L’Espagne se prépare à voter une loi limitant drastiquement les possibilités d’avortement. Quand on a lu Freakonomics et qu’on a un regard froid et calculateur sur le monde, on doit mettre en avant les travaux de John Donohue et Steven Levitt, mettant en relation le niveau de criminalité et la légalisation de l’avortement. Selon les auteurs, il existe un
“lien favorable entre le droit à l’avortement et la baisse de criminalité. Laisser les femmes choisir d’enfanter ou non réduit le nombre d’enfants non souhaités et plus délaissés. Ce sont justement eux qui deviennent souvent des délinquants.”
(Tiré de notre courte question-réponse sur la criminalité)
Les travaux de Donohue et Levitt ont été critiqués. Levitt y a répondu. Quoi qu’il en soit, la thèse me semble devoir faire partie de l’argumentaire pro-IVG…
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OK. Alors s’il faut prendre en compte la criminalité potentielle, à ce compte-là, autant rétablir la peine de mort et l’appliquer vraiment, notamment sur les récidivistes, ça fera des coûts en moins pour la société.
Pas de soucis pour avoir un raisonnement économique sur un problème éthique, mais autant aller jusqu’au bout alors.
Les travaux du même Levitt font plus que mettre en doute l’efficacité de la peine de mort en matière d’incitations.
Ah je ne parle pas en termes d’incitations, mais plutôt en termes de coûts directs pour la société (cout de l’emprisonnement plus ou moins à perpétuité, etc)
Sinon, je sais que je suis un méchant réac, mais c’est vraiment indispensable le Jolly Roger à côté de mon pseudo ? Et bravo pour le boulot de remise à niveau du site.
Ah mais, la question est bien de savoir comment éviter de fabriquer des criminels, pour lesquels il faudra se demander quoi en faire… Ben, le Jolly Roger, vous pouvez le supprimer en choisissant votre avatar perso. Ce qui nécessite de créer un compte, si j’ai bien tout suivi. Je ne vous cache pas que c’est un peu le but incitatif 😉
En même temps, avec cette logique…
On peut se débarrasser de tous ceux dont l’environnement familial est jugé criminogène, stériliser les parents (ça s’est fait), leur retirer les enfants (ça aussi), etc.
Cette approche me parait un peu trop froidement calculatrice…
(j’ai lu Freakonomics)
Comme facteur criminogène, je mettrait plutôt une politique militariste, qui ramène des jeunes brisés par la guerre, ayant déjà tué à de nombreuses reprises, etc.
Autocitation : “la thèse me semble devoir faire partie de l’argumentaire pro-IVG…”
Sans vouloir remettre en doute la validité des travaux de Levitt, comment arrive-t-il à isoler une cause, ici la légalisation de l’avortement, des autres causes possibles de la baisse de la délinquance ? Je pense notamment à cet article sur Mother Jones qui présente comme principale cause de baisse de la délinquance l’interdiction de l’essence sans plomb : http://www.motherjones.com/environment/2013/01/lead-crime-link-gasoline
J’avoue ne pas avoir lu jusqu’au bout l’article de Levitt et sa défense à ses détracteurs, mais ils sont tous les deux antérieurs à cet article de Mother Jones et des travaux présentés. Existe-t-il des études qui tiendraient compte des deux effets ? Voire d’autres ?
Je ne connaissais pas ces travaux. C’est intéressant, en effet. Les deux méthodologies me semblent très proches. Sur la façon d’isoler, pour une cause potentielle, on observe la corrélation, on évalue si le décalage dans le temps ou dans l’espace (villes ou États) est cohérent avec l’évolution de la criminalité. Donohue et Levitt ont également fonctionné sur la base de dates différentes d’entrée en vigueur de la législation selon les États et ont eux aussi obtenu des résultats confirmant leur hypothèse au niveau international. Rien ne me permet de dire que le plomb n’était pas une variable manquante de leur modèle. De même que Levitt et Donohue trouvent une contribution positive pour d’autres éléments tels que la hausse des effectifs policiers ou le recul du marché du crack, on peut effectivement imaginer que le plomb a joué. En revanche, contrairement à la thèse de la légalisation, on peut imaginer une causalité inversée. L’article de MJ n’est pas très clair à certains moments sur les l’usage des corrélations retenues (ou je n’ai pas été assez attentif). C’est peut-être dans les endroits criminels qu’il y a le plus de plomb (pour x raisons) et non pas parce qu’il y a plus de plombs qu’il y a plus de criminels. Pour la légalisation de l’avortement, difficile de dire que la criminalité ait eu un impact sur la légalisation. Il faudrait voir de plus près les articles sur le plomb. Parce qu’un des points essentiels est la corrélation entre comportement déviant et plomb (ce sont des études de toubibs, il semble qu’on y voit des choses parfois surprenantes de légèreté économétrique). Si ça ne tient pas, alors tout est compromis. Vous me direz, à ma connaissance, il n’y a guère qu’une intuition qui établisse que les femmes ayant eu une grossesse contrainte s’occupent moins bien de leurs enfants.
1. “Children resulting from unintended pregnancies are more likely to be abused or neglected.[96][97] ”
http://en.wikipedia.org/wiki/Child_abuse
reference notamment:
http://www.aafp.org/afp/1999/0315/p1577.html#sec-3
2. La reponse de Levitt indique clairement a mon sens que les critiques supposant une erreur de traitement de la variable du crack ne tiennent pas la route: leurs hypotheses ne sont pas verifiées et les recalculs de Levitt soit en corrigeant pour l effet du crack soit en utilisant d autres sources de données qu on lui reprochait d avoir ignorés donnent les memes resultats.
3. Les programmes de prevention des grossesses et prevention des abus familiaux, qui peuvent toutes avoir un effet, n ont de memoire changé aux USA qu apres les correlations avec l avortement ( cfr Redirect, de T. Wilson)
Merci!