
Il n’est un mystère pour personne que la France a quelques petits problèmes. Dette publique, problèmes identitaires, conflits armés en Europe, système éducatif, pauvreté, dynamique du pouvoir d’achat ou cambriolages dans les musées et j’en passe. C’est un fait, il y a des trucs qui ne sont pas satisfaisants.
C’est en écoutant des commentaires sur le casse du Louvre qu’un idée m’a brutalement percuté. J’écoutais ces éditorialistes et chroniqueurs mainstream, raisonnablement classables du centre gauche à la droite conservatrice classique. Ils surenchérissaient les uns après les autres sur la preuve définitive de la décadence de la France que représente ce forfait, qui s’attaque à ce que nous sommes profondément, qui montre l’incapacité de l’État à assurer quoi que ce soit, etc.
On peut disserter longuement sur ce qu’implique cet évènement. De même qu’on peut également argumenter à l’infini sur la faiblesse du gouvernement de la France depuis un certain temps. On est en droit de s’inquiéter de l’évolution de la dette publique et de toutes ces mécaniques économiques, politiques ou sociales qui sont gentiment grippées. Mais ce que je réalise subitement (cela mérite un mea culpa tellement c’est tardif) est que les discours dramatisants, à base de « déliquescence », « décadence », « toucher le fond » et autres « incurie » se multiplient dans les médias et sur les réseaux sociaux, développés et répétés avec constance par des commentateurs qui appartiennent normalement à la famille des démocrates libéraux. Et je crois que c’est un problème.
Quand on regarde ce qui se passe en Chine et en Russie, on constate que, outre évidemment par l’illibéralisme ou le totalitarisme, le pouvoir maintient en grande partie le peuple dans son giron grâce au sentiment de déclassement de la nation qu’il ressent (un fait dûment documenté par les géopolitologues). Un sentiment qui relève d’expériences pas forcément récentes. C’est la puissance perdue de l’URSS en Russie ou l’humiliation par l’Occident au XIXème siècle chez les Chinois, par exemple. Convoquer les bijoux du Louvre et asséner que c’est la preuve que tout fout l’camp me semble faire appel au même type de frustration.
Difficile de dire que ce type de manipulation est réservé aux dictatures. Donald Trump s’appuie également sur ces ressorts et en fait un slogan constant (MAGA). Alors voilà, je pose la question : se présenter comme membre du « camp de la raison » et adopter une partie de la rhétorique des populismes, en expliquant que tout est perdu dès que l’occasion se présente, n’est-ce pas se tirer une balle dans le pied ? Il suffirait de faire un petit montage vidéo de toutes ces sorties, avec – c’est exact – la plus grande malhonnêteté, de l’estampiller RN (voire LFI, mais c’est plus compliqué, les thèmes abordés sont souvent différents) et de le faire visionner à des gens. Je suis certain qu’ils ne tiqueraient pas.
Bien sûr, certains expliqueront que les commentateurs auxquels je me réfère ne sont que des affidés honteux de l’extrême droite qui avancent masqués, avec comme objectif de propager la parole réactionnaire, l’air de rien. Mon point de vue est qu’on doit pouvoir leur appliquer ce que Michel Rocard estimait valable pour les « grandes catastrophes publiques » : « toujours privilégier la connerie au complot ». Parce que, fondamentalement, je pense qu’ils ne s’en rendent pas compte.
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