Parmi toutes les discussions et travaux aux Etats-Unis autour de la hausse des inégalités, deux récents articles parus dans le New York Times méritent tout particulièrement d’être lus et médités. Ces deux articles, citant chacun des études empiriques ayant cherché à capturer un aspect de la question des inégalités : comment devient-on riche? Avec des arguments différents, ils enseignent au bout du compte tous les deux la même leçon, qui est à la fois surprenante et perturbante. Les deux articles peuvent être trouvés respectivement sur cette page et celle-ci; on les trouvera, sous forme de larges extraits, ici et là, via Mark Thoma.
Le premier article, par Austan Goolsbee (le voir aussi ici), commence par décrire les résultats d’un article de Paul Oyer intitulé “The Making of an Investment Banker: Macroeconomic Shocks, Career Choice and Lifetime Income“. L’auteur y a étudié les carrières des étudiants sortant de Stanford entre 1960 et 1997 et allant travailler dans des banques d’affaires.
Il a constaté que la performance du marché des titres pendant que les étudiants faisaient leurs études avait un fort impact sur la carrière des étudiants; les années de fortes hausses, beaucoup d’étudiants sont allés travailler dans des banques d’affaires, ce qui n’est pas étonnant. Comme ces emplois sont très bien payés, les promotions d’étudiants des années de forte hausse boursière ont tendance à avoir d’excellents salaires. Ce qui est plus surprenant, par contre, c’est que ces différences ont perduré pendant vingt ans après que les étudiants soient entrés sur le marché du travail.
Prenons l’exemple de la promotion de Stanford en 1988; ses étudiants sont entrés sur le marché du travail juste après le krach boursier de 1987. De ce fait, ils ont eu peu d’offres d’emploi dans la finance, et leurs salaires ont été plus faibles que ceux des promotions suivantes, qui ont bénéficié de circonstances plus favorables. Aujourd’hui, près de 20 ans après, la promotion de 1987 ne s’en est pas remise : ses membres continuent d’être payés que les autres promotions.
Et ce résultat n’est pas spécifique à Stanford. Une autre étude, intitulée “The Short- and Long-Term Career Effects of Graduating in a Recession” a montré que les étudiants qui obtiennent leur licence pendant les années de récession commencent avec des salaires plus faibles; et que cet écart salarial avec les promotions d’étudiants des autres années subsiste encore 10 ans après leur entrée sur le marché du travail.
Le second article, par Hal Varian, (lisible aussi ici) est fondé sur un article de James Kenneth Galbraith (le fils de l’autre) et Travis Hale, “Income Distribution and the Information Technology Bubble“, et consacré aux conséquences sur les inégalités américaines de la “bulle internet” des années 90. Les auteurs se sont interessés non pas aux inégalités entre individus, mais aux inégalités entre comtés des Etats-Unis. Le résultat de leurs travaux peut être visualisé graphiquement via cette page. Leur méthode vise à déterminer quels comtés ont le plus contribué à la hausse des inégalités intervenue durant cette période.
Et les 5 plus grands gagnants de la période ont été New York; King County (ou siège Microsoft); et les trois comtés qui composent la Silicon Valley en Californie. Le reste de la liste des comtés gagnants étaient aussi très liés aux technologies de l’information. De façon intéressante, lorsque la bulle internet s’est dégonflée au début des années 2000, tous ces comtés ont vu leur contribution aux inégalités diminuer, sauf New York. Encore plus étonnant : les auteurs ont simulé ce qui ce serait produit si 4 de ces comtés (sur les 3100 qui composent les USA) avaient suivi l’évolution américaine du revenu par habitant durant la période : ils ont constaté que si cela s’était produit, les inégalités entre comtés auraient à peine changé aux USA sur la période. En d’autres termes : 4 comtés sur 3100 ont déterminé tous les changements survenus dans la période.
Nous avons tendance à sous-estimer le rôle de la chance et des circonstances dans la destinée économique des gens. En particulier pour les inégalités : les uns disent que ceux qui s’enrichissent beaucoup le font parce qu’ils travaillent beaucoup et sont talentueux; d’autres diront que c’est parce qu’ils ont été plus malins et se sont enrichis au détriment du reste de la population. Mais ce que nous montrent les travaux cités par Goolsbee et Varian, c’est que ces deux histoires sont en bonne partie fausses. Après tout, il y a autant de gens intelligents, travailleurs, et malins, dans chaque génération d’étudiants; mais précisément pour cette raison, ceux qui prennent un bon départ travaillent autant que les autres, et conservent leur avantage. Ceux qui sont recrutés par les bonnes entreprises, au bon moment, en retirent un avantage énorme qu’ils conservent par la suite.
Ces articles m’ont rappelé une anecdote qui m’est survenue récemment. Un de mes anciens collègues de travail (professeur d’une autre discipline) m’a récemment téléphoné; dans le cours de la conversation, il m’a demandé des conseils : il redoute d’avoir bientôt à payer l’impôt sur la fortune. Je lui ai recommandé de me faire une donation de 200 000 euros (il n’a pas eu l’air très convaincu, je ne comprends pas). Mais surtout, je me suis demandé comment il avait fait : nous avons commencé à travailler à peu près en même temps, avons des salaires comparables; mais je suis pour ma part très, très loin de payer l’ISF (je pense que mon patrimoine net est en gros 10 fois trop faible). Je me suis donc demandé ce qui avait pu, en moins de 10 ans, créer une telle différence.
La réponse tient en un mot : immobilier. Depuis 1999 je suis locataire; il a fait construire une maison à cette date, achetée à crédit. Au bout de quelques années, suite à un décès dans sa famille, il a reçu un héritage, avec lequel il a acheté un terrain en périphérie d’un village; il l’a viabilisé, a emprunté, et fait construire dessus un lotissement de 3 maisons. En se débrouillant bien, et profitant de la hausse rapide de l’immobilier, il n’a déboursé que pour le terrain, vendant ses maisons avec une confortable plus-value avant même d’avoir à payer. Avec le bénéfice de cette vente, il a acheté une grande maison au centre d’une ville, l’a tranformée en appartements de deux et trois pièces qu’il loue. L’année dernière, il a changé de poste, revendu sa résidence principale avec une considérable plus-value, ce qui lui a permis de racheter sans emprunt une belle maison dans sa nouvelle ville de résidence. Son emprunt initial va bientôt se terminer; dans le même temps, ses beaux-parents ont fait une donation de la nue-propriété de leur résidence à son épouse, conservant l’usufruit; au total, lorsque ses emprunts seront arrivés à terme, le ménage de ce collègue détiendra un patrimoine d’une valeur supérieure au seuil de l’ISF.
Chacun trouvera dans cette histoire matière à nourrir sa vision de l’enrichissement personnel. La réussite de ce collègue tient à la combinaison de facteurs multiples. D’abord, ses qualités personnelles : il en faut pour dénicher la bonne affaire, prendre des risques, savoir profiter des opportunités du moment, faire ensuite des efforts (restreindre sa consommation pendant qu’on paie des emprunts, faire construire des maisons, trouver des acheteurs). Mais ces qualités n’auraient pas suffi sans les circonstances de la hausse immobilière considérable survenue les dernières années. Sans des circonstances spécifiques aussi (un héritage). Et sans un contexte fiscal favorisant outrageusement le placement immobilier. Il a fallu tous ces facteurs à ce collègue pour réussir; qu’un seul ait manqué, l’écart existant désormais entre lui et ceux qui ont commencé à travailler au même moment que lui serait beaucoup plus faible. Si au lieu d’être locataire j’avais acheté un logement à crédit, l’écart patrimonial ne serait pas d’un ordre de grandeur de un à dix, mais plus probablement de un à trois ou quatre. J’aurais sans doute aussi eu dans la période un niveau de consommation différent. A salaire égal, niveau de qualification scolaire égal, des petites différences se traduisent au bout du compte par un écart disproportionné.
La récente hausse de l’immobilier fait que ceux qui ont acheté avant 1999 se retrouvent très avantagés par rapport à ceux qui sont amenés à acheter maintenant. Quelle différence y-at-il entre tous ces gens? Aucune, à part les circonstances. De nombreux livres (écrits par des baby-boomers) paraissent, pour nous expliquer que les baby-boomers sont d’odieux profiteurs égoïstes. Mais que peut-on leur reprocher, à part d’être nés dans des circonstances favorables?
C’est une réalité que l’on a du mal à entendre, mais ce qui détermine les destinées économiques des gens n’est pas tant le travail, les efforts, le mérite, les qualités personnelles, qu’un simple concours de circonstances : se trouver au bon endroit, au bon moment.
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Nous avions je crois mentionné en article de la semaine un texte de Varian (de The Economist je crois), qui déjà parlait de la chance comme explication de la réussite.
Paradoxalement, on parle moins de la chance comme facteur de réussite personnelle en France qu’aux Etats Unis, ou dans les pays anglo-saxons en général.
Pourtant, comme le suggère ton billet, c’est probablement un élément crucial dans de nombreuses destinées individuelles.
Mais dans une méritocatie autoproclamée, il est difficile de parler de cela.
Ces travaux n’apporte-t-il pas un peu d’eau au moulin de ceux qui sont favorables à une fiscalité clairement redistributrice ? Dans la mesure où la providence explique en grande partie les écarts de richesse, quelle en est la légitimité ?
MT
Moi ce qui m’étonne, c’est que les économistes n’aient toujours pas foi en Saint Mathieu…
très intéressant, mais comment expliquer cette mémoire du système ? (pas d’hypothèse dans le premier lien, le second a planté). Je dirais que c’est moins les concours de circonstance qui "interpellent" que cette mémoire (je parle de la première étude, je n’ai pas encore regardé la deuxième)
SM : j’ai retrouvé lcet autre article de Varian dans nos articles de la semaine, effectivement :
http://www.nytimes.com/2001/05/03/business/03SCEN.html?ex=1159502400&en=ca01d78305a3ebf2&ei=5070
MT : cela peut justifier tout aussi bien l’inverse. Après tout, il y a peu de procédure qui soit plus juste que le hasard et le tirage au sort : le hasard est bien plus juste que les inégalités de talent. Si les inégalités sont dues à des différences de capacités, on peut trouver une justification à la redistribution, pour aider ceux qui sont en difficulté. Mais face à la chance, tout le monde est à égalité, ce qui réduit la légitimité de la redistribution. En vertu de quel principe voudrait-on prélever plus aux gens qui ont acheté une maison en 1999 qu’en 2006? Par ailleurs, en termes rawlsiens, ce type d’inégalité n’a rien de condamnable, au contraire.
EL : à trop être sibyllin, on risque parfois de devenir fatiguant.
Olivier : j’ai corrigé le second lien (graduating during a recession), il fonctionne maintenant.Ce second article étudie diverses sortes de frictions sur le marché du travail susceptible d’expliquer cet effet de mémoire. L’explication qui me paraît la plus immédiate, c’est une sorte de rat race : ceux qui ont eu les bonnes places s’y accrochent en travaillant beaucoup; les autres travaillent beaucoup pour essayer de les récupérer, mais sans succès
Ouh là, de mauvais poil ce soir!…
Il s’agissait d’une référence à l’effet Saint Mathieu, que je ne croyais tout de même pas si inconnu des économistes. L’idée qu’un petit avantage, acquis de manière éventuellement contingente, peut non seulement être conservé mais être également à l’origine d’une divergence de destin de plus en plus prononcée. Cette idée d’avantages cumulatif fut théorisée par Merton (le père) pour l’analyse des trajectoires des chercheurs (Merton, Robert K. (1968). The Matthew Effect in Science. Science 159 (3810), 56-63). Il écrit que "The Matthew effect consists to the accruing of greater increments of recognition for particular scientific contributions to scientists of considerable repute and the withholding of such recognition from scientists who have not yet made their mark".
On retrouve évidemment cette idée dans la notion de dépendance de chemin et de rendements croissants d’adoption, modélisée en particulier par Brian Arthur (Arthur, W. Brian, 1988, "Competing Technologies: An Overview", in Dosi Giovanni et. al (eds), Technological Change and Economic Theory, London, Pinter Publishers Ltd.) et étudié empiriquement par Paul David (David, A. Paul (1985), "Clio and the Economics of QUERTY", American Economic Review, 75 (2), pp. 332-337).
Votre billet m’a immédiatement fait penser à ses travaux, et je m’étonnais simplement que cela puisse encore être étonnant.
Cordialement,
EL
Vous avez encore une fois mis la main sur des articles intéressant.
A ma modeste échelle, j’ai constaté le même phénomène. Je suis sorti de mon école en 90 avec 5 propositions d’embauches fermes en moins de 15 jours. Mes amis moins chanceux sortis de la même promotion mais qui ont du enchaîner sur leur service militaire se sont retrouvé sur le marché de l’emploi après la guerre du golf et ont dû attendre plus de 6 mois avant de trouver un job souvent moins intéressant et toujours moins payé.
Ensuite, il y a trois effets qui jouent pour que cet écart initial s’amplifie.
1> Les augmentations de salaires s’expriment toujours en % et l’écart ne peut que grandir.
2> Dans la tête des manageurs, le nouvel embauché est jugé sur ses premiers mois. Moins de tâches gratifiantes à accomplir dans ses premiers mois et le malheureux employé est jugé comme « sans potentiel ».
3> Par un phénomène psychologique bien connu, le jugement des autres déteint sur la personne jugé et – à sans tour – elle se conforme au jugement de sa hiérarchie et se désinvesti dans son job.
De la à dire que la chance est primordiale, il y a un pas qu’il faut franchir avec prudence. Dans l’exemple que vous donnez, votre ami et vous avez bénéficié des mêmes circonstances initiales mais avez fait des choix différents. Ceux de votre ami se sont révélés gagnants, les votre moins. Mais ceux de votre amis supposait plus de risques, de contraintes et d’efforts que les votres. Et l’action de votre ami, si elle l’a enrichi a aussi permis de loger trois foyers.
Dans la légende qui entoure Poutine, on raconte que celui-ci a envisagé – après la chute du mur et son licenciement du KGB – de devenir chauffeur de Taxi. S’il s’était acheté une voiture un peu plus tôt, peut-être aurions nous un démocrate à la tête de la Russie…
Enfin, pour résoudre les problèmes d’ISF de votre ami, la solution que vous proposez n’est pas optimale. Vous devrez acquittez 120 K€ de droit de mutation. Il est de loin préférable que votre ami vous donne 130 K€ et acquitte lui-même les droits de mutation 🙂
La réussite de ce collègue tient à la combinaison de facteurs multiples.
Je veux bien croire à la chance et aux qualités de ce monsieur mais il y a des gens qui ne pourront jamais compter sur un héritage. Ceux-là, il leur manquera toujours un facteur de cette "combinaison de facteurs multiples". Par conséquent, même s’ils ont de la chance, multiplier par 10 est hors de leur portée. A priori, papa-maman de ton ancien collègue sont propriétaires, tant mieux pour eux mais ce n’est pas le cas de tout le monde !
Ces études considèrent-elles aussi la chance dans une génération d’ouvriers ou juste la chance dans une génération d’HEC / Stanford ?
Ce billet me fait faire un rapprochement avec l’histoire de l’évolution des espèces (tiens je crois ne pas être le premier à faire un parallèle entre elle et l’économie). Un des leitmotives de Stephen Jay Gould, paléontologiste et merveilleux vulgarisateur, dans beaucoup de ses livres ("La vie est belle" notamment, ou tel ou tel texte d’un recueil comme "Comme les huit doigts de la main" par exemple), est d’insister sur la place de la chance dans le succès ou la disparition de telle ou telle espèce, telle ou telle famille.
Il veut ainsi lutter contre l’image de pur "que le meilleur gagne" qu’a l’Évolution chez beaucoup. Bien sûr la chance seule ne garantit pas le succès. Elle n’est qu’un élément du très complexe mécanisme de "sélection naturelle"; un élément important, et d’autres le sont aussi.
Je ne tire rien de ce parallèle; votre billet me l’évoquait, par association d’idées.
Par ailleurs je rebondis sur :
"Mais face à la chance, tout le monde est à égalité, ce qui réduit la légitimité de la redistribution."
Je ne pense pas que tous soient à égalité face à la chance, et vous le soulignez vous-même dans votre billet : il faut savoir la saisir. Pour ça il faut parfois du talent, des efforts et souvent de la formation. D’où par exemple l’importance de la redistribution dans sa dimension de financement de notre système scolaire gratuit. Là il faut mettre le paquet. Sinon, même le très égalitaire "hasard" continuera d’être lui aussi injuste.
El : oui, pas de bonne humeur hier soir. Désolé :-). J’ai pensé plus tard effectivement que vous aviez fait allusion à l’effet matthieu (J. Bichot utilise beaucoup ce concept dans son petit bouquin sur les retraites). Ce qui est étonnant toutefois dans ces études, c’est comme le soulignait Olivier la durée de l’effet; pour des scientifiques, on peut expliquer cela par la notoriété, mais pour un banquier d’affaires? On s’attendrait à ce que la compétence des individus ait plus d’impact que le simple point de départ.
HenriParisien : en effet, ce que vous décrivez constitue un exemple et une explication du phénomène. Il est intéressant aussi de saisir la durée de ce phénomène.
Pour le reste, sur la comparaison de fortune Mon collègue/moi, je ne voulais que marquer le fait que très peu de choses conduisent en très peu de temps à beaucoup de différences. C’est un constat de fait, non un jugement (positif ou négatif). Pour le problème d’ISF, je lui suggérerai la solution…
ogotaii : je ne voulais pas dire que "n’importe qui, avec de la chance, peut réussir". Ce que je voulais marquer, c’est l’écart énorme effectué en quelques années, entre des personnes a priori semblables. Sinon, ces études se concentrent sur des étudiants en sortie d’université; standford pour la première, des étudiants de "College" (a priori moins coté aux USA, ce sont des universités qui s’arrêtent à la licence) pour la seconde.
Charles : le rôle des irréversibilités et des circonstances est en effet majeur dans l’évolutionnisme, y compris en économie (voir notre livre du mois sur ce sujet). Sinon, concernant l’idée de "chance", je mpe plaçais en réponse à un interlocuteur qui disait "si la richesse est le fruit de la chance, alors elle devrait être taxée". Je voulais lui montrer que ce n’est pas forcément le cas; tout dépend des critères que l’on emploie pour décider du système fiscal (équité, efficacité).
@Alexandre:
J’avoue avoir beaucoup de mal à suivre votre réponse donnée à MT.
D’abord, pourquoi le hasard serait-il plus juste que les inégalités de talent ? Après tout, la distribution des talents est le fruit du hasard. (On choisit pas ses parents, on choisit pas etc…).
Ensuite, il ne s’agit pas de prélever plus aux gens parce qu’ils ont acheté en 1999 et non en 2006. En vertu de quel principe pourrait-on faire cela en effet ? Il s’agit de prélever plus aux gens qui, en 2006, se trouvent être les plus riches. Ces gens-là seront bien contents de voir les richesses redistribuées lorsque la chance aura tourné.
Si elle tourne un jour. Parce que, ce que montre la première étude, c’est qu’il suffit d’être malchanceux une fois pour que la malchance vous poursuive pendant au moins 20 ans. Le hasard serait égalitaire si la chance tournait plus souvent.
Comme MT, je pense que cette étude est un argument indéniable pour une fiscalité redistributrice. En effet l’argument principal souvent utilisé par les adversaires de ce type de fiscalité est d’invoquer la croyance en la vertu du travail.
L’explication de l’enrichissement de votre collègue me paraît simple : lui, il ne tient pas un blog avec des billets très longs. Il économise donc du temps pour chercher les bonnes affaires, négocier des prêts,… 🙂
Titzel : Vous pouvez le penser (et vous n’êtes pas le seul) mais il n’existe pas de critère unique et général permettant de dire "il faut redistribuer, et uniquement sur les critères suivants". Pour revenir à notre exemple, pensez-vous sincèrement qu’il faut redistribuer des revenus des étudiants de Stanford de la promo 1995 vers ceux de la promo 1988? On peut penser qu’il vaut mieux redistribuer envers ceux qui ont des problèmes plus notables que ceux-là.
Implicitement vous adoptez le modèle méritocratique : ceux qui ont bénéficié de conditions favorables dues au hasard "méritent" d’être taxés. Mais pensez-vous qu’un individu paresseux et fier de l’être ne mérite pas de bénéficier d’une redistribution? L’application stricte d’un critère de justice méritocratique n’est pas aisée parce qu’en réalité, personne n’en veut.
Le seul argument favorable à la redistribution que ces études apportent n’est pas de l’ordre de la justice sociale, mais de l’efficacité : après tout, si la réussite dépend de la chance, il n’est pas génant de la taxer; alors que si elle dépend de l’effort ce n’est pas une bonne chose de le faire, car elle dissuade l’effort. De ce point de vue, c’est certainement un argument : du point de vue de la justice sociale, j’insiste : le hasard ne constitue pas forcément un motif valable de redistribution (même s’il peut l’être).
"Mais que peut-on leur reprocher, à part d’être nés dans des circonstances favorables?"
"Reprocher" n’est pas le bon mot, mais n’y a-t-il pas des faits objectifs :
– du fait de sa démographie, la génération des baby boomers a moins partagé le fruit de son travail avec ses parents qu’elle ne demande à ses enfants de le faire (retraites)
– elle a profité d’un Etat inefficace et qui prenait du poids, tandis que la génération suivante va devoir faire le chemin inverse (dette)
– sur l’immobilier j’avoue ne pas avoir les idées claires, mais les baby boomers pourraient être les propriétaires bailleurs de leurs enfants (à creuser)
– et il y a enfin leurs dépenses de santé que les jeunes vont devoir en partie rembourser (CADES)
Il est triste d’opposer ainsi deux parties de la population, mais n’est-ce pas la conséquence inéluctable d’un système de redistribution généralisé?
gusifang.blogspot.com/200…
Gu si fang : que l’on dise "une génération a été plus favorisée par les circonstances que les autres" cela peut se discuter, mais cela repose effectivement sur la présentation de faits. Le problème n’est pas là : ceux qui critiquent les 68ards le font en leur reprochant une crise morale – égoisme, hédonisme – qui aurait provoqué des problèmes actuels. Comme si c’étaient une différence de "nature générationnelle" qui expliquait les problèmes. Alors que ce sont simplement les circonstances.
Sinon, votre post est complet et intéressant, mais vous avez tort de vous focaliser sur la dette.