7 livres pour comprendre la crise financière

Oui, les cadeaux de noel sont passés. Mais si vous les avez déjà revendus sur Ebay, vous disposez de quoi acheter des livres qui aident à comprendre la crise. Et pour cela, il en faudra plusieurs. Les économistes discutent encore des causes et des conséquences de la crise de 29 80 ans après, il est probable qu’ils discuteront encore longtemps de celle de 2008-2009. Qui d’ailleurs, n’est pas terminée. Chaque livre a des qualités et des défauts, est fortement biaisé par ce que veut dire son auteur. En tous les cas, voici une liste de lectures profitables.

Livres non techniques et descriptifs :

Too big to fail, d’Andrew Ross Sorkin. Le pageturner de la crise. Commençant à la chute de Bear Stearns, il raconte la crise réunion par réunion, en se focalisant sur les personnalités : dirigeants de banques, politiques, banquiers centraux. Bon rythme, et bonne perception de la réalité vécue sur le terrain – une dimension qui manque aux économistes. A conseiller aux amateurs de people et d’histoires vraies, à déconseiller aux autres.

Fools’gold, de Gillian Tett. Centré sur la saga de J.P. Morgan et de l’équipe de financiers qui ont inventé les credit default swaps. La qualité : une vision originale du monde de la finance (l’auteur est anthropologue de formation) et plein d’informations. Le défaut : trop centré sur J.P. Morgan, sans assez de recul. Le livre donne la part trop belle aux salariés de cette banque, et présente les instruments financiers qu’ils inventent comme des progrès dévoyés. Une position que l’on peut légitimement contester.

Livres académiques et techniques (mais compréhensibles) :

Too big to save, de Robert Pozen. L’exact opposé des deux précédents : pas de logique interne, seulement des chapitres décrivant les évolutions de la finance, les causes de la crise, et les solutions proposées par l’auteur. Un vrai livre technique de praticien, une référence dans laquelle on pioche tout le temps pour comprendre tel ou tel instrument financier et son rôle. Par contre, ce n’est pas précisément une lecture de plage.

The myth of the rational market, de Justin Fox. Une histoire de la finance, vue sous l’angle de l’idée de marchés efficients. Très clair, bien écrit, et surtout – contrairement à trop de livres sur ce thème – il rend compte avec objectivité de tous les points de vue. L’auteur veut clairement démontrer que l’idée de marchés efficients est dangereuse, mais veut aussi faire un livre de référence, et permet de comprendre toute l’histoire des idées de la finance, et fait découvrir des auteurs primordiaux mais mal connus. Très bon pour comprendre les fondements académiques de la finance.

This time is different, de Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff. S’il n’y en a qu’un seul à lire, c’est celui-là. 8 siècles d’histoire des crises financières analysés, des masses de données, un livre très clair (mais parfois aride). Un livre de macroéconomistes, donc une perspective centrée sur ces aspects. Indispensable pour contextualiser.

Livres en français

Pas grand-chose à se mettre sous la dent en la matière. Le marché est asseché par les multirécidivistes habituels, dont la connaissance du sujet est inversement proportionnelle à leur prétention (Attali et Baverez battant là tous les records). Néanmoins, pour les rétifs à l’anglais, on lira avec profit :

Jusqu’à quand? de Frederic Lordon. Gros avantage du livre, une excellente synthèse sur le déclenchement de la crise et ses conséquences, un excellent rapport nombre de pages/information. Inconvénient, les biais de l’auteur pour lequel tout se ramène à l’impératif de renverser le capitalisme en commençant par la finance (je caricature à peine). Mais on ne perd pas son temps à le lire, même si l’on ne partage pas ces biais.

Sorties de crise, de Patrick Artus et Olivier Pastré. Un livre intéressant car finalement peu financier, mais très macroéconomique. Les habitués des deux auteurs y seront en terrain connu, trouvant un plaidoyer pour la politique industrielle et la coopération internationale pour résorber les grands déséquilibres macroéconomiques internationaux. L’intérêt est justement dans cette prise en compte de ces dimensions.

Le point commun de tous ces livres? Alors que tout le monde semble considérer et agir comme si la crise de 2008 était un malheureux accident, à la suite duquel tout peut reprendre comme avant, ils nous indiquent que les problèmes sont au coeur du système économique, et ne sont pas résolus. L’essentiel des solutions qu’ils proposent ne seront pas appliquées, ce qui peut faire réflechir.

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Alexandre Delaigue

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20 Commentaires

  1. Merci pour ces références et commentaires.

    Dans le style (ou biais ?) "free-market-public-choice-AustrianEcon", auriez-vous lu l’un de ces quatre textes ? :
    mercatus.org/sites/defaul…
    fee.org/wp-content/upload…
    http://www.iea.org.uk/files/upld...
    http://www.amazon.com/Financial-...

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Vu comme nerberg s’est fait allumer dans le FT, ca fait pas envie. Quant à Rowley, son blog est tellement ridicule que ca fait pas envie. Pas d’idée sur les autres.

  2. A votre avis, le dernier livre de André Orléan (De l’euphorie à la panique), c’est du sérieux ?

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Pas encore allé voir. le bouquin est telechargeable sur le site du cepremap.

  3. Pour les livres en français il y a quand même :
    -Krugman, "Pourquoi les crises reviennent toujours" pas très technique et agréable à lire,
    – Aglietta "Macroéconomie financière" pour le style académique,
    – Akerlof & Schiller "les esprits animaux" qui, même s’il n’est pas centré sur la crise actuelle l’aborde et en donne un éclairage particulier.

    En tout cas merci pour les conseils. Je pense opter pour "too big to fail", ça satisfera mon côté people.

  4. J’aurais peut être ajouté le bouquin de Shiller "Irrational Exhuberance", dans la deuxième édition il parle de la bulle du marché immobilier.

    Mon problème avec la finance c’est que j’ai tendence a me perdre avec le jargon et je cherche un livre qui m’aide a m’habituer un peu.Vous pensez que celui de Robert Pozen pourrait me servir a cet égard?

    Je disais l’autre jour dans le forum qu’il y a une offre sur book depository pour le Reinhart-Rogoff pour 16 euros (http://www.bookdepository.com/bo...

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Shiller c’est plutôt la crise précédente. Pozen, c’est du lourd, très complet et clair. R&R, c’est déjà un classique.

  5. Merci pour ces références, moi qui en ce moment lâche un peu la littérature autrichienne, je suis curieux de savoir ce qu’en disent les néo-classiques, à ce propos.

    Je connais celui d’Artus, pas aimé.
    Lordon, de ce que j’ai déjà lu de lui, pas convaincu.
    The myth of the rational market, c’est écrit par une journaliste apparemment, je suis méfiant…
    Les deux premiers sont "non techniques", je passe.
    Too big to Save, je sais pas…

    Enfin,
    J’ai flashé sur "This time is different" !
    8 siècles d’histoires, évidemment que ça m’intéresse : mon choix est fait.

    @ Hélbé : j’ai lu l’ouvrage d’Orléan, j’ai pas été très convaincu, surtout quand il a commencé à parler des agences de notations, ça partait complètement en live (sans vouloir être grossier).
    Et même globalement, il ne nous apprend pas grand chose de nouveau, mais ça, ce n’est que mon ressenti.

  6. Merci pour l’info sur le Pozen ifile.it/9resdtl

    Je vais le lire, ça a l’air très complet en effet. Vu l’intro de Shiller on voit à peu près comment il se situe. A suivre…

  7. Extrait de la critique du FT sur le Norberg :
    "Ultimately, Austrian-style economics like this fails to appreciate the real damage caused by demand slumps."
    Wouarf! 🙂

    Il y a quand même une critique qui fait mouche si elle est fondée (je n’ai pas lu le livre). D’après l’auteur de l’article, Norberg insiste beaucoup sur la politique du logement du gouvernement US. Ce faisant, il ne peut pas expliquer comment les supbrimes ont causé de tels remous alors qu’ils ne pèsent qu’une fraction du marché du crédit. De mauvais investissements, il y en a eu dans beaucoup de secteurs, pas seulement chez les ménages américains modestes. Comment explique-t-on le "cluster of errors" déjà? books.google.fr/books?id=…

  8. @ Hélbé le livre de Orléan est online et a du mérite d’être lu. Il est bon et explique mieux que Aglietta. Pour Aglietta, mes quelques critiques sont dans le forum déconoclaste, de même pour Orléan.

    Akerloff-Shiller est-il déjà traduit en français? Je savais qu’on était entrain de discuster là-dessus, mais au point d’être déjà dans la librairie et ben je veux m’arranger pour l’avoir…

  9. Et le Lords of Finance?… Il paraît que c’était le livre de chevet à la Fed durant la crise… je l’ai acheté, tout comme le Pozen (j’avais déjà le R&R)…
    A propos du Pozen: certes, il a l’air de très bien expliquer les produits de la titrisation, mais est-ce qu’il explique (ou tente d’expliquer) pourquoi les produits titrisés sont restés au bilan des banques au lieu d’être dispersés vers des investisseurs à moindre effet de levier?…

  10. Pour ceux qui désirent lire un livre beaucoup plus basique mais très pédagogique, je conseille "Comprendre les crises financière" O. Lacoste Chez Eyrolles.

    A propos de "Jusqu’à quand ?" de Frédéric Lordon. Alors je suis désolé, j’avoue que je ne lis pas l’anglais (ou alors pour d’autres sujets). Mais il faut oser dire clairement que Lordon a une plume absolument extraordinaire. Son livre est d’une vivacité extraordinaire et il m’a vraiment fait rire parfois.
    Cela dit, c’est aussi un livre très technique, qui n’a pas tout à fait grand public (Lordon a écrit "la crise de trop" qui est plus grand public).
    Donc moi j’avoue mon plaisir extrême à lire cet auteur pour ce qu’il raconte et pour son style.
    Pour votre part, vous considérez que son objectif est de reverser le capitalisme. Je trouve que justement pas. Dans le sens où il fait une série de propositions de réforme, certes radicale. C’est facile de rester dans la critique, lui propose aussi.
    Je trouve que c’est un peu léger de résumer tout cela à de l’anti-capitalisme, sans discuter le fond.
    Tiens par exemple, son principe 5 : L’Europe est une zone d’activité financière auto-suffisante.

  11. @ Jacques

    "est-ce qu’il explique (ou tente d’expliquer) pourquoi les produits titrisés sont restés au bilan des banques au lieu d’être dispersés vers des investisseurs à moindre effet de levier?…"

    Bonne question. De nombreux acteurs ont augmenté leur effet de levier simultanément : banques, banques d’investissement, ménages. Pourquoi accepte-t-on de prêter à des gens qui n’ont pas de fonds propres? Pourquoi empruntent-ils autant? Je commence le Pozen et ne sais pas si il apporte une réponse. Parmi les facteurs probables expliquant cette course à l’effet de levier : la fiscalité, l’aléa moral, l’expansion monétaire. Un facteur improbable : la disparition de l’aversion au risque.

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Pourquoi “improbable”? C’est au contraire le seul facteur convaincant…

  12. Bonjour et bonne année 2010 à tous !
    je pense qu’il est permis d’arrêter de dépenser trop d’énergie sur l’histoire – qui est effectivement loin d’être terminée – de la crise de 2008. D’une manière générale le système qui caractérise notre époque et dans lequel nous vivons pourrait bien fonctionner si les surplus générés par l’économie et devant être redistribuées étaient bien réels. Le problème arrive quand pour diverses raisons on distribue, grâce à l’endettement généralisé, des surplus qui n’ont pas été encore créés et qui pour certains ne le seront jamais! Donc nous y sommes et avec un trou sans équivalent dans l’histoire humaine. La question est de trouver les meilleurs façons de s’en sortir. Les solutions ne viendront pas des états ou de la finance mais des entreprises (actuelles et futures) et de leurs clients , c’est à dire nous. Vive les éconoclastes et en avant !

  13. @Alex:"Pourquoi "improbable"? C’est au contraire le seul facteur convaincant… "

    au contraire

    1999 Goldman Sachs passe de la société en commandite à la SA ou les actionnaires n’ont plus qu’une exposition minimum aux risques.

    1998 Union des banques suisses fusionne avec société des banque suisse et de vien UBS. Au passage passe de la société en commandite à la SA ou les actionnaires n’ont plus qu’une exposition minimum aux risques.

    Si c’est pas de l’aversion au risque ça ! je me fait keynésien !

    Je suis sur qu’en creusant on en trouve un paquet d’autres.

  14. le justin fox a beau être écrit par un journaliste, il est très bon et très complet.
    Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, c’est top niveau… ça mériterait vraiment d’être traduit, (mais les éditeurs préferent les foutaises d’attali et baverez)

    Le Sorkin me tente parce que ses papiers du NYT sont rudement bien informés…
    Orléan, c’est tout de même intéressant sur la théorie de l’efficience, mais c’est du orléan, il écrit la même chose depuis 15 ans…

    qu’avez vous pensé du dernier daniel cohen ? décévant non…

    il y a aussi un livre génialissime sur Lehman (pas technique) de Laurence Mc Donald "a collossal failure of common sense", c’est une inside story assez drôle et bien écrite, par un mec qui a fini DG de Lehman, après avoir vendu sa start up (convertbond.com) fin 99 à Morgan Stanley…

    la Macroéconomie financière d’aglietta,(j’ai la version 2006) ça reste un classique et le tome deux explique très bien tous les mécanismes de la catastrophe, (titrisation, CDS) avant qu’elle ne se produise…

    @Jacques "est-ce qu’il explique (ou tente d’expliquer) pourquoi les produits titrisés sont restés au bilan des banques au lieu d’être dispersés vers des investisseurs à moindre effet de levier?…"
    il me semble que tout simplement, les banques d’investissement, achetaient des quantités invraisemblable de crédits et de dérivés de crédit pour les reconditioner (on sait qu’on trouvait des CDO au carré et au cube), et les revendre, et lorsque le marché immo s’est retourné, ils se sont retrouvés collés avec ça dans leur bilan. (Bear Stearns, par exemple lorsque les subprimes ont commencé à partir en sucette début 2007, a décidé de se relancer sur le marché du Alt-A… ça paraît fou, mais c’est bien ce qu’ils ont fait. Le vieux défaut du joueur, "je vais me refaire".)

    c’est visiblement la fameuse (dé)réglementation de 2004 de la SEC sur l’effet de levier pour les Investment Bank, qui a relancé la course au levier, les grandes banques se sont toutes transformé en Hedge Funds géants, (et comme la loi de 99 avaient aboli le glass-steagall act, tous le monde a pu participer à l’orgie…)

  15. @ Alexandre

    "Pourquoi "improbable"? C’est au contraire le seul facteur convaincant…" [i.e. la disparition de l’aversion au risque]

    Par la disparition de l’aversion au risque je veux dire : un changement des préférences des acteurs, par opposition à un changement de comportement en réaction à une incitation. Sont-ce leurs préférences qui ont changé? Ou bien y avait-il des incitations susceptibles de les faire prendre plus de risques quand bien même leurs préférences n’avaient pas changé?

    Ce que je dis c’est qu’il y avait des incitations : expansion monétaire, prêteur en dernier ressort, Greenspan put, garanties publiques sur Fannie & Freddie, CRA, fiscalité du capital etc. Ce sont des politiques publiques qui incitent logiquement à prendre plus de risques, ceteris paribus. Ces incitations existaient, et elles expliquent bien les comportements observés. Où est le problème ?

    Beaucoup de gens ont fait des erreurs, et les mêmes erreurs. Minsky explique cela très bien, mais son explication repose implicitement sur une cause : la création de monnaie scripturale par des banques, dans un cadre institutionnel donné (PDR, GDD). On retombe donc sur l’explication ci-dessus, puisque les banques qui conservaient les risques sur leur bilan (ou hors bilan) bénéficiaient de garanties explicites ou implicites.

    A l’inverse, je ne peux pas formellement exclure que les préférences ont changé, et que les mêmes erreurs se seraient produites sans les incitations en question. Seulement, ça me parait peu plausible comme "explication", un peu comme dire qu’une catastrophe est due au mauvais œil.

  16. Il y a aussi
    "Meldown" de Thomas E. Woods Jr, un livre (très) grand public de 160 pages, avec une vision autrichienne de la crise.
    http://www.amazon.fr/Meltdown-Fr...

    Il déroule de manière très pédagogique les constats et les préoccupations des libéraux de l’Ecole Autrichienne.
    La bulle immobilière provoquée par l’Etat
    Le bailout des grandes banques de wallstreet
    La théorie des cycles autrichiens
    Les mythes sur la crise 29 et le new deal.
    et enfin la vision autrichienne de la monnaie.

    Malheureusement c’est en anglais…

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