Les économistes connaissent-ils vraiment leur discipline?

Bernard Salanié et Marginal Revolution font état d’un intéressant article de Robert Frank dans lequel celui-ci constate à partir d’une récente étude que les économistes, bien souvent, ne comprennent pas les concepts mêmes qu’ils utilisent, en l’occurence le coût d’opportunité. L’exemple donné est assez navrant car l’un des principaux problèmes rencontrés lorsqu’on cherche à enseigner l’économie, et qui fait la différence entre le raisonnement scientifique et le café du commerce à base “d’impôts qui détruisent les richesses” ou autres “il faut augmenter les salaires et interdire les licenciements pour relancer la demande”, c’est précisément que l’économie est fondée sur des concepts compréhensibles, mais dont l’utilisation spontanée n’est pas aisée, comme le coût d’opportunité (ou cet autre enfer pédagogique qu’est l’avantage comparatif, l’expérience montrant d’ailleurs que de nombreux économistes ne comprennent pas celui-ci). Le premier devoir de l’enseignant en économie devrait être de démontrer aux élèves que les raisonnements rigoureux et logiques ont des résultats parfois contre-intuitifs, et qu’en matière économique, il n’y a rien de plus dangereux que les préjugés et les sophismes apparemment “intuitifs”.

Cela dit, cet épisode rappelle un moment fameux de l’histoire de la pensée économique. Pour comprendre celui-ci, répondez à ce test.

Trois personnes vous font des cadeaux. Mais chaque personne vous propose deux cadeaux, et vous devez en choisir un parmi les deux à chaque fois. Que choisissez vous?

La personne 1 vous propose :
A – un million d’euros en liquide
B – un ticket de loto. Ce ticket vous donne 10% de chances de gagner 5 millions d’euros, 89% de chances de gagner 1 million d’euros, 1% de chances de ne rien gagner.

La personne 2 vous propose :
C- un ticket de loto vous donnant 11% de chances de gagner 1 million d’euros
D- un ticket de loto vous donnant 10% de chances de gagner 5 millions d’euros

La personne 3 vous propose :
E- 1 million d’euros en liquide
F- un ticket de loto vous donnant 10 chances sur 11 de gagner 5 millions d’euros.

Après avoir noté vos réponses, voici le résultat :
Il n’y a pas de “bonne réponse” à ce test. Tout dépend du goût ou de l’aversion pour le risque de chacun. Certains peuvent préférer les gains certains, d’autres les gains aléatoires (les loteries et les casinos sont très riches précisément grâce à ces gens qui aiment les gains aléatoires, au point même d’être prêts à payer très cher pour avoir une faible chance de réaliser un gain). En d’autres termes, il n’y a pas de réponse rationnelle entre A et B, tout dépend des goûts de chacun. Une personne neutre par rapport au risque (qui considère qu’avoir une chance sur deux de gagner 1€ est équivalent à la certitude de gagner 50 centimes) doit répondre B, D, F (situations dans lesquelles l’espérance de gain est la plus forte).
Par contre, si vous êtes rationnels, une chose est certaine : vous devez répondre de façon cohérente. Ce qui signifie (voir cet article pour les calculs fournissant les explications) que si vous avez répondu A, vous devez aussi avoir répondu C et E; et que si vous avez répondu B, vous devez aussi pour être rationnel avoir choisi D et F. Or, il se trouve que l’écrasante majorité des gens ne répond pas de façon rationnelle. Les gens choisissent le plus souvent les gains certains soit A et E (ce qui laisse supposer une aversion au risque); mais la différence de probabilité entre C et D est si faible qu’ils préfèrent aussi D (alors que D est plus risquée que C). La raison de ces choix incohérents est bien connue : les gens ont énormément de difficultés à raisonner rationnellement vis à vis des probabilités (John Kay a développé le sujet dans cet article… et celui-ci, car les réponses de ses lecteurs ont montré à quel point les probabilités sont vraiment contre-intuitives) et présentent à la fois une aversion au risque et une aversion à la perte (nous en avons parlé, notamment ici).

Quel rapport avec l’histoire de la pensée économique, direz-vous? Le problème ci-dessus est une version du paradoxe d’Allais. Or ce paradoxe avait valu à Maurice Allais sa célébrité car lors d’une réunion de l’American Economic Association, il avait posé le test à ses collègues présents : l’écrasante majorité d’entre eux (pourtant normalement au fait de la théorie de l’utilité espérée et des probabilités) était tombée dans le panneau et avait donné la mauvaise réponse (l’anecdote dit même que Samuelson avait donné la réponse rationnelle, car il se doutait connaissant Allais qu’il devait y avoir un piège).

Les économistes qui ont mal défini le coût d’opportunité sont donc doublement fautifs : fautifs de mal comprendre leur discipline et de ce fait de mal l’enseigner; mais aussi fautifs de ne pas connaître l’histoire de leur discipline, qui aurait dû leur enseigner que lorsqu’on leur donne un test à remplir lors d’un colloque, il y a toujours un piège.

Alexandre Delaigue

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13 Commentaires

  1. principe d’action : toujours éviter, si possible, les risques de perte complète. Si c’est impossible, maximiser l’espérance. Alors A-D-E est rationnel.

    Comment ça, une définition ad hoc de la rationalité? Et a quoi jouent les économistes?

    Ceci dit, ça fait marrer les épistémologues, alors ils peuvent continuer…

    Plus sérieusement, on voit la limite de ces "gros concepts", aversion au risque, aversion à la perte. L’esprit humain est un poil plus complexe.

  2. "Comment ça, une définition ad hoc de la rationalité? Et a quoi jouent les économistes?

    Ceci dit, ça fait marrer les épistémologues, alors ils peuvent continuer…"

    Oh… Vous savez, ici, les épistémologues qui se marrent au sujet des économistes, ils s’en vont vite en général. On est tellement des crétins économicistes que ça les fait même plus rire au bout de quelques jours !
    “L’esprit humain est un poil plus complexe.” Ca, par contre, a priori, ça nous fait franchement nous bidonner. Pas parce que c’est foncièrement faux. Mais parce que c’est trop souvent utilisé pour discréditer la discipline, qui en est par ailleurs tout à fait consciente.

  3. Oula, si on peut plus chatouiller la bête sans qu’elle prenne le mors aux dents…

    Faut pas le prendre comme ça, j’aime bien mes petits camarades économistes. D’ailleurs, je bosse avec quelques uns (mais ne le répétez pas à ma mère). Et puis les approximations sur la rationalité, c’est pas ben grave. Ce qui est plus chagrinant, c’est lorsqu’on commence à en dériver des injonctions normatives. Lorsque j’entends des économistes dire que telle bande de malcomprenants ne sont pas rationnels, je crois que la ligne jaune est franchie. Qu’on puisse tirer des enseignements pratiques de modèles qui ont fait leurs preuves ou d’études empiriques, c’est l’évidence. Mais que l’on commence à dicter des conduites sur la base de raisonnements pseudo-philosophiques, c’est tout à fait autre chose, et ceux qui ont réfléchi un peu à la question doivent réagir. Et il est très regrettable que la réaction soit un haussement d’épaule irrité accompagné de l’inévitable "ouais, ouais, on sait" (vous n’êtes pas le premier, vous ne serez pas le dernier).

    Vous savez? Et bien il serait peut-être rationnel d’en tirer quelques leçons!

  4. "Oula, si on peut plus chatouiller la bête sans qu’elle prenne le mors aux dents…
    Faut pas le prendre comme ça, j’aime bien mes petits camarades économistes."

    Pour être franc, j’avais envie de vous chatouiller en retour, parce que votre ton n’était justement pas agressif. Donc, pas de problèmes…

    "Et il est très regrettable que la réaction soit un haussement d’épaule irrité accompagné de l’inévitable "ouais, ouais, on sait" (vous n’êtes pas le premier, vous ne serez pas le dernier).
    Vous savez? Et bien il serait peut-être rationnel d’en tirer quelques leçons!"

    Bah, en fait, je ne suis qu’un amateur… Economiste de formation, pas de profession (je n’enseigne même plus d’économie depuis deux ans). C’est parfois confortable. Disons que contrairement à d’autres qui ont suivi la même formation et en disent ensuite le plus grand mal dans des registres divers, j’ai un "recul loyal" sur les choses. Avouons aussi que diplomatiquement il vaut mieux d’ailleurs, vu qu’il n’est pas dit que je ne réintégrerai pas le circuit dans les années à venir. Bref, ça, c’est non seulement confortable, mais j’ai en plus la faiblesse de penser que c’est plutôt un bon compromis.

  5. Econoclaste-SM: Bon, moi je suis un peu comme Wayne sur la question mais je m’étonne de voir que tu n’enseignes pas l’économie. Je dirais même que c’est dommage… pour une fois que je trouvais un économiste ayant assez de recul sur la discipline pour la rendre réellement utile et intéressante… Peut-être d’ailleurs que ceci explique cela?

  6. vulgos : c’est un peu le hasard qui fait que je n’ai plus de cours d’économie. Ce n’est probablement pas appelé à durer très longtemps (du moins je l’espère). Etant agrégé d’économie et gestion et employé en tant que tel, j’ai un peu une double casquette, ou plutôt une demi casquette de chaque. Or, les besoins de service de mon établissement font que je ne fais plus d’économie pour l’instant. Et je n’ai pas trop de temps, ni d’opportunités clés en main, pour faire des cours ailleurs en économie. Il se peut d’ailleurs que je sois moins présent cette année (scolaire) sur le site, vu que j’ai un service assez prenant. Mais je ferai de mon mieux.

  7. Bonjour,
    Je réagis car pour une fois que l’on parle de théorie de la décision je ne vais pas rater ça! Dire que répondre ADE est irrationnel n’est pas vraiment acceptable pour plusieurs raisons:
    1)Le principe de cohérence invoqué repose sur l’axiome d’indépendance qui est au fondement de l’espérance d’utilité. Or, il y a bien longtemps que la plupart des spécialistes de théorie de la décision ont mis en cause le caractère normatif de cet axiome (qui implique que l’on doit répondre de la même façon dans les deux dernières questions). En effet, il ignore de potentiels effets de "couverture du risque" entre différents états de la nature. La seule incohérence que l’on puisse à la rigueur considérer comme irrationnelle c’est l’absence de transitivité.
    2) ensuite, ici ce qui est important c’est de voir le rapport entre les différentes questions. Mais ça suppose de faire un calcul que rien ne nous invite à faire. Comme le notent Kahneman et Tversky, les individus n’appliquent les axiomes de rationalité que lorsqu’il est clair ou transparent qu’il y a lieu de les appliquer. S’il faut se livrer à un calcul ce n’est pas évident qu’on pensera même à les appliquer, même si au fond on est d’accord avec eux. Ce n’est même pas qu’on n’est pas capable de faire les calculs d’ailleurs, c’est qu’on ne voit pas qu’il y a lieu de les faire.
    Pour conclure, pour la plupart des économistes, rationalité=espérance d’utilité, mais c un poil plus compliqué que ça, comme dit vulgos, et ce sont d’autres économistes qui le disent, pas le café du commerce, et tout en restant très sagement néoclassique et en faisant des maths très compliquées ;-).

  8. Bonjour,
    je trouve cette histoire rigolote, mais je regrette que les collègues de Allais n’aient pas cherché à contredire le raisonnement de Allais.
    Je ne suis pas économiste mais statisticien (et la faute d’orthographe de mon pseudo est volontaire ;=)), et je me permet d’identifier quelques grosses contestations possibles à son raisonnement:
    1 (raisonnons aux limites de son exemple):
    Soit un nouveau choix:
    G: On vous propose 1 euro, avec 100% de chance de l’obtenir
    H: On vous propose 1 000 000 euros avec 99% de chance de l’obtenir. 0 sinon.

    Le décidieur "rationnel", version economiste, qui a choisit A et E devra donc choisir G.
    Conclusion: le décideur "rationnel" est un crétin fini. Je refuse donc le formalisme de Allais qui se permet de définir la rationnalité un peu rapidement. D’autant plus que:

    2 Comparons ce qui est comparable:
    La première et dernière question nous offre une possiblilté certaine.
    La deuxième question nous offre le choix entre deux probabilités. Il est tout à fait envisageable qu’un décideur rationnel change sa règle de décision face à des situations trés différentes.

    3 Pas d’accord avec le calcul de l’espérance.

    Le calcul d’espérance fait ici postule qu’un joueur gagnant 10 milions sera 10 fois plus satisfait qu’un joueur gagnant 1 milion.
    Or sur la planète ou je vis (avec beaucoup de concitoyens)c’est à dire les yeux rivés sur mon compte en banque, guetteant le découvert, l’utilité du premier milion est bien supérieur à l’utilité du 10ème milion. (Le raisonnement est évidemment différent pour une personne, ou un entreprise/institution sans problème de trésorerie).
    Je ne sais pas si mon formalisme est bon, mais il me semble qu’il faut associer une fonction d’utilité à l’argent (que nous appliquons dans les fait instinctivement) qui change le calcul de l’espèrance.
    Je pense que nous pourrions ainsi trouver une fonction raisonnable qui rendrait le joueur (A,C,E) "cohérent" en terme de maximisation d’espérance.

    Voili, voilu,
    Cordialement.

    PS (J’aime beaucoup ce que vous faites.)

  9. @Bernouilly : sur vos points 1, 2 et 3, vous avez raison. Le problème, c’est la définition de la rationalité. Celle-ci est fondée sur la cohérence des choix. Vous écrivez qu’il n’est pas absurde de changer de règle de décision en fonction des situations; mais selon quelle règle la règle de décision est-elle choisie? Si vous dites "des fois, les gens raisonnent comme cela, des fois, non" vous n’avez rien. Une définition de la rationalité doit préciser ce que des gens feront et ce qu’ils ne feront pas.

    En matière de rationalité face au risque, il existait une axiomatique complète qui était celle de Savage dans les années 50; ce que le paradoxe d’Allais montrait c’était que cette axiomatique ne correspond pas avec la façon dont les gens raisonnent concrètement, y compris des économistes pourtant (en théorie) rompus à ces techniques. Si l’on suit cette axiomatique, alors il est impossible de choisir ADE. SI cela arrive, la réponse à donner n’est pas comme semblent le croire quelques répondants "les gens sont irrationnels". La réponse scientifique est "nos axiomes de rationalité sont très bien, opératoires, définis, mais irréalistes. Serait-il possible d’en produire de meilleurs, qui restent opératoires tout en étant plus réalistes"? La réponse à cette question est "sans doute".

  10. Globalement d’accord avec le commentaire précédent, notamment sur le fait que ce que manifeste la filouterie d’Allais c’est que les économistes n’ont pas des préférences qui correspondent à celles supposées dans leurs modèles, et c’est là que je comprends pas bien l’orientation générale de l’article puisque ce n’est pas la même chose d’avoir des préférences différentes du modèle que de ne pas comprendre le modèle (ex. coût d’opportunité).
    La seule voie de sortie c’est de considérer l’angle de la rationalité, mais je ne suis pas sûr que l’on puisse supposer que la rationalité s’applique aux préférences (peut-être la cohérence mais la rationalité, je suis sceptique). Le fait que qu’il puisse y avoir des problèmes de cohérence n’implique pas que je ne sois pas rationel, simplement que j’ai des préférences pas cohérentes (notamment temporellement). Même en sachant quels axiomes impliquent quoi sur mes préférences, j’assume parfaitement de ne pas me comporter comme la théorie le dit… (comme dans le paradoxe d’Allais, comme en distinguant perte et gain dans mon attitude vis à vis du risque etc…).
    Ah, sinon, un détail, c’est pas sûr que ce soit l’axiomatisation de Savage qui soit la plus appropriée pour répondre aux questions posées par Allais, parce qu’on est plus proche de probabilités objectives dans ces cas là (et non pas sur une problématique de formation de proba subjective, c’est pas tout à fait ça, mais ça m’entrainerait trop loin).

  11. Dans les commentaires précédents on a évoqué le caractère non linéaire de l’utilité (le 1er et le 10e million). Il ne faut pourtant pas négliger dans un le contexte monétaire la non linéarité du coût du risque : la troisième question peut effectivement amener à choisir E si l’on est très averse au risque au moins dès lors que l’on peu s’assurer un gain significatif. Le ratio Sharpe (profit addittionnel rapporté à la volatilité addititonnelle) n’est pas l’alpha et l’omega de la décision.

    L’aversion au risque n’est pas la même en fonction du niveau de risque pris: on peut accepter, contre la promesse d’une espérance légèrement meilleure prendre un peu de risque. Prendre en revanche un gros risque demande beaucoup plus d’utilité supplémentaire. Cela correspond très exactement à la situation sur les marchés du risque de crédit et des dérivés (le célèbre "smile").
    Ce commentaire fait plus appel à la pratique des marchés qu’à un corpus académique.

    Amicalement

  12. 5 mois plus tard….

    En fait Allais est un sacré filou…

    J’avais écris auparavent:
    "Le calcul d’espérance fait ici postule qu’un joueur gagnant 10 milions sera 10 fois plus satisfait qu’un joueur gagnant 1 milion.
    Or sur la planète ou je vis (avec beaucoup de concitoyens)c’est à dire les yeux rivés sur mon compte en banque, guetteant le découvert, l’utilité du premier milion est bien supérieur à l’utilité du 10ème milion. (Le raisonnement est évidemment différent pour une personne, ou un entreprise/institution sans problème de trésorerie).
    Je ne sais pas si mon formalisme est bon, mais il me semble qu’il faut associer une fonction d’utilité à l’argent (que nous appliquons dans les fait instinctivement) qui change le calcul de l’espèrance.
    Je pense que nous pourrions ainsi trouver une fonction raisonnable qui rendrait le joueur (A,C,E) "cohérent" en terme de maximisation d’espérance."

    C’est faux.

    Je me suis amusé aujourd’hui (suite à la lecture de "Optimum") à chercher une fonction d’utilité qui rendrait cohérent le joueur (A,C,E).
    Mais les valeurs numériques proposées n’ont pas été choisies au hasard: la construction d’une telle fonction est impossible (la demonstration est rapide…)

  13. Comme je ne suis pas économiste (je suis arrivé ici en googlant ‘paradoxe’ ‘allais’), mon commentaire paraîtra sans doute farfelu, mais plutôt qu’aversion au risque, ne peut-on pas parler d’une aversion au regret? Si je choisis B ou F et que je perds, je devrai vivre le restant de ma vie avec le regret d’avoir ‘fait le mauvais choix’; est-ce ‘irrationnel’ d’éviter à tout prix de se mettre dans une situation insupportable? Je suppose que mathématiquement, on devrait ajouter le ‘coût'(donc retrancher) de ce regret à l’espérance mathématique dans les cas B et F…

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