Owen Barder critique les partisans d’une taxe Tobin pour financer l’aide au développement, comme A. Persaud que nous avions mis en lien hier. Ses objections sont très valables.
Y avait-il du contenu dans le discours de clôture des universités d’été du PS? Il existe une façon très simple de le savoir : le bullshit test. Vous en trouverez l’explication dans cet article avec une application au G20, et William Easterly s’en sert pour évaluer les déclarations de l’industrie du développement. Le bullshit test comprend notamment le “not test”, le “new test”, le “credibility test” et le “was it worth it test”.
En pratique, le “not test” est le plus facile à faire, et on peut le plus souvent s’en contenter; il consiste à prendre les phrases du propos étudié, et d’y remplacer l’affirmative par la négative. Si le résultat a un sens, et pourrait être énoncé par une personne sensée, alors, la phrase a du contenu; sinon, ce n’est que du verbiage énonçant des évidences (du bullshit). Par exemple, la phrase “nous appliquerons des moyens appropriés pour lutter contre la crise financière” est du bullshit : qui déclarerait son intention d’appliquer des moyens inappropriés? Dans le discours de clôture du PS, le premier paragraphe devient irrésistiblement drôle lorsqu’on y applique ce test (cela commence par “nous avons voulu que cette université d’été soit inutile pour la France et les français”; je vous laisse faire la suite).
Ce test de la négation permet de savoir si l’auteur du discours étudié fait de la politique ou du baratin. Faire de la politique, c’est faire des choix, trancher dans l’indécidable, être en faveur d’une chose sachant que les idées opposées ont un sens; si ce n’est pas le cas, autant remplacer tout de suite les élections par un concours de désignation des bureaucrates les plus compétents. Le jour où les socialistes seront capables de formuler un discours authentiquement politique, comprenant des choix, on pourra dire qu’ils constituent une opposition crédible. On n’en est pas là.
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Je ne vois pas bien ou est la critique de la TT ds l’article du FT; Il dit juste que c’est complexe.
Il y a quelque chose de très popperien dans le ‘no test’. Ça fait plaisir de voir un détracteur de Popper vanter les mérites d’une variante de son critère de démarcation 🙂
Je dirais surtout qu’il y a quelque chose d’extrêmement naïf concernant la compréhension des fonctions du langage. Le langage ne sert pas qu’à prononcer des énoncés de nature scientifique et réfutables : il sert aussi à mobiliser, à hiérarchiser des priorités, à dénoncer implicitement (ex :"nous appliquerons des moyens appropriés" veut dire "les autres ne le font pas"), à maintenir le contact avec un auditoire (fonction phatique) quitte parfois à dire des banalités mais qui au moins rassurent, etc.
Quant à réduire la politique au fait de "trancher" les décisions, c’est assez réducteur, ou en tout cas très orienté par une vision "héroïque" de l’homme politique, courageux, seul face à l’incertitude, assumant splendidement la responsabilité de ses actes. La politique c’est aussi louvoyer, négocier, créer des groupes, inventer des solutions, penser différemment, contraindre, etc.
Comment donc ? On détracterait Popper ici.
Je ne pensais que c’était le genre de la maison.
Ca fait mal quand on applique ce test à la conclusion de ce billet, on en déduit que c’est un tissu de conneries. Toujous commencer par SE remettre en question…
Réponse de Alexandre Delaigue
Non : cela veut dire qu’aucune personne sensée ne pourrait être en désaccord avec ce dernier paragraphe, qu’il constitue donc une accumulation d’évidences, et pas un discours politique.
Je pense que le Not Test n’est valable que si le contraire d’une chose en partage le contexte ; c’est à dire est dans le même champ conceptuel. Mais une phrase qui n’a pas de sens dans un contexte peut en avoir dans un autre.
Et d’ailleurs, on peut aussi (en toute mauvaise foi) décider de ce que sera le contraire d’une phrase. Si je décide que le contraire de "nous appliquerons des moyens appropriés pour lutter contre la crise financière" est "nous n’appliquerons aucun moyen pour lutter contre la crise financière", cela a un sens. C’était d’ailleurs ce que Bush avait commencé à faire, non ?
Je rejoins Vincent : ça ne marche que pour des énoncés bipolaires, ou des phrases mathématiques. Le langage est trop diffus et imprécis pour s’y astreindre…
…c’est d’ailleurs ce qu’ont compris les hommes et femems politiques.
Il n’empêche, tout en étant assez d’accord pour dire que le résultat d’un no-test n’est peut-être pas aussi systématique que ça, ça n’ôte pas l’idée que ce test peut révéler des choses sur le discours qui est tenu. En l’occurrence, si vous prenez les mesures proposés par le PS et que vous leur appliquez cette méthode, ça en devient souvent très risible : qui serait contre des allocations versées aux personnes démunies ? Qui s’opposerait à ce que la justice condamne les "patrons voyous" ? Etc.
A part une diabolisation "par le contraste" de la droite, qui prend en gros la forme de "nous le PS avons de grandes et surtout gentilles idées sur le monde, et si vous n’êtes pas d’accord avec c’est donc que vous êtes une horrible personne", ce discours semble être une succession d’effroyables banalités au contenu complètement creux.
C’est en tout cas ce que ce "no-test" m’enseigne, et indépendamment de ça, je ne trouve pas cette conclusion particulièrement choquante, ou irréaliste… (même si bien sûr, je peux me tromper…)
Nous sommes d’accord que ce no-test peut être appliquer à bon nombre de discours ou déclaration d’hommes et de femmes politiques de gauche comme de droite.
Car à lire l’article, on a étrangement l’impression que seuls les socialos ne seraient capables que de bullshit!
Sympa comme test sinon 😉
J’ai lu Bullshit de Frankfurt et je n’y trouve nulle trace de "not test", "new test", "credibility test" et "was it worth it test".
Auriez-vous l’amabilité de m’indiquer d’où sortent ces concepts ?