Plus ça change…

… Et plus c’est la même chose. Comme il y a un an et demi, suite à quelques faits divers, le gouvernement veut faire une énième loi sur les “chiens dangereux”. Exemple classique de confusion entre la saillance d’un évènement (son caractère “médiatiquement visible”), et sa probabilité d’occurence. Rappelons donc que les chiens dangereux, cela n’existe pas : simplement, lorsque certaines races de chiens ont plus de succès que d’autres auprès des propriétaires, fatalement, la proportion d’accidents provoqués par ces chiens augmente dans la population. Au cours de votre existence, vous avez beaucoup plus de risques d’être mordu ou attaqué par un berger allemand ou un labrador que par un pit-bull. Mais “un labrador mord un enfant” est un titre beaucoup moins accrocheur que la référence au mythique monstre mangeur d’hommes à la féroce mâchoire. Et politiquement, faire une loi contre les propriétaires de labradors est infiniment moins payant qu’une loi contre les propriétaires de pit-bull.

Alexandre Delaigue

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8 Commentaires

  1. "Il faut que tout change pour que tout reste comme avant"…

    Sinon, il me semble qu’il ne faut pas prendre en compte uniquement le nombre d’occurences de morsures, mais leur gravité. Et vous aurez du mal à faire croire qu’une morsure de Yorkshire est aussi dangereuse que celle d’un pittbull.

    Après, sur l’activisme législatif, je vous rejoins. Un fait divers, une loi. Mais ça, est-ce vraiment la faute des nos hommes politiques ou de ceux qui les élisent?

  2. Certes certes, et il y a sûrement beaucoup plus d’attaques de caniche que de pitbull (j’en sais quelque chose)… N’empêche qu’une attaque de caniche a moins de chances de tuer un enfant qu’une attaque de pitbull. Je ne cède pas à la tendance médiatique, mais il ne faudrait quand même pas en arriver à dire qu’un caniche et un pit, c’est la même chose. Donc "un chien dangereux ça n’existe pas", j’ai du mal à adhérer. "Un chien plus agressif qu’un autre", OK.

    Sur un nourrisson, même un caniche peut être dangereux… Lisez l’article de Gladwell qui montre que la race du chien est un facteur pour lequel on n’arrive à trouver aucune causalité statistique par rapport à d’autres. Et une morsure de saint-bernard ou de labrador est aussi très dangereuse…

  3. Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre billet. Je n’ai aucun problème avec l’idée qu’il soit possible qu’il n’y ait aucune race de chien plus dangereuse qu’une autre.

    Comme l’écrit Gladwell dans l’article auquel vous renvoyez, "When we have more problems with pit bulls, it’s not necessarily a sign that pit bulls are more dangerous than other dogs. It could just be a sign that pit bulls have become more numerous."

    C’est donc possible ("not necessarily"; "could") selon Gladwell, qu’aucune race ne soit plus dangereuse, mais l’inverse n’est pas exclu.

    Dans votre billet, vous allez beaucoup plus loin, vous ne dites pas que les races dangereuses pourraient ne pas exister, mais que les races dangereuses n’existent pas.
    Là, j’avoue que j’ai de la peine à comprendre sur quoi vous vous basez pour faire une affirmation aussi catégorique.

    L’article montre que lorsqu’on étudie les attaques et morsures, la race n’apparaît pas comme un facteur déterminant lorsqu’on isole l’effet du plus grand nombre de chiens d’une certaine race.

  4. Passionnant article. Ceci dit, tout ce qu’il semble dire, c’est qu’utiliser le critère de la race du chien est une "généralisation instable", en pratique; les pitbulls ne seraient pas dangereux, juste à la mode chez les gros cons. On pourrait en déduire que précisément, dans ce cas, l’acharnement législatif a une certaine pertinence: si les gros cons ont tendance à acheter des pitbulls, comme il est difficile de légiférer sur les gros cons, on légifère sur les chiens qu’ils achètent. Le temps qu’ils se trouvent une autre mode, on peut espérer que le nombre de victimes baissera un peu. Comme mesure d’appoint, en plus du reste, ça se défend. C’est un peu la logique décrite pour la criminalité new yorkaise (le ciblage des quartiers). Il serait intéressant de connaître l’effet des interdictions de races là où elles ont été prises (en Angleterre, je crois).

    On pourra m’objecter l’anecdote des douanes, qui est dans l’article (excellente, d’ailleurs): mais ça n’est pas comparable, on peut changer les consignes qu’on donne aux douaniers, tandis que les gros cons se caractérisent précisément par le fait qu’ils n’écoutent pas les consignes, entre autres.

    Après, la seule mesure efficace consisterait à interdire tous les chiens. Mais je risque d’être tout seul à signer cette pétition. Le chantier est immense. Je vais commencer maintenant par un peu de pédagogie: les chiens, c’est nazi.

  5. En corollaire à la saillance de l’événement, de son aura médiatique et de ses conséquences législatives, on trouve le "lissage" ; ex de lissage :

    "l’immigration est un problème, mais il ne faut pas stigmatiser les étrangers"
    "il faut niveler les régimes de retraite, mais ne pas stigmatiser les cheminots"
    "il y a un phénomène de bande ethnique dans les banlieues, mais il ne faut pas stigmatiser les jeunes"
    "Il y a des chiens dangereux, mais il ne faut pas stigmatiser les propriétaires de chien (entendu sur France Info hier ce propos d’un responsable de la SPA)

    L’occurrence dans les discours des mots commençant par "stigmate" augmente avec le nombre de lois censées résoudre un problème de société.

  6. > l’article montre que la race du chien n’est pas un facteur déterminant

    1. Quand à moi, il me semble bien évident qu’un pit-bull est plus dangereux qu’un caniche. Il me semble également évident que peu ne partageront pas cette opinion.

    2. je ne vois pas très bien ce qui dans l’article de Gladwell s’apparente à une étude chiffrée… à part quelques statistiques réalisées dans un milieu où les pit-bulls sont interdits!

    3. que la race n’ait pas été prouvée comme un facteur déterminant ne nous autorise en rien à dire qu’elle ne l’est pas. H0 ne peut être prouvé, ce dont vous conviendrez j’espère.

    4. pourquoi ne pas regarder les chiffres et faire un chi2?

    1- oui, et il semble évident à plein de gens qu’un musulman barbu dans un avion est plus dangereux qu’un type en costume portant un attaché-case.  Mais une politique visant à interdire les musulmans barbus dans les avions ne réduit pas du tout le risque d’attentat.

    2- Ben relisez, alors.

    3- certes. Mais cela nous conduit à nous interroger sur des politiques publiques fondées sur des critères non pertinents.

    4- Avec tant de facteurs en jeu, un test du khi-deux ne montrera probablement rien de visible. A part des trucs évidents comme le fait qu’être mordu par un gros chien est plus dangereux qu’être mordu par un petit chien.

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