On pourrait presque croire que j’ai rien à faire le dimanche

Questions qui me sont venues comme ça en revenant de la messe pendant mon deuxième café du jour.

Une béninoise mariée à un français décédé est menacée d’expulsion. Enième cas dérangeant d’application des lois sur l’immigration. Dans un élan sarkozien, je me suis demandé si cette multiplication de cas était statistiquement significative. Au fond, il y a toujours eu des cas de ce type. Quand les lois sur l’immigration sont appliquées avec plus de rigueur (comme c’est le cas actuellement, paraît-il), le nombre de dossiers traité est plus important et il est donc logique statistiquement que les affaires de ce genre soient plus nombreuses. Mais ces cas ont-ils augmenté en proportion des dossiers traités (en supposant qu’il y ait une loi de probabilité uniforme sur ces situations atypiques dans la population étrangère en france), plus que proportionnellement (parce que, par exemple, des gens qui ne se sentent pas naturellement concernés se font avoir plus facilement) ou moins que proportionnellement (mais sont plus volontiers médiatisés pour critiquer la politique du gouvernement) ? Je n’aurai probablement pas de réponse. Mais ça m’interroge.

Si demain, on laissait les chefs d’établissement scolaires recruter leurs enseignants, est-ce que, sans différenciation des salaires, on ne va pas réduire la mobilité ? Si on repartait de zéro, les choses seraient faciles. Les enseignants se répartiraient, d’une certaine façon, assez aléatoirement selon les établissements (en fait, sûrement pas, mais c’est une hypothèse pratique). Là, en dehors des mutations de pure convenance personnelle quant à la localisation géographique, qui bougera ? Mon idée, en fait, est la suivante : si les chefs d’établissement cherchent les bons enseignants (je ne sais pas trop comment on définit le bon enseignant, mais le système le sait, lui), ils vont essayer de garder ceux qu’ils considèrent ainsi. Avec une certaine aversion au risque et l’espoir que ce statut de bon leur permettra d’être choyé (par des gens qui ont clairement dit qu’ils les voulaient), qu’est-ce qui les pousserait à partir ailleurs ? Dans cette logique, le marché des profs en France serait composés d’une majorité de gens indésirables dans leurs établissements actuels au jour du changement de mode de recrutement et de quelques “bons” mutant de façon aléatoire. Si l’on estime que de nombreux enseignants veulent bouger, alors la situation pourrait se produire dans quelques temps, après une phase de réallocation. Bref, un sacré market for lemons en perspective. Evidemment, ceci n’est pas une opinion. En fait, la leçon principale n’est pas très originale : soit on change rien, soit on change très localement, soit on change complètement. Dans les deux derniers cas, il faut différencier les salaires ou les conditions de travail pour que ça marche.

Bon, je vais me prendre un troisième café.

9 Commentaires

  1. "je me suis demandé si cette multiplication de cas était statistiquement significative"

    bin en lisant les billets de maitre eolas et certaines interventions de chercheur (P Weil, C Withol de Werden), je pense qu’on peut décemment dire que il y a visiblement un certain nombre de choses dérangeantes dans ces lois

  2. Il me semble qu’il manque deux éléments dans ton raisonnement sur les profs

    D’abord la notion de bons ne correspond pas forcément à la même chose dans chaque établissement, pour des raisons "objectives" (faut il les mêmes qualités pour enseigner à Aubervilliers ou à Henri IV?) et d’autres liées aux décideurs (qui ne sont pas clonés et n’ont pas tous le même avis)

    Ensuite, de la même façon que les établissements cherchent les bons profs, les profs cherchent les bons établissements: là aussi, il n’y a pas que des bons établissements, ensuite cela varie dans le temps (par exemple quand le patron change) et tous les profs n’ont pas le même point de vue de ce qui est bon. Sans compter qu’à 40 ans, on ne cherche pas forcément la même chose qu’à 30

    Allez, va boire un quatrième café (ou pourquoi ne pas aller à la messe?)

    A propos de messe, il me semble que dans le privé les établissements peuvent choisir leurs profs: il serait interessant de voir ce que cela donne!

    Réponse de Stéphane Ménia
    Sur le privé, oublie. Tant que tu auras deux secteurs, ce sera biaisé à divers degrés. Tout n’est que partage de rentes. Dans un autre cadre, aux Etats-Unis (et dans quelques autres pays), la concurrence entre écoles n’a pas montré d’effets assez significatifs pour qu’on conclue. Au fond, sur ce sujet, je pense que le libre choix a des qualités, mais essentiellement quand le public continue à dominer. La valeur principale de l’enseignement privé repose sur la liberté des familles de faire ce qu’elles veulent. Les questions de performances relatives sont sans intérêt. En gros, s’il y a des gens qui pensent qu’une école privée est mieux pour leurs enfants, c’est une bonne chose qu’ils puissent y inscrire leurs enfants. Petit détail : tant que les enseignants des écoles privées sous contrat seront rémunérés par l’éducation nationale, on pourra s’interroger sur l’intérêt d’une évaluation de leurs perfs… Privées, mais pas trop.

  3. On peut aussi se demander ce qu’il advient quand les lois sont réformées à la lumières de cas exceptionnels montés en épingle.

    On peut aussi voir : amoureuxauban.net/

    @ Henri:
    Catherine Withol de Wenden (pas de Werden)
    P Weil : Patrick Weil je suppose.

    PS: Mes remarques d’"éditeur" peuvent être "éditées" i.e. coupées après usage éventuel 😉

  4. Sur la deuxième partie, je me suis toujours demandé pourquoi, dans quelques grandes organisations, on demande l’avis du supérieur hiérarchique pour les demandes de mutation interne.

    La règle est évidemment que le supérieur recommande toujours chaudement les éléments dont il souhaite se débarasser…

  5. @Gavilan : ce qu’il faut bien comprendre c’est qu’il n’y a rien à réformer, la décision du préfet est tout ce qu’il y a de plus légale. Ce dernier n’a fait qu’appliquer les dernières lois Sarkozy sur l’immigration (2006) . Brice Hortefeux a juste lu Le Monde et décidé par fait du prince de la laisser en France. Pour tous les autres qui sont dans la même situation, c’est au revoir et retour au pays. Jules explique cela plus en détail ici : dinersroom.free.fr/index….

    Comme dit Henri on peut décemment dire que ces nouvelles lois sont par bien des côtés absolument ignominieuses. Renvoyer quelqu’un parce que son époux est mort, enfin ! La France est-elle encore le pays des droits de l’homme ? Je voulais laisser l’émotion en dehors de ce commentaire, mais là, comment rester froid ? Même ce brave Brice Hortefeux a eu pitié en lisant son journal…

  6. @moktarama J’ai très bien compris, et également lu dinersroom sur le sujet. Mon commentaire étais sans doute trop laconique. mais ces empilements de lois, de réformes dopées à l’émotion populiste, ces décrets d’application qui ne sortent jamais, surtout quand la loi est libérale, ces circulaires où l’on somme les fonctionnaires de faire du chiffre et de ne pas se faire voir du mauvais côté de la ligne jaune, les larmes de crocodile sur Guy Moquet, les enfants déportés, les infirmières en Libye me débectent. On ne peut pas vouloir une politique de civilisation, on ne peut pas citer René Char ("Un mot et tout est gagné. Un mot et tout est perdu") et traiter d’"erreur manifeste d’appréciation" l’application exacte d’un texte inique. Quand par exemple on impose des visa de transit aéroportuaire pour l’essentiel des provenances où sévissent des guerres civiles et autres dictatures, on peut toujours ouvrir hypocritement les bras à quelques damnés de la terre médiatisés.

  7. @Gavilan : Ok, pardon pour le quiproquo, je suis tout a fait d’accord avec le billet 6. Le mensonge et la fausseté me paraissent également être les 2 mots qui resteront de cette première année de pouvoir. Ca c’est de la rupture avec Chirac !

  8. Oui, enfin…

    Il ne faut pas non plus charger Sarkozy de tous les maux de la terre. La politique de zéro immigré a été souhaité et mise en œuvre par tous les gouvernements depuis au moins 1983. Et cette politique est populaire. Même sur le blog d’Eolas, on trouve une bonne moitié de contributeurs qui essaye de trouver des raisons « cachées » à ces scandaleuses expulsions.

    Je vais rappeler la phrase de Rocard : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Bien sûr, il y en a une deuxième juste après : « mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part ». On peut la contextualiser en consultant par exemple : my.opera.com/pfelelep/blo…

    Il ne s’agit effectivement pas d’un appel à la xénophobie. Mais elle légitime tout naturellement le fait que la situation de la France se dégradant, elle soit de moins en mois en mesure d’accueillir des immigrés.

    Et elle occulte un l’apport économique essentiel de l’immigration. Ce qui viennent en France par des moyens détournés, sont de jeunes adultes, en bonne santé (il en faut pour passer 30 heures dans une barque en méditerranée) qui ne demandent qu’à travailler et à produire des richesses.

    Si la France a un problème avec l’émigration, c’est qu’elle ne voit celle-ci que sous l’angle humanitaire. Beaucoup de gens n’ont pas besoin qu’on les aide. Ils ont juste besoin de pouvoir travailler.

    Réponse de Stéphane Ménia
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