Départementale vers le paradis

Article très intéressant, parce qu’il pointe un sujet assez peu discuté finalement.

Les autoroutes sont plus sûres que le réseau secondaire (nationales et départementales). Mais les autoroutes sont payantes, alors que les autres voies ne le sont pas, ce qui incite en principe à davantage utiliser le réseau secondaire. En principe aussi, la hausse des tarifs autoroutiers doit réduire la demande, toutes choses égales par ailleurs (disons qu’elle réduit la proportion d’automobilistes qui choisissent les autoroutes). Par conséquent, la probabilité moyenne d’avoir un accident augmente sur les routes en général.

La question fondamentale est l’élasticité de la demande. Quelle part des usagers des routes renoncent ponctuellement ou systématiquement à prendre les autoroutes parce que le prix augmente de 1% ? Je n’ai pas de données sur le sujet et il semble que même les spécialistes de la question n’en disposent pas. L’Association Prévention Routière réserve son jugement sur la hausse des tarifs précisément pour cette raison (mais connaissant peu ce milieu, peut-être a-t-elle des raisons particulières de feindre l’ignorance ; chose que j’ignore).

On peut remarquer deux autres choses. En premier lieu, si les autoroutes étaient gratuites, comment évoluerait l’accidentalité de ces voies ? La hausse de fréquentation devrait l’accroître. Certainement pas jusqu’à la ramener au niveau de celles des autres routes (pour des raisons évidentes liées à leur plus grande convivialité, physiquement parlant), mais sa hausse ne serait pas surprenante. Je n’envisage pas de faire payer le réseau secondaire (compliqué, coûteux à gérer, peu populaire et, ce toute façon, c’est déjà le cas par le biais des impôts). En second lieu, avoir privatisé les autoroutes a été l’une des décisions les moins rentables prises par l’Etat Français au cours des dix dernières années (qui pourtant, s’y connaît en matière de décisions non rentables). On a perdu des revenus conséquents qui aurait pu, par exemple, contribuer à améliorer la qualité du réseau secondaire. Ah, oui, je sais, il s’agissait de réduire la fameuse dette publique. Peu importe si au final, ça ne la réduit pas…

Share Button

6 Commentaires

  1. Cela ne revient-il pas à envoyer au casse-pipe… les plus pauvres ? (le prix A/R de l’autoroute vers la Bretagne par exemple doit en dissuader plus d’un !). Une sorte de double sanction, un peu comme si un malade pauvre devrait payer plus cher ses médicaments, non ?

  2. Je pencherais pour une élasticité prix assez faible sur longue distance et plus élevée sur les trajets plus courts (inférieures à 35km). Au delà le coût d’opportunité devient très vite énorme. Une nationale c’est des ronds points toutes les 5 minutes, des limitations à 50 km/h, des gens qui n’avancent pas et qu’on peut pas doubler…ça vaut largement ces 5euros de péage.
    Je dirais que le coût en terme de temps de trajet de prendre une nationale est au moins le double de celui de l’autoroute.

  3. Mmmm… Je ne comprends pas bien : "Par conséquent, la probabilité moyenne d’avoir un accident augmente sur les routes en général." Il me semble que si les autoroutes sont plus sûres que les nationales, c’est en raison de leurs caractéristiques intrinsèques (tracé, largeurs des voies, absence d’obstacles, absence de circulation en sens contraire…). Donc, la probabilité moyenne ne sera pas affectée si le nombre d’usagers de routes nationales augmente : c’est le nombre d’accidents sur les routes nationales qui augmentera, non ?

    Il devrait même être possible de tester la corrélation entre gratuité et sinistralité avec l’autoroute 75 qui est gratuite (fr.wikipedia.org/wiki/Aut…

  4. Euh, sur les nationales, une grosse partie est limitée à 90km/h…
    C’est uniquement dans les zones densément peuplées que les rond points sont nombreux et les limitations de vitesse basses. Par ailleurs, des axes structurants, importants au niveau local, sont développés permettant de passer les portions à une limitation à 110 km/h (on se rapproche des autoroutes) comme c’est le cas entre Nîmes et Alès.

  5. "si les autoroutes étaient gratuites, comment évoluerait l’accidentalité de ces voies ? La hausse de fréquentation devrait l’accroître"

    En fait le risque d’accident (en tout cas d’accident mortel) diminue quand la densité du trafic augmente, probablement parce qu’on roule moins vite quand il y a plus de voitures.

    L’écart entre l’autoroute et le réseau secondaire serait donc encore agrandi.

    Si les autoroutes étaient gratuites leur fréquentation augmenterait énormément. Elles pourraient enfin remplir leur fonction comme en Belgique et en Allemagne : soulager le réseau secondaire (et les riverains par la même occasion) du trafic de transit quotidien.

    Avec des autoroutes payantes cela est impossible. Non seulement les automobilistes ne veulent pas emprunter des autoroutes payantes pour les trajets quotidiens, mais ils ne pourraient pas le faire.

    Comme chaque entrée-sortie doit être "agrémenté" d’un péage qui occupe un espace gigantesque et coûte une fortune (tant à l’investissement qu’à l’exploitation) il y a une entrée-sortie tous les 20 km en France contre une tous les 2 km chez nos voisins. Et une entrée-sortie tous les 20 km c’est rédhibitoire pour les trajets domicile-travail de tous les jours.

    Ce qui fait que quand elles sont payantes, les autoroutes deviennent inutilisables précisément pour remplir la seule fonction qui pourrait justifier leur construction.

    Combien de morts déjà sur les routes de France à cause de la décision de rendre les autoroutes payantes ?

    Combien de millions de riverains sinistrés par un trafic de transit insensé qui n’a rien à faire sur le réseau secondaire, toujours à cause de cette même décision ?

    Voilà deux grandes questions taboues que personne n’ose jamais poser.

  6. Statistiques intéressantes sur ce sujet ici : http://www.securite-routiere.org...

    Conclusion : "Les taux de mortalité sur autoroute, exprimés en nombre de tués par milliard de kilomètres parcourus, sont très différents d’un pays industrialisé à l’autre, allant de 2,5 pour le Royaume Uni à 31,7 pour l’Espagne en 1998. Ces différences s’expliquent en grande partie par les différences de débit moyen de véhicules sur ces autoroutes. Plus la circulation est intense, plus les vitesses réelles sont faibles et plus la mortalité diminue. Cette notion est connue depuis longtemps, elle est peu vulgarisée. L’évolution de ces taux est à la baisse et les réformes intervenues en France depuis 2002, rendant plus crédibles les limitations de vitesse ont provoqué un véritable effondrement de la mortalité sur les autoroutes, plaçant maintenant la France dans le groupe des nations qui possèdent les autoroutes les plus sûres."

    Pour info, dans mon pays (la Suisse) les autoroutes sont financées par la taxe sur l’essence. Nos autoroutes sont "gratuites", et en même temps le prix de l’essence chez nous est beaucoup plus bas que chez vous (autour de 1.5 Euro ces jours-ci).

    Question : mais que diable faites-vous avec les milliards de vos taxes sur l’essence ???

Commentaires fermés.