Mercredi, un fait divers particulièrement scabreux s’est déroulé à la gare de la Part Dieu, à Lyon : une jeune fille de 14 ans a été victime d’un viol collectif, sous les yeux d’une quinzaine d’adolescents, dont certains ont filmé la scène. En réaction, le maire de Villeurbanne a déclaré que «la circulation d’images agressives sur internet tend à banaliser des gestes d’une grande violence». Lui emboîtant le pas, Ségolène Royal a déclaré sur twitter que cela mettait en évidence la “gravité de la dégradation de l’image des femmes sur internet”, précisant ensuite qu’elle faisait allusion aux “images pornographiques accessibles aux ados qui en perdent leurs repères“.
Il y a là un vieux débat. Les images pornographiques ou violentes rendent-elles les spectateurs plus violents et sexuellement agressifs? Ou jouent-elles un rôle de catharsis, permettant d’assouvir ses passions violentes sans passer à l’acte? En langage économique, l’image sexuelle joue-t-elle un rôle de substitut à la violence sexuelle réelle – auquel cas, la diffusion plus générale de la pornographie aura pour effet de réduire le nombre de viols – ou de complément -auquel cas, elle l’augmentera? Ce débat est l’occasion d’illustrer la façon dont on peut apporter des éléments de réponse à cette question.
Comme toujours dans les sciences sociales, le problème est d’identifier des causalités dans des phénomènes sociaux extrêmement complexes, pour lesquels on manque cruellement de données. Il ne suffit pas, par exemple, de constater qu’un violeur téléchargeait des films pornos sur son ordinateur pour établir une causalité : l’écrasante majorité de ceux qui visionnent du porno ne commettent pas de viols (heureusement d’ailleurs). Essayer d’estimer qui regarde du porno sur internet n’est pas facile : ce n’est pas le genre de sujet sur lequel les gens s’expriment de façon sincère. On pourrait ajouter que c’est un sujet chargé émotionnellement.
Pour s’en sortir, un premier moyen employé par les chercheurs est celui de l’expérience en laboratoire. Dan Arielyet George Loewenstein ont ainsi procédé à une étude célèbre, en soumettant des étudiants au test suivant. Le groupe d’étudiants (tous masculins) a été divisé en deux. A un premier groupe, on pose des questions portant sur la prise de décision en matière sexuelle ou de séduction, sur l’opportunité d’avoir des rapports protégés, sur le fait qu’ils seraient prêts à faire boire une jeune fille pour avoir plus de chances de la conquérir, etc. A l’autre groupe, on pose la même série de questions, mais en leur montrant dans le même temps des images sexuellement excitantes, et en leur demandant de se masturber pendant le questionnaire (l’article précise qu’il était possible de répondre au questionnaire, sur ordinateur, d’une seule main).
L’effet constaté est notable. Les étudiants sexuellement excités se déclarent beaucoup plus disposés à utiliser tous les moyens pour avoir un rapport sexuel que les autres. Le taux de réponse positive à “seriez vous prêt à faire boire une personne pour avoir un rapport sexuel” passe de 46 à 63%; la proportion de ceux qui continueraient à essayer après un refus passe de 20 à 45%; ceux qui seraient prêts à faire prendre une drogue passent de 5 à 26%. La proportion de ceux qui se déclarent prêts à avoir des rapports sexuels non protégés, ou risqués, augmente de la même façon sous l’effet de l’excitation sexuelle.
Ces résultats vont dans le sens de la thèse de l’incitation : les images pornographiques rendues disponibles dans l’expérience rendent les personnes moins prudentes, plus disposées à exercer la contrainte pour assouvir leurs pulsions sexuelles. On peut penser alors que la pornographie, rendue plus disponible, aura pour effet d’accroître la propension à commettre des violences sexuelles. Mais ces études posent un gros problème : en quoi le contexte de l’expérience en laboratoire est-il transposable à la vie réelle?
Mettez-vous à la place des étudiants servant de cobayes à cette expérience. La masturbation est en général une activité intime, et à de rares exceptions près, on n’aime guère être observé quand on s’y livre. Dans quel état seriez-vous à leur place? Observé par des adultes (vos profs à l’université…) en train de se masturber devant des images pornographiques, et devant dans le même temps répondre à des questions comme “préférez-vous faire l’amour avec la lumière allumée?” Il y a de quoi trouver l’expérience extrêmement inconfortable, et perdre sa capacité de jugement, s’énerver, n’est pas très étonnant dans ce contexte.
Par ailleurs, quand bien même l’effet constaté est réel et transposable à la vie courante, en quoi celui-ci “imprègne-t-il” les comportements et les perceptions? Après tout, on peut très bien imaginer qu’une personne en train de se masturber devant un porno soit, à l’instant t, plus disposée à la violence sexuelle; mais ce n’est pas du tout incompatible avec le fait, une fois son affaire faite, d’être plus calme, assouvi, et de ce fait moins à même de commettre un viol une fois que l’on aura jeté son kleenex usagé dans la poubelle. Il est donc extrêmement difficile de savoir ce que l’on peut vraiment retirer d’une telle expérience en laboratoire.
Il est donc nécessaire de recourir à d’autres méthodes. D’essayer, autant que possible, d’étudier ce que les données réelles indiquent. Une première remarque, c’est que depuis les années 70, à partir desquelles la pornographie est devenue de plus en plus accessible, le nombre de viols a diminué de façon spectaculaire (85% de moins). Ce résultat est d’autant plus notable que le degré de sous-déclaration du viol a diminué au cours de cette même période. Néanmoins, une corrélation (plus de porno, moins de viol) ne signifie pas une causalité. Énormément d’autres facteurs ont pu aboutir à la diminution du nombre de viols au cours de cette période (changement des mentalités, augmentation des peines subies pour les crimes sexuels, libération sexuelle, baisse de la consommation d’alcool, etc). Peut-être qu’avec une pornographie moins accessible, la diminution aurait été encore plus grande. Comment savoir?
L’économiste Todd Kendall a essayé de répondre à cette question. Pour cela, il s’est intéressé au facteur qui a récemment grandement facilité l’accès à la pornographie : internet. Internet ne s’est pas diffusé à la même vitesse dans tous les Etats américains au cours de la période qu’il étudie (1998-2003). En comparant le degré de diffusion d’internet et la diminution des viols, il constate que la diminution des viols a été beaucoup plus rapide dans les états à forte diffusion d’internet. Dans son étude, une augmentation de 10% de l’accès à internet correspond à une diminution supplémentaire de 7.3% du nombre de viols. Cet effet reste valide, même en prenant en compte d’autres facteurs explicatifs habituels (alcool, densité urbaine, pauvreté, etc.).
Autre résultat notable : ce résultat est plus marqué pour les jeunes (15-19 ans) ceux qui à l’époque étaient les plus à même d’utiliser l’internet. Que cet effet vaut pour les viols, et pas pour les autres types de crimes. Évidemment, on ne peut pas savoir si cet effet est imputable seulement à la pornographie plus accessible sur internet (même si comme chacun sait, l’internet, c’est pour le porno); mais l’auteur montre que divers éléments vont dans ce sens et qu’en tout cas, cela confirme bien plus l’idée de la pornographie comme substitut à la violence sexuelle que celle de l’incitation. On peut noter que ce résultat correspond à une autre étude, de Dahl et Della Vigna, sur l’impact de la violence cinématographique sur la criminalité.
Tout cela ne veut pas dire que l’image de la femme, telle qu’elle est véhiculée par la pornographie, soit particulièrement louable. Cela rappelle simplement qu’avant d’imputer un fait divers à telle ou telle cause, il convient d’être extrêmement prudent. Mais la prudence des scientifiques n’est guère compatible avec le commentaire à l’emporte-pièce.
(NB : tout cela ne surprendra pas les lecteurs de Sexe, drogue et économie).
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L’interprétation de Ségolène royal n’est pas réfléchie, ce n’est pas digne d’une haute responsable d’un partie politique… même si ce n’est pas la première fois que j’entends un tel argumentaire.
Il ne faut pas oublier que ce n’est pas un viol classique mais bel et bien un viol collectif, ce qui n’est pas la même chose d’un point de vue théorique. Je pense que ces adolescents n’auraient été capable de violer cette jeune fille si ils avaient été seul. L’influence du groupe a probablement été considérable. Les individus en groupe ne se comportent pas comme ils se comporteraient seul, ils sont capable de faire des actions horribles. Je te conseil de chercher plus d’informations en psychologie social, sur les phénomènes de groupe ou de lire le daté mais intéressant "Psychologie des Foules" de Gustav le Bon.
Mince alors, voilà que je poste un commentaire et que 5 minutes après je me rend compte que j’ai oublié le plus important.
Le phénomène dont je voulais parler s’appelle la désindividualisation (Festinger, 1952). C’est-à-dire le fait de perdre son identité lorsqu’on est dans une foule.
Quand on lit les commentaires des lecteurs de l’article du Progrès qui relate ce fait divers, on peut se dire que les politiques doivent être tentés d’y voir une opportunité et de hurler avec les loups, et que , pour un politique, faire ici de la pédagogie serait trop coûteux…Je ne veux pas ici défendre SG : elle pouvait aussi bien éviter une réponse superficielle ! Mais comme la route est longue pour aller rencontrer des gens qui brandissent quasiment la peine de mort dès qu’ils entendent parler d’une atteinte aux personnes ! Je ne veux pas non plus minimiser la gravité de ce viol collectif. Mais l’idée que c’est la justice qui est habilitée à analyser, juger, sanctionner les délits et les crimes ne devrait-elle pas être rabâchée à l’école, dans les medias , et dans tous les lieux où une forme d’instruction civique est possible ?
Il faut aussi pensé à notre instinct d’animal primitif. La recherche permanente du plaisir, plus l’instinct animal, plus la dynamique de groupe, plus la perte de repère social, d’éducation et de respect envers d’autres êtres humains, car je pense ici que ce n’est pas dissociable d’une bagarre de rue où quelqu’un serait tué, ce qui arrive aussi. Je pense que c’est à poser sur un même niveau : la perte totale de considération et de respect pour les êtres humains qui nous entoure, véhiculé par une pensée de plus en plus égoïste et primitive qu’est la loi de la jungle qui aujourd’hui s’applique dans tout les aspect de notre vie comme la travail, l’argent, l’amour et surtout notre modèle économique.
au Japon la pornographie à longtemps été complètement interdite, dès lors qu’elle a été autorisé le nombre de viols à énormément diminué…
A l’attention de seB, qui n’a pas mis de source à sa déclaration
http://www.hawaii.edu/PCSS/bibli...
Pornography, Rape and Sex Crimes in Japan par Milton Diamond et Ayako Uchiyama, International Journal of Law and Psychiatry, 22(1), 1-22, 1999
Ségolène royal n’est pas intelligente.
Pour le reste, c’est une étude très riche.
Merci :p
Je me demande… Il est possible que la méthodologie soit fausse: si l’effet de la disponibilité de la pornographe est cathartique, alors l’effet doit se voir _après_ la séance de masturbation.
En effet, s’il est possible que l’excitation soit la cause de comportements… indésirables, elle ne dure pas. (et combien de viols ont-ils lieu pendant le visionnage de pornographie?). On aurait aimé savoir comment les réponses varient après une heure, cinq heures, un jour…
Si 5 minutes d’excitation conduisent à un plus grand calme le jour qui suit, clairement, la pornographie est une bonne chose. Sinon, peut-être pas 🙂
1. Corrélation n’est pas égale à la causalité
2. Corrélation ne signifie pas bonne corrélation; je pense ici aux corrélations fallacieuses.
3. Un problème de moralité (respect, éthique, etc.)
4. L’image de la femme
Ce n’est pas parce qu’une étude valide tel événement qu’on doit forcément s’y livrer. EA, je ne le dis pas pour vous. Mais c’est un fait que je relève comme ça pour tout le monde…
@Anonyme : "c’est un fait que je relève comme ça pour tout le monde…"
C’est aussi précisément ce que dit Alexandre dans son billet.
Oui, suggérons à S. Royal d’inclure dans ses propositions de campagne la suppression de la taxe sur les produits pornographiques : externalités positives en vue !
On peut aussi se poser d’autres questions, intuitivement. Par exemple, peut-être que la pornographie tend à réduire en moyenne le nombre de viols, mais que cette baisse résulte d’un solde négatif entre individus dissuadés, parce que satisfaits, par le porno, et individus poussés au viol par le porno. On pourrait penser que le porno assouvit un certain profil de violeur, le plus commun, tout en stimulant certains profils particuliers qui n’auraient pas été violeurs sans le porno. En clair, la pornographie contribuerait à modifier dans une certaine mesure la nature de la criminalité sexuelle.
Intéressante approche en tout cas.
à mon avis, on ne peut pas mener la moindre enquête sur l’impact de tel ou tel outil si on omet de prendre en compte l’immense impact qu’a été la contraception en matière de sexualité!
Il est évident que le comportement sexuel de tout le monde a changé depuis que les filles n’ont plus (ou croient ne plus avoir) la menace de tomber enceintes, et aussi depuis que leurs parents, de ce fait, les laissent plus libres.
L’impact du porno est à mon avis incitatif car il exacerbe le sexuel à l’exclusion de l’affectif, mais aucune étude sérieuse ne devrait se faire en comparant des contextes contraceptifs aussi différents, à savoir avant et après les années 70!
c’est comme le nombre de viols d’enfants avant et après l’épidémie du sida.
au dela de ça,
certaines femmes dont les maris sont dépendants au porno trouvent que c’est invivable pour elles: est-ce qu’au delà du viol, le porno n’incite pas à une sexualisation moins épanouissante pour les filles, même si pour d’autres raisons (pilule, contraceptifs, moeurs plus libres,…) elles ne disent plus systématiquement non ?
Je pense que d’une manière générale, c’est le développement qui fait reculer le crime et donc le viol. Or l’apparition d’Internet est probablement un très bon indicateur (et un moyen) de développement. Mais j’ai du mal à voir une corrélation entre viol et Internet. D’autant que vous ne démontrez pas le rapport entre Internet et pornographie.
Le porno sur Internet évite t il un certain nombre de viols ?
je crois qu’avant de chercher l’impact de tel ou tel truc, il faut tout replacer dans des contextes comparables.
c’est le cas de l’étude citée,
ce n’est pas le cas de la réflexion sur ce billet qui compare une situation avant les années 70 et une situation après.
ensuite, il faut comme toujours bien veiller à ce que corrélation n’entraîne pas causalité: les deux choses qui évoluent dans le même sens sont souvent reliées à une autre cause qui les fait évoluer toutes les deux.
Et puis, surtout, il ne faut pas être partisan au départ et chercher à prouver ce qu’on a envie de prouver, car on trouvera toujours des arguments pour, si on occulte ceux qui disent le contraire!
(d’ailleurs, le petit test en bas des commentaires me confirme que ce blog n’est pas d’un très haut niveau scientifique! 😉 )
@ Clément : +1 !
hyper d’accord avec toi / vous !
Cet article me rappelle un peu un chapitre du livre de l’économiste Dan Ariely "C’est (vraiment?) moi qui décide" qui traite de la rationalité et de l’irrationalité prévisible des êtres humains…
Mais au passage très bon article, qui offre une petite piqûre de rappel sur l’adage bien connu et souvent oublié "corrélation n’est pas causalité" !
Le post d’Alexandre ne s’intitule pas "Le porno fait-il baisser le nombre de viols" mais "Le porno sur internet augmente-t-il le nombre de viols ?". Or, sans conclure de manière définitive sur la première question, il répond très bien à la deuxième : les données ne vont pas dans le sens des propos du maire de Villeurbanne ou de Ségolène Royal.
Quant au lien entre porno et internet, il est difficile de le nier. Certes, ça n’est pas un indicateur parfait. C’est précisément la raison pour laquelle one ne peut pas conclure "en faveur"
du porno mais simplement rejeter l’hypothèse selon laquelle il aurait des effet terribles sur les crimes sexuels.
Sinon j’ai du mal à percevoir le rapport entre la contraception et les viols. Je ne pense pas que les violeurs soient des gens très préoccupés par la grossesse éventuelle de leur victime (ou par les MST : c’est plutôt eux qui risquent de les transmettre).
Bien que je n’ai pas de pointeur vers une étude sérieuse, il me semble qu’une étude équivalente, mais bien plus difficile émotionnellement, existe concernant l’accès aux hentai pédopornographie et le nombre de viol pédophile, au japon.
Ainsi, il me semble que cette gamme de manga existe car le japon avait clairement vu un lien de causalité entre : accessible sur le marché et interdiction.
@hmmm, @Anonyme:
Apparemment, tu t’es arrêté au milieu du billet.
@Logopathe:
Attention justement ! Quand tu dis «intuitivement», c’est assez dangereux. Il vaut mieux parler de thèses. Mais déjà que trouver un lien de causalité entre les chiffres de l’accès à Internet et des viols en général est mal-aisé, imagine pour ce que tu envisages !
Enfin, d’une manière générale, oui, tu auras toujours des contre-exemples, mais ce n’est pas eux qui font fois en socilogie ; ce sont les tendances.
@Clément:
Je ne trouve plus de source pour, mais je crois que quelque chose comme 57% du trafic correspond à du porno. En tout cas:
familysafemedia.com/porno…
Le développement a déjà un indice: l’IDH, et les États-Unis ont fait leur transition démographique depuis bien longtemps…
Pour ce qui est de la corrélation, elle a justement été montré: l’accès Internet augmente, les viols diminuent – POINT. Il n’est pas dit que c’est grâce à Internet, c’est juste une corrélation, pas un lien de causalité.
Comme le précise bien l’auteur, il est extrêmement difficile de déterminer une relation de causalité en sociologie, justement à cause de tout les facteurs à prendre en compte. Alors contrairement à certains politiques, on ne s’avance pas trop et on se contente de remarquer que…
@do (les trois commentaires):
Non justement ! L’étude se déroule entre 1998 et 2003 et se base sur plusieurs populations (les différents états). Aussi, il y a bien corrélation entre l’accès à Internet et la diminution du nombre de viols. En revanche, il pourrait très bien y avoir en même temps une corrélation avec la contraception, ce qui complexifierait les liens de causalité à envisager. Toujours est-il qu’il faudra commencer par faire une étude sur le sujet.
@Kroppi:
Je présume qu’il veut plutôt parler de la libération de la sexualité, qui pourrait abaisser les frustrations ou un truc du genre (c’est une hypothèse comme une autre).
Hors sujet, mais je trouve ce blog bien fait, bien que n’étant pas économiste, surtout les notes de lecture. Je m’en sers comme base de données dès que je me pose une question sur le sujet. On trouve pas mal de blogs classés wikio, mais ils me paraissent moins sérieux.
Bonne continuation.
Une question beaucoup plus difficile serait : trouver un commentaire de Ségolène Royal qui ne soit PAS une absurdité après inspection par des économistes.
Pour revenir au thème du billet, deux remarques : concernant internet, il faut souligner que l’innovation de ce média, c’est de rendre le porno accessible aux mineurs qui le souhaitent. Sérieusement, les auteurs d’eSarcasm ont raison de souligner qu’il paraît à peine croyable aux ados d’aujourd’hui qu’un jour, seuls ceux qui avaient des grands frères complaisants pouvaient mater du porno.
Par contre, en pratique, personne n’applique jusqu’au bout cet argument économique.
"En langage économique, l’image sexuelle joue-t-elle un rôle de substitut à la violence sexuelle réelle – auquel cas, la diffusion plus générale de la pornographie aura pour effet de réduire le nombre de viols – ou de complément -auquel cas, elle l’augmentera?"
Je traduis par : faut-il encourager ou interdire le porno, si on veut limiter les viols ?
Sans prétendre répondre à cette question, il me semble incohérent d’autoriser le porno mais d’interdire la pédopornographie produite sans modèle mineur – la légalité des mangas lolicons varie selon les pays, et l’Australie veut même interdire les imaes pornos dont les modèles SEMBLENT trop jeunes. Bonne chance pour trouver des défenseurs des poupées moulées à l’aspect de mineures – alors que selon l’argument de la substitution, elles devraient être autorisées.
@ Kroppi : le rapport avec la contraception est le même qu’avec le porno :
si un gars qui se masturbe devant son écran est moins partant pour aller traquer la minette le soir,
combien plus celui qui a sa copine dans son lit, maintenant que les filles/femmes peuvent avoir des rapports sexuels autant qu’elles veulent, donc à la limite, aussi souvent que les garçons à priori, sans faire un gosse à chaque fois…
on peut comprendre qu’avant la contraception, les filles étaient un peu moins partantes, et, du coup, que certains garçons allaient plus facilement voir une prostituée …ou la pauvre fille du coin.
enfin, je suppose.
@do
Avant la contraception et la libération sexuelle, les filles, on leur demandait pas leur avis. Au contraire, je pense que ç’a contribué à rendre les femmes moins accessibles et créé des zones de misère sexuelle (les banlieues ?) où le porno joue le rôle de soupape de sécurité. Enfin c’est juste une opinion.
@GregF
Dans le cas du Japon où, me semble-t-il, le nombre d’agressions sexuelles sur mineurs est assez rare, je ne trouve pas que le lien avec le lolicon (et autre genres) soit difficile à accepter. Entre des mangas et des enfants traumatisés, le choix est vite fait.
Je ne crois pas que le viol soit une réaction alternative à une absence de relation sexuelle, à une sexualité conjugale insuffisante, aux frustrations sexuelles "ordinaires". Je n’ai pas de références théoriques à fournir, mais je pense qu’il s’agit d’un acte, d’une "relation" d’une autre nature. Alors la contraception n’ rien à y voir, et la pornographie peut fournir des modèles, mais ,selon moi, pas l’impulsion.
Article intéressant, qui démonte efficacement quelques idées reçues. Continuez sur cette voie, je vous en prie !
Il est dans la nature humaine de vouloir trouver des liens de causalités à tout, de vouloir expliquer le monde pour se rassurer. Je crois qu’on aurait aussi bien pu faire le lien entre ce viol collectif et les mutations génétiques légère engendrées chez ces jeunes par le passge du nuage de Fukushima avec autant de raison. Tout çe discours pour vous dire que nassim Nicholas Talleb explique de façon détaillé cette volonté humaine de relier des faits à des causes et de trouver des boucs émissaires. Il explique encore beaucoup de choses dans son livre "Le Cygne Noir", je crois un "must have"
C’est justement ce que je disais à ma femme, elle a pas été d’accord, ben du coup voila le résultat…
C’est ca de pas avoir fait d’économie aussi.
@ do : pour votre premier commentaire, il existe des études qui attestent que la pornographie est mauvaise pour les couples. et d’ailleurs, depuis un certain temps, les sexologues évoquent ce problème…
@ Yoha: soit vous avez très mal compris mes propos soit argumentez. Evitons d’être elliptique.
«1. Corrélation n’est pas égale à la causalité»
L’article insiste précisément sur la différence entre les deux.
«2. Corrélation ne signifie pas bonne corrélation; je pense ici aux corrélations fallacieuses.»
Tu veux bien parler d’une corrélation sans lien de causalité ? Si oui, voir 1.
«3. Un problème de moralité (respect, éthique, etc.)»
Ce n’est pas le sujet traité.
«4. L’image de la femme»
Voir 3.
«Ce n’est pas parce qu’une étude valide tel événement qu’on doit forcément s’y livrer.»
Voir 1. L’auteur du billet ne fait que relever des faits.
En 1987, Baron et Straus ont fait une analyse qualitative assez complète des taux de viols aux états-unis. Ils en ont conclus que la pornographie avait un taux assez élevé de corrélation (r = .67) avec le taux de viol, mais que ce n’était sans doute pas un lien causal. Ils proposent un climat culturel machiste comme influençant les deux.
Leur conclusion finale est la suivante : "The results indicate that the lower the status of women relative to men, the higher the
rape rate."
Références :
Four Theories of Rape: A Macrosociological Analysis
Author(s): Larry Baron and Murray A. Straus
Source: Social Problems, Vol. 34, No. 5 (Dec., 1987), pp. 467-489
Published by: University of California Press
Bonjour,
Très bon billet.
Une petite question: pourrait-on obtenir des résultats plus précis en re-tentant l’expérience de Dan Ariely et George Loewenstein, mais en ajoutant un troisième groupe de cobayes: un groupe qui répond simplement au questionnaire, mais APRÈS s’être masturbés devant les images sexuellement excitantes (mettons dix ou quinze minutes après, histoire que la "pression" retombe).
Ce n’est sûrement pas très compliqué à faire, mais ça permettrait de savoir si le porno agit vraiment comme substitut, non ?
Il faudrait aussi pouvoir tester sur un quatrième groupe dont on s’assurerait qu’ils n’ont eu aucune expérience sexuelle (masturbation ou autre) pendant plusieurs semaines avant le questionnaire, et leur poser juste le questionnaire comme au groupe test numéro 1.
Je doute de la faisabilité du truc ceci dit…
« Ces résultats vont dans le sens de la thèse de l’incitation : les images pornographiques rendues disponibles dans l’expérience rendent les personnes moins prudentes, plus disposées à exercer la contrainte pour assouvir leurs pulsions sexuelles »
je ne suis pas vraiment d’accord avec cette conclusion. Il est très fortement probable que les personnes du premier groupe se soient déjà masturbées et ont déjà regardé des films pornographiques.
La différence n’est donc pas le fait d’avoir vu des films pornographiques mais plutôt le fait d’être sous un état d’excitation sexuelle (surtout si le questionnaire demandait de se masturber).
Il faudrait aussi demander à DSK s’il regardait du porno ou pas, ça pourrait peut-être aider…
Il y a une vingtaine d’années, en France, les gardiens de prisons ont constaté la baisse du nombre d’agressions sexuelles entres prisonniers dans les jours suivant la diffusion du fameux porno du premier samedi du mois.
Donc oui, se masturber devant un porno diminue la tension sexuelle.
La vraie question à poser est, pour un individu donné, quelle dose de porno doit être "administrée" pour calmer sa tension sexuelle ?
Peu de porno, donnera toujours envie de passer à l’acte.
Beaucoup de porno, banalisera le porno et donnera envie d’une dose plus grande qui sera satisfaite par du vrai sex.
C’est comme toute drogue, l’efficacité dépend de la dose et la dose dépend de chaque individu.
Pour revenir à l’exemple de la prison, un porno par semaine administré à tout le monde était la bonne dose, même si la veille les prisonniers étaient un peu fébriles.
Il y a aussi le cas des sportifs de haut niveau à étudier.
Pour la coupe de monde de foot de 1998, le coach avait permis aux joueurs d’honorer leur femme la veille des matchs et ça les rendait calmes. Avec le sélectionneur suivant qui a interdit aux femmes d’être avec les joueurs, on a vu le résultat.
Je ne pense pas que Ségolène Royal prenne jamais le temps d’essayer de lire l’article de Kendall car ce serait pour elle se placer sur un terrain défavorable a priori, celui du discours rationnel argumenté avec un minimum de méthode communément admise.
Or, il est évident qu’elle n’a plus rien à apprendre, tout au moins sur les questions théoriques: son seul souci pourrait-être l’étalage de quelques données lors d’un débat, et pour cela, quelques fiches doivent bien lui sembler suffisantes.
Bien sûr, c’est presque un mauvais procès que l’on peut lui faire, ainsi qu’à la quasi totalité du personnel politique: nous n’avons pas affaire à des chercheurs mais à des professionnel de la sollicitation du suffrage. Et pour les questions d’expertise, ils calquent le contexte judiciaire où le juge n’est jamais tenu par les conclusions de l’expert.
Il en découle que la prise de position est nécessairement l’affichage d’une croyance. Ce qui est tout de même plus sexy pour l’électeur que le démontage de la méthodologie d’une étude, la mise en évidence de ses biais ou la détermination de ses lacunes.
Cela dit, quand on considère la formidable complexité que requièrent les études relatives aux comportements sexuels, qu’ils aient un rapport ou pas avec les technologies nouvelles, on serait presque tenté de leur donner raison.
Il est tout de même assez vertigineux d’imaginer une cohorte estudiantine sommée de se palucher d’une main et de remplir un questionnaire de l’autre. Il faut noter aussi que, d’après Kendall lui-même, la partie la plus significative de son étude porte sur des sujets âgés de 15 à 19 ans.
Nous sommes donc loin de disposer d’un socle solide sur les questions envisagées.
Mais si on se retrouve tout de même dans la critique, fut-elle convenue, des commentaires politiciens, c’est qu’à travers ces prises de position ils expriment quelque chose qui est de l’ordre de leur propre éducation, leur propre sensibilité, leur propre conditionnement.
On imagine à quel point une fille de militaire peut considérer le genre masculin sous l’angle de la soldatesque des années cinquante, à l’heure où l’idéal républicain n’incluait pas l’indigène des deux sexes, même prépubère.
Il est dommage, pour conclure, que les études sur ce dernier sujet ne soient encore que virtuelles mais il faut bien laisser un peu de travail aux futurs chercheurs.
En attendant, et sans se prévaloir d’une quelconque épistémologie des sciences sociales, on ne pourra que déplorer de voir le discours du progrès venir faire le lit (si j’ose dire) de celui de l’ordre moral. Mais concernant Ségolène, ce n’est pas une nouveauté.
Réponse de Stéphane Ménia
Juste une remarque sur Kendall : la question des 15-19 ans est supposée mettre justement en évidence le fait que plus on utilise internet, moins on viole. Le raisonnement est le suivant : les 15-19 ans sont ceux qui utilisent le plus internet et c’est précisément chez eux qu’on observe l’impact le plus fort.
Justement, qu’est ce qui nous dit qu’au lieu de mesurer la substituabilité porn-rape on n’est pas plutôt en train de mettre en évidence une forme addictive de surf?
Il s’agirait alors plutôt de concurrence que de substituabilité.
C’est tout de même, aux dires de l’auteur, la tranche d’âge qui a vu ses coûts d’accès à la pornographie baisser le plus.
Je ne comprends pas bien comment personne ne note qu’on ne sait pas grand chose de la part viols déclarés/ viols réels et donc que les mesures des viols sont les mesures des viols déclarés, a priori sans rapport avec le nombre de viols réels.
Réponse de Stéphane Ménia
Oui. Mais pour que l’analyse soit fausse, il faudrait qu’il y ait une relation différente entre viols déclarés et accès au net et entre viols non déclarés et accès au net. Si ce n’est pas le cas, étudier seulement les viols déclarés est correct.