Rendre utile la suppression de la carte scolaire

Que peut-on attendre de la suppression de la carte scolaire? Antoine Belgodère l’avait expliqué, pas grand-chose (voir aussi les commentaires du post). Geographedumonde nous rappelle pourquoi : la carte scolaire n’a jamais eu vocation à promouvoir la mixité sociale, mais participait simplement du dirigisme caractéristique des années 60 gaullistes; c’est la massification de l’enseignement des années 70 qui a produit un peu de mixité sociale, avec des résultats mitigés : la carte scolaire n’a eu historiquement pour effet que d’amplifier le mouvement spontané vers la ségrégation urbaine.

S’il faut chercher une raison d’approuver la suppression de la carte scolaire, c’est que cette suppression accroît la liberté de choix des familles, et que la liberté de choix est une bonne chose. En fait, la seule chose que cette mesure changera sera la composition de la population des établissements scolaires. tout le reste de ce qui détermine la qualité d’une école restera inchangé : la seule liberté conférée aux parents sera donc d’essayer de choisir le type de camarades de classe de leurs enfants. Ce n’est pas neutre, même si l’équilibre qui résulte de cette sélection des pairs risque de ressembler beaucoup à celui qui prévaut déjà. Pour que la liberté de choix puisse fonctionner, il faudrait pouvoir choisir autre chose que cela, et que la liberté de choix ne se limite pas aux parents. Ce qui impliquerait par exemple :

– La suppression de la hiérarchie de l’éducation nationale et son remplacement par l’autogestion des établissements scolaires par les enseignants. Toutes les organisations dont la valeur ajoutée est constituée par la matière grise des membres fonctionnent sous forme de partenariat dans lequel les collaborateurs dirigent : consultants, avocats, experts-comptables, start-up, laboratoires de recherche constituent des exemples. La structure pyramidale taylorienne est adaptée à des organisations dans lesquelles les exécutants sont analphabètes ou très peu qualifiés; alors, effectivement, un système dans lequel la structure hiérarchique décide et planifie le travail des exécutants peut être efficace. Un tel fonctionnement n’est pas adapté au système éducatif.

– La suppression des programmes nationaux; les programmes d’enseignement sont déterminés par les établissements, tout comme les méthodes d’enseignement. Il y aura ainsi des écoles dans lesquelles on enseignera le latin dès le CP, la discipline et l’obéissance aux enseignants à coups de recopiage de centaines de lignes; et d’autres où l’on pratiquera l’éveil des sens inductif de l’apprenant acteur de son apprentissage; et tous les intermédiaires entre ces différents extrêmes. Chacun pourra choisir l’enseignement qu’il préfère; les ridicules querelles entre “anciens” et “modernes” seront enfin résolues par la liberté du choix d’apprentissage. Les établissements choisiront les élèves qu’ils veulent recruter en fonction de l’enseignement qu’ils auront reçu préalablement.

– A quoi servirait alors le ministère de l’éducation nationale? A plus grand chose, sauf d’agence de moyens, versant une somme forfaitaire à chaque établissement en fonction du nombre d’élèves accueillis. Si l’on veut lutter contre les inégalités scolaires, on peut même imaginer de moduler le forfait par élève en fonction de son origine sociale : les élèves dont la famille appartient au décile inférieur rapportent 4 fois l’allocation forfaitaire à l’établissement, ceux dont les parents appartiennent au décile supérieur rapportent seulement un quart de l’allocation forfaitaire. Voilà de quoi inciter les bons établissements à recruter les élèves de catégories défavorisées.

Il est clair que ce genre d’évolution n’a strictement aucune chance de se produire. Même sans carte scolaire, l’éducation nationale restera un organisme bureaucratique dans lequel des gens n’ayant aucune connaissance de la réalité de l’enseignement décident de la façon dont on doit apprendre à lire dans toutes les écoles françaises, voire décident de la façon dont les élèves doivent parler aux enseignants. Il y a une contradiction profonde entre vouloir d’un côté gouverner l’enseignement par oukazes et proclamer de l’autre que la liberté de choisir est une bonne chose. D’un autre côté, il serait ennuyeux que l’on s’aperçoive qu’un ministre de l’éducation nationale ne sert à rien.

Alexandre Delaigue

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27 Commentaires

  1. Il serait aussi imaginable de ne plus soumettre l’ouverture de classes ou d’établissements privés, sous contrat ou hors-contrat, à l’autorisation préalable de l’administration.

  2. Totalement d’accord sur le principe, un peu de Bottom Up, un peu de diversité des enseignements.

    Par contre il y un aspect spatial dans le choix des écoles, autant un urbain aura du choix, autant pour un ruraux c’est une école, souvent avec un ou deux instituteurs qui ont des classes à multi-niveau.

  3. On peut certes envisager de rendre un tel système très ouvert plus sexy et politiquement attractif par des systèmes de "cheque-éducation" permettant de moduler le tarif d’un élève. Mais ne serait il pas plus opportun de moduler le niveau de ce soutien selon que cet élève est en difficulté plutôt que selon son origine sociale ? Cela nécessiterait certes la mise en place de réguliers examens nationaux d’évaluations des élèves (qui existent déjà pour
    partie) mais n’est ce pas préférable à la création d’un ministère de l’origine sociale 😉 ?

    Existe t’il des expériences de ce type dans certains pays (comme me le suggérait RM dans ce thread http://www.bigbangblog.net/breve...
    ) et avec quelle efficacité ?

    Subventionner en fonction des difficultés individuelles pousserait au comportement stratégique (faire semblant d’être faible pour être recruté au bon endroit). Par ailleurs, qu’attend-on de la redistribution? Qu’elle compense les effets de la pauvreté, ou qu’elle rende intelligents les gens stupides? La première attente est susceptible d’être comblée, pour la seconde, c’est beaucoup plus dur.
    Pour votre seconde question, oui, il y a des expériences dont les résultats ne sont pas faciles à évaluer. Voir par exemple l’article cité dans ce post.

  4. Bonjour,

    2, 3 questions en passant :

    imaginons l’application de ce que vous préconisez :

    si les programmes d’enseignements varient suivant les établissements, que deviennent les examens style baccalauréat ? ont’il encore un sens ? qui et comment évalue t’on le savoir acquis ?

    comment les parents choisissent l’école dans laquelle leurs enfants suivront leur scolarité ? pas évident quand on est pas un spécialiste des méthodes d’enseignement : est t’il facile de changer en cours de route ? surtout si les programmes d’enseignement ne sont pas les mêmes d’une école à l’autre ?

    cordialement

    Paulo
    Ce sont les établissements qui évaluent les élèves, s’ils le souhaitent. Les examens nationaux disparaissent, oui. Il y aura probablement des standards qui apparaîtront (genre toefl ou toeic en anglais).
    Sinon, les gens ne sont pas spécialistes en nutrition mais achètent de la nourriture tous les jours; ne sont pas spécialistes en télévision mais choisissent des abonnements câble et satellite; ils trouveront beaucoup plus facilement ce dont ils ont besoin dans un système différencié que dans un système homogénéisé dans des bureaux parisiens.

  5. Bon billet, j’applaudis à deux mains.

    Mais vous êtes peut-être exagérément pessimiste sur l’évolution à long terme de l’éducation Nationale.

    L’autonomie des établissements supérieurs faisait – il me semble – consensus auprès des candidats à la présidentielles. Il n’est pas impossible que ce genre de réforme fasse – petit à petit – tâche d’huile et finisse par déborder sur les lycées et collèges.

    Et – toujours si – un grand nombre de postes de fonctionnaires n’est pas renouvelé, le personnel administratif de l’EN en fera aussi les frais. Moins de personnes est souvent synonyme de plus d’efficacité, en particulier par l’abandon de toutes une parties des tâches improductive comme – espérons-le – l’établissement de programme au niveau national.

    Avec des si on pourrait libéraliser l’éducation nationale comme mettre Paris en bouteille, mais des fois, des choses improbables se réalisent.
    La probabilité que l’enseignement devienne moins dirigiste en France est extrêmement faible. Pour les évolutions que vous citez, il est beaucoup plus facile d’augmenter “l’efficacité” telle que mesurée dans une bureaucratie en augmentant légèrement chaque année le nombre d’élèves par classe pour suppléer à la diminution des effectifs enseignants. Cela réduit la qualité de l’enseignement, mais on s’en fout, puisque la bureaucratie adapte son niveau d’exigences à la médiocrité de sa production. Améliorer le fonctionnement d’une bureaucratie centralisée, c’est beaucoup plus difficile que mettre Paris dans une bouteille.

  6. La proposition de suppression des programmes est un peu extrême, sachant que dans les faits on a déjà une grosse différence entre ce qui est enseigné en ZEP et dans un établissement huppé – où on va plus approfondir, voire commencer à traiter le programme des années supérieures.
    Ceci dit, je suis d’accord avec le fait que les programmes actuels sont parfois bien trop dirigistes pour laisser leur liberté pédagogique aux enseignants…

    Il y a des différences mais elles reposent sur la fiction de la même chose pour tous. Les élèves de STT suivent le même programme en français que les filières littéraires pour le bac, sauf que le jour de l’examen leurs questions sont plus faciles et les barèmes adaptés. Voilà comment on “différencie” l’enseignement : on allège pour certains.

  7. Paulo: Une remarque : les examens, y compris le baccalauréat, sont administrés depuis bien longtemps. Ou plutôt, le pourcentage de réussite aux examens est administré, c’est à dire, ajusté. Parlez-en donc aux élèves de l’IUFM préparant le concours de CPE : cette question y figure explicitement au programme de préparation au concours.

    Donc, d’ores et déjà, et depuis bien longtemps (1989), l’enseignement qu’on reçoit dépend déjà de l’établissement dans lequel on le reçoit. Indépendamment des programmes.
    Ce qui veut dire qu’il est plus facile d’obtenir son brevet des collèges ou son baccalauréat dans un établissement affichant de mauvais résultats que dans un établissement en affichant des bons.

    C’est pour cette raison qu’une mention bien dans un lycée donné n’est déjà pas équivalent à une mention bien dans un autre lycée donnée

  8. @Rlyeh, vous avez des sources sur ce que vous écrivez ?

    J’en suis d’autant plus surpris que les comparatifs entre lycèes s’appuit beaucoup sur les résultats aux bacs.
    Et que je n’ai jamais entendu cet argument – y compris des dtracteurs de ces classements – pour les dévaloriser.

  9. Libre choix d’un établissement, d’une méthode d’enseignement : c’est loin d’être ce que les Français souhaitent. En France, l’enseignement public sert de moule à fabriquer des français. Les parents y envoient leurs enfants précisément pour qu’ils reçoivent le même enseignement que les autres, pour qu’ils soient comme les autres.

    Une preuve ? L’enseignement privé « sous contrat » qui suit les mêmes programmes et dont les professeurs ont la même formation que dans l’enseignement public. C’est le secteur de l’enseignement privé le plus développé en France, et de beaucoup. Là où ils ont eu le choix, les parents ont préféré que leurs enfants suivent les programmes nationaux.

    Sur l’organisation bureaucratique de l’EN, je suis assez d’accord avec vous. Mais regardez du côté des universités : le fonctionnement le plus local, le plus égalitaire, le plus démocratique de tout l’enseignement français. Et ca ne marche pas…

    La raison est que ces établissements sont publics, et que leur mode de fonctionnement est avant tout réglé par des considérations administratives.

    Ce que vous voudriez, au fond, c’est un système éducatif libéral, financé par l’état, mais sans que celui-ci contrôle quoique ce soit. Un système américain, en somme ? Certes, mais il fonctionne aussi mal, en moyenne, que le système français.

    A l’oppose un des systèmes éducatifs les plus efficaces du monde, le système finlandais, est contrôlé par l’état qui y consacre 14% de son budget, qui fixe les programmes et paye les enseignants. La Finlande a un ministère de l’éducation nationale, et le système d’enseignement est largement public.

    Dans votre phobie de la bureaucratie, qu’auriez-vous oublié ?

    comme les gens qui devraient initié, par exemple, le fonctionnement é

  10. Le systeme que vous decrivez est grosso modo celui qui existe en Suisse (les
    programmes sont definis au niveau des cantons, les etablissements sont
    autonomes).

    Toutefois vous n’avez pas repondu a la remarque de Karg Se. S’il y a
    effectivement liberte de choix dans les grandes villes, c’est completement
    illusoire dans la majeure partie de la France.

    Dans la majeure partie de la France, les gens ont des voitures qui leur permettent de se déplacer. La France rurale, c’est plus ce que c’était…

  11. "Sinon, les gens ne sont pas spécialistes en nutrition mais achètent de la nourriture tous les jours…"

    certes, mais ce n’est pas sans conséquences sur la santé publique…fr.wikipedia.org/wiki/Ob%…

    "ils trouveront beaucoup plus facilement ce dont ils ont besoin dans un système différencié que dans un système homogénéisé dans des bureaux parisiens."

    mais on peut objecter que dans un système différencié, les choix d’opportunité deviennent plus complexes, et les frustrations d’autant plus grandes : au final , les gens réaliseront que l’école idéale n’existe pas.

    cordialement

    Paulo

    Peut-être, mais rappelons que l’idée de départ de la suppression de la carte scolaire c’est que le choix est une bonne chose. Si c’est le cas, alors soyons logiques : la structure centralisée de l’EN doit être remplacée par la décentralisation et la liberté pédagogique. Si la liberté de choix de restaurant se limite au choix entre le macdonalds de Neuilly et celui de Clichy sous Bois, c’est une liberté mince, qui ne change presque rien à la vie des gens, vous en conviendrez.
    Effectivement, il existe une possibilité que la liberté de choix rende les gens malheureux. Mais dans ce cas soyons logiques, et commençons par interdire aux hypermarchés de vendre des centaines de références différentes de confiture, de dentifrice, ou de machines à laver.

  12. Merci pour les liens.

    Des stratégies d’évitements sont certes à redouter si on subventionne en fonction du niveau de l’éléve, mais divers autres facteurs peuvent jouer et pondérer de tels comportements opportunistes. Particulièrement le fait qu’un établissement crée en premier sa réputation (et donc son recrutement) sur le niveau de ses éléves. En l’état il me semble délicat de prédire ce que donnerait un tel système à cet égard.

    Je ne nie pas une seconde l’influence déterminante du milieu social quant au niveau scolaire (il suffit de regarder les évaluations faite en début de sixième en France) mais je ne crois pas qu’une mesure visant à soutenir ainsi globalement un ou des groupes sociaux ait la moindre chance d’existence politique. Par contre, j’ai la naiveté de penser qu’il est politiquement vendable d’individualiser la problématique, en responsabilisant les parents et enfants en difficulté (et si je ne sais pas bien ce que c’est quelqu’un de "stupide", par contre un enfant en difficulté ça se detecte, non ?) via, par exemple, un cheque éducation majoré. Pour tout vous dire ça me semble moins étatique, plus proche de l’individu, que de définir de façon rigide les groupes sociaux et les subventions éducatives afférentes …

  13. La sociologie a démontré depuis les années 1960 que la réussite scolaires des enfants dépend du milieu social (voir Bourdieu pour la transmission d’un capital culturel et Boudon pour une analyse de type stratégique). (Cf. – bis – Sociologie de l’Ecole, Duru-Bellat & Van Zanten, Armand Colin).

    Que se passe t-il sans carte scolaire et tout autre système?

    – Les parents croyant que les établissements font la réussite essaient de mettre leur progéniture dans les "bons" établissements (type Fermat à Toulouse pour les régionaux).
    – Les "bons" établissements ont alors une demande supérieure à leur offre, ils sélectionnent (par exemple en gardant les meilleurs ou ceux qui payent le plus).
    – Au final les "bons" établissements ont, du fait de leur type d’élèves, les meilleurs résultats, ce qui justifie qu’ils soient les "bons" établissements et que les parents les demandent.
    – Les autres établissements ont les élèves qui réussissent le moins bien, justifiant de leur réputation.

    Rq : mais j’ai perdu la source, les élèves les plus faibles réussissent mieux au contact des bons.

    Adecias.

  14. Excellent billet, sauf le passage sur l’autogestion que vous confondez un peu vite avec l’actionnariat-dirigeant (qui reste pyramidal).

    Je partage aussi votre pessimisme sur la possibilité de réformer l’EN. Je rejoins l’argument de Passant (commentaire #2), l’idéal serait d’autoriser le privé à se développer. Il y avait il y a quelques semaines dans The Economist un article sur les "education vouchers" ou chèques éducation. http://www.economist.com/world/i...

    Apparaemment des études montreraient (O surprise) que le choix et la concurrence améliorent l’efficacité et la satisfaction.

  15. @ Paul : Si l’enseignement public servait de moule à fabriquer du Français, et si c’était ce que les Français souhaitent, alors pourquoi une proportion non négligeable de Français (parfois pas loin de la moitié des gens dans l’Ouest de la France) enverraient-ils leurs gamins dans l’enseignement privé ? Pire encore : ceux qui sortent de l’enseignement privé se sentent souvent plus Français que les autres (que cela soit bon ou mauvais).

    J’ignore si Alexandre Delaigue souhaite un système éducatif libéral ; par contre, moi je le souhaite ouvertement. Quant à assimiler "libéral" et "américain", je vois que vous assimilez mieux les tracts d’ATTAC que les cours de logique.

    Le système américain fonctionne mal surtout aux endroits où les écoles publiques sont gratuites et les écoles privées payantes, créant une incitation pour les pauvres à faire scolariser leurs enfants dans les établissements publics, qui deviennent de établissements à problèmes. Toutefois, il existe d’autres endroits aux USA, très minortaires, où les gens ont le choix. A Milwaukee (Wisconsin), par exemple. Et étonnamment, dans les régions des Etats-Unis où le système des "school vouchers" est en passe d’être voté, devinez qui le soutient ? Les pauvres, les Noirs, et tous ceux qui rêvent de sortir leurs enfants du trou où le système centralisé les précipitent.

    Quant au système finlandais, laissez-moi rire. En Finlande, les écoles sont totalement, absolument autonomes. N’était-ce pas ce que vous méprisiez il y a quelques lignes ?

    @ Evil Bulgroz : Des mesures visant à soutenir un ou des groupes sociaux, ça existe. Dans l’éducation notamment (la carte scolaire ne bénéficie qu’à ceux qui savent en sortir), mais dans beaucoup d’autres domaines. Mais ça nous pousserait à parler Economie du Droit, et nous serions bien loin de notre sujet.

  16. Mais pourquoi voulez vous donc l’effondrement du prix de l’immobilier dans mon quartier ? Vous cherchez a vous loger?

  17. Et comment fait un établissement de centre ville, jouissant d’une bonne
    réputation (quel que soit le sens que l’on donne à ces termes),
    disposant de 750 places assises au maximum si l’on met une seule couche
    d’élèves dans chaque classe, et qui recevra 5803 demandes d’inscription,
    toutes motivées, ayant enfin le libre choix de libre-choisir librement l’école
    (libre, forcément libre) de leur libre enfant ?

    Comment faites-vous pour les satisfaire librement ? Vous entassez
    les élèves sur deux, voire trois couches ? Vous leurs dites que désormais,
    les profs qu’ils avaient dans leur établissement de banlieue sont
    payés par le lycée de centre ville François V, et donc c’est comme
    s’ils étaient à François V ? Vous leurs dites que certains des profs
    de François V étaient avant à Aux Grandes Courtillières, et que donc
    c’est pas si mal, les Grandes Courtillières ?

    Merci d’avoir la générosité de passer au delà du léger persiflage de mon
    commentaire, je suis vraiment intéressée par la réponse … car de
    plus en plus concernée par la question, en tant que "secrétaire" d’un
    proviseur (le sigle légal ne dira rien à vos lecteurs). Le téléphone
    n’arrête déjà pas de sonner à ce sujet (réponse de mon chef : dites leur que
    les textes ne sont pas encore paru, sympa …)

    La secrétaire en pétard

    PS : non non, je ne suis pas à François V,
    inutile de me demander des tuyaux pour vos enfants.

    PPS : parmi les coups de fil, il y a, dans l’ordre croissant d’importance :

    a) Les familles qui appellent de loin (comprenez la banlieue) et veulent mettre
    leur enfant chez nous.
    b) plus nombreuses, les familles des quartiers voisins, qui ne sont pas mal
    loties par la carte scolaire, mais c’est mieux à côté.
    c) de loin les plus nombreuses (si toutefois on peut faire des statistiques sur
    une soixantaine d’appels) les familles des élèves du lycée, terrorisées à l’idée
    que la racaille va avoir accès à leur établissement. J’ai eu droit à des variantes
    autour de "Madame, si vous nous faites ça, on le met dans le privé", comme
    si j’y pouvais quelquechose.

  18. à défaut du chèque éducation, on pourrait proposer aux chefs d’établissement de prendre des élèves aux enchères : enchères organisées par l’état.

    Les différents établissements scolaires d’un périmètre sont regroupés dans un pool : chaque élève choisit d’être affecté au sein du pool de son choix.

    L’état s’engage à verser 3.000 €/an pour tout élève pris au premier round d’enchères. Les établissements proposent des places aux élèves. Les élèves recevant plusieurs offres choisissent. L’élève ne recevant qu’une offre accepte ou paiera un surcoût.

    Puis vient un second round à 4.000 €/an, etc., jusqu’à ce que tous les élèves soient affectés.

    Le salaire des enseignants de l’établissement est alors indexé sur le montant de la dotation d’état à l’établissement, laquelle dépend alors à la fois du nombre d’élèves recrutés et de la somme que l’état aura du débourser pour parvenir à les faire scolarise.

  19. @ la secrétaire en pétard : calmez-vous un peu. Il existe des solutions est plus simples et plus naturelles que celle que Passant propose.

    Si les parents peuvent choisir l’école de leurs enfants, rien ne devrait empêcher les écoles de choisir les enfants en question. Typiquement, en fonction de leur bulletin de notes. Et certaines écoles privées pourraient, de leur côté, facturer la scolarité plus cher que le montant du chèque-éducation. Rien de dangereux ni d’inconnu, en somme.

    P.S.-trolling : vous avec un problème avec la liberté ? Vous préférez peut-être le goulag ? 😉

  20. Ce qui est marrant dans toute cette série de commentaires, c’est qu’on évoque jamais la solution qui est à mon avis la meilleure (et qui a été popularisée par Chris Dillow notamment)

    a) supprimer la carte scolaire

    ET

    b) obliger les filières sélectives à admettre les 10% meilleurs de chaque établissement

    Sarkozy avait proposé la solution a) et Bayrou la b). Pourtant à mon sens seule la combinaison des 2 est efficace (a+b). Ainsi, les parents les plus stratèges seraient incités à inscrire leurs élèves dans des collèges moins cotés ou ils auraient l’espoir que leur enfant serait le meilleur. Dans l’idéal on pourrait voir des enfants de CSP++ affluer en ZEP.

    Et l’on sait que créer de la mixité sociale est positif. Et que plus de bons élèves dans une classe crée un effet d’entraînement. Et peu de gens pourraient se voir perdants dans ce nouveau schéma. Ce serait du gagnant-gagnant pour parler comme une candidate non évoquée dans ce commentaire.

  21. Pour mettre en place le système proposé par Sergeant Howie, il faut se poser la question de l’évaluation.

    Les filières sélectives recrutent aujourd’hui sur concours. C’est simple, et c’est facile de classer les personnes qui se sont présentées au concours (le même pour tous). Il reste à surveiller la petite équipe d’évaluation pour vérifier qu’il n’y a pas de corruption.

    Le système proposé par Howie obligerait les filières sélectives à prendre un certain pourcentage de tous les établissements. Donc supprimer le concours, et laisser les établissements désigner qui sont les meilleurs. D’une part, ça amoindrit la qualité du recrutement, d’autre part, ça demande de surveiller la corruption potentielle au sein de tous les établissements… Tertio, cela supprime l’incitation pour les établissements à améliorer leur niveau.

    Concernant la stratégie "win-win", si on suppose que mettre quelques bons élèves dans une classe de mauvais va produire un effet d’entraînement vers le haut, il faut être logique et considérer que l’inverse peut être vrai également : que quelques élèves mauvais pourront avoir un effet d’entraînement négatif sur tout une classe de bons… Quel est l’effet majoritaire d’après vous ?

  22. En fait, j’étais imprécis, je pensais surtout aux CPGE qui recrutent massivement sur dossier et pour qui le lycée d’origine joue énormément. Pour les recrutements sur concours je n’ai pas d’opinion avérée.

    Sinon concernant l’effet majoritaire j’avais lu une étude qui montrait que les bons entrainaient plus les mauvais vers le haut que l’inverse, mais impossible de remettre la main dessus.

  23. @ Albert Nonyme : du point de vue du contenu des enseignements privé en France est n’a rien de vraiment spécifique. Ce qui les différencie, en majorité, c’est la qualité de l’encadrement (plus de profs, moins d’élèves) et le soin qu’ils mettent à faire leur travail. Les parents qui envoient leurs enfants en école privé s’empressent ensuite de leur faire intégrer des grandes écoles publics, des facs de médecine, de droit, etc.

    Je vous qu’en France, c’est l’école qui fait le Français.

    Et je redonne un tour de vis : c’est justement parce que l’école, l’éducation a une importance si forte, une charge symbolique si lourde, que les Français *exigent* de l’Etat qu’il le prenne en charge. Après tout, qui a dit qu’un Etat devait fonctionner de manière économiquement optimale ? N’est-ce pas une énorme machine détourner des biens et des richesses vers des objectifs… politiques ?

  24. @ Paul : Pour ce qui est du contenu de l’enseignement, vous n’irez pas me faire croire qu’on apprend la même chose dans le collège de Vaux-en-Velin et à l’Ecole Alsacienne.

    Par ailleurs, il y a eu des Français avant l’étatisation de l’école, et il y en aura sans doute après. Et prétendre que c’est l’école qui fait le Français, c’est nier que des personnes qui ont immigré en France à l’âge adulte puissent être françaises. Comme mon grand-père, par exemple.

    Les Français n’exigent pas de l’Etat qu’il prenne l’éducation en charge : un seul contre-exemple (moi) suffit à rendre fausse votre affirmation. Et pourquoi l’Etat plutôt que l’Eglise, ou que les syndicats, ou que les partis politiques, ou que toute autre institution ?

    Pour ce qui est de la définition de l’Etat comme "énorme machine détourner des biens et des richesses vers des objectifs politiques", je vous suis, mais je vais me faire horriblement hayékien. Si un marché libre est efficient, alors les biens et richesses traités sur ce marché sont alloués de manière très proche de l’optimum. Donc, si un Etat impose par la force une autre allocation des richesses, c’est à dire des ressources rares, alors cette nouvelle allocation a toutes les chances d’être plus éloignée de l’optimum, donc d’être moins satisfaisante pour tout le monde. En d’autres termes, l’étatisation de l’éducation nous appauvrit économiquement, en plus de nous appauvrir culturellement.

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