On convient aisément que l’affaire CPE ne facilitera pas la tâche de ceux qui, aux affaires, voudront mettre en place de nouvelles mesures dans les semestres à venir. On en convient si bien que l’antienne de “la France irréformable” est de retour aux côtés du “refus de la précarité imposée par le grand capital”. On pourra certes dire que je peux tourner les choses dans tous les sens, ce qui s’est joué ces dernières semaines montre encore que la France est impossible à réformer. Cette rengaine me fatigue. J’y vois désormais une impasse intellectuelle et politique.
Atonie politique
Une fois que l’on a affirmé haut et fort l’impossibilité de réformer la France, que fait-on ? On s’asseoit et on attend. Ou, pire, on travaille sur les marges. N’est-ce pas l’une des leçons du CPE, d’ailleurs ? On aura régulièrement entendu dire que le CPE ne méritait pas une telle désorganisation. Probablement, rapporté par exemple à l’enjeu des grèves de 1995, voire de 2003. Politiquement, on a assisté à une surréaction évidente. Là où les commentateurs vont peut-être un peu vite, c’est de raisonner en équilibre partiel, si je puis dire. Le CPE n’était-il pas que la goutte d’eau, le CNE de trop, comme le rappelait Alexandre récemment ? De ce point de vue, il n’est peut-être pas inutile de citer Jean-Christophe Le Duigou. Dans un débat pour l’Express, ce responsable de la section économie à la CGT répondait ceci à la question de savoir s’il fallait un contrat de travail unique :
La question du contrat unique doit être discutée. A la CGT, nous avons engagé depuis plusieurs années une réflexion sur les limites du droit social actuel. Nous ne campons pas sur la défense du statu quo. Ce serait laisser 30 à 40% des salariés sur le bord de la route. Le CDI n’est pas en soi une protection absolue. Il l’était beaucoup plus dans les années 1950 ou 1960, parce qu’il y avait une pénurie de main-d’œuvre. Dans la situation de sous-emploi structurel que l’on connaît aujourd’hui, le CDI n’est pas une garantie. Il faut donc consolider le contrat de travail. Notre idée est d’élaborer un système de garanties lié au salarié et non à l’emploi.
Il est significatif de constater qu’alors que la CGT était prête à discuter de l’instauration d’un contrat unique, le gouvernement se casse les dents sur le CPE, nettement moins ambitieux.
D’un point de vue politique, on ne sort donc pas de cette dialectique qui oppose le parti des “réformistes” de celui des “anti-libéraux”. Les premiers insistent sur la nécessité vitale de réformer et l’irresponsabilité de la rue ou des décideurs publics qui repoussent à plus tard le temps des réformes. Les seconds, revendiquant leur progressisme, soulignent, au choix, que le mot “réforme” est galvaudé ou que la réforme est un instrument libéral au service de la casse sociale. Si vous ne vous reconnaissez ni dans un camp ni dans l’autre, ce n’est pas votre existence que je conteste, c’est simplement la puissance de votre voix dans le débat public.
Ce qui frappe, à mon sens, c’est la fin des propositions. Ni un camp ni l’autre n’a rien à offrir de solide. Je veux dire, aucun des deux ne saura proposer des solutions ou une méthode qui rallie l’autre camp. Les positions ne sont pas figées pour autant. En dehors des ultras, la majorité des français sont disposés à autre chose. Disposés à autre chose, soit parce qu’ils en ont assez de percevoir le même refrain, soit que c’est la crainte qui les guident (et qu’avoir peur n’est pas un équilibre stable).
Il me semble qu’aujourd’hui, ce sont ceux qui se réclament de la tendance “réformiste bloqué” qui ne sont pas à la hauteur. J’ai moi-même pensé des tas de fois “il n’y a pas moyen de bouger un pouce dans ce pays”. Et sans être partisan pour autant de la “casse sociale”. J’en suis revenu. Si les incantations ne fonctionnent pas, alors il faut procéder autrement (on pourra lire, en rapport connexe avec mon propos, ce texte de Jules sur Diner’s Room). Je considère que ceux qui continuent à se contenter de hurlements courroucés sont soit assez peu imaginatifs, soit intéressés. Comment peut-on être intéressé par le fait de tenir un discours vain ? Tenir un discours qui reçoit des soutiens idéologiques sous toutes les formes est intéressant, c’est évident.
Que faire de plus, alors ? Derrière les discours sur l’irrationalité du comportement des anti-CPE, j’ai cru pour ma part déceler les conséquences extrêmes de la rationalité. En calculant l’espérance d’utilité de la mesure, la plupart des gens trouvaient un résultat négatif (je ne dis pas que c’est ce que les gens ont sciemment fait, je dis simplement que juger individuellement le CPE s’assimilait à cela). Plus d’anxiété, de la précarité redoutée et, en face, une chance faible de voir du mieux en termes d’emploi (pour soi, ses enfants ou ceux des autres). Pourquoi ces conséquences sont-elles extrêmes ? Parce qu’au fond, chez beaucoup, le résultat de ce calcul implicite n’a pas donné une perte espérée énorme. Mais dans ce genre de situation limite, le basculement est sans mesure. Et, bien sûr, il suffit de peu de choses pour créer une majorité affirmée. Ajoutons, pour être complet, que la droite a une image sociale déplorable et que lorsqu’on voit les sorties de Parisot ou Dassault sur la précarité, il y a de quoi avoir peur.
En finir donc pour commencer avec l’irrationalité supposée des masses. Il n’est vraiment pas certain que des propositions aux coûts aussi évidents que les bénéfices ne passent pas. Je n’ai pas la prétention de tenir un discours de la réforme. J’affirme simplement que tant qu’on aura pas posé sur la table un choix de ce type, les discours sur l’impossibilité de réformer seront des opinions, pas des faits.
Dans ce concert de déclarations binaires, je me dois de rendre hommage à Christian Blanc. Je n’ai pas d’affinités politiques marquées avec lui (son parcours politique personnel n’en fait pas non plus un repoussoir en ce qui me concerne). Non seulement son livre, dont on s’est fait l’écho ici, est franchement intéressant, mais il a justement eu la même réflexion que moi : si on propose des choses payantes aux français, ils suivront. Ou plus réalistement, c’est ce qu’il faut essayer.
Déficit des sciences sociales ?
Au risque de surprendre, j’ai envie de dire que les économistes ont plutôt bien couvert l’affaire du CPE. Très vite, un certain nombre d’entre eux ont mobilisé leur boîte à outils (même si elle n’était pas la même pour tous) et dit ce qu’ils pouvaient en penser. Ce fut le cas de Bernard Salanié, d’Olivier Blanchard, de Pierre Cahuc, Florence Lefresne, Yannick Fondeur, Yann L’Horty, Michel Husson (qui a tenu une page de veille fournie) et de bien d’autres encore à qui on doit reconnaître d’avoir dit quelques mots sur la question. Alors, on peut toujours demander plus, c’est évident. La controverse ridicule entre Cahuc-Carcillo et Coutrot-Husson, initiée insidieusement par le service économie du Monde, sur lequel je m’interroge de plus en plus, a de quoi ternir définitivement la participation modérée mais réelle des économistes aux semaines de conflit, c’est un fait. Une fois de plus, le lecteur lambda a de quoi penser que l’économie n’est que question d’opinions, alors que les avis exprimés jusque là ne le montraient pas.
Ce qui est plus étonnant, c’est le sentiment que je nourris que les autres sciences sociales sont totalement absentes du débat, ou présentes à la marge de manière faiblarde, au mieux militante, sûrement pas académique. J’ai navigué pas mal au cours des dernières semaines. Et, la conclusion que j’en tire, c’est que les sociologues sont presque totalement absents. Ils n’ont servi à rien, n’ont pas pris leurs responsabilités. Qu’on me corrige si je me trompe. Après tout, c’est peut-être un biais cognitif qui me pousse à cette conclusion. Néanmoins, je voudrais prendre un seul exemple, la page de Michel Husson sur le CPE. Regardez y les contributions. La seule qui mentionne un bon nombre de sociologues est “un appel des 50” cosigné par 50 chercheurs en sciences sociales. Certes l’objet d’un appel est une prose de position. C’est un tract. Mais on aurait aimé un prolongement analytique largement médiatisé. Peut-être existe-t-il. Mais où ?
Nous avons besoin des sociologues pour lire la France, ses craintes, ses blocages, ses conflits stériles. Je constate avec amertume qu’ils ne sont pas capables de fournir des jalons de réflexion à un moment clé. Comme je le dis plus haut, je ne crois pas que l’on puisse conclure au blocage inéluctable de notre société. Mais où sont les analystes qui prennent leurs responsabilités calmement ? Les sociologues ne sont-ils pas en train de laisser l’espace de l’analyse et de la “réflexion” à des gens qui sont mal armés seuls pour le remplir ? Deux exemples parmi d’autres : Eric Le Boucher et Jacques Marseille. Pourquoi eux parmi d’autres, au juste ? D’abord parce que j’ai pu apprécier certaines de leurs sorties (et que je ne doute pas que cette situation se représentera). C’est plus intéressant de tirer sur ceux qu’on n’abhorre pas (eh oui…). Ensuite, parce que je considère que dans les commentateurs en vue, ils sont deux bons exemples d’expertise trop largement exercée.
Le premier, avec ses chroniques pour le Monde alterne le bon et le moins bon. Le bon, c’est une analyse des mécanismes économiques, du fonctionnement de l’économie de marché et de la politique économique qui sont souvent bien présentés. Le bon, encore, c’est l’idée qu’il peut y avoir des solutions qui profitent directement ou indirectement à tous. Le moins bon, c’est l’obsession de l’impossibilité de réformer, l’oeil permanent du gestionnaire rationnel avec un poil de Darwin sur les bords. Sur un terrain où je me sens personnellement concerné, la chasse aux fonctionnaires prend souvent un tour vulgaire. Point de procès d’intention de ma part. Il pourra toujours prétendre ne viser que les “insiders” et autres dinosaures (ce que je veux bien croire), ses mots sont, in fine, plus englobants. J’ai du mal à me reconnaître dans son propos et le vis généralement avec un haussement d’épaules. Ce n’est pas en convaincant les gens du MEDEF qu’on rallie la masse de fonctionnaires qui n’est pas opposée au changement. Non, il n’est pas bon que Eric Le Boucher soit seul avec son angle de vue.
Quant à Jacques Marseille, qui reste pour moi l’auteur du très utile “grand gaspillage“, une de ses dernières sorties dans le Monde (oui, encore là… interview du 25 mars 2006) m’a conduit à un haussement d’épaules qui vaut bien ceux consécutifs aux diatribes anti-fonctionnaires de Le Boucher. Jugez plutôt :
Le Monde : a France est-elle un pays impossible à réformer ?
Jacques Marseille : Oui. Ou en tout cas, c’est éminemment difficile. J’ai cherché désespérément dans l’histoire les moments où la France avait été capable de faire les grandes réformes qui allaient changer son destin, tranquillement, par le dialogue, par le Parlement. Je n’en ai pas trouvé.
LM : Pour vous, la France n’évolue que par ruptures successives ?
JM : La rupture est consubstantielle à notre histoire. J’ai examiné nos grandes ruptures.
Ensuite, c’est trois exemples historiques, la prédiction “oui, ça va péter si ça continue” et la nécessité du recours à l’homme providentiel. Emballez, c’est pesé. Non, non et non. Ca ne tient pas la route. On ne peut pas, en deux temps trois mouvements, sur la base de ce qui s’est passé, déduire que cela arrivera de nouveau. Oui, je sais, c’est l’historien qui parle. Et donc, oui, il est dans son rôle. Mais, comme le jugement de Le Boucher est biaisé vers l’économisme, Marseille ne donne qu’une interprétation exagérement tournée vers l’histoire (peut-être pourrait-on même discuter à la marge de son historicisme).
Je veux conclure ici. Je manque cruellement de temps pour approfondir mes dires (le prochain biberon peut arriver à n’importe quel moment maintenant…). Pardon si j’ai omis des analyses importantes qui répondraient aux attentes que j’ai formulées. En réalité, je ne devrais pas m’en excuser, je me suis forcé à écrire ce texte pour faire travailler ses lecteurs et espère sincèrement que ces analyses manquantes arriveront en commentaires. Au surplus, si besoin, des lectures récentes m’ont montré que des sociologues s’expriment effectivement ces temps-ci. Mais à la sortie de la crise du CPE, j’ai eu le sentiment qu’aucun n’avait formulé une médiation intellectuelle, contrairement aux points de vue plutôt posés des économistes.
Allez, montrez moi que je me trompe… Je reviendrai bientôt avec de l’économie, de la vraie.
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Un billet "dépité" ? (private joke)
Sur le fond deux remarques rapides.
La CGT est surtout prête à discuter de la sécurité sociale professionnelle et ce n’est pas parce que le rapport Cahuc et Kramarz porte le même titre qu’ils y mettent la même chose…
Je ne partage pas complètement votre avis sur l’absence des sociologues dans le débat. Il me semble notamment que l’on a beaucoup entendu Louis Chauvel d’un côté et Olivier Galland de l’autre.
Au passage, à propos de l’appel des 50, qui effectivement n’est qu’un tract, je crois qu’on pourrait attendre de 50 chercheurs en sciences sociales autre chose que l’invocation du stigmate* "néolibéralisme".
S’en passer donnerait, àmha, une impression moins défavorable et détacherait -on peut rêver- cette initiative du vulgum ATTACus.
* évidemment, post sur les sociologues, on se sent obligé.
De l’intérêt des sciences sociales et humaines pour le débat public
Un billet intéressant sur le sujet « L’impossibilité de la réforme, la disparition des sociologues et le biberon de 23 heures » du site l’Ãconoclaste. L’auteur (SM) en appelle aux sociologues, qui selon lui, doivent prendre part…
Lorsqu’en tant que citoyen, on se trouve déjà bien âgé en constatant que les structures du pouvoir en France (état, industrie, syndicats, presse, partis) nont pas sensiblement évolué depuis qu’on a pourtant atteint l’âge de raison, on finit par douter que le raisonnement à niveau national puisse être de quelque utilité que ce soit, et notamment, pour la régulation des rapports entre individus dans une économie qu’on souhaite conserver comme libérale.
En faisant sien ce constat désespérant, on peut ne pas renoncer pour autant à voir d’autres niveaux (communaux, régionaux, européens, mondiaux) agir, d’une manière ou d’une autre. La "mondialisation" elle-même est un levier : revendiquer ses achats chinois, refuser de voir l’argent qu’on gagne revenir trop directement dans les poches des multinationales françaises, refuser le raisonnement national ou local n’a rien d’innocent, et peut se justifier simplement, par exemple, par une volonté de se débarasser enfin de cette horde d’élus fonctionnaires et de ces organisations syndicales représentatives …. de plein droit.
Bien entendu, une simple attitude de consommateur lucide n’interdit pas une action politique au quotidien, laquelle, évidemment ne saurait résumer à quelque loyauté que ce soit à quelque structure de pouvoir que ce soit.
Je me demande si, même de bonne foi, votre papier n’est pas un peu pro-domo. De fait, les économistes reconnus, patentés, scientifiques et tout ça (un exemple au hasard : Wyplosz ? j’espère qu’il répond à la définition? –de fait je n’en sais rien !) se comportent comme chiens et chats, ou comme dans la cour de récré. Ca permet au bon peuple ignorant de se croire aussi futé qu’eux, puisqu’à scientificité égale, ils continuent de se F sur la G
Dernier exemple que j’ai trouvé risible (sinon exaspérant) les 2 papiers deTelos sur l’Allemagne, dont une réfutation du même Wyplosz qui ressemble à du Madame Michu.
Consternant, non ?
En sociologues, on a pas mal vu Dubet, c’en était même fatiguant à force, de relire partout les mêmes interviews (même si ce qu’il dit n’est pas ininteressant).
Pour ma part ce qui me consterne le plus c’est l’absence de réflexion sur la légalisation d’une précarité des jeunes qui pourtant semble être la norme et sur la légitimité qu’aurait uné société autorisant sa propore instabilité à la base.
Sarc.
Comme l’écrit Yannick Fondeur, la sécurité sociale professionnelle fait consensus tant que l’on en reste à une définition superficielle.
Sinon, le paragraphe suivant est intéressant :
“[1] Ce qui est plus étonnant, c’est le sentiment que je nourris que les autres sciences sociales sont totalement absentes du débat, ou présentes à la marge de manière faiblarde, au mieux militante, sûrement pas académique.”
“[2] J’ai navigué pas mal au cours des dernières semaines. Et, la conclusion que j’en tire, c’est que les sociologues sont presque totalement absents. Ils n’ont servi à rien, n’ont pas pris leurs responsabilités”
Or, si tu as lu Bruno Latour, SM, tu sais que [2] parce que [1] : c’est précisément parce que l’économie est présente que la sociologie est en retrait. Les sciences se sont très rapidement partagé le champ de la connaissance, la mathématisation de l’économie a accentué ce mouvement jusqu’à ‘hermétiser’ presque totalement la discipline, qui s’est fortement polarisée par la suite (économie du développement, économie sociale vs. micro-économie, économie des contrats/conventions).
Je peux parler pour les politologues : leur spécialité est devenue au fil des années d’intervenir de moins en moins, si l’on fait exception des électoralistes. C’est un mouvement de fond : la discipline s’intéresse de moins en moins au contemporain, et aussi de moins en moins à la vie politique.
Le dernier point, plus épistémo., est que les sciences sociales s’intéressent de manière générale au corps social de manière rétrospective. Seule l’économie se risque au prospectif, avec des résultats qui l’ont apparenté à la météo : tout le monde la regarde, personne n’y croit.
à noter aussi cette fraction non-négligeable des spécialistes en sciences sociales qui considère (derrière JC Milner, notamment) que l’idée selon une pratique du savoir n’est admissible que si elle est subordonnée à quelque service social est un des blocages à faire sauter pour que puisse exister un débat intellectuel francophone.
Yannick : vrai pour Chauvel. Je l’ai constaté a posteriori. Ses analyses se rapprochent de l’idée que je me faisais de la participation des sociologues. Dont acte. Les sociologues du travail sont moins dans mon registre ici. Dubet a été présent aussi. Et ce qu’il fait m’intéresse. Mais pas sur le mode que j’abordais là. J’ai raté Galland…
Nonobstant le bien fondé de votre remarque sur la CGT, elle se dit quand même prête à discuter du contrat unique. C’est déjà énorme…
Et pas si surprenant pour qui suit un peu la CGT au sommet, je le concède.
Yves Duel : écoutez, vous avez fait de Wiplosz votre tête de turc. Je peux comprendre pourquoi. J’ai quelques remarques. Sur lui, d’abord. Il est régulièrement énervant, car trop virulent. Je me demande souvent s’il contrôle ses montées d’adrénaline. Néanmoins, ses analyses sur l’Europe sont bonnes et dénotent d’une connaissance des mécanismes (positifs) politico-économiques de l’UE que vous aurez bien du mal à démonter à mon avis. Lisez le plus en avant si vous le pouvez encore. Sur votre texte ensuite. Je n’ai pas eu le temps de le lire. Mais réalisez vous que vous êtes en train d’en faire la promotion éhontée sur tous les blogs de France, ou presque ? Il est peut-être intéressant (j’ai lu des commentaires en ce sens), mais faudrait peut-être pas pousser…
Quant aux commentaires pro-domo, j’ai écrit noir sur blanc qu’on avait besoin des sociologues. J’ai dit que la ridicule controverse Cahuc-Carcillo vs Coutrot-Husson gâchait l’ensemble. Que faire de plus ? Mettre un lien vers votre prose ?
François : bien vu, ma foi… C’est intéressant et je ne vois pas grand chose à ajouter (si ce n’est que tu joues le registre de la fatalité, mais ce n’est pas une tare). Heureux de t’avoir donné une occasion de procéder à l’exposé d’un cas d’école :o)
moui et lâche : pas compris vos commentaires
A tous : mon texte est largement café du commerce. Tous les commentaires sont donc publiés… Sauf les plus que très douteux.
Yannick : je viens de voir ce papier de Galland sur Telos
http://www.telos-eu.com/2006/04/...
Lui aussi est bien dans mon créneau…
J’ai lu/entendu des analyses intéressantes de philippe d’Iribarne (un entretien sur france info il me semble). Il y reprenait sa thématique de la "logique de l’honneur" autour précisément de cette question de la réforme.
En effet, comme le dit François, si l’économie est générale, les sociologues sont particuliers, et extrêmement spécialisés. Voir par exemple Baptiste Coulmont coulmont.com/blog/ , le seul teneur de blog que j’ai repéré jusqu’à présent : lui, y’a que les sex-shops qui l’intéressent. Et bien souvent cette sociologie est fortement teintée d’ethnologie, le nez sur le terrain et pas un poil qui dépasse. Si, donc, on entend peu les sociologues sur la question, c’est pour une bête raison de manque d’effectifs compétents, d’où l’omniprésence d’un François Dubet, dont c’est précisément la spécialité ( les jeunes en difficulté, pas l’omniprésence ).
Il n’empêche que, au risque de me répéter, le fait que la, à mon sens, principale question sociologique du CPE – le fait que le CNE, légèrement moins, si j’ose dire, avantageux que le CPE, soit passé sans autre difficulté que les grommellements de la CGT, parce qu’il était réservé au peuple des non-qualifiés dans les petites entreprises, alors que le CPE, qui visait toute la classe d’âge, donc aussi la petite, et même la grande, noblesse des diplômés, a généré un mouvement d’une ampleur inconnue depuis des années – n’ait pas suscité, à ma minuscule connaissance (désolé, j’ai aussi mon nez sur mon guidon) d’analyses sociologiques me semble extrêmement significatif.
Et j’explique cette situation par un conflit d’intérêt, avec des universitaires qui se contentent des ordinaires déclarations d’intentions (comme ici : http://www.univ-paris8.fr/sociol... et sûrement aussi ailleurs) parce qu’ils savent bien qu’ils forment, en sociologie en particulier, et à la différence, par exemple, de l’économie, un public qui n’a guère de chance de vivre du diplôme qu’ils délivrent, puisque même les universitaires sortiront d’abord de l’ENS et de l’EHESS, et pas de la fac.
En somme, si la sociologie pratique le désenchantement du monde, il y a une relation qui ne peut pas ne pas rester enchantée, celle de l’enseignant et de son étudiant, faute de quoi l’étudiant disparaîtrait, et le boulot de l’enseignent aussi.
Bon, c’est long et un peu mal foutu, mais il commence à se faire tard.
Au fait, j’y pense : un nouveau venu, visiblement pas ignorant en sociologie, apporte un point de vue exactement opposé à celui de ce billet : contrebande.typepad.com/c…
J’étais pas venu depuis bien longtemps sur Econoclaste, et paf! je tombe par hasard sur ce post intéressant et sur ce commentaire qui parle de mon (tout récent) blog. Alors je vais répondre aux deux en même temps, en évoquant ma propre expérience non pas de producteur mais de lecteur. Je ne crois pas, Denys, être en désaccord avec ce billet. Moi non plus je n’ai pas beaucoup vu les sociologues, et d’une manière général je pense aussi qu’ils pourraient mieux assumer un rôle social (je n’ose pas employer de mot plus précis pour définir ce rôle, le terrain me paraît glissant, là, à froid), y compris dans les moments "de crise". Mais pendant cette affaire du CPE, j’avoue que je n’ai pas non plus spécialement cherché les textes des sociologues. Sans doute parce que les effets du CPE sur la relation de travail me paraissaient plus facilement imaginables que, par exemple, sur l’emploi ou sur la fréquentation des prud’hommes. En tant que lecteur, donc, j’ai particulièrement cherché les commentaires des économistes et des juristes.
C’est vrai, il aurait fallu entendre plus de choses sur la nature des mouvements sociaux. Sur la jeunesse. Sur le lien problématique avec les émeutes d’octobre, aussi, sans doute. Mais il y a aussi de grandes chances pour que des études sociologiques de ce mouvement précis soient à venir. Parce que la socio, malgré tout, c’est quand même souvent de "l’étude de cas" (et presque jamais de la prospective, comme le rappelle François).
Tout ça est bien intéressant. Remarques:
– je n’ai vraiment pas été assez clair sur ce que j’attendais des sociologues. J’attendais un travail construit depuis un moment sur la société française face aux réformes, à leur coût et bénéfices (ces deux termes devant être pris au sens large, ce qui veut dire que je ne prêche pas l’individualisme méthodologique à tout prix). Un tel schéma aurait pu être mobilisé prudemment au moment du CPE. La situation n’est pas aussi désertique que mon propos l’a volontairement avancé. Mais je constate que je ne suis pas le seul à parler du retrait des sociologues, même si les conclusions qui en sont tirées sont différentes.
– y a-t-il une chance de voir se mobiliser cette communauté autour d’un genre de webring ? Est-ce déjà fait (significativement) ? – le propos sur la collaboration “cachée” de Levitt avec les sociologues sur le billet de Contrebande est typique : les économistes se préoccupent plus de ce qui se passe autour qu’on ne le croit. Mais bon, là pour le coup…