Finalement, le grand show du donneur, cette émission néerlandaise dans laquelle une malade incurable devait déterminer auquel de trois candidats à la greffe elle allait donner son rein avant de mourir, n’était qu’un canular. Le but du canular était de mettre sur la place publique la question du don d’organes, tout particulièrement de rein, et d’encourager les donneurs; il semble que l’objectif ait été atteint. Mais il y a beaucoup de leçons à retirer de cette émission et des commentaires qu’elle a suscité.
Il n’est pas nécessaire d’aller chercher très loin pour trouver des critiques indignées du concept de l’émission. Chris Dillow a bien résumé les limites de la simple critique dégoûtée de l’émission.
L’essentiel des critiques se limite en effet à l’expression d’une réaction dégoûtée. Et il y a de quoi l’être, tant cette émission, en montrant (soi-disant) une malade au stade terminal disosée à céder un de ses reins montre tout ce que les sociétés modernes prennent un soin particulier à cacher au regard : la souffrance, la faiblesse, le handicap, la mort. A grands coups de crème antirides promues par des mannequins de trente ans à peine, de mangerbouger.com, de jeunisme triomphant, de villes inaccessibles aux vieillards, aux impotents et aux faibles, nous avons chassé la souffrance et la mort vers des services médicaux spécialisés qui se chargent de nous en épargner le spectacle déplaisant. Ce que les réactions à cette émission nous montrent, c’est que nous en sommes arrivés au point ou le simple fait de montrer ce qui constitue la réalité inéluctable de l’existence est présenté comme répugnant, contraire à l’éthique et à la morale. Hypocrisie du monde moderne…
Mais qu’est-ce qui est le plus critiquable? Le producteur de télévision cupide qui veut gagner de l’argent en montrant la mort et la souffrance, ou celui qui s’achète une bonne conscience en refusant de regarder cette réalité? La réalité de l’émission, c’est qu’il y a des milliers de gens qui souffrent, qui meurent, faute de dons d’organes : ceux-là peuvent apprécier la publicité faite à leur situation. Qui, à part les producteurs de l’émission, a pensé à eux?
Poussons un peu plus loin l’interrogation. Qu’est-ce qui est le plus scandaleux? Qu’une émission gagne de l’argent sur le transfert d’organes, ou que chaque année des personnes meurent faute de transplantation rénale, du fait du fonctionnement du système actuel de don d’organes? Car d’un point de vue économique, les problèmes de pénuries pour les greffes du rein constituent un problème d’une simplicité biblique : la demande est abondante, l’offre est trop faible; cela vient de ce que la rémunération des offreurs est insuffisante. En d’autres termes : la pénurie actuelle de greffons de reins justifierait un paiement pour les donneurs de rein : autoriser les gens à vendre l’un de leurs reins, moyennant paiement. Levitt et Dubner y avaient consacré un article il y a environ un an.
L’idée paraîtra sans doute largement aussi répugnante que celle du programme de télévision hollandais. Elle n’a pourtant rien d’aberrant. Tout d’abord parce qu’être donneur vivant de rein est moins dangereux qu’on ne pourrait le penser. Céder un rein est six fois moins risqué que servir de mère porteuse par exemple; en pratique d’ailleurs, les donneurs vivants de reins courent moins de risques que la population moyenne (parce qu’ils appartiennent à des segments très particuliers de la population et prennent ensuite des précautions supérieures).
Surtout, il faut comparer un système de vente d’organes au système actuel. Actuellement la pénurie de reins oblige des milliers de personnes à suivre des dialyses permanentes, un traitement extrêmement lourd; aux Etats-Unis, il y a en permanence 71000 personnes en liste d’attente pour une transplantation, qui vont attendre en moyenne 5 ans; seulement la moitié d’entre eux finalement, bénéficieront d’une greffe. Entretemps, les autres mourront ou leur état se dégradera tellement qu’ils cesseront d’être éligibles. Si les tendances actuelles se poursuivent, la liste d’attente sera de 10 ans en 2010. En Iran, dans le même temps, la rémunération des donneurs contribue à faire disparaître la pénurie.
L’aspect éthique du système actuel d’allocations des organes est lui aussi sujet à caution. Rappelons qu’en France tout individu est présumé donneur, ce qui d’ailleurs n’est pas sans poser des problèmes car les médecins, pour des raisons compréhensibles, rechignent souvent à prélever d’autorité des organes sur les cadavres sans demander l’avis des familles. On peut noter surtout que l’état actuel de la législation interdit aux individus de disposer de leur corps comme ils l’entendent de leur vivant, et aussi après la mort. Quelle que soit la façon dont on regarde le sujet, il n’est jamais très ragoûtant. Mais il n’y a pas si longtemps, les féministes défilaient dans la rue en proclamant que leur corps leur appartenait : en quoi pouvoir disposer de ses organes, même pour les céder contre rémunération, devrait-il être différent?
Alors, il y a des objections à une libéralisation de la commercialisation des organes. Certaines sont meilleures que d’autres. Parmi les mauvaises, le fait que cela conduirait surtout les pauvres à céder leurs organes. Mais si c’est la pauvreté qui est un problème, elle se soigne par la redistribution, en versant des revenus aux pauvres; pas en leur interdisant de choisir eux-mêmes le moyen de corriger leur situation. Un autre argument, c’est que cela conduirait les gens à commettre un acte irréversible, sur la base de risques pour leur santé qu’ils ne connaissent qu’imparfaitement au moment ou ils le connaissent. Notons bien que c’est le cas aussi lorsqu’on décide de donner un rein à son beau-frère : en quoi ce risque devrait-il être acceptable pour le donneur vivant, mais pas pour le vendeur? Il faut noter aussi que si les gens ont tendance à mal estimer les risques, cette mauvaise estimation les conduit en moyenne à surestimer les petits risques. Même avec rémunération, on a donc plus de chances de voir des gens refuser de céder un rein alors qu’ils y gagneraient que l’inverse. Il faut noter aussi que l’interdiction de ventes n’empêche pas celles-ci : il existe un marché noir des reins, sur lequel des gens ayant besoin d’une greffe recherchent, moyennant paiement dissimulé, des gens qui se déclareront “ami donneur de rein”.
Reste un argument moral : il s’agit d’une étape supplémentaire vers la marchandisation de l’individu. Nous savons depuis Karl Polanyi que la régulation marchande des différents aspects de l’existence n’a rien de spontané, et qu’elle peut être porteuse de nombreux inconvénients. Mais nous devons aussi noter que cette marchandisation du corps provient de la possibilité technique de la greffe. Aujourd’hui, il y a de fait marchandisation des organes : simplement, cette marchandise est gérée par les bureaucraties publiques, au lieu de l’être par les volontés individuelles. Quel mécanisme est le meilleur?
Il y a là d’importantes questions, dont les réponses ne sont pas simples. Faut-il autoriser la vente d’organes? Selon quel mécanisme? Qu’est-ce qui nous permet de justifier de refuser de sauver des gens quand nous avons les moyens de le faire? Si nous voulons que certaines choses restent définitivement hors de la sphère marchande, quel prix sommes nous prêts à supporter pour cela? Toutes ces questions fondamentales, les critiques de l’émission hollandaise ne se les sont pas posées. Il est tellement plus confortable de cracher sur la télé poubelle…
- William Nordhaus, Paul Romer, Nobel d’économie 2018 - 19 octobre 2018
- Arsène Wenger - 21 avril 2018
- Sur classe éco - 11 février 2018
- inégalités salariales - 14 janvier 2018
- Salaire minimum - 18 décembre 2017
- Star wars et la stagnation séculaire - 11 décembre 2017
- Bitcoin! 10 000! 11 000! oh je sais plus quoi! - 4 décembre 2017
- Haro - 26 novembre 2017
- Sur classe éco - 20 novembre 2017
- Les études coûtent-elles assez cher? - 30 octobre 2017
Le rôle du service public n’est-il pas, au fond, de donner bonne conscience à pas cher à ceux qui le financent en leur cachant la crue réalité de leur monde ?
Bonjour,
J’apprécie beaucoup votre blog, bien que plus sociologue qu’économiste.
Je pense que dans vos remarques sur le don d’organes, vous oubliez une dimension non négligeable : celle qui renvoie au don, justement. Et donc, comme le disait Mauss, à l’obligation de rendre, ou plutôt ici à la difficulté de rendre quelque chose d’aussi important que la vie. Ce qui explique que la plupart des législations assurent l’anonymat du don dans la majorité des cas (sauf dans les dons entre vivants d’une même famille bien sûr).
Ceci est, bien sûr, loin d’exclure toute possibilité d’une rémunération des donneurs. Philippe Steiner, qui a travaillé spécifiquement sur la question du don d’organe du point de vue de la sociologie économique, a fait une proposition intéressante : proposer aux individus qui s’engagent explicitement de leur vivant à donner leurs organes après la mort une réduction de leur prime d’assurance. On aurait ainsi une incitation économique sans qu’il y ait pour autant la "marchandisation" tant crainte. Sans doute une telle proposition peut permettre de réfléchir sur d’autres solutions pour les dons entre vivants.
L’article de Steiner a été publié en 2006 dans la Revue Française de Sociologie sous le titre "Le don d’organe : une typologie analytique".
Plusieurs commentateurs ont cité cet article de Steiner, je tâcherai de le trouver; pour rester dans la logique du don, la critique – que Bourdieu avait adressée à Mauss me semble-t-il – reste valable. Sur ce que vous citez, il est étonnant de constater le luxe de précaution pris pour dissimuler la nature intrinsèquement marchande du don.
Cette idée est intéressante, et son côté choquant la rend d’autant plus stimulante. Il me semble quand même qu’elle se heurte à pas mal d’arguments. D’abord sur la pauvreté.
Tu t’accordes avec le fait que sans redistribution, on pourrait aboutir à un monde où les pauvres servent de banque d’organes aux riches. Tu dis que redistribuer permettrait d’éviter ça, mais je n’en suis pas sur du tout. En effet, le choix de vendre un rein ne me semble pas si "libre" que ça, au sens où il est surement porteur d’externalités négatives vis-à-vis du moi futur de ces individus (Oui, je lis du Laibson en ce moment). En particulier quelqu’un risque de faire quelque chose d’irréparable dans une mauvaise passe, puis le regretter toute sa vie durant. De plus peu de pays seraient prêts à installer un mécanisme redistributif fort en vue de légaliser le marché du rein…
2ème chose, qui est vrai pour le don du sang, mais peut-être pas pour des opérations plus intrusives : le don est plus efficace que le marché. Je crois que c’est Richard Titmuss qui l’avait montré, et plus récemment une étude de Philippe Steiner (un spécialiste sociologie économique) qui l’a confirmé. Le don peut amener plus de gens à participer que l’échange marchand.
Enfin la peur qu’un marché noir se développe, avec un stade avancé d’esclavage humain (forcé de donner ses organes) me semble un risque important (cela existe déjà, mais on peut redouter une expansion si le marché s’ouvre légalement).
Sur ces différents points :
– Si l’on craint que les pauvres deviennent les banques d’organes des riches, c’est une contrainte qui doit être traitée par la redistribution, je le maintiens. La seule façon de considérer l’argument “externalités négatives” consiste à penser que les pauvres sont plus stupides que les autres – ils vont se laisser avoir et pas les autres. Mais il faut admettre alors la dimension paternaliste de l’argument, ce qui n’est pas sans conséquences.
Sur l’externalité elle est valable pour tout don vivant. Supposons qu’un individu donne un rein à son épouse malade, et que celle-ci ensuite divorce dans des conditions singulièrement déplaisante : n’aura-t-il pas plus de regrets que celui qui a, au moins, reçu une rémunération tangible? Fondamentalement on touche à une répugnance qui n’est pas une répugnance vis à vis de la cession d’organes mais une répugnance vis à vis de la transaction marchande, répugnance que l’on masque en décrivant des problèmes qui se posent pour toute cession d’organes, marchande ou pas. Mais répétons-le : il n’existe pas de don désinteressé; l’échange est toujours présent et avec lui la marchandise.
Le don plus efficace que le marché? Dans ce cas il faudrait se demander pourquoi. ceci d’autant plus que dire “le marché” est dépourvu de sens si l’on ne connaît pas la forme prise par ce marché. La remarque vaut aussi pour la crainte du marché noir, qui existe déjà. Dans un marché officiel, on peut imposer que la cession fasse l’objet d’une identification explicite de l’offreur, avec signature d’engagement, conseil médicalisé, etc. Pas dans un système d’interdiction créant un marché noir
Il est inexact d’écrire qu"aujourd’hui, il y a de fait marchandisation des organes", à moins de donner une définition exagérément large de "marchandisation". Ce n’est pas parce qu’il existe des mécanismes d’échange, ou même d’offre, de demande et de prix, qu’il existe un marché au sens de la théorie économique : la structure sociale sous tendant les échanges peut au contraire explicitement se référer à des normes (par exemple l’altruisme ou l’honneur) extérieures au monde économique, et c’est typiquement le cas ici. La plupart des gens ne répugnent pas à l’idée qu’il existe un système d’échange pour tel ou tel bien sensible (ici les organes), ils répugnent à l’idée que ce système d’échange soit uniquement organisé selon un procédé individualiste utilitariste (typiquement monétaire), peut-être car le message psychologique sous-jacent est une négation de la valeur de la norme ainsi niée. Le fait de rétribuer les donneurs de sang, par exemple, tend à diminuer la quantité de sang donnée, sans doute car les donneurs motivés par un geste altruiste sont plus nombreux que ceux qui se reconnaissent dans une démarche monétaire. Si j’étais méchant, je m’amuserais donc du dernier paragraphe et de son potentiel ironique, mais je vais m’efforcer d’être gentil et de pointer vers Last Best Gifts, un livre qui pose des questions fondamentales et qui donne même quelques réponses pas inintéressantes. En plus il est écrit par un quelqu’un de votre blogroll, alors…
Dès lors que l’organe est cessible, il devient une “commodité” donc potentiellement une marchandise. Que la cession fasse l’objet d’une rémunération pécunaire ou non, l’essentiel est fait par la technique qui permet le transfert d’organes. Par ailleurs l’existence de transactions marchandes n’empêche pas les dons gratuits…
Il est clair qu’il faut ouvrir le débat. Cependant, je me rappelle avoir lu ou entendu que dans le cas du sang, la marchandisation entraînait une chute des dons.En gros les donneurs ne se payent pas en monétaire. Une marchandisation diminuais leur implication et le sentiment de mécénat du donneur. Je me demande quel est le niveau de prix qui augmentera suffisamment l’offre.
Le marché des organes me paraît tout de même assez difficile. On peut avoir un approvisionnement en organes de sources un peu douteuses (par exemple, des organes prélevés sur des prisonniers ou des condamnés…) ou carrément criminelles. Ces cas ne semblent pas profiter aux propriétaire d’origine des organes.
Il y a aussi un problème de compatibilité entre donneurs et receveurs: les donneurs putatifs sont plutôt dans les pays pauvres, les receveurs prévus sont plutôt dans les pays riches. Il n’est pas dit qu’il soit facile d’accorder donneurs et receveurs pour des raisons de rejets…
ce que vous décrivez, c’est la situation actuelle…
Vous avez raison de parler de la situation des receveurs qui souffrent – et meurent – du fait des listes d’attentes et de la pénurie de sang et d’organes. C’est également vrai pour les plaquettes qui sont nécessaires pour traiter certains cancers en raison des effets nocifs de la chimio sur la moëlle.
On peut également parler des effets négatifs de l’interdiction pour les vendeurs. Il existe en effet des gens qui souhaiteraient pouvoir vendre leur sang, voire un rein ou une cornée, ou être rémunérés pour les 3 ou 4 heures que nécessite un don de plaquettes. Le reportage ci-dessous montre un jeune homme "vendeur" qui a l’air aussi déterminé que sain d’esprit à en juger par sa brève intervention :
tf1.lci.fr/infos/monde/0,…
cé tellement vrai tou ca si mon copain avait eu un donneur de rein il serait vivant
"Hypocrisie du monde moderne" dites-vous ? Il est décidément à la mode aujourd’hui de briser tous les tabous, y compris et surtout les plus légitimes, au nom d’un soi-disant combat contre le politiquement correct … Il est heureux que l’émission d’Endemol, telle qu’elle avait été présentée, ait essuyé une telle salve de critiques ! Qu’il se soit finalement agit d’un canular est rassurant et j’avoue ne plus avoir de ce fait d’avis tranché sur son aspect critiquable ou non. N’empêche, épargnez-nous ce type de rhétorique simpliste :" Qu’est-ce qui est le plus scandaleux? Qu’une émission gagne de l’argent sur le transfert d’organes, ou que chaque année des personnes meurent faute de transplantation rénale, du fait du fonctionnement du système actuel de don d’organes?" digne d’un Sarkozy en petite forme … On simplifie à outrance, on choque l’interlocuteur, on le place devant une alternative qui n’en est pas une pour qu’il ne puisse qu’adhérer à l’argumentation développée … C’est de la malhonnêteté intellectuelle. Il serait par ailleurs trop long d’expliquer dans un commentaire pourquoi le corps humain n’est pas à vendre … M’enfin, s’il est vrai, comme vous le rappelez souvent, que l’économie est bien mal maitrisée par nos concitoyens (moi compris), il est des sujets que vous semblez vous-mêmes mal maitriser et qui mériteraient quelques lectures enrichissantes … Troquez quelques instants les ouvrages d’économies pour des ouvrages de droit, ces questions fort intéressantes y sont traitées de manière beaucoup plus complètes et brillantes que je ne pourrais le faire (et mes études de droit commencent à être ancienne …). Je n’en demeure pas moins un lecteur fidèle de votre blog si stimulant, pour ce qui est de l’économie ! 😉
Visiblement vous n”êtes pas d’accord. Mais hélas, vous semblez considérer que la simple expression de votre désaccord vaut argument. Navré, mais ce n’est pas le cas. L’hypocrisie consiste à dire “cela me dégoûte, et ce dégoût me dispense de réflechir plus avant”. Vous savez, chaque année, on passe à la télévision une émission dans laquelle on montre des handicapés qui souffrent et qui meurent pour leur faire gagner de l’argent. Cela s’appelle le téléthon. Il y a là aussi marchandisation de la souffrance, simplement, le but lucratif est hypocritement camouflé.
Votre interprétation de la perception comme scandaleuse de cette émission est un peu partielle : ce qui choquait, ce n’est pas tant que soit montré un malade en phase terminale, que le fait que le choix entre les trois receveurs potentiel se serait fait selon un critère complètement arbitraire (que ce soit le vote du public ou le choix du malade en phase terminale). Vous considérez peut-être que le fait que des administrations publiques gère la file d’attente s’apparente à une décision arbitraire… au moins, il y a des critères, du droit, de l’égalité de traitement, et ça me paraît déjà beaucoup.
En outre, je trouve que vous évacuez rapidement l’argument moral. C’est un trait assez fondamental de nos sociétés qu de considérer que faire de la mort un spectacle constitue un signe de barbarie, que le mort soit un vieux, un malade, ou une jeune actrice de snuff movie (qui n’est certes pas volontaire). Non ?
Il n’y a pas d’égalité de traitement dans les critères publics : un handicapé mental, une personne âgée, ne bénéficiera pas des mêmes chances d’être traité qu’un autre. Il y a donc une part d’arbitraire dans ces critères publics.
Pour la critique morale, je reprend l’exemple du téléthon. Est-ce un signe de barbarie? Ajoutons aussi que personne, jamais, ne met les pieds dans le plat de la question du don d’organes. S’il faut choquer pour obtenir une prise de conscience, doit-on punir le messager?
Si vous voulez être conséquentialiste, cette émission (même si ça n’avait pas été un canular) améliorait la situation des gens concernés sans dégrader celle de qui que ce soit. Ou est le mal?
je découvre sur un blog tahitien une solution payante en… Iran : tahitimahana.blogspot.com…
le diabète dans le pacifique est affreusement élevé, les demandes de greffes très fortes. nos politiques locaux oublient de taxer ces nourritures sucrées qui engendrent les pathologies des océaniens. tahitimahana.blogspot.com…
Je crois qu’en calédonie on a le record de litres de coca par tête de pipe! alors parlons aussi prévention, et pas seulement don d’organe.
En définitif, comme il y a une telle pénurie, dans le
système actuel, on se retrouve avec des receveurs
parfaitement identique du point de vue des critères. Alors
le premier arrivé est le premier servi.
On peut trouver ça plus juste que "le public a trouvé le
candidat A plus sympathique", mais c’est pour des valeurs
assez restrictive de "juste"…
Si la libéralisation (hypothétique) du marché des organes
sauve des vies, est-ce qu’elle est quand même mauvaise
parce que marchande ?
En fait, le contre-arguement au principe est que pour la
plupart des greffes, on a sans doute pas le temps de
procéder à une vente à temps pour l’opération. Rien à voir
avec des questions "éthiques" (j’ai des doutes sur des
notions d’éthiques qui disent qu’il ne faut pas sauver des
vies pour des raisons arbitraires du style "l’argent, c’est
sale").
Guillaume, la posture normative sur le thème "le corps humain n’est pas à vendre" est un coup d’épée dans l’eau. Dans les fait, il *est* à vendre, que ça soit via le trafic d’organes, ou la prostitution. Il est clair que l’interdiction de tels comportements a un effet au mieux nul, au pire négatif (passage dans l’illégalité des prostituées, organe prélevés sur des condamnés sans leur accord pour être revendus au noir, etc.). La mise en place de procédures transparentes ne peut bénéficier qu’aux vendeurs, en assurant un minimum sanitaire à l’opération. Lorsqu’il s’agit de leur vie, les gens qui le peuvent ne vont pas attendre sagement qu’un rein sorte de la file d’attente ; et vont aller se fournir eux-même dans le tiers monde. Je préfère que ça soit fait "proprement" plutôt que dans les conditions actuelles ; comme je préfère le système hollandais ou allemand sur la prostitution, plutôt que le système français.
proteos nous dit :
"Il y a aussi un problème de compatibilité entre donneurs et receveurs: les donneurs putatifs sont plutôt dans les pays pauvres, les receveurs prévus sont plutôt dans les pays riches. Il n’est pas dit qu’il soit facile d’accorder donneurs et receveurs pour des raisons de rejets…"
Me voila rassuré! Le pauvre est pauvre parce qu’il est constitué d’organes pauvres. C’est sa nature. Mais alors le fait de greffer un organe pauvre sur un corps riche est une monstruosité de la nature. Comment se comportera socialement cet être hybride ?
Plutôt que de monter sur ses grands ergots, il faut commencer par ne pas confondre ‘bonnes moeurs’ et ‘morale’ (ou éthique). Sur le don, petite piqûre de rappel : http://www.protestants.org/litte... Le canular (hollandais) m’amène à me moquer de bon coeur des Tartuffe… français !
@Gaël : “le fait que le choix entre les trois receveurs potentiel se serait fait selon un critère complètement arbitraire. Vous considérez peut-être que le fait que des administrations publiques gère la file d’attente s’apparente à une décision arbitraire… au moins, il y a des critères, du droit, de l’égalité de traitement, et ça me paraît déjà beaucoup.”
Magnifique. Je serais curieux de plaquer ça sur les critères, le droit, l’égalité de traitement d’un pays comme la Corée du Nord. Et ne me dites pas “la Corée c’est pas la Hollande, blablabla”. Vous parlez à un niveau de généralité suffisamment grotesque pour que je le fasse aussi.
"Magnifique. Je serais curieux de plaquer ça sur les critères, le droit, l’égalité de traitement d’un pays comme la Corée du Nord. Et ne me dites pas "la Corée c’est pas la Hollande, blablabla". Vous parlez à un niveau de généralité suffisamment grotesque pour que je le fasse aussi."
Ce niveau d’argument est-il celui attendu dans l’exploration des "importantes questions" soulevées par le don d’organe en général et l’émission hollandaise en particulier ? Si j’ai bien compris Gaël, il faisait remarquer que certaines situations, celles par exemple qui impliquent la survie ou la mort d’un individu et plus généralement toutes celles qui touchent aux grandes phases symboliques de la vie humaine, sont considérées comme impropres à devenir un spectacle. Quand il est nécessaire de prendre des décisions arbitraires à leur sujet, des mécanismes sociaux se mettent en place pour institutionaliser ces décisions. Aussi ressentons-nous un certain malaise devant un don d’organe transformé en spectacle télévisuel (qu’il y ait ou non un malade en pahse terminale exposé), de même que nous en ressentirions un devant une femme qui vendrait publiquement son mariage aux enchères ou devant un parent qui organiserait un concours entre ces enfants pour savoir à qui il va payer des études. Rappeler une telle évidence mérite-t-il vraiment une comparaison avec la Corée du Nord ? Ou bien ce dernier post est)il un exemple rare d’un bloggeur trollant son propre blog ?
La critique portait sur l’idée selon laquelle des critères bureaucratiques sont par nature préférables à une allocation déterminée par la volonté du donneur. Ca n’est pas le cas, et un contre-exemple évident est l’allocation des organes dans des dictatures comme la Chine ou la Corée du Nord. Il y a là des critères d’allocation non marchands et collectifs, cela ne garantit pas pour autant une allocation satisfaisante.
Maintenant, si vous considérez l’opération décrite dans l’émission, vous devez admettre qu’elle améliore la situation collective sans dégrader celle de qui que ce soit. Pour le donneur, choisir le bénéficiaire est un gain par rapport à la situation dans laquelle ses organes sont alloués post mortem. Pour les bénéficiaires, si vous considérez que tous les gens ayant besoin d’un don d’organes sont d’égale dignité, alors vous constatez qu’une personne a eu un don d’organes, ce qui serait arrivé de toute façon. Donc sur le plan moral qu’est-ce qui est criticable?
Il ne reste que le fait que ce soit un “spectacle”. Mais cf plus haut, le téléthon aussi en est un. C’est un spectacle qui rapporte à une compagnie de télé poubelle comme endemol, alors. So what?
@Gael, les snuff movies n’existent pas, il s’agit d’une légende urbaine.
@alexandre, votre article est courageux dans le sens où il s’attaque à un point noir de notre société.
Contrairement à ce qui est écrit par certains contributeurs, il y a, en France, une pénurie dans la collecte de sang. Cette pénurie date du milieu des années 80, quand la collecte dans les prisons auprès de ‘volontaire’ a été supprimée à cause de l’épidémie de SIDA. C’est à cette époque là que la chine est devenue exportatrice de sang, avec comme conséquence le scandale du Yunnan.
En France, le don d’ovocyte est encadré et repose théoriquement sur le volontariat. Ce non-marché souffre lui aussi de pénurie. Alors pour palier à cette pénurie, on exige de la receveuse qu’elle trouve une ‘volontaire’. Cette recherche de ‘volontaire’ se fait parfois moyennant finance.
Il y a donc une très forte hypocrisie qui entoure le don de sous produit du corps humain. Quand on passe aux organes, le problème prend une tournure encore plus dramatique. Effectivement, on peut vivre avec un seul rein, et on s’en trouve très peu handicapé. C’est déjà beaucoup moins vrai pour les cornées comme cela a été suggéré par un contributeur.
Il n’en demeure pas moins que le choix de vendre un rein ou une cornée peut être un choix rationnel pour une partie des personnes du tiers monde. La somme de 5 000 euros peut paraître dérisoire pour une grande partie des personnes qui vivent sans reins dans nos pays. Elle représente cependant 10 années de revenus de 50 % de la population du globe.
Mais ce calcul peut également être fait pour des organes vitaux comme le cœur ou les poumons. Par exemple, un père de famille peut se sacrifier en échange d’une rente importante pour ses enfants. Serait-ce normal ?
Il me semble que le domaine contractuel est légitime quand il autorise une certaine réversibilité. On signe un contrat, on l’exécute. Si on ne l’exécute pas, ou si on veut se dédire, il y a des clauses de sorties, implicites ou explicites. Le problème, c’est qu’une fois qu’on a donné (ou vendu) un rein, on ne peut pas le retrouver. Il ne me semble donc pas absurde d’interdire ces transferts entre vivant. Mais dans ce cas, il faut pour les mêmes raisons interdire le don, et condamner une partie des malades à la mort.
“Ou bien ce dernier post est)il un exemple rare d’un bloggeur trollant son propre blog ?” Vous le comprenez comme vous voulez. C’est surtout la réaction de quelqu’un qui en a un peu assez d’entendre que tout centraliser est partout et toujours la meilleure solution. De mon côté, je n’ai jamais dit qu’il ne fallait pas songer à des normes, en quelque domaine que ce soit du reste. Mais l’idée qu’il est inadmissible qu’une personne décide elle-même de ce qu’elle veut faire de son corps ne me semble pas si évidente. Avez vous songé qu’une personne puisse spontanément demander à être mise dans une file d’attente organisée par l’Etat ? Avez vous songé à l’inverse qu’une personne ne donne finalement pas si elle ne peut pas choisir ? Qu’est-ce qui est le mieux ? Bien sûr, on peut aussi obliger tout le monde à entrer dans la file d’attente… Pfff…
@ Antoine T. : oui, il est pour moi des tabous parmi lesquels l’"inaliénabilité" du corps humain. J’émets là une opinion, que je n’entends imposer à personne. Que les faits la contestent, n’est pas pour moi un argument recevable. On peut souhaiter "changer les choses", et tout crime ne devient pas légitime par le seul fait qu’il existe …
@ henriparisien : il est des "rationalités" qui épouvantent :"Il n’en demeure pas moins que le choix de vendre un rein ou une cornée peut être un choix rationnel pour une partie des personnes du tiers monde" … Bigre !!! Que n’y avons nous, que n’y ont-ils pensé plutôt ?? Voilà une perspective enthousiasmante s’il en est (bien plus que celle de relations commerciales NORD-SUD réellement équilibrées …)! Ah, mais au fait, il est vrai que certains hommes d’affaires dont la fibre d’entrepreneur devrait faire l’admiration de tous, ont déjà pensé à mettre en place un marché du "don d’organe". Il parait qu’on y atteint un prix d’équilibre grâce au jeu, toujours divin, de l’offre et de la demande. On reconnait, par exemple dans les rues de Bogota, les "collaborateurs", souvent très jeunes, de ses bienfaiteurs de l’humanité au fait qu’il leur manque un oeil ou autre (cherchez plutôt du côté des bidonvilles que des quartiers chics …).
Quant à la question d’une quelconque "légitimité contractuelle", il me semble qu’elle porte davantage sur le fait de savoir si les parties au "contrat" y consentent réellement, c’est à dire de manière libre et éclairée, et avant tout, sur la licité de l’objet du dit "contrat" : le corps humain (et je ne parle pas de la capacité à contracter et de la cause, autres éléments constitutifs de tout contrat). En revanche, la réversibilité de l’exécution d’un contrat ne conditionne pas sa "légitimité".
Je reprends votre réponse à Antoine T : si vous etes pour l’inaliénabilité du corps humain, vous devez être contre le don d’organes, contre le don d’ovocytes, contre les mères porteuses; dans chacun de ces cas il y a atteinte à ladite inaliénabilité. Je vous redonne l’exemple de l’individu qui donne un rein à son épouse avant que celle-ci ne divorce : ou est la différence? Qu’est-ce qui est spécifique à la rémunération marchande qui vous dérange, pour que vous vouliez que l’échange ne soit autorisé que s’il est non monétaire?
La question du don se poserait moins si on admettait une fois pour toute qu’un mort n’est plus qu’un corps, dont l’intégralité du corps, dont les organes, est au secours des malades.
Et que dans ce cadre, la mort de l’autre (parce qu’il s’agit bien de celà, de l’autre, pas de soi) est au moins sur un aspect positive, parce qu’elle aide la vie.
Et dans ce cadre, la libéralisation ne se pose plus, c’est l’inverse qui se pose et qui me parait plus éthique : mon corps est à vendre parce que je refuse d’aider.
@henriparisien : les snuff movies, legende urbaine, qu’est ce qui te fait dire ça? Tu connais suffisamment les etres humains pour dire que TOUS sont incapables d’ACHETER et de PRODUIRE?
Cher Éconoclaste-SM,
Vous êtes ici chez vous et seul maître à bord. Néanmoins, il me semble que personne dans les commentaires n’a ne serait-ce que sous-entendu que "tout centraliser est partout et toujours la meilleure solution". Les premiers commentateurs ont propsé des pistes de réflexions issues de la sociologie économique pour essayer de comprendre comment et selon quelles normes un système d’échange tel que le don d’organe s’oragnise et peut s’organiser. Quant au commentaire de Gaël, origine apparent de votre ire, il a pointé, à mon avis très correctement, que contrairement à ce qu’Alexandre avançait, le caractère choquant de l’émission ne venait pas de la représentation d’un malade en phase terminale mais de la transformation en spectacle de ce que l’on considère comme trop important pour en devenir un. Le don d’organe en particulier et la question des diversités des systèmes d’échange en général sont des sujets complexes et stimulants intellectuellement. Je ne suis pas sûr que ce soit en s’emportant contre des arguments imaginaires ou en s’aventurant dans des comparaisons hasardeuses que l’on promeut une réflexion sur le sujet. Plutôt que de vous demander si vous avez songé à telle ou telle situation douloureuse, je vous recommande à nouveau les travaux de Kieran Healy et vous souhaite une bonne journée.
Rémunérer les donneurs ? Etablir un marché du rein ?
Pourquoi pas, sauf qu’il va falloir trouver des mécanismes "justes".
Si on libéralise complètement, on aura donc un marché ou les malades acheteurs pourront rémunèrer des personnes saines donneuses, et il s’établira ainsi un prix d’équilibre.
La simple sociologie et l’utilité oblige à admettre que plus les personnes sont pauvres, plus elles voient un avantage à vendre un rein. De même, plus le malade est riche, plus il est à même d’acheter un rein sur le marché.
Conclusion: les malades pauvres ne pourront pas s’acheter de rein et donc mourront. Bel exemple de darwinisme social.
Conclusion 2: pour ces raisons morales, on peut imaginer que c’est la sécurité sociale qui achète les reins à un prix suffisant pour répondre à la demande, et les greffent ensuite gratuitement. Cela fera évidemment augmenter les cotisations sociales pour tout le monde, mais c’est bien à ça que sert la sécu : faire payer tout le monde pour compenser l’"injustice" de la nature.
Je trouve que l’aspect sanitaire /risques encourus/ accès à cette information est quand même un peu vite évacué et que tout ceci reste assez théorique :
– Tout d’abord il y a fort peu "d’organes" qu’on peut donner sans risque ou handicap grave. Le sang, un rein, quoi d’autre ?
– Comment informer correctement sur le risque encouru alors même qu’on manque de recul pour le calculer ? Quels effets à moyen/long terme ont des dons de sang répétés par exemple. Quelles sont les évolutions attendues ou prévisibles des maladies rénales. A titre d’exemple les cancers du rein ont une prévalence importante passée 6O ans. N’y a t’il pas un biais pour un gus de 20 ans habitant un pays pauvre: quel sera son accès à la médecine et son espérance de vie dans 40 ans ? Bref comment décider de façon éclairé ?
– Considérant que la question morale sur ce sujet a une importance politique et risque fort de ne pas permettre la libéralisation de ce commerce (potentiellement réduit à quelques organes de plus) n’est il pas plus important de faire bouger rapidement les lignes sur diverses alternatives, qui ont également leurs ennemis. Les OGM (cochon humanisé etc.) où les cellules souches (banques de tissus…) ?
Absolument : mais réflechir sur ces questions, c’est comparer les obstacles à l’existant. Il faut se méfier du biais du statu quo consistant à considérer que ce qui est est bon parce que cela est. La question valide, c’est “en quoi les inconvénients d’une possibilité de cession marchande sont-ils supérieurs à ceux de son interdiction?”
En essayant d’évacuer ce sujet particulièrement provocant, je pensais que les mécanismes d’enchères étaient les plus susceptibles de répondre à la fourniture effective de biens ou de services non-plannifiée (comme cela se fait sur la marché de l’emploi en théorie).
Plus clairement dit : une personne prétendant ne pas avoir pu plannifier sa demande souhaite soit s’attacher les services d’un ingénieur en hydraulique, soit obtenir un ovule pour avoir un enfant, soit obtenir un rein pour survivre suite à une maladie dite imprévisible : existe-t-il dans l’un ou l’autre de ces trois cas un mécanisme plus efficace qu’une mise aux enchères ?
(Bien entendu, le point qui cloche est le postulat du caractère "imprévisible" de la demande ou du besoin : les entreprises par exemple avouent bien volontiers avoir été en capacité de prévoir leurs besoins, mais considèrent qu’elles perdent davantage à laisser l’information filtrer dans la concurrence qu’à payer le très léger sucoût que représente (généralement) le fait de recourir au marché du travail)
@Fabien, ce qui caractérise une légende urbaine, c’est que l’on parle d’un truc théoriquement possible, que beaucoup de personne croient vrai et qui n’a JAMAIS eu de preuve.
Dans ce cas des snuff movies, la preuve serait facile à faire : trouver un film. On n’en a jamais trouvé.
@Guillaume A. La misère est scandaleuse. A Bogotta, les enfants n’ont pas attendu les trafiquants d’organe (en passant, il s’agit là aussi d’une légende urbaine) pour mourir de faim ou sous les coups des escadrons de la mort.
Sur le fond, je ne comprends pas en quoi vos arguments ne pourraient pas être utilisés pour interdire l’avortement. Mais peut-être considérez vous cette pratique comme devant être interdite.
Mon message initial était réservé sur l’instauration d’un marché des organes prélevés sur des porteurs sains, mêmes volontaires. Justement à cause de l’énorme différentiels des niveaux de vies entre zones géographiques.
Mais je crois qu’il faut séparer les problèmes :
1> Peut-on envisager la rémunération des donneurs ? A mon sens, la réponse devrait être positive. Cela permettrait – au moins en ce qui concerne les reins – d’améliorer la qualité de vie d’une partie importante des malades sans dégrader – et même en l’améliorant grâce à une rémunération – celle des donneurs.
2> Cette rémunération doit-elle être régulé par le marché ? A mon sens, la réponse doit être négative. Justement pour les raisons évoquées plus haut.
3> Quant à l’attribution des organes aux malades, il me semble qu’une gestion par file d’attente – tel qu’elle est pratiqués actuellement – n’est plus scandaleuse à partir du moment où elle n’a plus à gérer la pénurie et qu’elle permet au contraire de moraliser le système.
"La seule façon de considérer l’argument "externalités négatives" consiste à penser que les pauvres sont plus stupides que les autres – ils vont se laisser avoir et pas les autres."
Non, mais on peut considérer qu’ils sont plus contraints que les autres (par exemple sur le marché du crédit), et que s’ils sont en bas d’un cycle de revenu, ils n’ont pas de choix à ce moment là (pour suivre mon exemple : d’emprunter à la banque en attendant d’être plus riche).
Ensuite sur le deuxième point, je ne dis pas qu’il n’y a pas d’incitations à donner. Quand je donne mon sang , j’y trouve des rétributions symboliques, disons l’autosatisfaction lié à ma générosité. C’est évident qu’il n’y a pas de don désintéressé (et je crois que c’est plus une mélecture de Mauss qu’on peut faire là, il n’est pas naïf). La question est : est-ce que dans certaints cas, comme pour des biens qui nous sont aussi attachés que des organes de notre corps, les rétributions symboliques nous incitent plus à agir que des rétributions monétaires, et si oui, pourquoi ? Si empiriquement on trouve que la réponse est positive, il n’est pas opportun de remplacer ce système.
"Maintenant, si vous considérez l’opération décrite dans l’émission, vous devez admettre qu’elle améliore la situation collective sans dégrader celle de qui que ce soit"
Mmm…le profil de l’émission reste dans la logique de pénurie d’offre par rapport à la demande (1 donneur pour 3 demandeurs ) en cela, rien de nouveau sous le soleil (si l’émission existait sous ce format):
"Pour le donneur, choisir le bénéficiaire est un gain par rapport à la situation dans laquelle ses organes sont alloués post mortem"
cela présente aussi un risque: la frustration des perdants peut engendrer une volonté de représailles vis à vis du donneur (pas protégé par l’anonymat): chose qui serait une véritable catastrophe si cela devait arriver.
Sinon, 100% d’accord avec l’idée qu’il faut faire bouger rapidement les lignes et considéder avec pragmatisme la solution de la vente d’organes.
PS : question à Z concernant "Le fait de rétribuer les donneurs de sang, par exemple, tend à diminuer la quantité de sang donnée"
avez vous des sources à mentionner pour illustrer ce propos ?
cordialement
Paulo
"Le fait de rétribuer les donneurs de sang, par exemple, tend à diminuer la quantité de sang donnée"
avez vous des sources à mentionner pour illustrer ce propos ?
Vous trouverez tout ce qu’il faut sur le site de Kieran Healy.
"Maintenant, si vous considérez l’opération décrite dans l’émission, vous devez admettre qu’elle améliore la situation collective sans dégrader celle de qui que ce soit"
Pas sur. Le type qui était le premier sur la liste d’attente "officielle" est largement perdant. A moins que les autorités néerlandaises balancent les reins à la poubelle…
the economist a clairement pris position pour une liberalisation de ce marché (on peut vendre ces organes et on peut les acheter)… j’avoue que je suis assez d’accord! j’ai du mal à comprendre ce qui choque la dessus: si la situation actuelle etait bonne, pourquoi pas mais j’ai l’impression qu’on a actuellement le pire des deux mondes.
oui… acondition qu on possede le droit de vendre ses organes… ce qui ne va pas de soi, du point de vue même des theories les plus liberales. Sur quoi sommes nous habilité à consentir? je ne peux pas vendre la voiture du voisin. Est ce que je peux vendre mes organes? C est le probleme de l acquisition originelle qui concerne les ressources naturelles. C est pq la comparaison avec l ingenieur hydraulique n a pas de sens. Apres tout, on ne travaille pas pour voir ses organes. le fait qu on dispose d un monopole de l usage n implique pas qu on dispose d un quelconque droit de vendre. On pourrait dire que même du point de vue premier arrivé premier servi, c est le chirurgien qui preleve qui possede tous les droits. Et quand la personne est decedée, les organes n appartiennt à personne, ou ils appartiennt a tout le monde.
De plus admettons que vous ayiez le droit de vendre aux encheres. Alors vous avez egalement le droit d acheter aux encheres. J achete un organe. Mais il se trouve qu il me faut quelqu un pour le greffer, un chirurgien. Or pour des raisons qui n ont rien directement a voir avec la liberalisation du marche mais avec les regles de deontologie professionnelle, un chirurgien pourrait etre tenu de ne greffer que dans l ordre de la liste. Dc si vous n etes pas le suivant sur cette liste, et bien personne n aura le droit de vous greffer.
Les tentatives les plus interessantes sont celles qui defendent un "marché" avec monopole de la demande. Mais comment fixer le prix? Perso on pourrait aussi proposer aux gens le droit de vendre leurs tissus à l industrie pharma et cosmetique esthetique à condition qu ils donnent leurs organes (y en a qd même pour 2000000 de dollars de produits derivés).
Mais quite à avoir le droit de vendre, autant donner le droit de requisition, comme ca le pb est reglé. Car pour les morts il s en faut de beaucoup que les vivants qui n existent plus aient encore des droits dessus. Et qui plus est ca suffirait à absorber la demande, donc les vendeurs vivants ne trouveraient plus personne.
Enfin bon le pb c est pas tellement ça, le pb c est le lobbying ecoeurant des institutions publiques pour forcer au don (j ai encore vue la semaine dernière une mere aujourd hui alcoolique et depressive incapable de faire le deuil de son fils, qui estime avoir été méprisée et utilisée), et le fait qu ils ne mentionnent pas tout ce que le consentement requière (consentir à la mort cerebrale, consentir a l impossibilité eventuelle pour les proches de faire le deuil, consentir aux criteres de d’allocation plus que discutables, consentir au fait que le chirurgien qui greffe soit payé etc etc…). Et le fait qu on nous impose des valeurs morales qui violent le principe de respect mutuel entre egaux dans une société marquée par le fait du pluralisme, et donc de laicité.
Pourquoi pas ça aurait pu être utile en plus ça sauve des vies.
Pour ma part je suis tellement dans la merde que si on me paye bien mais vraiment très bien je donnerai un de mes reins. Bien sûr faut sortir le très très très gros chèque ou la mallette pleines de billets.