Un modèle économique et social européen viable?

Existe-t-il un modèle économique et social européen viable? Si l’on en croit un récent working paper d’Olivier Blanchard, oui. Dans ce document, il s’attache à montrer que ce modèle existe, est est assis sur trois piliers principaux. Il montre aussi quelles sont les difficultés qui pourraient mettre à mal ce modèle. Une lecture indispensable, qui résume très bien les problématiques européennes en matière économique et sociale; mais aussi une lecture un peu déprimante, qui montre à quel point ce débat passe à la trappe.

Selon Blanchard, le modèle économique et social européen, pour exister et être viable, doit reposer sur trois piliers :

– la concurrence sur les marchés de biens et services; car c’est de là que provient l’essentiel de la croissance de la productivité. Blanchard s’appuie notamment sur les études de MacKinsey (résumées par exemple dans ce livre) pour montrer que c’est de la réallocation des ressources sur les marchés de biens et services que proviennent les gains de productivité. Aux USA, par exemple, 90% de la croissance de la productivité dans la distribution est venue de la réallocation du capital et du travail, d’entreprises qui disparaissent et sont remplacées par des entreprises plus efficaces, qui embauchent alors du personnel; seulement 10% des gains de productivité sont réalisés à l’intérieur des entreprises existantes.

– Mais si cette concurrence a pour effet d’accroître la productivité et la croissance, elle a un effet négatif : elle impose des destructions d’emploi particulièrement douloureuses pour les salariés concernés. La difficulté est alors de réduire ces difficultés au maximum : c’est là qu’intervient le second pilier, l’assurance sur le marché du travail. Ici, Blanchard reprend son travail mené avec Tirole sur la question de la protection de l’emploi : il faut protéger les salariés, et pas les emplois. Cela implique des aides financières internalisées par les entreprises, en substituant aux cotisations sociales actuelles un système de cotisations variables en fonction du nombre de licenciements menés par les entreprises (une sorte de principe “pollueur-payeur”). Dans le même temps, une réduction du rôle du système judiciaire en matière de licenciement, celui-ci se cantonnant aux cas de discriminations, et pas à la situation actuelle ou des juges doivent décider de l’opportunité de licenciements à la place des employeurs.

L’assurance-chômage doit elle être conditionnelle non pas à la recherche d’emploi (impossible à évaluer sérieusement) mais au fait que la personne se forme, et accepte les emplois qui lui sont proposés dès lors que ceux-ci sont “satisfaisants”. Blanchard montre que ce simple principe se heurte à de multiples complications (notamment la définition d’un emploi “satisfaisant”); mais le principe est qu’il est légitime qu’une personne se trouvant dans une région en difficultés économiques puisse bénéficier d’allocations de façon indéfinie. Et, même si la mise en place d’un bon système est difficile, au moins la direction est claire.

Dans le même temps, une aide spécifique doit être offerte aux personnes à bas revenu, ayant des difficultés de ce fait à retrouver un emploi. Pour ceux-là, c’est un mécanisme d’impôt négatif qui doit être mis en place (c’est à dire, un mécanisme de revenu versé de façon inconditionnelle, pouvant se cumuler éventuellement avec un emploi à temps partiel). Le salaire minimum est un très mauvais moyen d’assurer la redistribution et de favoriser les bas revenus : au contraire, il tend à les exclure du marché du travail. Cela ne signifie pas qu’il faut supprimer le salaire minimum, mais que celui-ci doit être utilisé pour limiter l’exploitation des salariés pauvres par leurs employeurs, pas comme mécanisme d’une politique des revenus, pour laquelle il est particulièrement inapproprié.

– Ce n’est pas un ensemble d’institutions utopique : il fonctionne dans certains pays européens. Mais pour fonctionner, il exige que la production des pays soit en permanence la plus proche possible du potentiel, ce qui exige une utilisation active des politiques monétaires et budgétaires. Avoir donc la capacité de faire jouer les stabilisateurs automatiques budgétaires constitue un moyen minimal. La politique macroéconomique est donc le troisième pilier selon Blanchard.

Blanchard se demande alors quels obstacles vont à l’encontre de la réalisation de ce genre de programme, et en distingue trois.

– le premier est le ralentissement de la croissance de la productivité totale des facteurs en Europe. Alors que celle-ci augmentait plus vite qu’aux USA jusqu’à la fin des années 80, elle a ralenti à partir des années 90, tandis qu’elle augmentait aux USA, contribuant à élargir un écart entre USA et Europe qui jusque là avait tendance à se combler. Néanmoins, rien ne montre que cela provienne d’une sorte de faiblesse structurelle européenne, bien au contraire : c’est plutôt la question de la concurrence sur les marchés de biens et services qui est déterminante. Dans les secteurs où celle-ci existe, la productivité des entreprises européennes ne connaît pas de retard particulier. Il n’y a donc pas “d’eurosclérose” de ce point de vue.

– Par contre, on peut se demander s’il est possible d’importer des institutions de marché du travail d’un pays à un autre. Les institutions d’un pays constituent en général un tout, qui est lié par exemple au niveau de confiance dans la société, ainsi qu’à l’homogénéité de celle-ci. Que se passerait-il si, par exemple, la France importait la “flexicurité” danoise? Rien ne permet d’affirmer qu’elle fonctionnerait : elle repose sur un degré de confiance dans la société et surtout dans les relations sociales inconnu chez nous. A cet argument de Blanchard, on pourrait ajouter les récents travaux du FMI (cités par New Economist) montrant que les coûts de la transition vers un système de “flexicurité” seraient prohibitifs pour les pays à fort chômage et situation budgétaire tendue; et ce, pour des effets positifs sur l’emploi peu évidents.

– le dernier point, la politique macroéconomique, pose deux questions. Premièrement, la capacité des gouvernements à utiliser à bon escient la politique budgétaire; deuxièmement, dès lors qu’il y a une monnaie unique en Europe, les ajustements qui ne se font plus par les changements de parités monétaires doivent passer par des ajustements de salaires nominaux; ce qui réclame parfois des phases de modération salariale négociée entre employeurs et syndicats de salariés, du type des accords de Wassenaar en Hollande. Ce qui ramène au problème ci-dessus : ce genre d’accord nécessite un type de relations sociales qui n’existe pas partout.

Le document de Blanchard est stimulant, en ce qu’il offre une perspective cohérente sur tous les problèmes économiques et sociaux européens, en ouvrant une voie de sortie. Il montre par ailleurs quels sont les principaux obstacles limitant la généralisation des institutions typiques du modèle social européen. On peut trouver criticable sa définition du modèle économique et social européen; se demander si l’importation de “modèle sociaux” est réalisable, ou si c’est une voie sans issue; on peut noter également que les ajustements macroéconomiques qu’il suggère (ajustements par la modération “négociée” des salaires nominaux) se font actuellement, et sont à l’origine des difficultés de pays comme l’Italie. Après tout, on a déjà exposé ici l’inanité des discussions européennes sur les modèles sociaux et sur la politique macroéconomique.

Mais c’est justement le mérite de Blanchard que de sortir par le haut de ces discussions stériles, en plaçant tout cela dans un cadre cohérent : à la base, il y a la question de la concurrence et de la productivité; les questions macroéconomiques et de système d’assurance-chômage viennent alors s’y greffer. On peut désapprouver, mais il a la mérite d’avoir posé les problèmes.

Malheureusement, il est bien le seul à le faire, du moins dans ce qui ressort du très déprimant débat électoral français. D’un côté, on prône à la fois l’innovation à toutes les sauces et des mesures visant à éviter le renouvellement des emplois; on espère donc favoriser la croissance par la dépense publique de recherche, en oubliant que celle-ci n’est pas faible en Europe (c’est la dépense privée qui est faible : de ce fait, encourager la recherche publique ne servira qu’à créer un effet d’éviction); et en oubliant que la croissance ne sort pas par magie des tubes à essai des chercheurs du CNRS, mais qu’elle impose la concurrence qui incite les entreprises à accroître leur productivité, et d’importants mouvements de disparitions d’entreprises et d’anciens emplois. On prône également, pour la politique des revenus, l’instrument le plus inefficace possible – la hausse du salaire minimum. Ne parlons même pas des mesures qui visent (sous prétexte de “lutte contre les délocalisations”) à limiter la mobilité des capitaux en Europe, histoire sans doute de renforcer encore un peu les difficultés d’ajustements avec monnaie unique. Quant aux problèmes sociaux, il suffit de faire “comme les danois”, sans se poser la question de la faisabilité de la chose.

Mais la tambouille n’est pas meilleure de l’autre bord, ou sous couvert de rodomontades autour de la “rupture” et de la fracture sociale des “valeurs républicaines” on explique que la feuille de paie n’est pas l’ennemie de l’emploi il faut cesser de “pénaliser le travail” en augmentant la rémunération de ceux qui ont déjà un emploi (étrange politique sociale quand on y pense); on fantasme aussi abondamment sur “l’économie de la connaissance” sous forme de dépenses diverses et variées qui ne prennent pas non plus en compte les vrais problèmes : l’insuffisance de la recherche privée, et des gains de productivité trop faibles dûs à une concurrence trop réduite. Le bilan Sarkozyste au ministère de l’économie se caractérise surtout par une ridicule conférence pour obtenir des baisses de prix de quelques distributeurs; et à la nationalisation d’Alstom pour lui éviter de faire faillite et de voir les joyaux du TGV national partir entre des mains étrangères (ce qui, si l’on en croit le Financial Times du jour, n’aurait pas tant géné la SNCF, qui envisagerait sérieusement l’achat de Shinkansen japonais pour remplacer son parc de trains rapides en 2014). L’autoritarisme, le moralisme, l’abolutisme inefficaces du gaullisme en pleine action. Un modèle économique et social viable pour l’Europe existe peut-être : mais ce n’est pas au cours de cette campagne qu’on en entendra parler.

Alexandre Delaigue

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11 Commentaires

  1. Il me semble que vous avez oublié dans votre analyse la position du candidat gaulliste (néanmoins UMP pour l’instant) Nicolas Dupont-Aignan :
    nda2007.fr/spip.php?artic…

    J’aimerai connaître l’avis des éconoclastes, sur ce candidat iconoclaste 😉

  2. Bonsoir à tous.
    M’étant promis de voter "utile" (même si c’est mal parti pour que ça me soit agréable) dès le premier tour, je suis bien contraint de positiver sur les deux candidats des partis de gouvernements présentis par les sondages.
    Donc, si le bilan de Joe Dalton en matière économique est peu convaincant, son futur programme serait (dit-il) inspiré du rapport Camdessus, qui est quand même très proche des positions de Blanchard.
    Si l’inculture crasse en matière économique de la madone du Chabichou n’est plus à démontrer, Strauss-kahn est quand même le grand favori pour occuper le poste de premier ministre (ceci dit, ça fixation sur la formation tout au long de la vie est éminemment discutable).
    C’était juste histoire de mettre un peu de baume aux coeurs de ceux qui se trouvent dans le même dilemme que moi.

  3. Je ne comprends pas tres bien s’il s’agit du modèle social que préconise Blanchard pour l’Europe, ou e s’il s’agit d’une sorte de "moyenne" des différentes politiques nationales. Est-ce une analyse de la situation, ou des recommandations sur ce qu’il faudrait faire ? qu’elle est la part d’analyse et quelle est la part de conviction ?

    Quoiqu’il en soit, je suis d’accord avec lui, c’est un modèle séduisant. Et, comme vous dites, la première étape pour le construire, ca serait déjà d’en parler.

    J’espere que vous etre sorti de votre période "je suis méprisant je l’assume et je répond pas aux questions", Alexandre Delaigue…

    cordialement,

  4. Après les "vieilles recettes", ressortons les "vieilles lunes" 😉 On est supris que votre post, comme l’article de O.Blanchard, ne parle pas plus de la dépense publique et de la réforme de l’Etat. N’est-ce pas le dénominateur commun des réformes évoquées ici?

    Dans une économie où la dépense publique représente une part importante du PIB, ce sont des pans entiers de l’activité qui sont peu soumis à la concurrence, et où la réallocation des ressources se fait plus lentement que de raison. Un déficit structurel et une dette importante laissent peu de marge de manoeuvre pour les politiques macroéconomiques budgétaires ou fiscales évoquées ici. Quant à l’assurance chômage, comment faire accepter à une partie de la population la "mise en mouvement" du marché du travail quand l’autre est dans le secteur protégé?

    Qu’en pensez-vous, chers éconoclastes?

  5. Je me demande quand même s’il n’y a pas une part d’idéologie (ou de dogme relatif au "modèle économique européen", quel que soit le sens qu’on veuille donner à ce terme) à vouloir absolument subventionner les entreprises pour protéger les salariés plutôt que subventionner les salariés eux-mêmes, par exemple en réduisant à la fois les impôts et le périmètre d’intervention de la puissance publique.

    Quoi que qui que ce soit puisse en dire ou en dira, j’ose espérer que la réalité de l’influence de la pensée libérale dans notre pays, à notre époque, est effectivement suffisante pour qu’une classe politique fragilisée n’ose désormais plus envisager de gérer les affaires de la société contre l’opinion de la société civile, et notamment, cesse de prétendre être en capacité de mettre en oeuvre quelque logique de gouvernance même fort bien pensée que ce soit. Car en politique comme en tout, l’envie ou l’ambition ne faisant pas office de compétence, encore faut-il, une fois une bonne politique économique étatique déterminée, disposer d’hommes assez talentueux, désintéressés et constants pour la mettre en oeuvre.

  6. Parler de Dupont-Aignan comme s’il existait par ses idées et ses convictions ne me parait pas souhaitable. Ne commentez pas ses positions, ce serait faire croire qu’elles ont un intérêt ou que quelqu’un d’autre les partage.
    Maintenant je dis ça, vous faites comme vous voulez, c’est votre blog… C’était juste pour faire contre-poinds à la proposition malhonnete de Phenig

  7. Tout à fait d’accord ; un peu moins sur la fin, ceci dit, parce qu’il me semble difficile de renvoyer dos à dos les projets économiques de la gauche et de la droite.
    D’un côté, on a quand même le SMIC à 1500 euros, l’abrogation de la loi Fillon, la généralisation des 35h et la renationalisation d’EDF (et de GDF !). De l’autre, on a peut-être quantité de mesures un peu gadget, voire pseudo gaulliennes (comme vous dites), mais rien d’aussi grotesque et d’aussi anti-pédagogique.

    Et puis je ne suis pas sûr qu’on puisse juger quelqu’un sur les 8 mois qu’il a passés à Bercy. On peut quand même remarquer que ce monsieur est le seul à être favorable à ce qu’un comité d’experts indépendant fixe le niveau du SMIC (ce qui permettrait d’en finir avec les hausses déconnectées de la productivité et de la conjoncture), ainsi qu’à des mesures explosives mais nécessaires comme l’autonomie des universités (ou la réforme des régimes spéciaux). J’ajoute que jusqu’au CPE, il prônait un contrat unique sur le modèle de ce que Blanchard justement préconisait (il est vrai qu’on ne l’entend plus sur ce point, mais ça ressortira probablement).
    Donc si pour le moment le compte n’y est pas à droite, il me paraît pire à gauche.

  8. Intervenant aussi bien dans le public que dans le privé, j’observe des progrés de productivité considérables (car recherchés en permanence) dans le privé et un mouvement extrémement faible dans le public.
    Il faut dire que la position de la plupart des syndicats du public est de refuser tout effort de productivité et au contraire de réclamer des créations de postes
    C’est dans ce domaine de la productivité du secteur public (qui représente un poids important qu’il nous faut absolument progresser

  9. phenig et william : je pense qu’il y a peu d’espèces du monde politique français (à l’exception des extrêmes) que je déteste plus que les gaullistes, tout particulièrement dans la version archéogaulliste. Donc je veux bien discuter de Dupont-Aignan, mais ça ne sera pas gentil.

    Coudeyras : la grande qualité des candidats qui n’annoncent rien, c’est que chacun peut remplir le vide avec ce dont il rêve. Il faut se demander ce qui est possible; et je suis prêt pour ma part à prendre le pari que les réflexes social-corporatistes l’emporteront, quel que soit le camp qui l’emportera. On peut toujours espérer un PS social-démocrate, une UMP qui mette le cocogaullisme à la corbeille : c’est fort peu probable en pratique. Et il est peu probable que Bayrou, en pleine crise d’identification à Che Guevara, vaille beaucoup mieux.

    Matthieu : il est difficile de rendre justice à des tonnes de commentaires unanimement défavorables, surtout quand par ailleurs on se trouve dans une période très lourde point de vue travail. J’ai l’intention de revenir à l’occasion sur la question du tabac afin de rendre aux diverses objections leur dû. mais depuis deux semaines, c’est surtout le manque de temps qui limite la capacité à répondre de façon approfondie; manque de temps qui, sur un média écrit favorisant la brieveté comme les commentaires de blog, s’interprêtehélas souvent, à tort, comme du mépris.
    Cette précision étant faite : Blanchard fait à la fois de la description (en montrant les points communs qui fonctionnent dans ce que l’on pourrait appeler un "modèle social européen") et la prescription, en indiquant quelle direction devrait être suivie par ceux qui veulent trouver une façon d’avoir à la fois croissance et modèle social. Après, il y a une bonne part de conviction dans sa présentation, qui tient un peu parfois de la foi du charbonnier. Je n’imagine pas plausiblement par exemple une politique volontaire, entre syndicats et patronat, en France, de modération salariale pour corriger un choc asymétrique. Mais effectivement, il faut en parler.

    Gu si fang : il est vrai que Blanchard ne parle pas de la dépense publique; de mon côté je voulais dans ce post me limiter à présenter son papier et le comparer avec le débat français. Mais je pense que la question de la dépense n’est pas fondamentale. Il y a de bonnes raisons pour qu’elle augmente (santé, retraites) et les marges de manoeuvre en la matière sont dérisoires. On peut espérer au mieux une stabilité du taux de prélèvements obligatoires et un recours accru à la dette pour passer la pilule. Il y a par contre un intérêt à rendre la dépense publique plus efficace; mais cela rentre amha dans le cadre plus général de la concurrence sur le marché des biens. Remplacer un secteur public protégé par un secteur privé protégé ne servirait à rien.

    Escale libérale : l’action, même néfaste, vous sera toujours moins reprochée que l’inaction dès lors que vous disposez des moyens d’agir. C’est un problème vieux comme Friedrich Hayek, auquel on n’a jamais vraiment trouvé de solution.

    Xavier : le problème, c’est que le déséquilibre entre gauche et droite vient que d’un côté, on a un programme, de l’autre, uniquement des suggestions vagues annonçant la "rupture". Attendons donc les contenus plus concrets pour juger : mais ce qu’on a pour l’instant n’a rien d’attrayant, au contraire. Cela ressemble de plus en plus au Chirac "fracture sociale", avec une façon typiquement française de réagir au coup par coup par des propositions "choc". Donc non, cela ne me plaît pas.

    Verel : sur la productivité public-privé, ce que tu expliques correspond aux remarques de Gilles saint-paul dans cet article :
    http://www.geocities.com/gspaul_...
    (voir le tableau 7). C’est en effet fondamental, même si (cf problème de la maladie des coûts) il ne faut pas espérer de miracles en la matière.

  10. Votre billet, comme a son habitude, est pertinent. J’aimerai toute fois y ajouter quelques précisions :

    Le bilan de Sarkosy à Bercy n’est pas flamboyant. Mais les réunions avec les distributeurs ont abouti à quelque chose : l’abolition de la loi Galand qui a normalisé un peu les relations de concurrence dans la grande distribution.

    Sur le fond, il est effectivement illusoire de vouloir importer un modèle social étranger. C’est aussi vrai du modèle danois que du système anglais. Par contre, il est possible de lancer une série de réformes qui permettraient de relancer la concurrence sur le marché des biens et services. Pour citer les premières qui me viennent à l’esprit :
    – Abolir ou assouplir les autorisations d’ouvertures des surfaces commerciales supérieure à 300 m2.
    – Supprimer les obligations de diplômes pour gérer des garages, des auto-écoles, des salons de coiffures, des boulangeries… et ne laisser celle-ci que pour la santé (et peut-être le droit).
    – Débloquer le système des licences de Taxi.
    – Réformer la taxe professionnelle et ne plus l’asseoir sur les salaires versés.

    Comme vous l’avez souligné, avec l’euro les ajustements ne peuvent se faire que sur les salaires nominaux. Mais lorsque l’inflation est très faible – comme actuellement – ces ajustements sont très lents. Il faut presque 10 ans pour qu’un salaire gelé perdent 10 % de pouvoir d’achat avec une inflation à 2% alors qu’une dévaluation de 10 % peut se réaliser en quelques minutes. Il ne faut donc pas chercher de ce coté, la possibilité d’un ressourcement du modèle français.

    Je pense que le vrai problème en France, c’est l’absence de marge de manœuvre qui interdit de fait toutes réformes. La moindre mesure fait immédiatement des perdants, puisque le jeu, avec une croissance atone, est à somme nulle. Les perdants voient – ou croient voir – ce qu’ils perdent et les gagnants n’étant pas organisés en corps représentatifs ne peuvent pas s’exprimer.

  11. J’accepte tout à fait vos conclusions et leurs prémisses. D’où l’importance de bien savoir limiter les moyens d’action, notamment financiers, des états, surtout lorsqu’ils restent otages des chantages sentimentaux organisés par les divers intérêts particuliers.

    Incidemment, si l’on croit en la stratégie de remplacement des acteurs économiques par d’autres pour générer les gains de productivité qui sont la source de la création de nouveaux emplois, on observera qu’en France, à notre époque, le secteur économique le plus artificiellement protégé est le secteur étatisé des services (santé et éducation, notamment). Il me semble que viendra bientôt le temps où se révèleront comme des évidences tout ce que peut coûter y compris aux français les plus pauvres le fait de faire assurer ces services par un service public notoirement étanche aux gains de productivité.

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