Petite leçon d’économie politique

Parfois, pour faire des leçons d’économie politique, il suffit de lire le journal.

Considérez la politique commerciale et le protectionnisme. L’accord multifibres, qui imposait des quotas limitant les importations dans les pays développés de textiles en provenance des pays en voie de développement, a fort heureusement cessé d’opérer depuis le premier janvier 2005.
Pourquoi heureusement? Parce que, comme le montre l’analyse économique, les quotas et limitations aux importations appauvrissent les consommateurs, au profit des producteurs nationaux. Mais le gain des producteurs ne compense pas la perte des consommateurs : il en résulte un coût global pour l’économie, qui est par ailleurs supporté pour l’essentiel par les consommateurs les plus modestes (qui subissent dans le cas des textiles de plein fouet les prix élevés des vêtements qui en découle). ceci est valide pour toutes les formes de protection; P. Messerlin a estimé qu’au total, le coût du protectionnisme en Europe correspond chaque année à 6-7% du PIB européen, ce qui correspond au PIB annuel de l’Espagne.
Dans le cas du textile, les coûts de l’accord multifibres étaient eux aussi énormes. Aux USA, Diverses études ont abouti à montrer que le coût pour la population de l’accord multifibres seul s’élevait à 10 milliards de dollars – 260 dollars par an et par ménage. Au total, la levée de ces barrières a certes pour effet dans les pays développés de réduire l’emploi dans des secteurs payant des salaires faibles et aux conditions de travail déplorables; mais en accroissant le revenu des ménages, cela permet l’essor de nouveaux emplois mieux rémunérés, l’effet final sur l’emploi est donc positif – et la levée de l’accord multifibres ne fait pas exception sur ce sujet.

Mais c’est là qu’intervient l’économie politique : si les gains de la levée des barrières douanières sont diffus et partagés par toute la population, les gains du protectionnisme, eux, sont concentrés vers quelques secteurs et quelques lobbys qui ont la possibilité de s’organiser pour maintenir la duperie qui les enrichit au détriment des autres. Les gouvernements corporatistes et des politiciens clientélistes ne manqueront pas d’être séduits par les arguments les plus vaseux ou nauséabonds de lobbys professionnels (qui ne manqueront pas de dire, au hasard, qu’ils crèent des emplois, ou que les produits étrangers sont nocifs pour la santé); c’est ainsi que l’on verra immanquablement les soi-disant protecteurs des pauvres adopter, pour satisfaire des intérêts particuliers, suivre le conseil du regretté Alphonse Allais et prendre l’argent là ou il est : chez les pauvres.

Alexandre Delaigue

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