Excellente nouvelle : C’est Mohammed Younous, et la banque Grameen, qui obtiennent le prix Nobel de la paix 2006. Dans son dernier livre, William Easterly racontait la vie de Younous (ma traduction) :
Mohammed Younous, du Bangla Desh, le fondateur de la banque Grameen et le principal inventeur des systèmes de microcrédit, n’a pas commencé sa carrière avec pour objectif de fournir du crédit aux pauvres. Comme le professeur Bill Duggan, de Columbia, le raconte, Younous a commencé avec la certitude que la révolution verte, et l’irrigation, étaient la réponse à la pauvreté au Bangla Desh. Sa thèse de doctorat à l’Université Vanderbilt était intitulée “Allocation optimale de réservoirs d’eau multi-usages : un modèle avec programmation dynamique”. Sa première tentative pour aider les pauvres a été de promouvoir l’usage de réservoirs en plastique pendant la saison sèche pour que les agriculteurs puissent avoir deux récoltes par an. Younous accorda un prêt à des fermiers, sur son propre argent, pour financer l’opération. Les agriculteurs obtinrent une bonne récolte. Ironiquement pour l’inventeur de l’idée selon laquelle les pauvres peuvent avoir un faible risque de crédit, les fermiers ne l’ont pas totalement remboursé, et au total, il perdit de l’argent.
Mais il persista, visitant le plus de villages possibles dans les campagnes, pour comprendre comment être utile. Un jour, il rencontra une femme, nommée Sufiya Begum, qui fabriquait des tabourets en bambou. Begum gagnait la misérable somme de 2 cents par tabouret, principalement parce qu’un prêteur local lui imposait un taux d’intérêt très élevé (120% par an) pour lui avancer l’argent du bambou. Younous réalisa que des prêts de très petit montant, pour des gens très pauvres, pouvaient faire une énorme différence dans leurs vies. Au contraire des idées reçues de son temps, il réalisa que les pauvres avaient une énorme demande de crédit non satisfaite. Il expérimenta, et constata que les emprunteurs du microcrédit remboursaient les prêts, pour avoir la possibilité d’obtenir d’autres prêts plus tard, et à cause de la pression sociale d’autres emprunteurs de microcrédit. Son premier prêt fut pour Sufiya Gegum, qui lança une affaire de colportage avec succès, au lieu de continuer de fabriquer des tabourets en bambou. Il y avait une énorme demande pour ce genre de prêts, et la banque Grameen devint la légende qu’elle est aujourd’hui, avec des imitateurs partout dans le monde. Younous était un chercheur.
Le microcrédit n’est pas la panacée à la pauvreté que certains crurent après la découverte de Younous. Il y a déjà eu des désillusions vis à vis du microcrédit, à qui l’on a fait porter un peu trop d’espoirs. Le microcrédit n’a pas tout résolu; il a simplement apporté une solution à un problème particulier, dans des circonstances particulières – le manque d’accès des pauvres au crédit, sauf par des prêteurs pratiquant des taux usuraires.
Mohammed Younous a écrit sa biographie, un livre paraît-il remarquable (dans ma to-read list depuis longtemps). Voici Marginal Revolution sur Younous et le micro-crédit (suivre les liens, tous très intéressants). Younous est économiste, mais n’aurait jamais – et c’est bien dommage – pu recevoir le prix Nobel d’économie. Sa récompense est une excellente nouvelle.
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YES! Excellente nouvelle en effet. La Grameen Bank est une formidable initiative, et l’autobiographie de Yunus est un TRES BON livre. Evidemment, les nombreuses études académiques sur la Grameen bank et (le microcrédit en général) soulignent souvent plusieurs défauts ou points à améliorer, et aussi que le microcrédit n’est pas une panacée, mais ces discussions n’enlèvent absolument rien au fabuleux travail de Yunus et ses pairs.
Certains reprochent aussi parfois une dépendance des emprunteuses aux prêts. En effet, certaines emprunteuses sont à Grameen depuis 20 ans, mais franchement, ayant rencontré plusieurs d’entre elles, je ne pense pas que ce soit forcément un problème en soi. Celles qui ne réussissent pas, au contraire, tendent à sortir du système (elle ne voient pas leurs prêts renouvelés, ou abandonnent), un problème qu’une évolution récente de Grameen a d’ailleurs tenté de résoudre (voir "Grameen II" sur leur site) en introduisant plus de flexibilité si nécessaire.
Celles qui sont là depuis 20 ans le font car elles investissent dans de nouveaux projets, plus importants (au départ, c’est pour acheter une chèvre ou deux, et 20 ans plus tard, elles achètent un taxi à leur mari par exemple). De plus, les services bancaires de Grameen ont évolué (comptes épargne, etc.). Bref, Grameen, c’est leur banque et elles lui font confiance.
Enfin, il faut savoir que Yunus et Grameen, ce n’est pas seulement la banque de microcrédit. Plusieurs entreprises "soeurs" one été créees: énergies renouvelables, téléphonie mobile dans les villages, téléphonie mobile commerciale au Bangladesh (Grameen Phone, sponsor de l’équipe nationale de Cricket d’ailleurs!), Internet, Education, Santé, production textile pour l’export, et j’en oublie peut-être en route.
Bref, toutes ces initiatives correspondent à une partie de la vision de Yunus et de quelques personnages importants à Grameen.
Un simple petit tour sur le site web de Grameen vous en apprendra non seulement sur la Banque mais aussi sur toutes ces "sister companies": voir les liens grameen family sur http://www.grameen-info.org/
On sait bien que ce n’est pas le type de travail récompensé par le prix nobel d’économie (ce n’est pas le but), même si certains peuvent le souhaiter. Mais franchement, selon moi, il est bien mieux pour Yunus et Grameen d’avoir obtenu le prix nobel de la paix, plutôt que le prix nobel d’économie. Le premier a bien plus d’impact positif en termes de reconnaissance auprès du grand public. Et puis avec un peu de malchance, le deuxième aurait pu avoir l’effet inverse de discréditer Grameen, avec tous les préjugés sur le prix lui même et les économistes en général.
Ah oui, aussi A NE PAS MANQUER: l’interview par téléphone de Yunus par le site web du prix nobel, avec les premières minutes du journaliste (Adam Smith!) qui galère un peu pour obtenir Muhammad Yunus au bout du fil! C’est génial qu’ils aient laissé cette partie là du coup de fil, qui sent merveilleusement bon ce pays très attachant qu’est le Bangladesh. A écouter ici:
nobelprize.org/nobel_priz…
Le microcrédit semble une bonne arme contre la pauvreté.
Cependant, il repose sur deux principes qui en font un outil extrêmement libéral :
1) Individualisation des solutions : seuls les individus assez forts pour créer une microentreprise bénéficient d’un prêt. Pas de solidarité dans le développement à ce stade.
2) Principe du prêt solvable : à la différence des programmes d’aides nationaux (dont les limites sont connues : détournement, saupoudrage et cible souvent mal définie…), seuls ceux qui présentent un potentiel de gain et donc de solvabilité reçoivent une aide à la création.
Le libéralisme vecteur de paix et de développement ? POurquoi pas. Mais pas seulement.
YR
Le microcrédit résoud un problème précis, et rien d’autre. En faire une panacée universelle, c’est oublier que les panacées universelles n’existent pas.
Voilà quelqu’un qui le mérite.
Ca me réconcilie avec le prix Nobel de la paix.
Bonjour,
Je voulais dire déjà un grand merci à Alexandre et ses collègues virtuels pour la qualité et l’intérêt de leur site. On y trouve un condensé objectif de l’actualité économique qu’on ne trouve que trop rarement ! Et merci pour les traduction de docs anglais, tout le monde n’a pas le temps ni les capacités pr le faire ! lol
Cela étant dit, pour revenir au sujet, je me suis étonné au debut quand j’ai su que c’etait cet indien, Mohammed Younous, qui avait le prix Nobel de la PAIX : les micro crédits se rapprochent + de l’économie.
Mais en prenant du recul, chose TRES importante en ce qui concerne l’actualité, ce nouveau système de développement contribue a la stabilisation d’un pays, de son émancipation et indépendance économique.
La misère ou sous-développement, on le voit encore bcp trop en Afrique, est source de conflits, d’émigrations massives, de désordre social, etc…
De ce constat, ne pouvons-nous pas, nous pays développés, contribuer à sortir les nombreux pays pauvres de la misère ??
Les nombreuses entités humanitaires soignent les plaies de ces pays, mais il faudrait de réelles volontés politiques pour aller plus loin et aider ces pays à s’auto-gérer progressivement.
Alors qu’encore bien souvent, nous assistons à un développement barbare comme en Chine ou tous ne va pas si bien… quand on voit les millions de paysans désoeuvrés aux portes des banlieues industrielles des grandes villes !!
Sujet à développer et approfondir, évidemment … !!
Q’en pensez-vous ??
Ps : en réaction à « YR », on ne peut pas imputer au système de micro-crédit d’apporter de l’eau au moulin du libéralisme !!
C’est avant tout un système de développement dans toute société ! On peut faire des micro-entreprises à plusieurs et cela à pour but de vivre dignement du fruit de son travail, rien a voir donc avec les multinationales capitalisant des milliards en bourses.
Un peu de lucidité, svp… lol
Arnaud Deggardin, alias Benny 1664 !
"on ne peut pas imputer au système de micro-crédit d’apporter de l’eau au moulin du libéralisme !!"
Si, pour les deux raisons évoquées plus haut : individualisme et prêt aux solvables. Le microcrédit n’aide pas les plus pauvres, mais seulement les pauvres qui ont encore la ressource de créer quelquechose qui pourra leur permettre de rembourser leur microdette.
"rien a voir donc avec les multinationales capitalisant des milliards en bourses."
Le libéralisme économique, ce n’est pas les multinationales, les milliards et la bourse. Ce sont des systèmes fondés sur la liberté des individus, le libre échange, l’économie de marché et l’initiative privée. Exactement ce que finance le microcrédit !
A+
YR
Merci de me répondre YR,
Mais si comme tu le dis, le liberalisme est fondé sur la libeerté de la personne, l’initiative privé, le libre échange et le marché, alors VIVE le LIBERALISME !! Pourquoi cracherdans la soupe ???
Alors je ne fais pas l’apologie de l’ultra-libéralisme, mais un liberalisme raisonné et encadré par des règles politiques me semble etre LA bonne voie !
Don’t you think ??
AD : "c’est oublier que les panacées universelles n’existent pas."
Euh… Même pas le Ricard ?
SM : non. Certains ont plutôt besoin du 51.
Ce soir, sur Arte, j’ai vu le reportage sur le micro-crédit au Bangla Desh.
Mohammed Younous,l’initiateur et la banque Grameen, est pragmatique dans son raisonnement. Et sa démarche pour prêter de l’argent ne relève en rien du mescenat !
– Rigueur dans le choix des projets, et des personnes… qui vont êtres financées !
– Responsabiliser les emprunteurs, les faire obéir à des règles de vie empreintes de bonne gestion et de rigueur. C’est un contrat très précis, où rien n’ai laissé au hasard !
En les formant, et en les suivant régulièrement.
la banque Grameen finance à 50/50 les hommes et les femmes : Une bonne tranche de démocratie… via la banque, je crois que c’est du jamais vu !
Sinon, il est clair que ça fonctionne, et que, la pauvreté recule…
Ce que votre banquier ne saurait vous imposer, en France, ça existe au Bangla Desh, et tout le monde y trouve son compte : Le banquier qui prête à 20 %, et les emprunteurs qui en redemandent !
Un prix nobel mérité pour Mohammed Younous,
nous sommes d’accord !
Je félicite Mr Mohammed Younous pour le système de microcrédit qui fonctinne très bien. Je souhaite avoir des contacts avec des personnes ressources du système de la Grameen Banque afin d’échanger avec eux pour la mise en place de tel système de microcrédit dans les villages d’une commune rurale. Nous avons une association "BAIRAIKAN" en abrégé ABK, qui a travers ses fonds propres venant des cotisations des membres et des dons de certains parténaires souhaite créer un système de microcrédit en faveur de la femme. Ceci est ma 2ème correspondance à l’adresse de Mr. mohammed Younous et la banque Grameen, je souhaite une reaction de votre part.
Merci!
BS