Lundi, bonnes lectures

Quelques lectures intéressantes du jour.

Pierre-Yves Geoffard constate dans Libération que la planification centralisée appliquée aux Velib produit… ce que la planification centralisée produit bien souvent : des pénuries et des excédents, en l’occurence des bornes Velib pleines et des bornes Velib vides (j’ai lu quelque part, je ne me souviens plus où, le témoignage d’une personne qui avait vu quelqu’un mettre un antivol le soir sur son Velib à la borne, pour le récupérer le lendemain matin…). Geoffard propose de remplacer la planification par un mécanisme de prix décentralisé, consistant à rémunérer les utilisateurs qui déposent leur velib sur une borne vide, ou en prennent un sur une borne pleine, et pénaliser ceux qui vident les bornes déjà vides et remplissent les bornes pleines.

Une excellente idée, mais qui suscite immanquablement des commentaires critiques de la part des lecteurs, qui disent péremptoirement « cela va être opaque et compliqué »! Erreur funeste. C’est la réalité qui est opaque et compliquée, et c’est pour cela qu’il faut un système de prix. Actuellement l’information sur les besoins en vélib est perdue, et les tentatives centralisées pour l’obtenir inefficaces; Un utilisateur qui prend un vélib sur une borne presque vide impose un préjudice aux autres utilisateurs, mais sans le savoir. Un système de prix est un moyen d’apporter des informations aux utilisateurs, pour faire en sorte que cette information soit traitée de façon décentralisée, là ou elle est efficace. Et c’est aussi ce qui est le plus difficile à comprendre; C’est l’apport de Hayek d’avoir identifié cela, dans ce qui restera à mon avis comme son article le plus profond, qui devrait être une lecture obligatoire pour tous les économistes et leurs étudiants.

Dans le FT d’aujourd’hui et sur son blog, Wolgang Munchau nous annonce l’échec des réformes allemandes Hartz IV sur l’assurance-chômage. Rappelons que ces réformes visaient à faire en sorte d’inciter les chômeurs à reprendre une activité en réduisant leur temps d’indemnisation chômage à taux plein. La légende française sur le sujet, complaisamment répandue par journalistes et politiques, est que ces « courageuses » réformes ont permis à l’Allemagne de repartir de l’avant, et nous montrent la voie à suivre. Munchau invite à la prudence : ces réformes, en fait, ne fonctionnent pas, et ne sont pour pratiquement rien dans la reprise allemande, qui tient surtout à la croissance dans les pays vers lesquels l’Allemagne exporte, et à une modération salariale qui s’est décidée à l’intérieur des entreprises exportatrices.

Les réformes Hartz IV n’ont pas fonctionné parce qu’il ne suffit pas d’inciter les chômeurs à reprendre une activité pour que magiquement, le chômage se réduise. Imposer des contraintes de retour à l’activité des chômeurs ne fonctionne qu’en présence d’un système efficace de formation des chômeurs, et pour les chômeurs âgés d’incitations pour les entreprises à les recruter – un résultat assez largement documenté. Surtout, réformer le fonctionnement du marché du travail sans se préoccuper préalablement des problèmes de concurrence sur le marché des biens, ou sur celui des capitaux, ne fonctionne pas. Au total, les allemands ont le sentiment d’avoir été dupés, et veulent revenir sur Hartz IV : c’est parfaitement compréhensible. Gageons que cette leçon sera totalement négligée de tous nos grands fanatiques de la réforme pour la réforme.

28 Commentaires

  1. J’ai peut-être lu rapidement, mais pour moi ces articles (ceux sur Hartz IV) remettent en cause une partie de l’effet des réformes, celle qui concerne les séniors, et déplore qu’elles ne soient pas allées de pair avec une dérégulation des services et davantage de formation. Donc, que les réformes ne sont pas allées assez loin. Le tout en disant qu’on arrive au terme des réformes en Europe. Je ne comprends pas très bien.

    Par ailleurs, les mesures évoquées sur l’emploi des séniors, celles sur la flexibilité et sur la formation sont au coeur des réformes actuellement en négociations en France.

    Je ne vois pas très bien donc où veut en venir l’auteur. Il me manque sans doute la connaissance du contexte allemand.

    Son argument c’est que le soutien politique envers les réformes n’est plus là, parce que les réformes ont été mal menées; on a cru qu’il suffisait de réformer le marché du travail pour inciter les gens à retravailler. Il ne suffit pas de vouloir « faire des réformes » : la façon dont elles sont menées est très importante; et maintenant en Europe, il est peu probable qu’il y ait un fort mouvement vers les réformes dans les pays d’Europe qui en ont besoin, parce qu’en Italie, c’est bloqué, en France, ça va vite bloquer, et en Allemagne, c’est fini.

  2. Franchement, les considérations sur Vélib’ me font bien marrer – c’est déjà ça notez! A se demander si celui qui a pondu ces idées "usine à gaz" est un utilisateur de Vélib’ ? Pourquoi ne pas ajouter dans les critères de prix la pente de la rue des Martyrs, le sens et l’intensité du vent ? A vos calculettes.

  3. Ne peut-on en conclure que Velib tel qu’il est deviendra la plus belle incitation pour les abonnés Velib à s’acheter leur vélo ?

    Ce qui aurait pour conséquence intéressante de limiter les frais d’entretien de l’infrastructure (tout en creusant le déficit, qui sera de toute façon financé), ce qui a son propre intérêt, vu la difficulté de créer ce type d’infrastructure dans une capitale nationale.

    Le peu que ça aura coûté aurait finalement sans doute été bien plus mal employé dans une campagne de promotion du vélo à Paris.

  4. Le prix modulé existe déjà. Le tarif de location par 1/2h est progressif en fonction du temps de location : 1ère 1/2 gratuite, 2ème 1/2h à 1€, 3ème 1/2 à 2€, 1/2 suivantes à 4€, afin d’inciter les usagers à ne pas garder les vélibs trop longtemps. Donc l’idée proposée ne me semble pas plus usine à gaz que le système actuel, qui nécessite d’ailleurs une escouade de camionnettes roulant… au gaz 😉

  5. Sur Velib, je laisse un commentaire ici (que PYG et AD m’en excusent, mais la médiocrité moyenne des commentateurs du journal libératoire m’y incite…). PYG propose un mécanisme de prix pour allouer les ressources rares. On pourrait néanmoins faire une analogie avec la liquidité d’un marché financier : on peut l’améliorer par des microstructures, par exemple des teneurs de marché. Ici, les teneurs de marché pourraient être de jeunes gens/filles aux jarrets robustes, rémunéré/es par la Ville de Paris pour déplacer les vélos des bornes surchargées vers les bornes désaffectées. P.S. N’ayant pas la chance (?) d’être parisienne, je me demande d’ailleurs comment s’opère la maintenance vélocipédique (crevaison, déraillement, usure des patins…) ? Ne pourrait-on pas coupler maintenance et fonction de teneur de marché ?

    Peut-être. Ce genre de « faiseur de marchés » peut apparaître spontanément s’il y a rémunération.

  6. @Pierre S. : c’est aller un peu vite en besogne cette affirmation. Les tarifs appliqués par Vélib’ sont fixes, clairs et pas aléatoires. Ajouter des paramètres "inconnus", (variables) comme la disponibilité des vélos (ou la pluie et le soleil) en ferait une vraie usine à gaz, votre amalgame n’est pas correct. Qu’il pleuve ou qu’il vente, je sais ce que ja vais payer à Vélib’ !

  7. Donc
    le but, si on incite les gens à ne pas prendre de vélo sur une borne pleine, c’est
    qu’il y ait toujours au moins un vélo sur cette borne ?

    Ou que si quelqu’un prend le dernier vélib d’une borne pleine, il ne le fasse que si cela en vaut la peine.

  8. Didier > Je crois qu’on n’a pas compris de la même manière l’article. Ce que j’ai compris, c’est qu’il ne s’agit pas de créer un comité de planification qui définirait les prix à chaque borne heure par heure, dans le but illusoire de supprimer tout déséquilibre ; il s’agit simplement de mettre en place un mécanisme d’incitation financière, connu par avance, afin d’atténuer les déséquilibres.
    Par exemple, je donne des chiffres au pif, gain de 1€ quand on prend un velib dans une borne pleine à plus de 80%, taxe de 1€ quand on le prend à une borne vide à plus de 80%. Puis, gain de 1€ si on le dépose à une borne vide à plus de 80%, taxe de 1€ si on le dépose à une borne pleine à plus de 80%.

  9. Je crois cependant que votre argumentaire laisse de côté un élément important : l’objectif des "réformes" concernant l’assurance chômage est aussi de fournir une main d’oeuvre docile à une industrie par ailleurs contrainte de cesser de recourir à la main d’oeuvre immigrée, mais qui, en l’absence de concurrence réelle de par la nature de son activité, n’a aucune incitation pour essayer de réduire la pénibilité des taches qu’elle impose à ses salariés.

    En Allemagne comme en France.

    Sauf que même cela n’a pas fonctionné. C’est bien gentil d’accroître la main d’oeuvre disponible pour les entreprises, sauf si les entreprises ne sont pas interessées par ladite main d’oeuvre. Ce qui est le cas pour les salariés âgés qui ont fait l’objet de la réforme.

  10. @Pierre S. : merci de ces précisions. Mais quelle curieuse façon de voir les choses que de toujours les moduler ! Ma position, peut être simpliste, est la suivante : je suis abonné à un service. J’attends que ce service me soit rendu quelques soient les conditions. Pourquoi serai-je "pénaliser" par une somme supplemnetaire si je prends le dernier vélo disponible à une station ? Et je me moque bien de l’avantge que je pourrais avoir a en prendre un à une station pleine. Ce que je veux c’est un vélo.
    L’abonnement à Canal + devrait il être proportionnel à l’audience des émissions ? A ct égard, le nouveau système de tarification de la SNCF est chqoant car le service rendu entre paris et Bordeaux est le même pour qu’elqu’un qui voyage, que sa réservation ait été faite depuis 2 mois ou la veille di départ, le service est le même, j’insiste.

  11. La comparaison avec Canal+ n’est pas bonne car il ne s’agit pas du même type de bien. Une émission de télévision est non-exclusive, c’est à dire que sa consommation par quelqu’un ne gêne pas sa consommation par un autre, à l’inverse d’un vélo.
    Dans le cas du vélib, vous n’êtes pas tout seul, tous les usagers subiraient la tarification modulée. Et la diminution des pénuries de vélos ou des pénuries de places libres permise par le mécanisme d’incitation vous serait in fine profitable.
    Et puis, outre le mécanisme d’incitation, le système de prix modulés me parait plus juste. En effet, le système de transfert des vélibs des bornes pleines vers les bornes vides par des camionnettes a un coût, inclut dans le prix de location. Actuellement, quel que soit le comportement de l’usager, il paye pour les camionnettes. Or, il me semble normal que les usagers qui font beaucoup travailler les camionnettes doivent payer plus que ceux qui les font peu travailler. Vous raisonnez à juste titre comme un consommateur de service, mais précisément, avec le système de prix modulés vous payerez un tarif correspondant au service consommé : peu si vous consommez uniquement la location d’un vélib, un peu plus si vous consommez la location d’un vélib + le service de régulation.

  12. Ce que je comprends dans votre système, c’est que l’utilisateur quand il choisirait de contracter (en prenant un vélo) ne connaitrait pas par avance le prix qu’il aurait à payer (dépendant du remplissage des parkings dans le secteur de Paris où il se rend).

    Comme consommateur, de ma propre expérience, ce genre d’indétermination (même lorsqu’elle porte sur des sommes extrêmement faibles) me dissuade totalement de consommer – les clauses des compagnies aériennes qui autoriseraient de répercuter partiellement sur le client le risque d’augmentation du prix du kérozène sont un élément important dans mon goût pour le train. Donc pour une partie des consommateurs (j’ignore si elle est significative) le coût de l’indétermination du prix pourrait être suffisamment prohibitif pour les dissuader.

    Cette dissuasion n’est pas grave, dans la mesure ou celui qui utilise un velib fait supporter une incertitude aux autres utilisateurs, en limitant leur possibilité d’y accéder s’il n’utilise que des bornes très demandées. Si un utilisateur renonce à cet usage, il laisse des velibs disponibles pour ceux qui en ont besoin et sont prêts à payer le coût qu’ils font supporter aux autres utilisateurs. C’est une façon de rendre l’usage des velibs efficaces.

  13. merci Pierre S. de ces explications très claires. Ne prenez pas mal ce que je vais vous dire mais j’interprète votre idée comme "pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?" C’est une boutade mais franchement, je consomme un service. Pourquoi tout ce qui rend le service opérable (y inclus la régulation des flux) ne peut il pas être compris dans le prix ? Je suis sûr que l’ "excellente" maison Decaux sait intégrer tous ces paramètres dans son modèle économique et je suis sûr aussi qu’il ne manque pas de bons mathématiciens pour gérer les flux de vélos par des méthodes statistiques appropriées, type Bison Futé !
    Enfin, cette approche strictement économique d’un problème physique (répartition des vélos) me parait être un gros défaut de nos sociétés qui ne pensent qu’à l’argent moteur des comportements individuels. Ne peut-on en sortir ? Naïveté, peut être.

  14. Le système de prix modulés est effectivement moins simple qu’un tarif unique pour ce qui est de la tarification, mais il est censé réduire les complications engendrées par le système actuel. Actuellement, vous avez une tarification simple mais devez subir des tas de complications : renoncer à prendre un vélib quand vous êtes devant une borne vide pour un moyen de transport de deuxième choix moins pratique, perdre du temps à chercher une borne libre quand vous voulez le garer, et payer pour un service de régulation dont vous n’avez pas nécessairement besoin. Le mécanisme d’incitation, s’il compliquerait un peu la tarification, simplifierait beaucoup le fonctionnement du système.

    Une solution possible serait de multiplier le nombre de camionnettes en circulation, et de les piloter grâce à un comité de planification qui collectant l’information. C’est le système que vous semblez défendre.
    Le premier problème qui se pose c’est que s’il est possible de connaître à tout instant le taux de remplissage des bornes, le point d’arrivée des vélibs en circulation n’est connu que de l’usager qui pédale dessus, ce qui génère une incertitude pour le planificateur. On peut certes extrapoler à partir de données statistiques, faire des estimations, mais sans que celles-ci soient parfaites. En tout état de cause, on tombe dans l’usine à gaz que vous dénonciez précédemment.
    Ensuite, réguler un service censé réduire la pollution et la circulation automobile urbaine au moyen exclusif de patrouilles permanentes de camionnettes dans les rues de Paris va à l’encontre du but recherché.
    Enfin, cela entraînerait une hausse des tarifs pour tout les usagers, y compris pour ceux qui seraient tout disposés à contribuer eux-mêmes au service de régulation. Est-ce juste ? Le prix modulé, à l’inverse, offre le choix à l’usager : soit vous ne répondez pas aux incitations, auquel cas le système est aussi simple pour vous qu’en l’absence de modulation, mais vous payez plus, comme ce serait le cas de toutes façons si on imposait à tout le monde de ne pas participer à la régulation (en ne mettant pas en place le système d’incitation et en régulant le système exclusivement par des camionnettes et une équipe de mathématiciens) ; soit vous décidez de répondre aux incitations quand vous le pouvez ou voulez, ce qui vous fait gagner de l’argent et ce qui participe à la bonne régulation du système.

    "Enfin, cette approche strictement économique d’un problème physique (répartition des vélos) me parait être un gros défaut de nos sociétés qui ne pensent qu’à l’argent moteur des comportements individuels. Ne peut-on en sortir ? Naïveté, peut être."

    On peut jouer sur les mots, mais l’allocation de ressources rares (les vélibs) à des points de distribution en fonction de l’offre de places et de la demande de vélib n’est pas qu’un problème physique, c’est aussi un problème économique. Et quel que soit le système de régulation, il faut le financer. Quant aux incitations, elles ne sont pas que financières ; elles peuvent être aussi morales ou sociales, et les économistes le savent (cf. l’excellent "Freakonomics" de S. Levitt, dont vous pouvez lire la note de lecture sur le site). Mais dans le cas du vélib, je ne vois pas très bien quelles incitations morales ou sociales pourraient être mises en place.

  15. Didier: c’est la réalité, c’est à dire, l’ensemble des facteurs à considérer qui est complexe : le système de prix n’est qu’un élément : si vous refusez de faire gérer une partie de la complexité du problème par le système de prix, vous observerez des aléas sur la disponibilité et la qualité du service. Par contre, vous pouvez espérer (sans en être certain…) qu’il existe un système de prix sans doute assez complexe qui vous garantira un service simple (c’est à dire en gros sûr et fiable).

    Prenons un exemple extrême : en matière de transport, le transport avec le système de prix le plus simple est l’auto-stop : le prix est invariablement nul, le service rendu particulièrement aléatoire. à l’opposé, vous avez la voiture particulière : un moyen de transport qui rend un service simple et fiable, du moins, si vous acceptez de souscrire à un système de prix particulièrement complexe (contrats de maintenance à clauses en tiroir, coûts particulièrement variables et imprévisibles de tels ou tels éléments, etc.). Bien sûr, vous me direz qu’il existe un système à prix simple et service simpel qu’est le taxi : c’est oublier qu’il y a derrière chaque taxi un "entrepreneur" qui se paye la complexité des coûts à votre place.

    Le progrès, c’est quand on abaisse la complexité globale du système rendant le service le plus efficacement : le progrès peut donc, dans certains cas, se traduire par une complexification du système de prix, en contrepartie d’une simplification/fiabilisation radicale du service rendu.

  16. le système proposé de régulation par les prix a selon moi le désavantage de favoriser ceux qui ont une "propension plus forte à payer pour ce service", manière joliment euphémistique de nommer les riches.
    juste une remarque au passage pour rappeler que tout est politique. la technocratie n’est qu’une illusion…

    Je crois que les vrais riches à Paris peuvent se payer un taxi… Par ailleurs si l’on veut éviter ce problème, il est très simple de transformer la rémunération en crédit-temps; dans ce cas il s’agit d’une redistribution de ceux qui ont le temps vers ceux qui ne l’ont pas. Ou alors, d’accorder à chaque parisien un crédit forfaitaire. C’est un principe de base : si vous voulez redistribuer, il faut redistribuer; mais si vous le faites en choisissant des systèmes inefficients, vous n’aurez ni redistribution, ni efficacité. Oui, il y a toujours une dimension politique dans ce genre de choix : mais ils ne se limitent pas à Rosa Luxembourg pour les nuls.

  17. Pierre: Interdiriez-vous aux riches de se payer des hélicoptères, voire, des chaises à porteurs en bois d’Afrique portées par vingt danseuses nues décorées d’ivoire escortées de dix-huit lions pour se déplacer dans Paris alors qu’ils en ont les moyens ?

  18. Je remercie Pierre S. et Passant de leurs commentaires. Je pense que nous avons une différence très fondamentale dans la manière d’aborder la question, question (les Velib’) qui certes n’est pas majeure mais très significative sur les différences qui existent aujourd’hui dans notre société pour traiter les problèmes. Ne prenez pas mal Messieurs ce que je vais dire mais je suis frappé de voir tant d’intelligence au service de la complication et non de la simplification, le tout forcement dans un environnement économique prioritaire, approche que je refute absolument.

  19. L’existence même de Velib’ est une complication et un embarras par rapport à l’existant : car, après tout, nulle loi en France n’a jamais interdit à qui le souhaitait d’acheter (ou de louer) un vélo, et parfois, pour un montant inférieur à celui de la première carte d’abonnement Velib.

    Quel est donc le besoin auquel la complication des transports parisiens créée par la création de Velib répondait, déjà ?

    Gâcher autant d’argent à souhaiter construire ex-cathedra une telle infrastructure, bien municipale, avec un beau nom, des partenaires industriels et surtout une bonne couverture presse me semble plus relever d’arrières-pensées idéologiques et politiques que d’un raisonnement à la recherche du bien commun. Et qu’on ne dise pas que "ça n’a rien coûté grâce à la publicité" : nous sommes sur un blog d’économistes.

    Il aurait certainement été possible d’employer l’argent pour créer par exemple de simples parkings à vélo, aussi sophistiqués que nécessaire pour bien dépenser tout le budget, mais sans doute cela n’aurait-il pas été visible en troisième tiers de mandat municipal.

  20. Franchement, j’hallucine un peu à la vue du débat sur les vélib’s. La tarification flexible est effectivement la bonne réponse théorique à tout ça, mais il me semble qu’on oublie une chose importante : les vélibs ont été créés peu chers pour inciter à l’utilisation des vélos contre la voiture.
    Une tarification variable, pour être efficace, impliquerait qu’elle soit très progressive vu la faiblesse des prix de départ, qui sont suventionnés. D’abord, il est clair que pour les bonifications (je prends mon vélo là où personne ne vient), et on tomberait très très rapidement dans la subvention. Dès lors, on s’approche à mon avis de l’usine à gaz (quid du touriste qui ne reviendra pas?).
    Si, pour que ce soit vraiment incitatif, il faut que le dernier vélo soit très cher (et donc pas que lui, l’avant dernier aussi, mais un peu moins, puis l’ante pénultième…), on sort totalement du but d’incitation à l’utilisation des vélos , et on risque tout simplement d’inciter les gens à reprendre leur voiture.
    Enfin, dans le cas d’une forte progressivité du prix, l’argument lié à l’incertitude du prix devient important.

    Bref, j’imagine plutôt que dans chaque station vélib, on devrait pouvoir observer le taux de remplissage, en temps réel bien sûr, des 5 cinq stations les plus proches.
    Ca réduirait de beaucoup la gêne pour ceux qui arrivent à une station vide. Si la leur est souvent vide, et celle de l’autre côté de chez eux souvent pleine, ils finiront par se rendre directement à la seconde, tous seuls.

    Enfin, puisqu’on veut subventionner le vélo dans paris, il faut mettre les moyens pour que les grands flux soient rééquilibrés rapidement.
    Les camionettes servent à ça, et elles feront de mieux en mieux leur travail avec le temps, quand ils auront suffisemment de données pour connaître bien ces flux (peu de recul jusqu’ici, l’utilisation en août, en septembre et en mai ne sera jamais la même ….)

    Bref, il me semble qu’avant de demander aux prix de donner de l’information dans un service subventionné, on peut chercher d’autres moyens de faire circuler l’information.

  21. "Bref, il me semble qu’avant de demander aux prix de donner de l’information dans un service subventionné, on peut chercher d’autres moyens de faire circuler l’information. "

    à priori, lorsqu’un urbain se déplace, en vélib ou non, c’est bien plus souvent pour recevoir ou transmettre de l’information ou de l’information matérialisée que pour toute autre raison : le transport du corps de l’intéressé étant plus souvent une conséquence seconde du choix de méthode pour rendre le service à rendre qu’un but en soit, surtout sur un Velib sur lequel on ne peut ni faire ses courses, ni aller chercher ses enfants à l’école.

    Donc, s’il existait une méthode simple pour faire circuler l’information, les parisiens n’auraient que fort peu besoin de se déplacer.

    Donc, un système de prix, ce n’est pas si idiot que ça, puisque s’il existait un moyen simple (et socialiement acceptable) de faire circuler l’information dans la société, il n’y aurait pas besoin pour les usagers de Velib de se déplacer dans Paris.

  22. Le succès du Vélib est dû à sa simplicité.
    Je paie 30 € par an pour avoir un vélo "gratuit" partout quand j’en ai envie.

    Si vous modifiez la promesse, vous perdez vos clients.
    La recherche de simplicité est une constante de toutes les ofres de services
    actuelles (regardez les telecoms: tout evolue vers du flat rate).
    Pour employer un langage micréconomique, il y a un coût de complexité dans
    un système de prix qui est souvent supérieur au surcroit d’efficacité
    economique qu’il entraine.

    L’objectif du Velib est de rendre l’acces au vélo plus facile
    Sur le fond, un argument qui souligne que l’on va augmenter l’usage du vélo
    en le rendant plus coûteux me parait vicié à la base.

    Donc il faut au moins restituer le gain aux utilisateurs, par ex. en donnant de
    l’argent à ceux qui ramenent les velos dans des bases vides
    Mais c’est peut-être très insiffisant:
    – d’abord parce que les niveaux de prix necessaires sont peut-être non
    rentables (combien faut il payer qqn pour qu’il retourne à son boulot en velo
    à 20 H ?)
    – ensuite à cause du cout de complexité evoqué plus haut

    Bref, ce Geoffard, encore un economiste qui va donner du grain à moudre à
    attali…

  23. @ Passant

    C’est plutôt votre commentaire qui est orienté politiquement.
    Le succès de l’opération, dans cette ville comme dans d’autres, montre bien
    qu’il y avait un besoin non satisfait par le marché
    Il est au contraire très probable que si cette solution a attendu le XXIème
    siècle pour voir le jour, c’est que des arguments idéologiques s’y opposaient.

    Le problème du vélo à Paris, ce n’est pas le prix du vélo, c’est le risque de vol
    et l’absence d’endroit pour le ranger, en particulier la nuit.

    Si vous ne créez pas un vélo non volable et collectif (pour augmenter son
    taux de rotation et diminuer le nombre de parking nécessaire), vous n’avez
    pas de solution, en tout cas dans une ville dense comme Paris.

  24. Un argument que je n’ai pas lu au fil de cette passionante discussion : quel laboratoire pour l’expérimentation sur les effets des incitations ! Avec la collaboration de l’exploitant, l’économiste-chercheur maîtriserait parfaitement les paramètres, non ? A ce propos, quelqu’un pourrait indiquer une étude sur les incitations fondée sur une activité "in vivo" de ce type ? Car j’ai bien cru lire ou comprendre que certains n’avaient aucun doute sur la réussite d’un tel système de prix modulés …

    FD.
    Traiteur à Paris – http://www.chezgros.com

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