lobbys industriels."
quel lobby industriel va diminuer l’acidité des mers?
on peut se moquer, en effet, de bien des aspects de l’écologie.
mais j’ai envie de continuer à voir ce que je vois dans l’eau quand je plonge la tête dans le lagon. pour le plaisir.
Votre billet propose une base de débat intéressante; il exprime avec précision et pertinence la position du "scientifique qui garde la tête froide et à qui on ne la fait pas" (je vous renvoie à Gotlib et à Rubrique-à-brac: "alors là, mon cher, vous êtes en pleine science-fiction"). Cette position est nécessaire dans le débat, et il est bon qu’elle soit exprimée de façon aussi constructive.
A plusieurs égards elle me semble un peu réductrice.
D’abord, la question de l’apocalypse ne se pose plus tout à fait de la même façon depuis que l’arme nucléaire a rendu matériellement possible une rupture civilisationnelle majeure et d’ampleur planétaire d’origine humaine. Le mythe de l’holocauste nucléaire a ceci de différent des peurs millénaristes antérieures qu’il repose sur un modus operandi techniquement disponible et "réaliste". Depuis ce temps, notre civilisation vit dans l’angoisse de sa mort physique. Or s’il y a bien un phénomène qui "justifie" la religion, c’est bien la mort physique. C’est ce qui a préparé les esprits à accepter l’idée d’une "fin du monde" par le réchauffement.
Sur le réchauffement, le quidam non scientifique ne dispose pas des moyens de juger de la véracité ou non des scénarios catastrophe. Or ces scénarios reposent bien sur des hypothèses et des raisonnements scientifiques: ils n’ont rien de certain, mais ils sont crédibles, ils ne font appel à aucun ressort d’explication surnaturel. L’angoisse qu’ils suscitent est à mon sens légitime et n’a rien d’irrationnel. Pour l’immense majorité des personnes, dans l’état actuel des connaissances, la croyance ou non en l’occurrence de catastrophes d’ampleur planétaire dans le siècle qui vient repose essentiellement sur une sorte d’acte de foi, dans un sens ou dans l’autre. Ni vous ni moi n’avons la légitimité pour affirmer avec certitude "les scénarios catastrophe vont se réaliser" ou à l’inverse "les scénarios catastrophe sont de la couille en conditionnement surgelé" (il faut vivre avec son temps).
Sur la forme du discours Hulotien, je serais plus mesuré également. Suivant le diagnostic que l’on fait, il se peut que les mesures à prendre soient d’ordre comportemental, et impliquent des altérations du mode de vie. L’hypothèse n’a rien de saugrenu. Le ressort des conseils "écolo-citoyens" n’est pas d’ordre magique, ni identitaire: il repose sur l’idée que, pour obtenir un résultat à grande échelle, le comportement de chacun doit s’orienter dans un certain sens, et qu’en conséquence il y a une forme de vertu à s’y plier. Je suis conscient des dérives possibles d’une telle idée, mais je pense qu’elle n’a rien d’irrationnel. Elle constitue une forme de réaction assez cohérente avec l’information scientifique telle qu’elle parvient au public.
Il me semble donc que le problème principal réside avant tout dans l’exactitude, la crédibilité et la fiabilité de l’information scientifique. Il ne faut pas tomber dans le travers inverse, qui consiste à culpabiliser les gens vis-à-vis de leurs peurs, qui peuvent être parfaitement légitimes (c’est la problématique du "sentiment d’insécurité").
Enfin, je crois que le discours public est nécessairement de nature morale, normative et religieuse. Je ne pense pas qu’on puisse y échapper.
Je ne sais plus où exactement sur votre site vous écrivez que l’économie tente de répondre à des questions concrètes. Or, ici, face à un sujet aux implications économiques incontournables, vous glosez sur l’idéologie au lieu de vous intéresser au fond de la question.
C’est dommage, parce qu’une plongée dans les données techniques du problème vous ferait sans doute revoir vos jugements.
Bref, au lieu de vous intéresser au côté "gourou" de N. Hulot (qui ne joue ici que le rôle d’un porte-voix), tournez-vous plutôt vers les bases concrètes de son discours, càd vers ceux qui sont à l’origine de ses propositions les plus sérieuses. A commencer par Jean-Marc Jancovici, sur http://www.manicore.com.
Bref, billet verbeux, trompeur, nul. Du remplissage d’autant plus regrettable que votre site est par ailleurs excellent!
p.s. Je signale à tout hasard, puisque Jules a pris les devants, que je n’ai jamais voté vert et que je ne suis ni un adorateur des pâquerettes, ni un défenseur des oiseaux.
Si ce post ne vous plaît pas, c’est ainsi. Mais si vous prenez la peine de chercher un peu, vous verrez que les problématiques environnementales y ont largement été traitées et étudiées. Ce qui nous confère le droit de temps en temps de dénoncer l’emprise religieuse sur notre époque.
Je rejoins Tom Roud pour défendre les prévisions climatiques, qui se basent sur un eventail de scenarios économiques assez large et des modelisations assez precises. Il se peut qu’il y ait des phénomènes auto-accelerants (non lineaires) qui se produisent dans le futur sans qu’on ait été capable de les prévoir car ils n’apparaissaient pas dans le passé récent. Mais ces phénomènes (fontes des hydrates de méthanes au fond de la mer, degel du permafrost sibérien, sécheresse en amazonie) vont dans le sens d’une aggravation de la situation. Les scientifiques ne crient pas au loup pour rien, et, que "ca ne serait pas l’Apocalypse", vous n’en savez rien.
Cependant, la description de l’écologie comme nouvelle religion est passionante. On peut surement souhaiter que l’évolution des mentalités se fasse par petites touches, par incitation économique, de façon raisonnable, avec des nouvelles technologies, comme en Californie. Mais si on ne peut pas y couper en France, alors je préfère ca qu’autre chose.
Je précise de nouveau que l’objet n’était pas de dire que les prévisions modélisées en matière météorologiques sont dépourvues d’intérêt; simplement que comme toutes les connaissances scientifiques, elles doivent être relativisées et pas traitées en dogme rigide; considérées comme des aides, comme sont traitées d’ailleurs toutes les prévisions. Là, on sort de ce domaine pour plonger dans l’irrationnel. J’étais frappé hier matin en écoutant à la radio un météorologue du giec et un politique écologiste discuter; l’agacement du premier devant le discours du second était perceptible.
Rah ça fait du bien de lire ça, à la suite de l’article de Kay. On peut aussi souligner l’endoctrinement des enfants dès l’école primaire, le dogme du recyclage que les instits leur inculquent… Landsburg y consacre un chapitre dans son "Armchair economist" : il reproduit une lettre écrite à l’instit de ses enfants, où il lui reproche cet endoctrinement écolo au même titre qu’une propagande religieuse.
Exemple frappant : l’autre jour, j’ai sorti ma poubelle à 18h au lieu des 19h "réglementaires". Une gamine qui sortait de l’école passe à côté et s’écrie "Aaaah!! POLLUEUR !!", le ton de ce dernier mot se rapprochant de ce que devait être le "HERETIQUE" dans la bouche d’un inquisiteur.
Lemonde.fr titre ce matin "Le réchauffement climatique est dû aux activités humaines", pour résumer les conclusions du GIEC. Encore une manoeuvre destinée à accréditer les thèses de la religion écolo, ses conclusions étant connues avant même le "débat". Vous imaginez sincèrement que ce groupement conclue "ah ben non en fait, c’est pas nous"?..
Bref, ça fait plaisir de voir qu’on est quelques protestants en ce monde, en espérant que le conditionnement actuel ne mène pas à une Saint Barthélémy où on brûlera les non recycleurs et ceux qui laissent leur TV en veille.
Excellent. J’ai été surpris de constater que votre rappel que la science c’est le doute rencontre autant de condamnations.
Vous pourrez constater que l’homme vit de mythes et a besoin de magie et que d’autres hommes en profitent pour avancer leurs intérêts. L’écologie est a la fois une science, une religion et un business.
Ceci dit si les hommes politiques et les intellectuels faisaient leur boulot d’explicateurs du monde, alors les prêtres auraient peut être moins de succes.
Merlin : "si les hommes politiques (…) faisaient leur boulot d’explicateurs du monde"
Vous croyez vraiment que c’est leur boulot ? Leur boulot est plutôt de récolter des voix, et pour ça la vérité est rarement bonne à dire (cf.l’effet des délocalisations par exemple). Expliquer le monde à des gens qui ne veulent pas remettre en doute leurs préjugés, ce n’est pas très porteur en politique.
Comme tu le remarques avec justesse dans un commentaire, "les cours d’épistémologie devraient être obligatoires dans les universités" !! Comme Merlin, je m’étonne de voir la communauté des scientifiques, restée au stade de Merton, rejeter avec force l’idée que la vérité scientifique n’est pas qu’une description de la nature objective mais bien une "fabrication" de cette nature, inter-subjective (d’où l’importance du consensus). Et que, à l’inverse de ce qu’écrit Bâsho, il n’y rien dont on peut "se rapprocher de plus en plus" : les modèles d’aujourd’hui ne sont pas forcément plus vrais que ceux d’antan, ils sont à la rigueur plus complets, ou, comme l’aurait dit Popper, plus audacieux. La marche de la science n’est pas une marche vers le progrès, ni vers la vérité… (Et c’est là qu’en général est dégainée l’insulte suprême, l’honteuse qualification de relativiste !)
A moins que les scientifiques prennent toute critique comme une attaque, ce qui peut se comprendre vu les assauts répétés qu’ils doivent subir depuis quelques mois !
A part ça, excellent billet !!
Ah l’épistémologie… Les scientifiques (les vrais! i.e. ceux des sciences "dures"! :-p) éprouvent en général une très forte méfiance envers les épistémologues et j’avoue partager ces réticences. Ayant un grand intérêt pour la philosophie, plus précisément l’ontologie et la philosophie du langage, il était naturel que je me penchasse sur l’épistémologie, envisageant même de suivre le DEA de la Sorbonne. J’y ai renoncé après avoir jeté un coup d’oeil aux livres au programme qui s’intéressaient aux maths. C’était, pour la plus grande partie, du pure n’importe quoi. Il y avait une telle méconnaissance des mathématiques, les épistémologues en avaient une vision de touriste: ils contemplent de loin sans vraiment comprendre les théorèmes, les tendances des divers domaines et en tirent soit des banalités, soit du pure n’importe quoi. Par exemple, le théorème de Gödel qui les excitent: rares sont ceux qui l’ont vraiment compris. Rares sont ceux qui disent quelque chose de vraiment intéressant. Vous comprendrez donc que l’expérience nous (nous les chercheurs) dictent que lorsqu’un philosophe parle de notre domaine, trop souvent c’est un cuistre.
Le problème est qu’en philosophie (et dans une moindre mesure dans les sciences humaines), le charlatanisme est relativement aisé. Dans les sciences dures, on ne tient pas longtemps si on dit n’importe quoi.
Arf, un mathématicien qui se prend pour un scientifique, quelle horreur :-). Le seul argument épistémologique utilisé ici est le suivant :si je vous annonce avoir vérifié la conjecture de Goldbach pour les 10 puissance 30 premiers entiers, vous me direz “c’est bien, mais ce n’est pas une démonstration définitive”. En matière de sciences pourtant ce sont les seules “démonstrations” qu’il est possible de faire (si tant est qu’on peut les faire). Mais je pense que vous êtes parfaitement conscient de cela, qui est d’ailleurs mon argument de base : considérer des modèles comme vérité définitive est une attitude antiscientifique. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut les considérer comme des foutaises. Entre ces deux extrêmes, il y a une attitude raisonnable, dont on est fort éloigné en matière climatique. Je répète encore une fois que ce ne sont pas tant les modèles qui sont en cause (dont les auteurs connaissent, pour l’essentiel, les limites) que l’interprétation qui en est faite.
J’ai oublié de répondre à votre remarque de fond sur la relativité des connaissances à savoir que ça provient "de ce que la réalité sera toujours plus compliquée qu’un modèle et recèle une incertitude radicale : rien n’empêche des phénomènes vérifiés jusqu’à présent de cesser de l’être (les faits vérifiés peuvent simplement relever d’une simple régularité statistique)". Ben oui, c’est le postulat de base de la science: la réalité est compliquée mais on peut en faire des descriptions toujours plus fines grâce à des modèles relativement simples. Le grand triomphe de la science est ça: ça a toujours très bien marché; les modèles peuvent même fournir des prédictions sur des phénomènes non observés jusqu’à présent. C’est même le principal critère permettant d’estimer la qualité d’un modèle. Ainsi la réalité est compliquée, toujours plus compliquée que les modèles mais on peut s’en approcher par des modèles, on peut le comprendre de mieux en mieux.
Ai-je dit autre chose?
Je vous rejoins parfaitement sur la dénonciation de l’emprise religieuse sur notre époque. C’est juste que je ne la vois pas aux mêmes endroits que vous.
Quant aux "problématiques environnementales largement traitées et étudiées" dans ce post, je reste quand même un peu sur ma faim.
Pour moi, c’est un peu comme si vous aviez fait un hors-sujet. On a là, avec le réchauffement climatique, un thème qui est à 100% économique, qui touche à l’utilisation qu’on fait de ressources limitées, à la croissance, à d’éventuelles politiques incitatives ou au contraire à une régulation par le marché (selon les dogmes…), et on le voit partout traité sous l’angle idéologique de "l’écologie".
Toutes les idées dérivent un jour vers l’idéologie et le discours quasi religieux. Mais je trouve justement dommage de s’arrêter sur ces excès au lieu de s’intéresser au fond.
Il me semble bien vous avoir écrit “sur ce blog”. Je ne peux donc que vous encourager à aller voir encore. Il y a, par exemple, un long débat consacré aux questions de réchauffement dans les archives du blog. ce post ici est consacré à un discours et des pratiques religieuses, les aspects concrets sont traités amplement par ailleurs.
C’est bien pour ça que j’ai cité le site de JM Jancovici, où on trouve des arguments à la fois techniques et économiques, mais aucun discours idéologique ou "religieux".
Vous parlez de discours apocalyptique
Remettre l’écologie à sa place (càd. dans les sciences dotées d’un facteur d’incertitude), pourquoi pas, mais il aurait peut-être fallu placer certaines remarques sur le raisonnement probabiliste ou sur la relativité scientifique en tête de billet, pour éviter certains commentaires peu ou mal informés (je pense aux objections de Bashô sur la nature des sciences humaines).
Plusieurs réactions en lisant la suite des commentaires :
– sur le fond, vous dites : "Je précise de nouveau que l’objet n’était pas de dire que les prévisions modélisées en matière météorologiques sont dépourvues d’intérêt; simplement que comme toutes les connaissances scientifiques, elles doivent être relativisées et pas traitées en dogme rigide;", ou plus haut, vous contestez les prévisions à 100 ans en disant qu’elles se basent sur des extrapolations théoriques; c’est oublier que toutes ces prévisions donnent des marges d’erreur assez grandes qui sont justement là pour les relativiser. Quand on dit, la température à 20 ans va augmenter de 1C à 6C (les chiffres exacts varient suivant les modèles), l’hypothèse basse correspond justement au cas "relativisé" comme vous dites !
“L’année prochaine, la croissance française sera comprise entre -1 et 4%”. Voilà une prédiction “relativisée”. Qui sera peut-être fausse si des évènements hautement imprévisibles se produisent (José Bové président). Tout scénario, toute prévision, repose sur des hypothèses plausibles mais on ne prend pas en compte tous les éléments; surtout, on prend en compte le fait que de nouveaux évènements sont susceptibles de la rendre caduque. Je n’ai pas l’impression d’affirmer quoi que ce soit d’extraordinaire.
– par ailleurs, il est assez cocasse qu’un économiste nous parle du doute et de relativisme lorsqu’on voit comment beaucoup agrémentent à leur sauce les prévisions/données/théories économiques (en ajoutant en général que les Français sont des grands ignorants qui n’y connaissent rien à l’économie) . L’économie est comme chacun le sait une science totalement validée par l’expérience, dont les postulats sont tous très bien vérifiés et dont les prédictions sont elles aussi exactes au moins qualitativement, disposant de données historiques sur plusieurs milliers d’année… C’est pas comme la physique et la mécanique des fluides, royaumes du doigt mouillé et de la presse d’opinion écologique ! Certains commentateurs/blogueurs qui font l’éloge du doute quand il s’agit de leur 4×4 ou de leur propension à recycler devraient appliquer ses beaux principes lorsqu’ils parlent de politique économique. Mais bon, on parle de "religion", c’est bien ça ?
Je ne comprends pas votre argument, qui consiste à se tirer une balle dans le pied. Vous avez parfaitement le droit d’être sarcastique envers les prévisionnistes économiques, c’est également un de mes sports favoris. Je suis simplement surpris que cet esprit critique s’arrête lorsque les mêmes prévisions économiques sont insérées dans des modèles climatiques. Là, étrangement, elles deviennent fiables. Oui, j’ai bien écrit “religion”.
– sur votre vision de la science, vous dites :"La relativité des connaissances scientifiques vient de ce que la réalité sera toujours plus compliquée qu’un modèle et recèle une incertitude radicale : rien n’empêche des phénomènes vérifiés jusqu’à présent de cesser de l’être (les faits vérifiés peuvent simplement relever d’une simple régularité statistique). " Bien sûr, un jour, la Lune va s’arrêter de tourner autour de la Terre et va nous tomber dessus (bah oui, elle est juste restée en orbite sur une fluctuation statistique)… Vous comprendrez qu’avec cet exemple caricatural, je ne souscris évidemment pas à cette vision de la science : évidemment la réalité est toujours plus compliquée que n’importe quel modèle, mais la science permet d’accéder en quelque sorte à un "pourcentage" de vérité. La gravité newtonienne s’applique très bien à 90% des cas, la relativité générale permet de combler 9.9% des cas restants, et la science s’acharne sur les 0.1% qui ont une application pratique quasi-nulle. Votre argument est donc fallacieux et entraîne des réactions typiques de certains commentateurs de ce billet sur le mode "je vous l’avais bien dit qu’ils racontaient n’importe quoi", un peu comme au moment de l’affaire Allègre sur le même sujet d’ailleurs… En d’autres termes, un doute ou un manque sur une théorie n’implique pas qu’elle soit à jeter aux orties; elle implique en général qu’elle soit complétée, mais ses prédictions "à l’ordre 0" restent vraies si c’est une bonne théorie.
Ah, ce bon vieil argument newtonien… Sauf que ce n’est pas parce que la gravitation donne de bons résultats prédictifs que la même validité peut être accordée à toute prévision en matière de science “non humaine”. Si quelqu’un vous dit “je peux affirmer que dans 100 ans, cette espèce aura évolué de telle façon” vous aurez, j’imagine, des doutes. Ces doutes n’invalident pas pour autant la théorie de l’évolution, et ne la rendent pas moins “scientifique”. De même, si je làche un flotteur au milieu de l’Atlantique, la connaissance parfaite des mécanismes physiques en jeu ne me permettra pas, pour autant, de prévoir avec précision sur quelle côte il finira par s’échouer. La capacité de prévoir des évènements précis et réels, hors des conditions d’une expérience parfaite, est une capacité rare, y compris en sciences naturelles, y compris en physique. C’est d’ailleurs cela qui distingue la science des dogmes : ce caractère évolutif et fondé sur le doute.
Pour continuer sur la lancee de Tom Roud et Mathieu, les modeles de rechauffement de la planete integrent de nombreuses variables. Il existe donc une marge d’erreur qu’il est possible d’estimer. Autrement dit, on peut discuter de l’ampleur du rechauffement sur le siecle a venir. Mais aucun modele ne predit de refroidissement ou de stagnation.
Comment etre aussi certain d’un modele a 100 ans ? Parce que les phenomenes physiques sous-jacents ont une inertie enorme (contrairement a l’economie). Autrement dit, le rechauffement enregistre aujourd’hui est induit principalement par l’activite humaine ayant eu lieu il y a plusieurs decenies. Et s’il est difficile d’estimer l’activite economique mondiale dans 20 ans, il est relativement aiser d’estimer celle des 20 dernieres annees.
Par ailleurs, il est assez paradoxal d’utiliser l’argument d’une possible baisse du PIB "a la russe" pour justifier que peut-etre il y aura moins de rechauffement que prevu et qu’il est donc possible de continuer a emettre du CO2 au rythme actuel. A moins que l’argument soit beaucoup plus cynique qui consiste a dire que le PIB moyen de l’ensemble de la terre doit diminuer pour que le notre puisse continuer d’augmenter…
Sinon, comme d’autres je trouve le reste de l’analyse interessante.
Un petit bouquin d’épistémologie (qui ne néccessite pas d’aller à l’université) : D’Archimède à Einstein (les faces cachées de l’invetion sicentifique) par Pierre Thuillier (Fayard).
Un bien bel effort ; mais quelques petites remarques, en vrac. Le fonds de mythes commun à l’humanité n’est pas une découverte de l’anthropologie : c’est un de ses postulats. Et certains anthropologues manifestent une tendance coupable à forcer les choses, à étendre aux sociétés modernes ce que d’autres ont vérifié dans des sociétés traditionnelles, et à compenser la pauvreté de leurs découvertes sur le terrain par un discours tenant lieu de rideau de fumée, ce qui peut par ailleurs provoquer des cassages de gueules entre collègues du plus bel effet.
Même si je ne suis pas spécialiste (contrairement à Baptiste Coulmont), il me semble d’autre part abusif d’accorder à la religion le monopole du sacré, et de conclure que l’écologisme est une religion sous prétexte qu’elle manipule des éléments, en effets, sacrés. Et cet article me semble faire preuve d’un léger biais ethnocentriste : la morale écologiste n’emprunte pas à la religion en général, mais bien au christianisme (le péché, la rédemption, l’eschatologie), voire même directement au catholiscime, comme dans ce moderne trafic d’indulgences où l’on se lave de la faute de son voyage au Cambodge en payant son écot sur le site Internet ad hoc, et qui nous ramène à la période de Martin Luther. On trouve d’autre part chez les écologistes, comme dans l’histoire de Kokopelli, le producteur de semences rares dont parlait récemment Autheuil et qui prétendait vendre des graines "que la nature nous avait donné" alors qu’elles étaient le produit de générations de sélections génétiques pratiquées par l’homme, cette tendance à justifier sa position en la présentant comme naturelle alors qu’elle n’est que socialement construite, et qui est en effet un invariant du fonctionnement social, et n’a rien de particulièrement religieux. Le recours à la nature comme explication et justification se retrouve à peu près partout, et n’est même pas un monopole des écologistes. Il ne faut pas se faire avoir par la prétention à l’universel du discours d’un Nicolas Hulot : il est extrêment ancré dans la France d’aujourd’hui, et sans doute déjà largement daté.
Enfin, pour ce que j’ai pu en lire, la très large fourchette de prévisions des climatologues en matière de réchauffement est une conséquence, non pas seulement de l’incertitude propre à tout calcul à long terme, où des différences considérables naissent d’une faible variation des paramètres de départ, mais aussi du fait que certains de ces paramètres semblent, dès aujourd’hui, excessifs, notamment en matière de croissance, non pas tant de l’économie que de la population. Bon, c’est en partie la même chose ; et c’est bien des économistes, au fond, ces climatologues : avec quarante modèles différents, il y en aura bien un qui va marcher.
Ethnocentrisme, j’admets volontiers la critique. Effectivement, c’est au christianisme que l’écologie emprunte sa morale; c’est une critique que l’on aurait pu formuler aussi envers l’argument du “marxisme comme religion”. Je reste néanmoins sur le fait que l’écologie satisfait une demande de mythes et de rituels autrefois satisfaits par la religion et le socialisme, se développant au fur et à mesure que ceux-ci perdent de leur influence. Et plus que la référence à la nature, qui n’est effectivement pas un monopole des écologistes, je suis frappé par l’insistance portée sur les rituels (prenez des douches et pas des bains pour sauver la planète…) et sur le caractère inévitable et inébranlable du dogme. C’est là qu’il me semble y avoir une dimension religieuse.
pour etre un vrai rebelle, vilcoyote, achetez-vous un humvee. aaah, la satisfaction d’emmerder la multitude, c’est jouissif, non ?
D’ailleurs vous interpretez le texte d’Alexandre de votre point du vue. vous oubliez un peu le passage :
"Après tout, ce n’est pas parce que les religions prônent souvent de ne pas voler ni tuer, et l’amour de son prochain, que ces valeurs sont dénuées d’intérêt. Le succès des religions et leur survie tient pour une large part à leur capacité à fournir des codes de moralité et de conduite qui bénéficient à ceux qui les adoptent. De la même façon, il est souvent de notre intérêt bien compris d’économiser l’énergie et les ressources, et de chercher à limiter les risques environnementaux."
Bravo pour votre billet.
Billet très intéressant. Il m’a fait pensé à l ‘ouvrage "Révolte consommée" de Joseph Heath & Andrew Potter, qui faisait, entre autres, une critique de l’écologisme radical, et de son inefficacité pour résoudre les problèmes environnementaux.
Une question pourtant : lorsque vous mentionnez l’intérêt de la taxe carbone, je ne comprends pas pourquoi vous dites que c’est une aberration qu’elle soit présentée comme moyen de résoudre la question de la raréfaction des énergies fossiles
si l’on veut prendre en compte la question du réchauffement. La diminution de la consommation qu’entrainerait cette taxe permettrait de lutter à la fois contre le réchauffement et de prolonger l’utilisation des énergies fossiles dont il n’existe pas de substitut pour certaines utilisations actuelles. Lutter contre le réchauffement n’est pas incompatible avec une utilisation, même si elle est très réduite, de ces énergies.
Si le problème central est le réchauffement, alors la raréfaction des ressources n’est pas un problème; au contraire, c’est leur surabondance qui conduit à les utiliser, donc au réchauffement. Si on considère que le réchauffement n’est pas un souci, on peut s’inquiéter de l’épuisement des ressources; s’il est un souci, nous n’avons pas à nous en soucier puisque nous devrons cesser de les utiliser bien avant qu’elles ne s’épuisent. Par ailleurs la raréfaction n’entraîne aucun besoin de taxe spécifique : elle provoque d’elle-même la hausse des prix en fonction des informations disponibles sur les stocks restant.
J’ai bien apprécié ce papier…Je suis partagée: d’un côté je pense que chacun devrait s’attacher au quotidien à changer son mode de vie afin de préserver l’environnement. Ce serait l’idéal…De l’autre, je crois qu’il est utopique de penser que tous fassent cet effort, s’il va contre leurs intérêts directs, en terme de confort ou contraintes (ce "tous" désigne autant les individus "privés" que les acteurs de la vie économque en général). Le seul moyen est donc en effet de faire converger ces deux voies. Et donc de faire en sorte que le respect de l’environnement devienne intéressant, plus rentable économiquement, que sa négligence. Je vous recommande un livre de Comte-Sponville, qui m’a bien plu, "Le capitalisme est-il moral?"(j’ai fait petit un billet dessus), qui permet je trouve d’aborder ces questions simplement.
Par ailleurs, je chipotte, mais ce que vous appelez "écologie" du grec oikos=maison, et logos=science, n’est-ce pas plutôt "l’écologisme"? La première n’a aucune raison d’avoir un caractère religieux. Le second est un mouvement soci-politique, et ne le devrait pas non plus d’ailleurs, mais est plus exposé au risque de dérive idéologique (cela dit un extrémiste écologiste, s’il est non-violent, ne me semble pas très dangereux…)
matthieu : je n’oublie rien, je rejoins Alexandre sur l’ensemble de son propos. Je m’insurge simplement contre la culpabilisation et les gesticulations hystériques des écolo-religieux.
Quant à m’acheter un Humvee,
1-c’est moche
2-c’est pas pratique
3-en termes d’énergie, je me foutrais de la pollution de la bête, mais je ne supporterais pas de payer un plein 150€ tous les trois jours. L’attitude rationnelle me mènerait à un comportement "écolo".
Vous citez fort justement des situations où il a été possible de trouver des solutions industrielles, ou fiscale, à certains problèmes économiques, et que l’action de certains lobbies a été utile. Mais ces exemples sont impossibles à généraliser en pensant que les problèmes écologiques peuvent être, ou doivent être, résolus de la sorte. Les lobbies ne marchent pour le bien commun que lorsqu’il est profitable à leurs intérêts propres. Les victimes (35 000 morts depuis 1965 et de 60 000 à 100 000 de prévu dans les 25 ans à venir, rien qu’en France) de l’amiante, dont l’interdiction a été repoussé jusqu’à 1997 grâce à leur action, en sont un exemple assez frappant.
Aussi mon point de vue est plutôt contraire au votre «Les intérêts ont plus d’influence sur l’évolution du monde que les sermons des prédicateurs, ce qui a quelque chose de rassurant.»: c’est plutôt désespérant.
Cela dit il est certain que l’on ne pourra pas faire face aux défis écologiques sans l’aide de la technique. La question reste de savoir comment pousser la technique vers "le bon sens", celui du respect de l’environnement. C’est à ce niveau là que la politique doit agir, via la recherche publique ou l’aide à la recherche privée.
«L’exemple typique étant la volonté d’encourager une localisation de l’agriculture à proximité des villes, négligeant le fait que les coûts environnementaux pour compenser des écarts de productivités entre terres sont supérieurs au coût de transport des produits; ou la promotion de mesures visant à dissuader les pays pauvres de se développer.»: C’est mon exemple favori 🙂
Lorsque vous parlez coût de transport, de quel coût parlez-vous: économique ou environnementaux (contribution au réchauffement)? Et quels coûts environnementaux parlez-vous: pesticides, tracteur? Je ne vois pas comment évaluer ces coûts de façon globale, pour un cas générale. L’objectif d’une re-localisation de l’agriculture ne serait pas de toute façon de faire pousser des tomates toute l’année autour de Paris.
Il y a tout de même des absurdités comme les fruits et légumes importés d’Afrique qui privent celle-ci d’eau potable: http://www.legrandsoir.info/arti...
(Concernant la problématique des fruits et légumes il existe une initiative intéressante pour ne pas acheter un produit dont la mise sur le marché aurait été trop polluante: david-leloup.blogspot.com…
«dissuader les pays pauvres de se développer»: il faudrait plutôt que les pays dits pauvres puissent se développer en empruntant une autre voix que celles des pays riches. Malheureusement cela nécessite des moyens de pays riches que d’imaginer une économie qui ne soit pas dépendante du pétrole.
Enfin il serait tout à fait possible d’écrire que le "marché" est une religion. Il suffirait de citer des mauvais articles ou bien des perles d’hommes publics (journalistes, politiques, présentateur télé, etc.) pour (tenter de) décrédibiliser cette forme d’échange économique. Le problème de l’écologie est peut-être qu’elle est une "science" trop jeune, qu’il n’existe pas assez de références. Et on ne peut pas exiger d’elle des certitudes du type: "la fin du monde aura lieu en 2027". Pour le moment on peut constater qu’il y a de plus en plus de produits chimiques dans le corps humains y compris dans les foetus, que le nombre de cancer augmente, qu’un couple sur cinq est infertile, que les poissons disparaissent des océans, que le climat se réchauffe à cause de l’activité humaine, etc.
Malheureusement il y aura toujours des lobbies pour payer des scientifiques pour dire que les cancers ne sont pas lié à la pollution chimique, ou pour minimiser le problème du réchauffement climatique: science.slashdot.org/arti…
1) Hulot est aussi ecolo que moi je suis cure. Chacune de ses emissions genere un maximum de gaz a effet de serre (bien plus que son spectateur moyen genere en allant travailler tout les jours). Qaudn aux tomates avec l ADN, je suppose que vous pensez OGM (ou alors c est que vous pensez que le francais n est pas un veau comme de Gaulle mais vraiment bien lobotomise par TF1 (tiens la chaine de Hulot!)
2) pour les gazs a effet de serre, on cite le CO2 mais jamais un gaz qui a 10 fois plus d effet le methane (CH4). Pourquoi? devinez ce qui produit du massivement du methane?? (l elevage). Mais critiquer les paysans ou demander aux gens de manger moins de viande est pas "politiquement correct"
3) Pour l adaptation au rechauffement, c ets sur qu on y arrivera, mais il y aura des morts (au propre comme au figuré). Juste pour rester en France, le niveau des mers montant, on va devoir indemniser tous les proprietaires de villa au bord de la mer!! (les assurances aux USA ont commence a se preparer, il n assurent plus ou a des tarifs 400% plus eleve)
Votre billet tombe à pic. Suite à la cérémonie de jeudi soir, j’ai expliqué à quelqu’un de bien intentionné que c’était stupide et contre-productif, mais il m’a soutenu mordicus que certes, certes, mais au moins ça permettait d’en parler et de sensibiliser les gens. Et, ajouta-t-il, si une seule personne est sensibilisée, ce sera déjà bien. J’ai déjà entendu ce discours à propos des OGM (peu importe les méthodes de Bové, ce qui compte c’est de sensibiliser), des ours, du nucléaire… Sensibiliser… synonyme de convertir. Ce qui compte, c’est de convertir les païens, peu importe la méthode.
Je reconnais volontiers être passé à côté du problème de l’écologie, qui ne m’intéressait guère.
Mais, puisque nous y sommes, quelques observations sur ton propos, en regard du mien – billet d’humeur, donc médiocre.
Tu tiens que l’appel à la coupure d’électricité participe du mythe écologiste. Et que c’est le caractère religieux du discours écologiste qui en explique l’apparente absurdité.
Et tu prends l’exemple des clochers d’églises, inefficients en guise d’horloge publique.
Je ne crois pas que l’appel à la coupure d’électricité participe d’une entreprise religieuse ou mythique. Ou alors, pas à celle de l’écologie seulement.
Je tiens cet appel pour très caractéristique de notre époque.
1. – Il repose sur la culpabilisation de l’individu : "Toi qui vit dans une telle profusion, partage, pour quelques minutes, le sort de l’infortuné."
Cela me rappelle la pas si lointaine opération consistant à venir faire dormir de notoire icones bourgeoises sous des tentes de camping. Ceci pour leur faire toucher le sort des sans-abris.
2. Il repose encore sur la culpabilisation de l’indifférent. "Que sont cinq minutes de lumières, devant la gabégie de votre consommation quotidienne" ?
Le geste est si microscopique. Si on ne le fait, c’est la preuve d’une coupable indifférence. Comparer avec le discours du mendiant qui demande une "petite pièce".
3. Célébration de la manifestation elle-même contre ce que devrait révéler la manifestation.
Si l’on en croit l’étymologie, une manifestation devrait montrer quelque chose. Par une telle opération, on attire l’attention sur l’évènement lui-même. Qui a éteint ses lumières ? Le siège de campagne de l’UMP ? La Tour Eiffel ? Un comédien ou un chanteur engagé ?
4. Pour finir, la manifestation dont l’objet est de dénoncer le surcroît de consommation électrique conduit à ce même surcroît.
Il ne s’agit pas seulement d’une question d’efficacité, mais d’un problème de contradiction. C’est une chose de poser une horloge sur un clocher. C’en est une autre de construire un clocher pour y accrocher une horloge.
Une bonne comparaison théologique aurait été ce paradoxe parfois soulevé. Satan ne réside pas dans la haine de son prochain, mais dans l’amour des siens, qui éloigne de l’amour du prochain. Dit autrement, Satan niche au plus profond de l’amour.
Tout ceci pour dire que l’agacement de mon billet rapide – en rien comparable à ton beau billet – ne visait pas à s’écoeurer le militantisme écologique. Il s’agissait davantage de critiquer le rite, qui n’existe plus que pour lui-même et ceux qui le célèbrent.
Car, que célébrons-nous en éteignant notre ampoule, sinon notre propre vertu ?
Et que célèbrent les "lanceurs d’appels", sinon la douce fureur de leur engagement ?
Tout ceci est bien long, et si tu préfère, je le poste chez moi.
Bravo, j’apprécie beaucoup ce billet et la qualité des commentaires.
Il y a me semble-t-il un autre ressort utilisé par cette "religion" : la peur.
Je trouve que l’on profite de la méconnaissance croissante des gens pour provoquer le regroupement devant les phénomènes incompris. Cette peur est relayée par les média : journaux papiers ou télévisés se font largement l’écho de toutes les catastrophes réelles ou virtuelles.
Des exemples, la vache folle, la grippe aviaire mais là nous sommes tranquiles, nous avons des stocks de masques et de vaccins!. Dernièrement c’étaient tous les produits dangeureux (30 000, 60 000?) qui nous environnent. On a oublié l’essence qui doit certainement être cancérigène, brûle (même les voitures), explose et produit du CO² (lors de sa fabrication et lors de sa consommation). Que n’est-elle interdite!
""L’année prochaine, la croissance française sera comprise entre -1 et 4%". Voilà une prédiction "relativisée". Qui sera peut-être fausse si des évènements hautement imprévisibles se produisent (José Bové président). "
La différence, c’est que à ma connaissance, tous les modèles climatiques prévoient un réchauffement quels que soient les événements futurs. Une autre différence (avec l’économie par exemple) est qu’il ne s’agit pas d’un phénomène instantané mais avec une grosse inertie (comme le disait blop), donc les variables d’aujourd’hui permettent au moins de projeter des tendances sur plusieurs années voire décennies. Donc, toutes relatives que soient les prédictions, le résultat qualitatif est certain (contrairement à votre prévision sur la croissance). Vous avez raison de souligner que toutes les sciences ne sont pas équivalentes en terme de prédiction, simplement il me semble que de ce point de vue, la climatologie est mieux comprise que certaines sciences plus molles (mais je vous l’accorde que ma petite échelle de dureté personnelle relève peut-être de la religion).
Sinon, ma petite sortie sur l’économie visait simplement à souligner qu’à mon sens, les prédictions économiques ont plutôt moins de validité que les prédictions des climatologues (et que je n’ai jamais vu sur des blogs un peu "sérieux" qui que ce soit dénoncer la "religion de l’économie" dans des termes aussi violents que vous le faites bien que l’impact des modèles économiques utilisés sur nos vies quotidiennes et sur l’organisation des institutions soit au moins aussi important que le pacte de Mr Hulot…) : cela n’empêche pas que la croissance "mondiale" à l’échelle du siècle est un des rares phénomènes économiques incontestable. De toutes façons cette croissance n’est qu’un paramètre parmi d’autres dans les modèles – même si on arrête toute production industrielle, les modèles prédisent le réchauffement.
Désolé de troller, j’aime par ailleurs beaucoup ce blog, et je trouve moi aussi ce billet et lescommentaires très intéressants !
@Tom Roud : ""Donc, toutes relatives que soient les prédictions, le résultat qualitatif est certain (contrairement à votre prévision sur la croissance). Vous avez raison de souligner que toutes les sciences ne sont pas équivalentes en terme de prédiction, simplement il me semble que de ce point de vue, la climatologie est mieux comprise que certaines sciences plus molles""
Il reste les cas critiques : imaginons une météorite qui s’écrase (ou un super-volcan qui explose) et qui envoie des quantités astronomiques de poussières dans l’atmosphère : ceci pourrait entraîner une nouvelle période glaciaire, à l’encontre des prévision de la climatologie. On peu également imaginer que dans quelques (dizaines) d’années, on ait suffisamment évoluer technologiquement pour contrôler l’ensoleillement (avec des voile spatiales, que sais-je) : la aussi, la température pourrait être modifiée. Bref, la climatologie peut prévoir l’évolution des températures de manière assez fiable sans modification radicales du cadre d’expérimentation, ce qui peut arriver (même si les probabilités sont faibles).
Votre comparaison de l’écologie à une prophétie est intéressante, mais elle ne va pas assez loin. Vous n’y voyez que le côté irraitonnel. Pourtant, et c’est Max Weber, qui fut prof de Schumpeter (ou bien collègue?), en tout cas qui l’a fortement inspiré dans ses remarques sur Marx (peut-être même cité, je n’ai pas le bouquin sous la main) qui l’avait montré : toute prophétie est en mêem temps une entreprise de rationalisation du Monde, elle donne une construction cohérente des phénomènes naturels et sociaux. Marx, comme Jésus, ont donné à des milliards de gens une manière de comprendre la souffrance, la domination, des myens intellectuels pour la combattre. Je ne crois pas que Hulot soient comparables à ces deux là, mais les différents militants écologiques, même dans leurs délires apocalyptiques, ont permis d’internaliser des phénomènes totalement incompréhensibles. cf. à ce sujet un Rebonds récent de Bruno Latour : "désormais la terre est ronde" (désolé, je ne sais pas écrire des liens html). Cette mobilisation d’irrationalité et de catrastrophisme a été une condition nécessaire du rapport Stern ou autres travaux du GIEC. Même le calcul patient de coûts nécessite de les internaliser, de les percevoir comme des coûts. D’ailleurs dans la même émission que vous citez en réponse à un commentaire(enfin je pense que c’est la même), Yves Cochet expliquait que contrairement à Hulot pour lui l’écologie ne pouvait être apolitique parce qu’elle devait permettre de comparer des coûts sociaux des changements économiques.
Lu le billet mais pas tous les commentaires – désolé si doublon.
Sur la réponse d’Alexandre 3.2 (gasoil à 1,6 E) : où trouvez-vous que les écologistes méprisent ce type d’approches économiques ? ce chiffre correspond aux ordres de grandeur donnés pour la taxe carbone par MM. Lipietz ou Cochet depuis plusieurs années. Ils sont bel et bien écologistes, que je sache.
Sur l’approche critique d’ensemble du billet ("déconstruction" des mythes ou a priori des écologistes) : elle est bienvenue ! Mais ne la remplaçons pas par l’a priori pseudo-progressiste "l’humanité a su résister aux dommages qu’elle causait à la planète jusqu’à aujourd’hui, DONC en conservant les mêmes approches économiques et politiques, elle y parviendra demain", car une telle hypothèse fondée sur 0 observation de l’avenir n’aurait rien de scientifique.
J’avoue ne pas très bien comprendre en quoi le discours idéologique écologiste s’oppose au discours scientifique : les deux me semblent se compléter, et pas se contredire ?
Avant toute chose je tiens à dire que votre article est très interessant et que certaines réactions me paraissent bizarres.Je suis novice en économie et encore plus en climatologie.
Cependant, arrêter s’il vous plaît de dire que le réchauffement de la planète est quelque chose de désastreux. Il convient de se replacer sur l’échelle de temps de la planète. D’abord nous sommes dans une ère glacière puisque les pôles sont recouverts de glace. Si celle si disparaît la terre ne s’en portera pas moins bien, elle a connu de très longues périodes sans glace aux pôles. L’homme, par contre, n’a connu que l’ère glacière et aujourd’hui il traverse la fin de cette ère. La nature sait et s’adaptera toujours aux conditions de vie sur terre, mais nous en sommes-nous capables?
Il est très dur de faire des prévisions économiques autant que météorologiques. Un nombre énorme de facteurs est à prendre en compte, c’est peut être pour ça que les services météos disposent des ordinateurs les plus puissants au monde. De plus ils trouvent aussi de nouveaux facteurs et pas des moindres, de récentes études recoupent l’évolution du climat (ère glacière…) ac l’intensité de l’activité du soleil. On sait que l’activité humaine a un rôle dans le réchauffement de la planète mais personne n’est encore capabe de nous dire si il est important ou marginal. On a récemment découvert que le climat de la plaète avait déjà connu des évolutions quasi similaires et presque aussi rapide. Ce qui montre que les théories scientifiques sont bien faites dans un état donné de nos connaissances.
De nouveaux outils de la NASA ont permis de relever des irrégularités dans l’epace montrant un problème dans la théorie de la relativité d’einstein, mais au bout de 20 ans de travaux, ils n’ont toujours pa trouvé d’où venait le problème, comme quoi les modèles en facilitant la chose, la déforme également te on s’écarte de la vérité. Sport favori de la microéconomie.
Le progrès technique chamboulera nos coutumes et habitudes de vie comme il a fait dans le passé et il apportera de nouveaux outils aux scientifiques qui verront les choses autrement et qui fera évoluer les théories scientifiques.
Autre fait qui est presque intangible : l’homme a toujours "marché à la carotte", qui s’est modifiée au cours du temps. Lorsque la religion était forte et très influente, c’était le paradis éternel chez les chrétiens, 100 vierges au paradis chez les musulmans…
Aujourd’hui c’est l’argent, presque rien ne se fait malheureusement sans perspective d’interêr financier et quoi demain?
Enfin certaines personnes font un raccourci un peu dangereux qui amènent à des non sens. Le parti des verts, par exemple, n’est pas que de l’écologie. Il faut penser à tous les aspects du développement durable. Les verts prônent également la réduction de la pauvreté, tous les hommes doivent pouvoir manger à leur faim et être logés. Il faut aider les autres à se développer en intégrant les générations futures. Si mes souvenirs sont bons, List nous disait déjà qu’il faut savoir sacrifier le confort des générations présentures pour les futures.
Il ma paraît doage de résuire le débat à ce seul aspect, sans vouloir en réduire son importance.
Voici une animation qui circule depuis quelques temps et qui a pour thème l’eau et la destruction de l’environnement. La tonalité du message correspond exactement à ce que vous décrivez : la peur de l’apocalypse.
questionscritiques.free.f…
On me signale le cas de géophysiciens qui venaient étudier des possibilités géothermiques… et dont le matériel a été saccagé par des militants "écologistes" qui pensaient qu’ils venaient étudier pour le nucléaire.
Toutes les idées ont leurs créateurs, leurs porteurs, leurs défenseurs plus ou moins adroits, leurs contradicteurs plus ou moins adroits. C’est vrai aussi chez les écolos…
Le climat est un vrai problème pour l’humanité, sans doute pas pour la vie, ni pour l’univers. Le rapport du GIEC 2009 montre que l’évolution de la température est pire que la pire de leurs précédentes prévisions… alors on peut croire que des petits changements rectifiront le problème et que :
"Etrangement, ces moyens intéressent très peu les écologistes, comme le fait qu’un mélange de progrès technique, de taxes modérées, et d’investissements, permettrait de largement régler le problème sans avoir à changer les modes de vie."
Je n’y crois pas. Il faut une vraie rupture. Sauf, et c’est un choix éthique à discuter si on veut effectivement "ne pas changer les modes de vie" et donc défendre notre confort au Nord et laisser les pauvres du Sud crever.
C’est scientifique ; le système Terre est fermé – sauf par l’énergie que le Soleil apporte ; le reste est utilisé/transformé/dégradé. Notre société tient sur une économie faussée parce qu’on ne compte pas la remise en état. Intégrez cela et vous aurez un système économique plus stable. Plus complexe, mais probablement plus juste….
Le plus dur, c’est se convaincre … mais diviser par 4 sa consommation énergétique ce n’est pas si facile non plus 😉
Au moins, cet article m’aurai fait faire de la gymnastique des sourcils, vu le nombre de fois ou je les ai levés avant de relire attentivement la phrase pour m’assurer d’avoir bien compris vos hallucinations et amalgames.
Et certains des commentaires valent leur pesant d’or également 😉
Réponse de Alexandre Delaigue
Merci, au revoir!