Les chiffres de Pole emploi des demandeurs d’emplois en fin de mois pour le mois d’août ont été publiés. Et ils ne sont pas bons.
On ne présente plus les spécificités du calcul du chômage chez Pole emploi. À l’instant t, il repose sur le décompte administratif des inscrits, classés en plusieurs catégories, distinguant leur occupation effective (d’aucun travail dans le mois à quelques heures, en passant par une occupation temporaire, comme une formation). En dynamique, il peut être modifié par des changements de règles administratives et légales, parfois passagères, telles que la rigueur des contrôles effectués (qui peuvent être synonyme de radiation), les modalités d’indemnisation ou ou autres incitations à s’inscrire comme demandeur d’emploi (réduisant ou accroissant le nombre d’inscrits, selon le cas). Certaines “variations saisonnières” l’impactent aussi, mois après mois, sans grande signification globale (travail saisonnier, évènements exceptionnels, etc.). Mais bon, c’est vrai, c’est aussi un indicateur mensuel qui est utile au pilotage des politiques publiques, d’un point de vue administratif et comptable. Les chiffres donnés par l’INSEE, tous les trois mois, reposent sur une méthodologie différente, basée sur l’enquête emploi, considérant qu’un chômeur n’est pas quelqu’un qui remplit un formulaire administratif ou non, et pointe tous les mois, mais un individu sans emploi, qui en cherche et peut en occuper un rapidement. En d’autres termes, un actif qui ne réussit pas à être employé. Les deux chiffres sont toujours différents. Mais leur divergence en tendance doit conduire à privilégier celui de l’INSEE pour juger de la réalité du chômage. Le graphique suivant, tiré de Trois débats économiques, montre que, dans l’ensemble, si Pole emploi enregistre toujours plus de chômeurs, l’évolution des deux décomptes suit le plus souvent la même pente.
Le plus souvent, mais pas toujours. Or, comme le montre ce petit tableau tiré de ce billet de l’OFCE, depuis un an, l’écart entre l’évaluation de l’INSEE et de Pole emploi a des airs de divergence notable. Alors que Pole emploi évalue une quasi stagnation, l’INSEE avance une baisse au delà de 100 000 chômeurs.
La prise en compte du chiffre INSEE est encore plus utile quand on évalue le taux de chômage (nombre de chômeurs sur population active), puisque ce taux est passé de 10,3% à 9,6% en une année (France métropolitaine). Pas de quoi s’affoler, mais un début d’inflexion qui, comme le souligne l’OFCE, ne fait que traduire le fait que, de façon objective, “ça va moins mal” depuis que l’activité a légèrement repris en France.
Mon propos n’est cependant pas de faire preuve d’un optimisme béat ou de préparer la réélection de François Hollande. Au contraire, au sujet du gouvernement, j’observe que les chiffres du chômage sont un calvaire sans fin. Je m’explique. D’abord, l’INSEE précisant qu’il existe une marge d’erreur de +/-0,3 point pour les chiffres trimestriels, on est tenté de rentrer les cotillons. Ensuite, peut-être suis-je sujet à un biais dans le sillage de celui qui me semble à l’oeuvre, mais j’ai quand même l’impression que pour nos gouvernants en place, les chiffres du chômage ont un air de “Pile, je perds ; face tu gagnes”. Quand Pole emploi annonce une baisse notable des catégories A, les commentaires sont “Oui, mais les catégories B et C ont crû, il y a eu un grand nombre d’entrées en formation, les radiations ont dû être supérieures, etc”. En revanche, lorsque les chiffres sont mauvais, on ne trouve guère que l’argument “Il faut évaluer la variation sur une plus longue période”. Et là, hum… les raisons d’excuser la politique de l’emploi sont résumées par quelque chose comme “Sur un an, malgré tout, le nombre de chômeurs baisse de 0,3%”. Chiffre cruel. Le gouvernement est coincé. Il a trop longtemps, pour des raisons diverses (de bonnes, de moins bonnes), utilisé le baromètre de Pole emploi comme outil de communication. Plus personne ne l’écoute tous les trois mois, lorsqu’il commente les chiffres de l’INSEE. Certes, Michel Sapin essaie encore parfois. Mais, techniquement parlant, tout le monde s’en fout. Il a pérennisé la grand messe du 26 du mois. Même si la tendance favorable présentée par l’INSEE se prolongeait, je doute que le président en place puisse en tirer partie. Il existe probablement un biais psychologique fort qui dramatise les hausses et atténue les baisses. Je laisse aux socio-psychologues le soin de l’expliquer, mais on peut raisonnablement penser que des années de hausse, suivies d’une très légère embellie (rythmée par des rechutes) ne peuvent effacer les inquiétudes et une réalité : entre 2,8 et 3,5 millions de chômeurs. Peu importe si, comme le rappelle avec malice le petit tableau de l’OFCE au dessus, la hausse du chômage a été bien plus importante sous le quinquennat précédent, selon la mesure BIT, et qu’elle sera sûrement supérieure selon Pole emploi aussi. Les jeux sont largement faits, sauf variation spectaculaire, assez improbable, des statistiques de l’emploi.
La conclusion de tout cela est que, comme certains l’annoncent depuis un moment, les élections présidentielles ne se décideront pas énormément sur le plan économique, peu de candidats ayant intérêt à aller jouer sur ce terrain très mouvant.
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