Jerome Kerviel, BP et la guerre du Kippour

En lisant ce billet chez Aliocha (lecture chaudement recommandée pour suivre le procès Kerviel, comme le blog de Pascale Robert Diard) Je me suis surpris à penser à la guerre du Kippour.

Résumons. Pendant des années, Kerviel a pris des positions absurdes. Imaginez un smicard qui joue 100 000 euros sur les sites de paris sportifs de la coupe du monde, et vous aurez une idée du caractère aberrant des positions prises. Or, si l’on peut comprendre qu’un homme seul puisse se retrouver dans une dynamique le conduisant à ce genre de comportement – après tout, il arrive que des smicards se surendettent et se ruinent au jeu – on ne comprend pas que la banque pour laquelle il travaillait, la Société Générale, ait pu le faire. Ce qui laisse les explications possibles suivantes :

– Explication 1 : Kerviel est un génie de la manipulation, ce qui lui a permis de dissimuler soigneusement ses opérations, pendant des années, les rendant invisibles à sa hiérarchie et à la batterie de personnel du back-office et de contrôleurs de risque de la banque. C’était la thèse initiale de la Société Générale.

– Explication 2 : Kerviel a adroitement manoeuvré pour dissimuler ses activités, mais la banque a été gravement incompétente, parce que les dissimulations en question n’étaient pas si adroites que cela, et auraient pu, et dû, être détectées. Cette incompétence a été plusieurs fois signifiée lors du procès, notamment par le fait que la Société Générale a dû payer une lourde amende (presque l’amende maximale) suite à cette affaire.

– Explication 3 : La Société Générale a été aveugle, mais parce que la hiérarchie a décidé de ne pas regarder ce qui se passait. Après tout, tant que l’on gagne de l’argent, pourquoi s’inquiéter? Kerviel, dans cette perspective, a bénéficié d’une sorte d’accord tacite pour mener ses malversations et prendre des risques invraisemblables.

– Explication 4 : en fait, l’accord de la hiérarchie de Kerviel n’était pas implicite, mais explicite. Ses supérieurs l’ont volontairement laissé faire, voire encouragé. Il n’y a là pas tant des malversations que la dérive générale de la finance, dans laquelle des irresponsables font n’importe quoi.

Le procès consiste, sur la base de faits avérés et reconnus par Kerviel, à savoir laquelle de ces explications est la bonne. Pour la défense de Kerviel, si le procès aboutissait à la quatrième explication, ce serait l’idéal : montrer que la Société Générale, partie civile dans le procès, est en fait aussi coupable que son trader. Pour la Société Générale, la première explication est préférable : elle la fait passer pour la victime d’un manipulateur, alors que la seconde la présente comme incompétente, et les deux autres comme carrément complice, par omission ou par action, des agissements de Kerviel. Pour une institution financière qui dépend crucialement de la confiance que lui accordent ses clients et partenaires commerciaux, cela fait vraiment très, très mauvais genre.

Alors, quelle explication est la bonne? Je n’ai certainement pas interrogé autant de personnes qu’Aliocha, mais ce que l’on m’a dit tourne autour de l’idée suivante : pendant une courte période de temps, une ou deux semaines, effectivement, il est possible à un trader de faire n’importe quoi à l’insu de sa hiérarchie, et de couvrir ses agissements par des manipulations. Mais plus longtemps, c’est impossible sans laisser de traces visibles. Même génial, Kerviel n’aurait pas pu se cacher aussi longtemps.

Et à l’évidence, Kerviel n’est pas un génie. Les traces de ses actions étaient visibles. On a pu voir la Société Générale, d’ailleurs, finir par reconnaître que leurs systèmes de surveillance ont été lourdement défaillants. La première explication n’est donc guère plausible. Depuis, on oscille entre les autres, au gré des témoignages de tel ou tel, le tout dans un procès ou l’émergence de la vérité n’est pas facilitée par le rôle considérable des conseillers en communication et les effets de manche des ténors du barreau.

Reste donc l’hypothèse d’une grande incompétence, d’un aveuglement coupable, voire même, d’une complicité active. Cette dernière thèse n’est guère tenable, étant donnée la nature même de la position prise. On est dans un tel degré de n’importe quoi qu’on ne peut pas imaginer la hiérarchie de la banque se lancer dans ce genre d’aberration. On retrouve cela dans les propos tenus lors du procès pour qualifier les positions prises par Kerviel. Reste donc l’incompétence, ou l’aveuglement volontaire. Soit ils ne savaient pas et ont été incroyablement nuls : soit ils ne voulaient pas savoir. S’y ajoute l’actualité et la pression sociale autour de l’affaire : dans le contexte de crise financière, chacun voudrait que ce procès soit celui de la finance, ce système dans lequel on confie à des irresponsables des sommes folles pour qu’ils s’en servent au mépris des conséquences. Et chacun d’aller chercher la “preuve” – qui ne viendra probablement jamais – que la banque, dans le fond, savait. Kerviel, instrument et victime du système.

Mais est-ce vraiment le procès de la finance? Je suis surpris que personne ne fasse le parallèle entre l’affaire Kerviel et les défaillances de BP. Jugez plutôt : on est en train de constater que pour économiser quelques centaines de milliers de dollars, BP se retrouve responsable d’une catastrophe écologique, qui pourrait causer la disparition de la compagnie, et lui coûter jusqu’à 50 milliards de dollars. Pensez à l’équipe d’ingénieurs qui ont décidé de prendre ce risque : d’un seul coup, Kerviel et son record de 5 milliards d’euros évaporés passe pour un amateur. Et nous ne sommes pas là dans la finance folle, mais dans une vénérable entreprise industrielle presque centenaire. L’affaire Kerviel n’est en réalité qu’un épisode d’un problème beaucoup plus général : la capacité des organisations, et des sociétés, à se protéger contre des risques majeurs. Pour faire simple : nous ne savons pas faire. Et alors que les technologies que nous utilisons sont de plus en plus complexes, nous savons de moins en moins faire. Kerviel est à la Société Générale ce que l’O-ring a été à la navette spatiale américaine : un élément mineur causant une énorme catastrophe. Sur cet aspect, l’affaire Kerviel dépasse de beaucoup la question de la finance.

A l’automne 1973, l’armée syrienne a massé des troupes, des blindés, de l’artillerie, le long de sa frontière avec Israel. Au même moment, l’armée egyptienne a rappelé tous ses réservistes, lancé un énorme exercice militaire, massé des pièces d’artillerie et des canons antiaériens le long du canal de Suez. Ces mouvements ont été détectés par plusieurs vols de l’armée israélienne. Les services de renseignement israelien ont dans le même temps appris que la flotte soviétique stationnée en Egypte avait pris la mer, que les familles des diplomates soviétiques présents en Egypte et en Syrie étaient ramenées en Russie par avion; le 6 octobre à 4h du matin, un informateur de haut niveau avertissait le chef du renseignement israelien que l’Egypte et la SYrie allaient attaquer dans la journée; les dirigeants militaires et politiques israeliens se réunirent, et le chef du renseignement leur certifia qu’il était persuadé que l’attaque n’aurait pas lieu. Le soir même, l’attaque commençait.

L’incapacité des services de renseignement israeliens à prévoir la guerre du Kippour n’est en aucun cas exceptionnelle dans l’histoire; on retrouve la même configuration avant Pearl Harbor, avant le 11 septembre, de services disposant de toute l’information disponible pour prévoir un évènement, et incapables devant l’évidence de prévoir ce qui allait se produire. C’est qu’il est beaucoup plus facile, une fois l’évènement survenu, de regarder en arrière et d’aller chercher tous les éléments qui annonçaient l’évènement que de le prévoir a priori. L’information pertinente est en permanence noyée dans un flux d’informations non pertinentes. L’information reçue à un moment se révèle finalement fausse. A force de recevoir sans cesse des alertes, on finit par ne plus y prêter attention. Ne pas manquer cet article consacré au problème, abondamment illustré.

Mais immanquablement, le commentaire a posteriori est le même : comment se fait-il qu’ils n’aient pas vu? ce soupçon nourrit les théories du complot. S’ils n’ont pas vu ce qui pourtant crevait les yeux, c’est qu’en fait ils ont vu et choisi de laisser faire. Des théories de ce genre abondent, sur Pearl Harbor comme sur le 11 septembre. Nous ne parvenons pas à nous mettre a posteriori dans la peau de ceux qui recevaient des informations, pour comprendre qu’il est infiniment plus facile de comprendre pourquoi le passé s’est produit que de prévoir l’avenir. Nous oublions trop souvent ce que disait Napoléon : les choses s’expliquent bien plus souvent par l’incompétence que par une conspiration.

Et l’histoire de Kerviel ressemble à ce genre de problème. La défense a beau jeu de chercher sans arrêt la démonstration de ce que l’information était sous les yeux de qui aurait dû la voir. Qu’est-ce que cela nous apprend exactement? Pas grand chose. Des traders qui dépassent temporairement leur niveau de risque autorisé, qui montent des opérations opaques, il y en a sans arrêt, dans toutes les banques. Le plus souvent, cela n’a aucune conséquence; l’opération est résolue le lendemain, le controleur de risque va rapidement discuter avec le trader pour comprendre ce qu’il a fait, et on passe à la suite, le tout dans une atmosphère de très grande agitation générale.

S’y ajoutent quelques éléments sociologiques. Les gens du back-office, du contrôle de risque, se le voient régulièrement rappeler : ils sont un centre de coût, les salles de marché sont un centre de profit. Entre les deux, la hiérarchie implicite est très rapidement évidente. S’y ajoute le fonctionnement féodal des banques (tout particulièrement les banques françaises) dans lesquelles on distingue clairement entre ceux qui sont issus de ces Grandes Ecoles que le monde entier nous envie, et les grouillots qui se contentent d’un diplôme universitaire. A votre avis, lesquels trouve-t-on dans la hiérarchie et dans la salle de marché, lesquels dans les services de contrôle du risque et de back-office? A ce titre, le témoignage du supérieur direct de Kerviel est éclairant : il ne comprenait rien à ce que les traders qu’il était sensé diriger faisaient. Comment une telle situation est-elle possible? Allons donc, comment un polytechnicien d’une trentaine d’années pouvait-il être incompétent? ils savent tout faire, ils sont tellement intelligents.

Et cela, vous le retrouverez à tous les échelons. Le spectacle de l’inspecteur des finances Daniel Bouton, incapable d’expliquer à la presse après l’affaire Kerviel en quoi consistait un contrat à terme était lui aussi, extrêmement éclairant. Dans des métiers complexes et techniques, il n’est pas anormal qu’un supérieur hiérarchique ne soit pas capable de faire ce que ses subordonnés font; toute la hiérarchie des grandes entreprises françaises et des banques est construite sur la négation de ce principe pourtant simple. On sait qu’ils ne peuvent pas le faire, mais on fait comme s’ils en étaient capables, et l’on s’intoxique sur les gens qui ne peuvent qu’être des leaders nés parce qu’ils ont été capables à 20 ans de passer un concours très difficile.

Dans ces conditions, la vraie question n’est pas de savoir comment une affaire Kerviel a pu se produire, mais de se demander pourquoi de telles affaires ne sont pas plus fréquentes. Petit secret : elles sont fréquentes. Rappelons que nous parlons d’institutions qui ont réellement cru qu’elles avaient la capacité de transformer des actifs extrêmement risqués en actifs sûrs par la simple magie de l’ingéniérie financière, et qui ont accumulé ces actifs dans leurs comptes. Autre petit secret : il n’est pas rare que les banques, chaque année, gagnent moins sur leurs activités de marché que ce qu’elles auraient gagné en se contentant de toucher leurs commissions d’intermédiaires financiers. En somme, leur position d’intermédiaire obligé sur les marchés permet de faire passer bien des petits errements. Mais cela permet de comprendre comment un Kerviel a pu rester si longtemps non détecté.

Ces leçons seront-elles retenues après le jugement de Kerviel? Certainement pas. Les uns continueront de penser qu’on a fait d’un individu le bouc émissaire commode d’une finance folle qu’il faut contrôler, oubliant que le problème fondamental n’est pas la finance, mais une question beaucoup plus profonde: la croyance de nos sociétés de pouvoir se protéger des catastrophes par le management, les élites “compétentes” et les organisations géantes. La vraie question n’est pas de savoir si une catastrophe comme Kerviel peut se reproduire, si l’on parviendra à s’en préserver en mettant sous contrôle la “finance folle”. Elle est plutôt de savoir quand la prochaine catastrophe de ce type se produira.

Share Button

Alexandre Delaigue

Pour en savoir plus sur moi, cliquez ici.

28 Commentaires

  1. "La vraie question n’est pas de savoir si une catastrophe comme Kerviel peut se reproduire, si l’on parviendra à s’en préserver en mettant sous contrôle la "finance folle". Elle est plutôt de savoir quand la prochaine catastrophe de ce type se produira."

    Eh oui ! car ce serait puéril de penser que des gens issus des mêmes écoles puissent, sous prétexte qu’ils sont fonctionnaires, contrôler depuis Bercy ou ailleurs ce que ne contrôlent pas ceux qui sont sur le tas.

  2. C’est toujours un plaisir de vous lire. En plus un si long article, vous nous gatez.

    "les choses s’expliquent bien plus souvent par l’incompétence que par une conspiration."
    Vous êtes sûr que c’est Napoléon qui a dit ça ? Google ne trouve rien. Il me semblait plutôt que c’était un "libéral" dont le nom ne me revient plus. Enfin bref, c’est un détail.

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Je l’ai lue aussi attribuée à Talleyrand. les bonnes citations ont toujours plusieurs auteurs 😉

  3. La presse attaque en bloc "la finance", mais n’est-ce pas simplement un secteur d’activité plus sensible encore que les autres au mal central, la cupidité ? Le pétrole, ou toutes les rentes, relèvent du même mal, non ?

  4. Un article brillant! J’approuve totalement.
    Derrière les explications romanesques (Kerviel en Raskolnikov, la perversion du ‘système’) se cache souvent cet aspect inévitable de la dynamique des organisations: sur des centaines de milliers d’opérateurs de marché dans le monde va forcément s’en trouver quelques centaines aux intentions malhonnêtes, ou du moins prêts à contourner les règles. Vue la complexité des banques, il est impensable qu’une poignée d’entre eux chaque année ne puisse pas exploiter une faille quelconque du système avec succès. Sur ces ‘quelques-uns’, il est un cas extrême toutes les quelques années qui ne se fait pas prendre. Des statistiques tout simplement, et pas la démonstration du caractère diabolique d’une industrie ou d’un homme…

    Petit bémol, je me permets de mettre en garde Alexandre et Elvin, avec le respect que je leur dois, contre le discours stéréotypé sur les Grandes Ecoles.
    1) sans nier totalement les faits que vous évoquez ils sont très exagérés. Un X incompétent sera souvent écarté sans plus de ménagement, même si son statut lui avait peut-être donné un accès au poste plus facile. Dans le cas de M. Cordelle on s’en est apercu un peu tard.
    Quant au caractère féodal, il est loin d’être aussi marqué. Les cursus fac+master ‘prestigieux’ sont très présents, pratiquement à parité.

    2)Ceci dit, les caractéristiques ci-dessus sont particulièrement présentes à la SG, donc je comprends que cette affaire inspire ce type de réflexions. Elles sont moins marquées dans les autres banques francaises, et bien sur quasi inexistantes à l’étranger (avec quelques exceptions, par ex. Goldamn Sachs).

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Loin de moi l’idée de critiquer les gens des grandes écoles (j’en fais partie, hein…). Ce sont les structures qui garnissent leurs hiérarchies de leurs membres comme s’ils étaient des couteaux suisses capables de tout faire, appliquant l’idéologie managérialiste, qui se retrouvent avec des problèmes. Comme vous le dites, c’est très marqué à la SG.

  5. "Loin de moi l’idée de critiquer les gens des grandes écoles (j’en fais partie, hein…)."
    Et moi donc !!!

  6. Post très intéressant, merci Alexandre ! Les comparaisons (BP, guerre du Kippour, 9/11) sont bien choisies et illustrent comment les organisations en général peuvent dysfonctionner et sont loin de correspondre à l’idéal-type wébérien de la bureaucratie.

    En ce qui concerne les grandes écoles, un des problème ne serait-il pas (notez les pincettes) notre goût pour les gens qui sont bons en maths ? Il est courant de considérer que les ingénieur peuvent devenir spontanément des managers (assez étrangement, on confie rarement la conception d’une voiture à un HEC). Or, une organisation ne se conçoit ("design") pas comme un aspirateur. Nos amis @X/central/Ulm ne manquent-ils pas d’outil pour analyser des problèmes de théorie des organisations ?
    (il ne s’agit pas d’une question rhétorique)

  7. Chouette billet !

    Qu’est-ce qu’on apprend de plus dans les grandes écoles par rapport aux universités? Pas d’ironie là dedans, je me pose sincèrement la question.

  8. Je suis pour ma part particulièrement troublé par le fait que le raisonnement que vous tenez, semblable à celui que je tiens, pourrait s’appliquer aux créateurs d’OGM, à la recherche pharmaceutique, et à l’industrie alimentaire.

    Et ce raisonnement n’est pas si rare : relire (ou revoir) Fight Club pour se souvenir du milieu professionnel dans lequel travaille le héros de l’intrigue, et se souvenir que certains d’entre travaillent dans des entreprises comme Bépé, ou tant d’autres.

  9. Très intéressant, autant l’article ici que celui donné en lien sur la guerre du Kippour et autres exemples. Mais si les deux articles mettent magistralement en évidence la façon dont des échecs retentissants peuvent affecter des organisations, aucun ne propose de pistes pour améliorer leurs résultats. Est-ce à dire qu’il n’y en n’a pas et que personne n’a trouvé de bonne solution ?

  10. Un bon billet. C’est en effet toujours facile apres coup de dire qu’il etait evident de voir quelque chose, mais on oublie que dans tous ces systemes extremement complexes (entreprise, mais cela s’applique aussi bien a un avion ou a une plateforme petroliere), il y a des millions d’endroits qui peuvent poser probleme. A cela s’ajoute effectivement le fait que les "chefs" ne sont pas toujours au fait de tous les details (en particulier dans les systemes informatiques), qu’on peut difficilement suspecter tout le monde tout le temps, et que dans la plupart des industries qui se developpent (j’aurais bien mis innovantes mais en ce moment, et parlant de la finance, c’est donner le baton pour se faire battre…), on ne maitrise pas totalement tous les parametres (i.e. on ne sait meme pas toujours ou sont vraiment les gros risques). On parle finance et petrole aujourd’hui, probablement genetique, informatique et autres demain. On en arrive a la question standard, comment controler l’innovation sans tuer dans l’oeuf toutes les nouvelles idees.

  11. Le boss incapable d’expliquer un contrat à terme désolé mais ça ne passe pas, trop gros…

    Qu’il ne sache pas recalculer toutes ses grecques sur le bout des doigts ok, mais bon faut pas raconter n’importe quoi non plus. C’est vrai qu’un X va plus être porté sur Radon Nikodym et Girsanov que sur la connaissance de dizaines d’instruments, mais tout de même.

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Vous n’aviez pas vu cette interview de Bouton juste après l’affaire? Incapable d’expliquer aux journalistes ce qu’était un future sur indice et en quoi consistaient les paris de Kerviel. Le stress je veux bien, mais tout de même.

  12. Je me permets de reprendre un commentaire du blog d’Aliocha qui qualifie cette affaire "d’effet Pieds Nickelés".

    Effectivement dans cette affaire tout semble montrer le banal et grotesque enchaînement qui a permis cette déroute digne d’une bonne BD humoristique de fiction.

    A priori, comme le prévoit Alexandre Delaigue, il y a aucune chance qu’on en retienne des leçons…

    Il ne reste donc qu’une chose à faire : réactualiser la définition de Wikipédia sur "les pieds nickelés" en insérant "l’affaire Kerviel ou SG" entre "clearstream" et "L’arche de Zoé".

  13. A la question très complexe je réponds : pas 42 :p

    Ce qui est intéerssant, c’est la recherche de l’homme vers l’élimination complète du "errare humanum est", notamment avec les systèmes informatiques, mais en oubliant toujours que le dernier mot revient toujours à l’homme.
    Ce qui est encore plus fascinant, c’est la volonté de ne pas vouloir croire ce que la logique des alertes dicte dans une probable incantation du "non, ce n’est pas possible, ce ne peut être ce que je perçois…".

    J’avais lu un article expliquant que le poids du risque immédiat est toujours dans une représentation supérieure au poids d’un risque imaginé lointain.

    Je crois que cette règle fonctionnera encore d’innombrables fois.

  14. @Alexandre Delaigue : Non j’ai manqué cette interview, mais si vous avez une vidéo je serai surpris de voir ça de mes propres yeux !

    Je pense à titre personnel que la question de savoir si la hierarchie de JK était au courant ou non de ses agissements est une fausse question dans la mesure où même si c’était effectivement le seul à être au courant (à mettre au conditionnel, en espérant que le procès parvienne à faire la lumière là dessus, mais ça s’engage très mal pour le moment…), alors le middle et le back n’ont pas fait le *minimum* de ce à quoi ils sont censés servir !

    Les propos concernant la "confiance absolue" de l’homme dans les systèmes informatiques alors que l’homme aurait toujours le dernier mot sont à côté de la plaque. Un avion vole avant tout grâce aux ingénieurs, pas grâce aux pilotes ! Le grand public n’a pas a savoir COMMENT un avion fonctionne, c’est vraiment hors-sujet… En revanche si le pilote a un comportement dangereux alors que tout le reste fonctionne, on s’en rend au moins compte en tour de contrôle (j’imagine).

    S’il y a un élément à surveiller concernant un trader, c’est tout de même ses lignes de crédit, je n’ai pas le détail de l’affaire mais ça me parait ubuesque de prétendre a posteriori avoir des systèmes de contrôle à la Société Générale (même si cela aura peut-être pu se produire ailleurs).

    La sociologie des marchés n’y est sans doute pas pour rien dans cette histoire, mais demeurent les faits.

  15. Cécité au chargement : lorsque l’information qui arrive au cerveau est trop inhabituelle, l’esprit l’occulte purement et simplement. On raconte que les aborigène australiens rencontrant pour la première fois des grands navires ne les voyaient pas, comme s’ils étaient transparents.

  16. "Un avion vole avant tout grâce aux ingénieurs, pas grâce aux pilotes ! Le grand public n’a pas a savoir COMMENT un avion fonctionne, c’est vraiment hors-sujet…"

    Si vous faites confiance aux fabricants d’avion, oui. Si vous prenez conscience du fait que vous ne pouvez pas leur faire confiance, c’est vous qui voyez : vous pouvez aussi ne pas prendre l’avion.

    Mais c’est à vous de voir à quel point vous estimez être utile à vos proches.

  17. Quand bien même "nous saurions de moins en moins faire", je ne suis pas convaincu que cela explique la recrudescence des loupés gigantesques.

    Car on ne peut pas prétendre que "avant" on savait plus faire.

    Il me semble plus vraisemblable que "avant" on évitait plus de se retrouver dans des situations où l’on ne sait pas faire.

    Peut-être que "avant", l’habileté dans la communication permettait moins de masquer l’incompétence.

    Peut-être que "avant" il était moins dommageable d’avouer que l’on ne sait pas.

    Peut-être que "avant", lorsque tout n’était pas "sécurisé", "assuré", ou prétendu tel, on avait plus conscience de la possibilité d’un accident.

  18. Pour le poste précédent de stéphane.
    Une organisation souhaitant rester anonyme, cherche ministre du budjet.
    Bon c’est un peu loin de votre zone de recherche mais ils fournissent un appartement de fonction (1 gaimard carré).

    Sinon, si vous avez des compétences en optimisation fiscale…

  19. Très bon article qui explique complètement les dessous de cette affaire très… étrange.
    L’incompétence des supérieurs (sidérant !) couplée à la technique de l’autruche appliquée par la banque tout au long de ces prises de risques nous a coûté très cher, parce qu’au final, hein, c’est le contribuable qui paye…

    Je pense qu’il y aura bien d’autres affaires comme celles-ci car malgré l’effet "d’expérience" acquise par les managers en traversant cette crise, la nature humaine (à savoir se reposer sur ses lauriers) reprendra très vite le dessus. Vouloir lutter contre ces phénomènes c’est vouloir lutter contre la profonde nature humaine de l’être humain.

  20. Votre rubrique, lue à partir du lien depuis le site du journal Le Monde, est très stimulante
    Cette affaire illustre à quel point les décideurs en France n’ont pas (ou ont très peu) la culture du risque : il ne s’agit pas de répéter – en sautillant tel un cabri, comme aurait dit un président de la Vème république – que "l’accident ne peut pas se produire" (il se produira toujours, sans que l’on sache par avance quand et à quel degré) mais de se préparer à son éventualité en envisageant quoi faire pour limiter l’impact, réduire le temps de retour à la situation antérieure et mettre en place les contrôles permettant de déclencher les alertes
    on ne peut empêcher qu’un risque se réalise mais on peut rester vigilant, comme font au quotidien les spécialistes de la sécurité dans les sites Seveso 2, les SDIS (Service Départemental d’Incendie et Secours) et la Prévention Civile
    à quand un "Plan Rouge" ou un "Plan Blanc" dans une banque pour gérer la crise des traders ?
    les compagnies de transport surveillent la santé physique et mentale des pilotes car il s’agit de ne pas mettre en péril des vies humaines ; lorsque le desk de la SocGen a été fermé (s’il l’a été), quelles mesures et quelles formations le PDG (auteur d’un rapport sur la gouvernance, n’est-ce-pas?) a-t-il imposé aux autres "terroristes" potentiels ?
    comme je vous disais en commencant, votre rubrique est très stimulante

  21. Bonjour et merci pour cet article qui ouvre des pistes de réflexion bien au delà du monde de la finance et des banques. Deux petits commentaires :

    Travaillant dans le monde industriel, j’ai côtoyé plusieurs analyses de risques AMDEC. Cette solution est souvent présentée comme idéale pour maîtriser des risques car elle est logique et permet de mettre des chiffres (ah, les maths !) sur des risques. Pourtant, cette analyse n’est jamais parfaite car elle se base sur l’expérience des auteurs : elle ne garantit que contre l’imaginable, ce qui est loin d’être une garantie absolue. Décidément, ce qui me rassure quand je prends l’avion, ce sont davantage les statistiques d’accident par nombre de vols que les analyses de risques des constructeurs…

    Concernant le rôle du supérieur hiérarchique de Mr Kerviel, les règles appliquées dans une organisation sont souvent loin d’être identiques à celles qui sont écrites (cf. théorie de l’acteur stratégique de Crozier et Friedberg). Si le hiérarchique est d’abord jugé sur le résultat de son équipe (ce qui me semble probable), en cas de dépassement de limite d’un élément qui apporte beaucoup de résultat, il va plutôt chercher à le défendre, fermer les yeux ou même faire assouplir les règles de contrôle : l’opérateur est certainement bon et les règles mauvaises vu qu’il ramène du résultat et que c’est l’indicateur le plus important !

  22. Mon expérience dans l’industrie médicale montre que la malhonnêteté est souvent liée avec l’incompétence.

    Les chefaillons escrocs imposant leurs choix aux ingénieurs, et si ces derniers montrent trop leur désapprobation, c’est le harcèlement et/ou la porte. Même en France, les prudhommes ne sanctionnent que rarement l’employeur dans de tels cas.

    Pour revenir à BP, on trouvera peut être une configuration similaire :

    http://www.lemonde.fr/planete/ar...

  23. J’avais mis un com, il n’apparait pas, censuré ?

    Réponse de Alexandre Delaigue
    désolé du retard au postage, pas là ces derniers jours.

  24. Bonjour,
    Je lis votre article avec retard. Puis-je vous suggérer la lecture de ce site qui a également suivis le procès Kerviel mais avec un regard bien plus technique (au niveau financier) que les autres que vous avec citer à mon humble avis :
    olivierfluke.canalblog.co…

  25. Kerviel n’est ni un génie ni un incompétent. Il faisait confiance sans savoir. Il n’aurait peut être pas perdu autant sans la perte de confiance de son employeur.
    Les défaillances d’un système ne peuvent pas reposer sur une seule personne.
    Cependant, plusieurs personnes construisent ce système.

  26. Explication 1 : Tout d’abord le front-office c’est la relation direct avec la clientèle Kerviel ne les voie jamais.
    Le back-office s’occupe des placements.
    La contrepartie est essentiel entre le back office et le contrôleur de banque.
    C’est comme ça qu’est fait une banque.

    Explication 2 : Kerviel à dissimulé sans génie des placements qu’il aurait dû présenter à son employeur, et donc selon son employeur la perte à été présumée à 4.9 Milliards d’euros.
    Avec vente, la perte a été de 4.9 Milliard d’euros.

    Explication 3 : Tant que Kerviel joue sur 100 millions d’euros ou sur 500 million d’euros, on lui disait rien tant que ça rapporte de l’agent à la Société Générale.

    Transition : La logique était dépassée, il fallait comprendre ses relations avec ses supérieurs, sans laisser Kierviel dans la nature.

    Explication 4 : Il n’y avait pas de contrat, c’était implicite. Ils l’ont clairement encouragé et ça c’est vrai.

    La Société Générale devrait connaître ses traders, elles est aussi coupable que lui.
    L’incompétence de la Banque démontre bien ses actions coupables : Kerviel n’est que acteur.
    La première et la seconde sont complices. Jérôme Kerviel le sait : La Société Générale est complice.
    La Société Générale prétend sans justification et donc là c’est livré à brûle pourpoint.
    Il ne faut jamais être excessif ni dépasser la bonne mesure.
    Pause.

Commentaires fermés.