Les retraites : un problème sans solution

Versac lance Retraites2007, un blog qui traite de la question des retraites dans la campagne électorale. Une bonne initiative, et l’occasion de s’interroger sur quelques éléments sur le sujet.

Le débat sur les retraites est vite agaçant, parce qu’il se transforme facilement en querelle de principe (ah, les grands débats sur la capitalisation et la répartition…) qui ne mènent à rien. Voici une façon de le caractériser qui permet dans une large mesure de faire abstraction de ces querelles. Fondamentalement, la question des retraites naît de l’évolution démographique. La hausse de l’espérance de vie et la diminution de la natalité conduisent mécaniquement à une augmentation du nombre et de la proportion des personnes âgées dans le pays. Un instrument utile pour mesurer cela est le ratio de dépendance : le rapport entre le nombre de personnes en âge de travailler (15-64 ans) et le nombre de personnes en dehors de cet âge (en dessous de 15 et au dessus de 65). Ce ratio est voué à diminuer dans les pays développés d’ici à 2050. Dans quelle mesure?

Il y a deux ans, l’ONU avait consacré un rapport à ce sujet, en s’interrogeant sur le nombre de migrants nécessaires à combler le “déficit démographique” des pays développés. Le vieillissement de la population et la diminution de la natalité vont réduire la population et le nombre d’actifs; en imaginant que cela soit comblé par les flux migratoires, quelle doit être l’ampleur de ces flux?

Supposons que la France souhaite maintenir sa population constante d’ici à 2050. Cela implique d’accueillir d’ici là 1.5 millions de migrants, soit 27 000 par an. Ce chiffre est inférieur aux entrées de migrants moyennes des années 90. Pour l’Union Européenne, cela représente 863 000 migrants par an, soit moins que les entrées actuelles.

Mais maintenir la population constante n’est pas suffisant en termes de retraites, puisque cela ne compenserait pas la diminution du nombre des personnes en âge de travailler. Pour maintenir ce nombre constant, il faudrait en France 5.5 millions de migrants d’ici 2050, soit 99 000 par an, ce qui reste raisonnable. Néanmoins, la hausse de l’espérance de vie fait que cela ne modifierait pas beaucoup l’évolution du ratio de dépendance; d’environ 5 aujourd’hui (5 personnes en âge de travailler pour une personne en dehors de cet âge) il passerait à 2.5 (soit 2.5 actifs pour un inactif, sachant que tous les actifs ne travaillent pas). Si l’on veut maintenir le ratio de dépendance français à son niveau de 1995, il faut d’ici 2050 94 millions d’immigrants, soit 1.7 millions par an. La population française passerait en 50 ans à 160 millions d’habitants. A titre de référence, il y a en gros 800 000 naissances par an en France.

Je le répète : ces chiffres sont indépendants de la nature du système de retraite, des régimes spéciaux, de la croissance économique, de quoi que ce soit d’autre. Aucune variation de natalité ne le modifiera autrement qu’à la marge. Si l’on veut chercher une base, elle est là. Il paraît que 83% des français s’inquiètent pour leur retraite : la seule chose que l’on peut se dire, c’est que les 17% d’autres ne sont probablement pas informés. Qu’en conclure?

– tout d’abord, il paraît que certains candidats à la présidentielle présentent l’immigration comme l’un des facteurs les plus menaçants envers le pacte social français. Ils ont raison : si l’immigration n’augmente pas dans des proportions significatives en France, le pacte social va avoir du mal à tenir. Mais soyons justes : même une immigration accrue ne fera pas autre chose que lisser un peu le problème. Après tout, si la population française augmentait dans les proportions indiquées, cela ne ferait que déplacer le problème, car tous ces nouveaux arrivants finiraient par prendre leur retraite à leur tour. Je vous laisse le soin d’imaginer la nouvelle croissance exponentielle de la population qu’il faudrait pour compenser.

– L’argument immédiat consiste à dire que d’ici 2050, la France connaîtra une croissance économique. Certes, on peut l’espérer. Mais compter sur la croissance économique signifie que les actifs d’ici 2050 produiront environ 2.5 fois plus qu’aujourd’hui, mais que leur rémunération n’augmentera pas ou peu, parce que l’essentiel de leurs gains serait capté par les retraites et les frais annexes (comme les dépenses de santé). Certes, ils auraient au bout du compte le même pouvoir d’achat qu’aujourd’hui. Pour donner un ordre d’idées, le salaire minimum du début des années 70 correspond au RMI d’aujourd’hui, à pouvoir d’achat constant. Cela signifie donc que d’ici 2050, les gens qui touchent le salaire minimum deviendraient RMIstes. Quand on voit actuellement les conséquences sur le climat social de 5 ans de croissance faible du pouvoir d’achat en France, on peut douter de ce que cela se passe sans explosion sociale.

– Ajoutons qu’il n’est pas du tout certain dans ces conditions que la croissance reste identique. Malcolm Gladwell avait cité récemment des travaux montrant que le ratio de dépendance était un très bon prédicteur de la croissance. La très forte croissance irlandaise récente s’expliquerait ainsi principalement par un ratio de dépendance favorable.

– Passons sur les solutions du genre “il faut faire payer les profits”, argument qui repose sur une mauvaise lecture de la répartition capital-travail. In fine cela ne fait qu’élever les coûts de production et ramène au même point.

– Passons aussi sur “il n’y a qu’à créer des fonds de pension”. cela ne résoud en rien une question démographique qui se pose pour tous les pays, quel que soit leur système de retraite. Dans un système par répartition, on prélève sur les actifs; dans un système par capitalisation la sortie en rentes des actifs accumulés nécessite que les actifs les achètent à leur tour… Donc on fait aussi payer les actifs.

– reste donc la seule possibilité : la solution est une combinaison de hausse de l’âge de la retraite, de hausse des cotisations, et de baisse des pensions. La seule question qui vaille est de savoir quelle répartition de cette charge sera acceptable. Et pour être honnête, personne ne peut savoir quel compromis sera accepté. Après tout, si les salariés modifient leurs préférences intertemporelles et raisonnent sur leur revenu total tout au long de la vie dès le début, ils pourront peut-être accepter d’élever leur productivité sans hausse de salaire. Peut-être choisiront-ils d’épargner plus. Peut-être que l’inactivité des seniors sera vécue par eux comme tellement insupportable que spontanément, ceux-ci voudront élever leur taux d’activité, amenuisant leur demande de pensions. Peut-être que les gens décideront massivement que vivre au delà d’un certain âge n’a pas d’intérêt si c’est pour être totalement dépendant. En bref, c’est toute la société qui va devoir changer.

– Mais personne ne peut avoir une idée de la façon dont ces compromis vont s’établir. C’est pour cela que se poser dès aujourd’hui la question de la “réforme des retraites” ne mène pas très loin. Ce n’est pas au cours des 5 prochaines années que des choses fondamentales seront décidées, ne fût-ce que parce que les politiques qui proposent aux gens de se serrer la ceinture tout de suite pour de toute façon se la serrer dans 50 ans, mais un peu moins, n’ont strictement aucune chance d’être écoutés. L’essentiel des débats et des programmes, d’ailleurs, n’y fait pas allusion mais se concentre sur des questions secondaires d’équité, de lutte contre la pauvreté, ou de simple clientélisme électoral. Comme dans beaucoup de domaines, c’est de la société qu’émergera l’issue du problème, pas de la politique.

Alexandre Delaigue

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16 Commentaires

  1. Et la dette? Dans son rapport, Michel Pébereau estimait les engagements de l’Etat en termes de retraites de fonctionnaires à 800Md€. De quoi s’agit-il? De la valeur actuelle des pensions promises.

    On s’entend parfois répondre "ce n’est pas une dette" car elle ne sera jamais payée, et car les cotisations futures sont censées équilibrer ces pensions. Chiche! Imaginez qu’on dise aux fonctionnaires en question : vous avez cotisé (virtuellement, mais on va faire comme si) mais on ne va pas vous payer. L’Etat n’a pas de véritable engagement à votre égard. C’est ridicule! Ces futurs retraités considèrent qu’ils ont une créance parce qu’ils ont cotisé, et ils ont raison, même si ils ne savent pas vraiment de quel montant est leur créance sur l’Etat. Réponse du rapport Pébereau : 800Md€.

    Mais pourquoi arrêter le raisonnement aux fonctionnaires? Le même raisonnement s’applique à la Sécu et aux régimes de retraites du privé. Puisque les salariés actuels et passés du privé ont cotisé, ils détiennent une créance sur la Sécu. Etant donné qu’ils sont 4 fois plus nombreux que les fonctionnaires, mettons que cette créance soit de 4×800=3200Md€. Cela nous fait donc une dette totale – public et privé – de 4000Md€ soit plus de 2 ans de PIB. Bon…

    Cela n’a rien de choquant en soi, c’est la nature du système par répartition. Il s’agit juste d’avoir des ordres de grandeur. Maintenant on se pose une troisième question : quel était le montant de cette dette en 1945? Réponse, en gros : zéro!

    C’est là que ça devient choquant. En 60 ans, nos systèmes de retraites ont produit un déficit cumulé de 2 ans de PIB. La raison est très simple et n’a rien à voir avec le vieillissement ou l’immigration. La totalité des cotisations a été distribuée aux retraités d’hier, même si ils avaient relativement peu cotisé eux-mêmes, et rien n’a été mis de côté pour faire face aux engagements importants qui étaient pris vis-à-vis des retraités de demain. Il y a eu un transfert de richesses, sans contrepartie, des retraités d’hier vers les retraités de demain, d’un montant de 2 ans de PIB.

    Imaginez un peu qu’on vous prenne deux ans de salaire, charges salariales et patronales comprises, pour les donner à votre grand-père. Pas glop! Eh bien, au lieu d’employer cette méthode brutale pour "résoudre" le problème des retraites, il y a une façon beaucoup plus subtile, un tour de passe-passe qu’on voudrait faire gober aux salariés d’aujourd’hui mais qui revient exactement à donner deux ans de salaire à votre grand-père. Cette "solution" c’est que nous allons devoir cotiser plus, plus longtemps, et toucher une retraite plus faible que nos aînés à cotisations égales. Pour le justifier, on nous explique que c’est la faute au vieillissement, à la démographie, à la faible immigration etc. C’est faux, je répète que le déficit cumulé de deux ans de PIB n’a rien à voir avec ces facteurs. Ce qui est vrai, en revanche, c’est que pour éviter le drame humain que serait l’effondrement complet de notre système, nous allons probablement devoir avaler cette pilule amère, qu’on le veuille ou non. Il n’y a pas d’autre solution, on vous dit! Je vous crois, hélas…

    Voilà pour le coup de gueule 😉 Donc j’aimerais bien savoir si il y a du vrai dans ce raisonnement. Merci!

    La valeur des engagements de retraite constitue une créance des futurs inactifs sur les futurs actifs. C’est en cela que c’est une dette mais que ce n’est pas une dette “de la France”. La question, c’est ou est l’alternative? En l’absence d’un système de redistribution, je pourrais dire “je ne dois rien à mes parents, je ne leur ai pas demandé de me faire naître, je ne dois pas m’en occuper”. Ce qui serait à la fois odieux et grotesque. Un système de retraites, quel qu’il soit, est une façon d’organiser un devoir de solidarité naturel.
    Et cela n’a aucun rapport avec le débat “répartition-capitalisation”. Celui qui capitalise gagne lui aussi un droit à rente viagère sur les actifs, payé sous forme de rachat de biens capitaux et de versement des intérêts des actifs vers les inactifs. La différence n’est que de statut, mais fondamentalement, c’est exactement la même chose. Et avec les mêmes conséquences : si les inactifs vendent leurs biens à des actifs insuffisamment nombreux du fait du changement démographique, le prix de ces biens plonge (ou on oblige les actifs à les payer cher). Donc votre raisonnement oublie que fondamentalement, le problème naît de la démographie, un point c’est tout. Tout est inscrit dans le ratio de dépendance.

  2. Je crois que vous négligez un peu le rôle de la politique: le niveau des cotisations est fixé à l’Assemnlée nationale, de même que l’âge légal, et aussi l’évolution des retraites…
    On peut se dire que les volontés des citoyens finiront par trouver un aboutissement au parlement, mais on peut en dire autant de tous les sujets. Sans compter qu’en plus l’état du système dans 50 ans dépendra du chemin suivi (comme on dit en thermodynamique) et des retouches successives pendant ces 50 ans.
    Quant au fait d’échanger du revenu maintenant contre du revenu dans 40 ou 45 ans, il faut quand même être certain que le système perdurera durablement (au moins 60 ans, je pense). Si le système ne montre pas de signes de consolidation dès maintenant, je ne vois pas bien pourquoi accepter…

    Il est évident que la politique va jouer un rôle. Ce que je voulais dire c’est que les compromis sociaux apparaîtront progressivement, et que de ce point de vue, présenter les choses sous la forme de “la réforme qui va résoudre le problème des retraites” est absurde et nocif. Une telle réforme n’existe pas et vouloir “tout résoudre maintenant” serait nuisible.

  3. Bien d’accord avec ce billet
    A noter que l’âge de fin de carrière (voir le rapport sur l’emploi à l’horizon 2015 ou mon blog) est actuellement de 58 ans et 3 mois dans notre pays, ce qui fait que le rapport de dépendance réel est très différent des chiffres indiqués et fait déjà peser un poids important sur les actifs
    Dans un commentaire sur le site lancè par Versac, j’ai calculé qu’à cotisations égales, on pouvait toucher une pension mensuelle de 863 euros si on partait à 58 ans, de 1000 euros pour un départ à 60 ans et de 1167 euros pour un départ à 62 ans, soit un gain de 37% pour un report de 4 ans (mes calculs reposent sur une hypothèse de 40 ans de cotisations pour un départ à 60 ans et de 20 ans d’espèrance de vie de retraite. Si l’espérance de vie de retraite est plus faible, les écarts augmentent et inversement)
    Si on laissait un tel choix à tous les français, la solution au problème émergerait peut être mieux, pour reprendre tes termes
    A noter qu’un tel choix suppose qu’on accepte de garder les seniors au travail ou de les embaucher, ce qui n’est pas gagné. Le retour au plein emploi est en réalité une condition préalable à un réel report de l’âge de fin de carrière et donc à une réponse réaliste au problè:e des retraites: c’est en effet à la société de choisir comment elle arbitre entre hausse des cotisations, report de l’âge de départ et baisse des pensions, mais je ne crois pas qu’on echappera à un report de l’âge de départ, ce qui est ouvert c’est de combien

    Oui, on n’y échappera probablement pas. Mais le moment ou cette hausse interviendra et la façon dont elle se fera constituera une façon de répartir la charge entre les générations.

  4. Merci pour cette petite synthèse judicieuse. J’avoue être fasciné par l’article de P. A. Samuelson de 1958 sur les générations imbriquées et qui, sauf erreur, aide à comprendre pourquoi répartition et capitalisation sont équivalentes en régime de croisière. Si vous décidez un jour d’écrire une fiche de lecture sur cet article fascinant, d’avance merci !

    Elles sont équivalentes si le taux de croissance de l’économie est égal au taux d’intérêt à long terme. Ce qui normalement devrait être le cas, sauf que c’est en moyenne sur longue période. Actuellement le taux d’intérêt est supérieur à la croissance ce qui pousserait vers la capitalisation.

  5. Bigre ! Heureusement que je suis rentier. Je m’interroge quand même sur votre conclusion. N’excluez-vous pas un peu vite toute ponction sur les revenus des capitaux au nom de l’impact négatif sur la croissance ? Le bon niveau de rémunération du capital, au delà des considérations historiques, n’est-il pas largement soumis aux règles de la compétition internationale ? Pour parler clair, ce niveau ne pourrait-il pas être plus bas, sans impact réel sur la croissance, si on ne subissait pas la concurrence des pays qui ont choisi de rémunérer davantage le capital pour attirer investisseurs et talents ? Si tout le monde s’entendait pour taxer le capital à un niveau légèrement supérieur, y caurait-il moins de croissance globale dans le monde ? En tant qu’ancien entrepreneur, me serais-je moins impliqué si au lieu de me ponctionner 26% de mes plus values, on m’en avait ponctionné 35% ? Bref, n’est-ce pas aussi une voie complémentaire à considérer, en plus de la hausse de l’âge de la retraite, au moins à égalité avec l’augmentation des cotisations ?

    Ce n’est pas la compétition mondiale pour les capitaux qui fait la croissance mais les incitations individuelles à investir. Si vous augmentez la fiscalité sur le capital alors que la productivité du travail et du capital restent inchangées, au total on utilisera moins de l’un et l’autre des facteurs. Donc on produira moins.

  6. Lorsque vous dites qu’il ne sert a rien de se poser la question des reformes des retraites, je le comprend a l’echelle de la societe en lisant votre article. Mais a titre individuel, cela peut avoir une importance, non ? Ce que je veux dire, c’est que l’individu aura tendance a se comporter differement (vis a vis de l’epargne par exemple) selon ce qu’il croit etre l’evolution du systeme de retraite futur, non ?

    Oui, bien évidemment. c’est d’ailleurs en grande partie ce qui explique les comportements d’épargne des français. L’inquiétude sur les systèmes de retraites les pousse à fortement épargner dans des produits “défensifs” comme l’immobilier, au détriment d’actifs plus rentables mais plus risqués.

  7. J’ai quelques questions probablement tres naives : imaginons qu’il y ait le plein emploi en France. Quel serait l’impact sur le financement des retraites ? A peu pres nul ?
    Sinon, si la population (active ou non) augmente, n’y a-t-il pas mecaniquement aussi croissance economique (il faut bien que cette population se nourrisse et travaille) ? Cette croissance "automatique" est-elle quantifiable ?

    C’est pour cela que j’ai fait référence au ratio de dépendance, qui est purement démographique et indépendant de la question du chômage. Moins il y a de gens entre 15 et 64 ans qui travaillent, plus le problème est important : mais même si tous travaillaient (ce qui n’est pas souhaitable) le problème resterait énorme. Le chômage ne fait qu’aggraver un problème déjà considérable en soi.
    Et si la population augmente, non, il n’y a pas mécaniquement croissance économique si c’est une population inactive qui augmente. Si c’est une population active, oui, cela augmente, et oui, c’est quantifiable. C’est ce qu’on appelle la décomposition de la croissance. Celle-ci provient du travail, du capital, et d’un “résidu” (technologique, qui correspond à 80% du total en gros…) donc si la quantité de travail augmente, cela élève la croissance. en gros, un point d’actifs en plus “produit” deux points de PIB en plus.

  8. Je n’ai aucun problème avec vous sauf sur le dernier point ou vous opinez que nul ne peut avoir idée de la facon dont le compromis va s’établir.

    Pourquoi ne préparer tout de suite une réforme dont l’objectif serait une retraite a la carte et qui pourrait rentrer en vigueur sur les 10 ou 15 prochaines années ou suivant toute autre formule qui permettra a chacun de s’organiser?

    La retraite reposerait sur deux piliers, l’un obligatoire, ou la collectivité garantirait un revenu minimal a un age donné (disons 65ans), de quoi éviter que les individus imprévoyants ne se retrouvent a la charge de la collectivité (disons 0.9 SMIC) lorsque la bise fut venu, et l’autre facultatif ou chacun en fonction de ses préférences contribuerait vers une retraite complémentaire non obligatoire ce qui lui permettrait en fonction des ses objectifs propres de partir plus tot ou plus tard, avec plus ou moins de revenu.

    cette solution génère un aléa moral énorme. Premièrement, les gens estiment mal l’avenir et risquent d’épargner insuffisamment. Ensuite certains sont victimes d’accidents de vie. Considérez par exemple le cadre qui doit consacrer toute son épargne aux soins d’un enfant handicapé. Serait-il acceptable qu’ensuite il soit réduit à ne vivre qu’avec 0.9 Smic? Des cas comme ceux-là, il y en aura des tonnes. Et dedans, des gens simplement incapables de prévoir l’avenir (au bout du compte, on fait quoi?) et des gens qui en profiteront pour obtenir plus.
    Et de toute façon, vous aurez beau épargner tant que vous voudrez, s’il y a peu de gens pour racheter vos actifs à la fin, vous êtes gros-jean comme devant. Le problème, répétons-le encore, est un problème d’évolution du ratio de dépendance, totalement indépendant du système de retraite choisi.

  9. La Sécu dispose d’un monopole qui lui confère un pouvoir énorme. Sur les quatre régimes vieillesse, maladie, chômage et famille, elle brasse plus du quart du PIB. Avec l’aide de la loi, de la justice, et de la police si nécessaire, elle peut prélever les cotisations sociales, verser les pensions, décider qui paie combien et qui reçoit quoi. Et elle a un système de gouvernance… no comment.

    Alors si, au bout de 60 ans, on découvre que ce système a abouti à transférer sans contrepartie 2 ans de PIB d’une partie de la population à autre partie, ce n’est qu’à moitié une surprise. Et je ne crois pas que ce transfert soit dû un problème technique de démographie, de pyramide des âges, ou d’immigration. La raison profonde est donnée dans ces lignes de Dos Passos (The grand design) :

    We learned. There are things we learned to do but we have not learned how to put power over the lives of men into the hands of one man and to make him use it wisely.

    Vous avez décidé d’être à côté de la plaque. Les conséquences du vieillissement de la population se posent PARTOUT, quel que soit le système de retraite ou de protection sociale, parce qu’il est lié à un phénomène indépendant qui est le vieillissement de la population. Lisez donc le rapport de l’ONU, vous y trouverez cela.

    Cela dit, vous ne faites que traduire un vice commun à toutes les discussions sur la question des retraites : le hors-sujet. La tendance à se servir de ce sujet pour vouloir discuter de son propre agenda politico-économique, au mépris de la réalité du problème.

  10. C’est a cause de l’aléa moral et de l’imprévoyance qu’il faut une partie obligatoire minimale. Qui ne nécessitera qu’une contribution plus faible que actuellement ce qui permettra de re-diriger le reste vers des choix individuels.

    Je ne vois pas en quoi la liberté de choix peut dégrader les situations que vous soulignez.

    Je ne pense pas avoir préconisé un type de retraite particulier (capitalisation ou répartition) pour la partie optionnelle parce que je partage complètement votre analyse. Qui logiquement conduit a dire que la seule facon durable de modifier le ratio de dépendance est d’augmenter l’age de la retraite obligatoire. Pour deux raisons (i) augmentation du nombre d’actifs et diminution concomitante du nombre d’inactifs et (ii) baisse des couts salariaux permettant de nouveau l’emploi des moins qualifiés et des vieux.

    Ceci dit on peut alternativement accepter une retraite plus jeune avec une revenu (beaucoup) plus faible. Il s’agit d’un calcul actuariel assez simple.

    Il me semble que la Suède a mis en oeuvre une réforme de ce type, donc la roue n’est pas vraiment réinventée.

    Alors commençons tout de suite et progressivement. L’expérience montre que les réformes de dernier moment sont brutales, stupides, et frappent essentiellement ceux qui peuvent le moins se défendre.

    Assez d’accord avec vous. Cela dit, la probabilité que le problème soit traité de cette façon semble voisine de zéro. On aura plus probablement des emplâtres et des réformes symboliques envers telle ou telle partie des bénéficiaires.

  11. Gu si Fang pose une intéressante question. Le système par répartition consiste a assurer une solidarité intertemporelle entre les membres d’une collectivité bien définie.

    Nous connaissons bien la collectivité de "départ", c’est celle de nos grands parents. Quelle sera la collectivité "d’arrivée" et qui nous dit que les choix effectués il y a 60 ans seront respectés dans le futur par les membres inconnus de cette collectivité.

    L’aspect schéma pyramidal (Ponzi scheme) de la retraite par répartition qui repose complètement sur la garantie d’un État légitime et l’acceptation des dettes contractées par les générations passées ne me parait pas vraiment mis en évidence dans toutes les discussions actuelles. Allons nous vers l’euthanasie des rentiers (sociaux)?

    Mais un système par capitalisation repose sur l’idée que les générations futures paieront les intérêts des dettes contractées par les détenteurs de capitaux âgés, et accepteront d’acheter lesdits capitaux avec leur épargne. cela aussi repose sur un état suffisamment légitime pour faire respecter les contrats privés. Vous pouvez penser que cette acceptation est plus forte que dans le cas d’une dette publique que l’on peut répudier : cela signifie simplement alors que les systèmes par capitalisation favorisent les futures retraités dans l’arbitrage lié au ratio de dépendance, tandis que la répartition favorise les futurs actifs au détriment des retraités dans ce même arbitrage. Au total il y a quelqu’un qui paie.

  12. La capitalisation n’est pas similaire à la redistribution. Certes le ratio de dépendance joue un rôle sur le prix futur des actifs choisis par les cotisants, mais la zone géographique considérée n’est pas la même.
    les capitaux sont mondialement liquides. Càd que la répartition est limitée par la croissance de la France (reliée elle-même au ratio de dépendance de la France). La capitalisation de son côté est limitée par la croissance au niveau du monde entier. Or, la croissance française est bien inférieure à la croissance de la plupart des pays du monde (où un marché financier structurée liquide existe).
    Du fait, la capitalisation permettrait aux futurs retraités de tirer partie des réformes que les autres pays ont eu le courage de réaliser pour augmenter leur croissance et leur niveau de vie. Avec la répartition, les citoyens sont condamnés à une croissance faible de leur pouvoir d’achat durant leur temps d’activité (du fait de la couardise de nos dirigeant) ET à la même chose pour leurs vieux jours.
    A qui pensez-vous exactement pour cette demande de titres? A la Cisjordanie-Bande de Gaza? A la Republique Démocratique du Congo? Ce sont eux, après tout, qui ont la plus forte croissance démographique actuellement. Basiquement nous avons les pays les plus riches du monde qui vont tous vouloir vendre en même temps des titres aux actifs du monde. Pour s’imaginer que cela ne fera pas baisser la valeur desdits titres, il faut avoir la foi. Ajoutons les problèmes politiques : Quand les chinois veulent racheter C-NOOC, ou une entreprises des EAU racheter la gestion des ports américains, le Congrès américain refuse. Quand un indien veut racheter Arcelor, le gouvernement français s’oppose. croyez-vous que les conséquences politiques des flux de capitaux impliqués par le vieillissement se passeront facilement?

    Meme si c’est le cas, d’ailleurs, et qu’il est possible de recourir à une massive demande de capitaux de l’étranger, rien n’empêche un gouvernement dans un système par répartition de financer le passage démographique difficile par un recours accru à la dette publique. Je pense que cette solution ne vous plairait guère mais elle revient pourtant au même.

    Autre aspect. A ne raisonner que sur les capitaux vous oubliez que des fortes entrées de capitaux impliquent une balance commerciale considérablement déficitaire. Ce qui veut dire que la charge, in fine, reviendra sur les actifs.

    Sur le plan économique, vous nous dites que répartition et capitalisation, c’est la même chose. Déjà, d’une vous négligez les puits de productivité à gagner dans la gestion de la sécurité sociale (un monopole de plus de 400 milliards d’euros, soit 20% du PIB) et d’autre part, il me semble que vous raisonnez en comptable. En effet, les citoyens ne mangent pas leurs pièces et leurs billets qu’ils ont dans la poche, il ne s’agit que d’un moyen (d’échange) pour obtenir d’autres biens et services qu’ils pourront consommer.

    En répartition, l’argent redistribué ne fait que passer de la poche de Pierre vers la poche de Paul, il n’y a pas d’investissement, de création de richesse.

    En capitalisation, il en est évidemment tout autre, mais cela dépend de la nature du support.

    Si l’argent épargné va dans l’achat d’obligations d’entreprises, cela stimulera l’investissement et donc le niveau de vie à long terme. Du fait, les euros épargnés de 2007 auront contribué à ce que les euros de 2047 correspondent à un pouvoir d’achat plus élevés.
    Si l’argent épargné va dans les achats d’actions, certes, tout cela semble bien neutre, MAIS, personne n’est sans savoir que la création monétaire sert essentiellement à être investie dans les marchés financiers (hedge funds, private equity, produits dérivés), ce qui se traduit par une hausse mécanique des prix des produits financiers. Si le commun des mortels pouvait mettre son épargne là-dedans, il bénéficierait de l’inflation induit par la création monétaire, alors qu’aujourd’hui, ils le subissent en terme de perte de pouvoir d’achat. Disons que cela compenserait en partie la perte de pouvoir d’achat des salariés de base via le mécanisme de redistribution de la création monétaire.
    Vous raisonnez de façon outrageusement partielle. Certes lorsque je cotise à un fond de pension cela constitue une épargne qui va vers l’investissement; mais lorsqu’un retraité réalise la sortie en rente de ses actifs, cela constitue une désépargne. Au total vous retombez sur exactement le même problème. Vous oubliez aussi que la retraite n’est pas l’unique motif d’épargne. Dans un système par capitalisation, qui est souvent une forme d’épargne forcée, il est tout à fait possible de compenser cette épargne en s’endettant. L’effet sur l’épargne lui-même du système de retraites n’est rien à côté de celui des niches fiscales ou de la politique monétaire.

    Une autre forme d’épargne et non des moindres : l’accession au logement. En effet, les cotisations retraites comptent pour environ 20% du salaire total (net+charges sociales salariales+charges sociales patronales). Si les travailleurs reprenaient possession de ce salaire qui leur appartient, la première chose que feraient la plupart serait d’accéder à la propriété. Ainsi, en 25 ans, beaucoup deviendraient propriétaires, il leur resterait alors 20 ans pour se faire une épargne. Pour leurs vieux jours, il serait déjà donc propriétaires de leur logement, ce qui réduirait pas mal leurs besoins de cash. Bien sûr, cela fait moins "wall street" que le terme de "capitalisation", mais l’accession au logement est la première des sécurité pour ses vieux jours.
    Etes-vous en train de suggérer qu’un système par capitalisation apporte des revenus aux retraités uniquement sur la base des intérêts perçus (ou des loyers économisés, ce qui revient au même pour un logement dont on est propriétaire)? Vous oubliez que l’essentiel de la rente perçue provient de la vente en viager des actifs accumulés. C’est cette partie-là qui pose problème.

    Enfin, il y a une différence fondamentale entre répartition et capitalisation, l’un est forcé, l’autre non. Alors, je sais que pour beaucoup d’économistes, ce critère importe peu, mais bon, il existe des gens qui pensent que l’usage de la contrainte est une relique des temps de barbarie dont il serait temps de se passer, surtout dans ces proportions-là (avec un Etat à 53% du PIB, un taux d’imposition marginal effectif de 60-70% -charges sociales+IR+TVA+etc..-, la majorité des fruits du travail d’un citoyen est décidé par la contrainte des uns sur les autres).

    La capitalisation peut fort bien être forcée, sous forme d’un mécanisme d’épargne obligatoire. Et la répartition peut ne pas être obligatoire, avec un système par “points accumulés” à la volonté des contributeurs. Les deux systèmes posent exactement le même problème d’incitations : ne pas épargner/contribuer suffisamment pour demander ensuite aux actifs de payer.

  13. La réponse d’Alexandre et les commentaires de Moggio et Vincent parlent de l’équivalence ou des différences entre capitalisation et répartition. Je me pose une question à ce sujet : les incitations sont-elles les mêmes dans les deux systèmes?

    Si répartition et capitalisation sont équivalentes "ceteris paribus", on ne peut les comparer qu’en faisant l’hypothèse que la croissance est la même dans les deux cas. Or si les deux systèmes n’ont pas les mêmes incitations, cette condition peut-elle être satisfaite?

    La croissance économique vient pour l’essentiel d’évolutions techniques et de formation accrue des individus; dans une mesure moindre de hausse de la quantité de travail et du taux d’épargne. Dans ces variables, la seule potentiellement affectée par le type de système est le taux d’épargne. Outre que même s’il était réel l’effet final sur la croissance serait dérisoire (et de toute façon, le problème est assez largement un problème de revenu relatif, pas absolu) je doute fort que l’on puisse trouver un quelconque effet (voir plus haut).

  14. "dans un système par capitalisation la sortie en rentes des actifs accumulés nécessite que les actifs les achètent à leur tour… Donc on fait aussi payer les actifs"

    Je pige pas en quoi, vu que n’importe qui sur cette planète peut également en acheter.

    On peut faire donc payer nos retraites par les russes ou les chinois achetant les actifs français…

    Quant à l’immigration, si c’est pour avoir des guerres multiculturelles en Europe, faute d’intégration, je ne suis pas sûr que cela soit une si bonne idée que cela…

    – Sur l’aspect “demandemondiale de titres” voir plus haut. J’ajouterais que vous citez précisément deux pays dont la situation démographique d’ici 2050 va être largement pire que celle des pays développés.

    – Sur l’immigration, si je l’ai citée c’est précisément pour montrer l’ampleur du problème. 1.7 millions de migrants par an en France d’ici 2050, c’est impossible pour un tas de raisons. Il n’en reste pas moins qu’augmenter le nombre des actifs réduirait la charge; qu’il faut donc plus de migrants, et pas moins.

  15. "Quand un indien veut racheter Arcelor, le gouvernement français s’oppose."

    C’est vrai, mais les marchés applaudissent. Par contre, concernant les Indiens, au niveau démographique, ils sont moins menacés que la Russie ou la Chine, on sera certainement d’accord là-dessus.

    "A ne raisonner que sur les capitaux vous oubliez que des fortes entrées de capitaux impliquent une balance commerciale considérablement déficitaire."

    A première vue, j’aurais plutôt dit la balance des paiements, j’ai du mal à voir en quoi la balance commerciale serait touchée par une forte entrée de capitaux. Si vous aviez un article sur lequel je pourrais me rediriger, je vous remercie.

    Donc pour les retraites, vive les politiques familiales vigoureuses… 😉

    La balance des paiements est toujours équilibrée. Et comme une vente de devises est toujours un achat dans le même temps, de fortes entrées de capitaux font monter la devise nationale jusqu’à ce que la hausse des importations et la baisse des exportations équilibre les flux nets de capitaux. Sinon vous pouvez citer à juste titre le cas indien, mais n’oubliez pas que le ratio de dépendance mondial va connaître, en pire, la même évolution que dans les pays développés.
    Sinon, pour les politiques “natalistes”, vu ce que coûte d’ores et déjà la natalité française, il vaut nettement mieux subir la crise des retraites. Les vieux ont l’avantage de coûter moins cher à produire et entretenir que les jeunes.

  16. Le ratio de dépendance va passer de 5 à 2,5. Pour l’empecher de chuter à long terme, vous montrez que l’immigration n’est pas un recours, puisque cette nouvelle population va tendre elle même au ratio de 2,5 et on se retrouve dans un scénario de pyramide difficile à tenir (pression démographique), en ayant seulement repoussé le problème aux générations d’après. Au delà du seul système de retraites, peut-on envisager un modèle économique avec une population au ratio stabilisé de 2,5 et tout de même une croissance minimale qui permet à la société d’évoluer ?

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