Tu m’étonnes, Philippe…

Philippe Askenazy (que j’appelle familièrement « Philippe » sans le connaître personnellement) s’étonne de voir les « propositions » de la commission Attali ressembler furieusement à une de ses études. Normal, puisque cette commission n’a fait que compiler rapidement des travaux connus et que ceux d’Askenazy et Weindenfeld en font partie. Philippe Askenazy reproche à la commission d’avoir généralisé un peu vite les conclusions à tous les secteurs de la distribution, sachant qu’hormis pour l’alimentation, les conclusions ne sont pas assez établies à son goût.
Peut-être vous demandez vous pourquoi l’auteur s’étonne de trouver une forte ressemblance entre ses travaux et les préconisations ? Après tout, il n’y a pas de raison de s’offusquer d’être cité. Sauf, précisément, quand on ne vous cite pas. Or, aucun lien n’est mis vers le papier sur le site de la commission (page rapports). Et le moteur de recherche du site est aussi muet. Or, ça, ça s’appelle piquer les idées des gens. Et c’est mal.

21 Commentaires

  1. Non, externalités positives (Romer, 1986)

    Certes. Et personne n’a demandé de restreindre l’usage des idées des économistes. Mais quid des incitations à créer, s’il n’y a pas de reconnaissance du chercheur (mécanisme de « rémunération » de l’innovation dans la recherche académique) ?

  2. Ok mais les chercheurs verront leur pouvoir d’achat augmenter du fait des baisses de prix dans la Grande distribution ! ah ah !
    Ps : tu as raison… moi j’ai quitté la recherche pour le professorat car il n’y avait pas d’argent (supression de crédits de recherche en 2004… Merci, Raffarin !)

  3. Oui, et c’est ce qui me fait enrager lorsqu’on compare l’activité scientifique des chercheurs en sciences humaines et sociales à celle des chercheurs expérimentalistes, ou "durs" pour simplifier. Rien n’est brevetable, tout est pillable, au nom de l’externalité positive sur le bien-être collectif. Sans compter que sur le fond, je ne suis pas sûre que les membres de la Commission Attali aient mesuré tous les effets pervers de la suppression de l’interdiction de la revente à perte, notamment dans le domaine financier où les péréquations tarifaires sont importantes : par exemple, on pourrait concevoir que les banques "vendent du crédit à perte" (à des taux inférieurs au coût du refinancement) en compensant ces pertes par des marges confortables sur d’autres produits financiers (cartes bancaires, frais sur les incidents de paiement). La vente à perte du crédit, ça ne vous rappelle pas quelque chose ?

  4. Question idiote : ce n’est pas dans le principe d’un marché que de trouver
    le bien (ici, les idées) le moins cher possible (ici, rien du tout) pour en tirer un
    bénéfice (ici l’atterrante gloriole attalesque) ?
    Dire "c’est mal", c’est introduire le champ de la morale…et le marché n’est-il
    par essence immoral ? (ou amoral, en dehors de la morale. Business as usual.)

    Troll.

  5. Gizmo: C’est aussi l’argument qui motive l’investissement de l’Etat dans la recherche "non-dure" (et son désengagement dans la recherche dure dès lors que l’initiative individuelle peut être rémunérée en rentes par les revenus des brevets).

    Il me semble cependant que le champs du brevetable est bien plus vaste en pratique que ce que vous ne semblez le dire. Une association française s’était bien vanté à une époque d’avoir déposé un brevet sur "les 35 heures".

  6. En présence d’un bien public (qui génère en outre de fortes externalités comme la recherche… "porté par les épaules des géants" comme disait Newton), c’est à l’Etat de financer sa production par l’impôt… ce n’est pas Marx ou Keynes qui le dit mais des libéraux très sérieux (Romer, Lucas, Barro… et plein d’autres). Le coup du "tout marché" c’est du libéralisme du XIXème siècle ou d’école de commerce !

  7. La commission Attali n’a peut-être pas voulu copier-coller directement le texte de ce brave Philippe à cause de ses problèmes d’orthographe : les "goûtes" d’eau, c’est de la gastronomie ?

    Troll !

  8. Encore un exemple des ravages provoqués par le plagiat de documents trouvés sur Internet 😉 ou encore du téléchargement qui ne respecte pas le droit d’auteur :p

    @Gizmo: les services financiers font l’objet d’une réglementation particulière, distincte. Je ne pense pas que cela entre dans le domaine des lois Raffarin/Galland. Cela dit, je ne sais pas si cette réglementation est opportune ou pas, je n’ai aucun élément…

  9. C’est d’autant plus savoureux quand on se souvient des déclarations d’Attali sur l’incompétence des économistes…

  10. Je croyais que les économistes étaient "au mieux comme des experts aussi doués que les météorologues et au pire comme des rebouteux" !

    Bah, formidable preuve par l’exemple de la plus que célèbre phrase de Keynes. Encore un qui est l’esclave d’économistes, même pas défunts… Dans cinquante ans, on ne se souviendra peut-être pas des travaux d’Askenazy et des autres sur la libéralisation du commerce en France (si on se fie aux talents de prospectiviste d’Attali sur ce sujet), mais la décision de libéraliser, si elle est prise, sera dans les annales. Et Keynes pourra ainsi encore se marrer dans sa tombe

  11. @ Passant : non, les produits financiers ne sont pas brevetables. C’est pourquoi je répands partout mon idée de titriser La Joconde (sinon, je dirais rien à personne, et je déposerais le brevet, ben tiens). Lorsque la MAAF propose son contrat "bonus à vie", elle ne peut pas le breveter.
    @ Proteos : encore faut-il s’entendre sur la notion de "services financiers". Pour le crédit, le coût est parfaitement déterminé (coût du refinancement+coût opérationnel+coût du risque+coût de la réglementation prudentielle) de sorte que la législation sur la vente à perte s’applique. Ceci explique indirectement pourquoi la législation sur l’usure a été abrogée pour les entreprises (le taux d’usure devenait tellement bas, que les banques butaient sur la vente à perte ; enfin, c’est ce qu’elles disaient). Voir l’introduction de ceci : http://www.univ-orleans.fr/leo/p...

  12. Gizmo : Ha oui, en effet. Mais ceci dit je pense que l’Office Européen des Brevets ne s’opposerait pas à une initiative visant à rendre les produits financiers brevetables. Sinon, je me posais une question en marge : y-a-t-il une différence significative entre les bons vieux assignats ( fr.wikipedia.org/wiki/Ass… ) et votre proposition de titrisation de la Joconde ?

  13. Je n’avais pas envisagé que mes Joc Bonds puissent circuler comme instruments de paiement ; vous avez plus d’imagination que moi !

  14. @ Gimzo
    > Oui, et c’est ce qui me fait enrager lorsqu’on compare
    > l’activité scientifique des chercheurs en sciences
    > humaines et sociales à celle des chercheurs
    > expérimentalistes, ou "durs" pour simplifier.
    > Rien n’est brevetable, tout est pillable, au nom de
    > l’externalité positive sur le bien-être collectif.

    Si je suis chercheur dans l’industrie aujourd’hui, c’est parce qu’il y a un chercheur à l’université qui m’a tout appris: comment ne pas me faire berner par les articles qui clament ci ou ça à coup d’expériences biaisées pour que ça marche pile-poil, comment flairer la direction prometteuse, comment déceler le collaborateur talentueux avant les autres, comment manager une équipe de gens qu’on a pas toujours choisis… Déjà j’ai honte d’être obligé de prier à genoux l’entreprise pour qu’elle lui file un peu de matériel gratuit alors qu’il a formé plusieurs de nos employés. Si je déposais des brevets, j’aurais franchement l’impression de le voler. Heureusement notre PDG préfère le secret industriel aux brevets : il en a eu assez de perdre de l’argent dans des arrangements à l’amiable alors que nous avions techniquement raison, mais le risque, le coût du procès et la mauvaise publicité…

    Alors tu sais Gimzo, cette légende urbaine qui veut que le brevet protège du vol, je n’y crois plus vraiment.

  15. @GIZMO : une précision par rapport à "Pour le crédit, le coût est parfaitement déterminé (coût du refinancement +coût opérationnel + coût du risque + coût de la réglementation prudentielle) de sorte que …". Je pense qu’on ne peut pas additionner le coût du refinancement +coût opérationnel + coût du risque au coût de la réglementation prudentielle. Pour ce dernier "coût" (si vous faites allusion au ratio MacDo ou ex-Cook), je dirais que ces "coûts" ne sont pas de même nature, donc non additionnable. On s’éloigne du débat, mais je crois que ça mérite cette précision.

  16. > Après tout, il n’y a pas de raison de s’offusquer d’être cité. Sauf, précisément, quand on ne vous cite pas. Or, aucun lien n’est mis vers le papier sur le site de la commission (page rapports). Et le moteur de recherche du site est aussi muet. Or, ça, ça s’appelle piquer les idées des gens. Et c’est mal.

    En même temps, Attali et le plagiat, c’est pas nouveau…

  17. Petites questions.
    Toute legislation sur la revente a perte ne s’apparente-t-elle pas a une ingerence sur la liberte de tout entrepreneur ou particulier…a conduire ses affaires comme il l’entend? Une revente a perte n’est-elle pas durable economiquement que si et seulement si elle genere des revenus adjacents profitables? Sinon, n’a t-elle pas une duree de vie papillonnaire? Pourquoi certains secteurs d’activite devraient toujours beneficier de l’interdiction!

    @fleexx ; cela m’emeut toujours de voir qu’il a des gens qui croient encore que l’Etat devrait s’occuper de la recherche fondamentale.

    Si je suis pété de tune, mais infoutu de fabriquer des produits à un coût correct, en vendant à perte suffisamment longtemps, je peux évincer sans problème mon voisin, efficient comme pas deux mais non doté en capital comme moi. Qui restera sur le marché ? Est-ce une bonne nouvelle ? Que seront les prix ? Quelle sera l’utilisation des ressources ? Que sera le bien-être social ?

  18. Alors reflechissons… pourquoi le gros mechant est pete de tune? parce qu’il a revendu a perte pendant longtemps dans le passe (dans un autre activite on s’entend!) et a elimine les faibles en capital? Cet eliminateur devrait logiquement recommencer jusqu’a sassiete mais aussi faire face a d’autres petes de tunes, qu’il devrait avaler pour devenir un monopole global. Je crains que si cela avait ete vrai (meme moins caricaturalement) ,il y a longtemps le capitalisme aurait disparu.

    Que dire, ma foi ? A part que les libertariens sont des gens toujours aussi amusants et que je savais bien que ce genre d’argument autoréférentiel serait donné, rien de spécial. Je sais trop comment ces conversations finissent. Restons donc sur nos points de vue…

  19. D’autant plus que l’on sait que dès qu’il y a une source d’incertitude (sur les coûts, sur la demande), un comportement prédateur est parfaitement rationalisable soit par la théorie de la dissuasion (Spence), soit par celle du signal-jamming (Fudenberg Tirole). REAL a vingt ans de retard sur la théorie de la politique de la concurrence.

  20. @Bédé#15 : pas d’accord. Ces éléments de coût sont parfaitement additionnables, pourvu qu’on les convertisse en incidence en taux d’intérêt (ce qui n’est pas simple, je le concède, mais qui est fait tous les jours par les établissements bancaires).

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