Les appels de portables moins chers en Europe, une mauvaise affaire pour les consommateurs?

La commission européenne devrait mettre en place une réglementation concernant le roaming, c’est à dire la facturation entre opérateurs des communications de téléphones mobiles vers l’étranger. Actuellement, ce transfert est très coûteux, et les marges réalisées par les opérateurs sur ces appels transférés sont conséquentes, de l’ordre de 400%; elles devraient à partir de l’année prochaine être ramenées à 30%, réduisant le tarif de ces appels menés d’un pays à l’autre de l’Union Européenne. La presse quotidienne d’aujourd’hui se fait l’écho de cette mesure (voir Libération, le Monde, et le Financial Times). On apprend au passage qu’une association de consommateurs française se réjouit de cette décision, ce qui est étrange, car il y a assez peu de chances que cette mesure bénéficie aux consommateurs dans leur ensemble; il est même plausible d’envisager que ce sera exactement l’inverse.

Que signifie la situation actuelle? Que les opérateurs de téléphonie mobile européens pratiquent la discrimination tarifaire, c’est à dire qu’ils font payer le même service à des prix différents à des utilisateurs différents. Lorsqu’un consommateur achète aujourd’hui un abonnement de téléphone mobile, soit il utilisera son portable à l’étranger, et paiera au prix fort; soit il ne l’utilisera pas à l’étranger, et paiera peu. C’est une discrimination tarifaire, exactement comme le fait de payer son trajet deux fois plus cher en voyageant en première classe dans les trains; comme le fait de payer moins pour un aller-retour en avion qui comprend un week-end, ou de payer plus cher un ordinateur portable noir plutôt qu’un blanc, tout le reste étant identique; ou de faire payer le double prix pour du café équitable. On pourra se référer à cette page pour une analyse économique générale de la discrimination tarifaire.

Les consommateurs, en général, détestent la discrimination tarifaire, tout particulièrement lorsqu’ils sont ceux qui paient plus cher. Ainsi, il y a quelques années, des consommateurs avaient découvert qu’Amazon pratiquait la discrimination tarifaire entre ses acheteurs, en modulant le prix proposé à un client en fonction de son historique d’achat (les clients s’en étaient rendus compte en constatant que lorsqu’ils consultaient le site sans inscrire leur nom de compte, on leur proposait parfois la même chose pour un prix inférieur). Cela avait suscité un scandale, et Amazon avait dû renoncer à cette pratique. Mais c’est un tort : pour l’essentiel, la discrimination tarifaire tend à bénéficier aux consommateurs, dans toutes les industries présentant des coûts fixes importants et des coûts variables faibles. Robert Frank avait explicité cet avantage dans un récent article du New York Times.

Le raisonnement est le suivant. Supposons qu’un produit coûte en moyenne 20€. Il existe deux acheteurs : A est disposé à payer 25€ pour acheter ce produit; B est disposé à payer 19€ pour ce même produit. Si le vendeur met ce produit en vente à 20€, il n’en vendra qu’un exemplaire, et A réalisera un gain de 5€, tandis que B ne gagne, ni ne perd rien : il renonce à acheter ce produit. Si par contre le vendeur a la possibilité de vendre ce produit pour 24€ à A, et pour 18€ à B, B achètera ce produit et réalisera un gain de 1; A achètera ce produit en maugréant, mais réalisera quand même un gain, puisqu’il paie moins cher que sa disposition à payer. Le vendeur, lui, se frottera les mains, car il aura vendu deux produits au lieu d’un. C’est le mécanisme de base de la discrimination tarifaire : elle permet de vendre une plus grande quantité, en prélevant sur les utilisateurs à forte disposition à payer pour offrir des réductions aux utilisateurs à faible disposition à payer.

Pour que cela fonctionne, néanmoins, il faut mettre une barrière, qui permettra de faire la différence entre acheteurs à forte et à faible disposition à payer. Ces barrières sont en général un effort à faire, que les gens qui ne veulent pas payer cher accepteront, mais pas les autres. Un exemple de telle barrière est un coupon de réduction qu’il faut ramener au magasin la semaine suivante; les consommateurs qui souhaitent bénéficier de réductions penseront à ramener leurs coupons, pas les autres. De la même façon, les compagnies aériennes savent que les voyageurs qui partent en vacances seront disposés à partir à la date qui leur garantit un prix bas; par contre, les voyageurs pour affaires seront réticents à prendre un vol comprenant une nuit le week-end, car ils souhaitent passer leurs week-ends à la maison. Obliger le client à passer un samedi soir sur place pour bénéficier d’un tarif réduit est donc un moyen de différencier entre ces deux types de consommateurs, à disposition à payer différente. Dans le cas de la téléphonie mobile, les clients qui passent et reçoivent des appels de l’étranger sont soit une clientèle d’affaires, soit des clients suffisamment aisés pour s’offrir des vacances ou des week-end à l’étranger; c’est donc un moyen de faire payer plus cher ceux qui ont une plus forte disposition à payer. C’est d’ailleurs ce qu’indique l’article de Libération : c’est la clientèle d’affaires qui est la première concernée.

Pourquoi la discrimination tarifaire est-elle, au bout du compte, avantageuse pour les clients? Parce qu’elle permet de vendre plus, et dans des industries dont les coûts diminuent avec les volumes, cela implique des coûts de production plus faibles; et aussi, parce que c’est une façon juste de faire payer pour cette réduction des coûts. Robert Frank cite l’exemple de Boeing : les avions de 180 places sont 25% moins coûteux à opérer que les avions de 110 places. De la même façon, les coûts dans la téléphonie mobile sont essentiellement des coûts fixes, ce qui signifie que plus il y a de clients, plus le coût d’une ligne téléphonique diminue. C’est par ailleurs une façon relativement juste d’obtenir cette réduction des coûts, en la faisant porter sur la clientèle dont la disposition à payer est plus forte : la clientèle d’affaires et les gens qui partent en vacances à l’étranger. Le filtrage est brut, néanmoins, il ne pose dans l’ensemble pas de problème de justice.

Que va-t-il se passer si cette discrimination tarifaire n’est plus possible pour les opérateurs de téléphonie mobile? Pour maintenir leur rentabilité globale, ceux-ci seront amenés à augmenter leurs tarifs dans l’ensemble, ce qu’ils ont d’ailleurs annoncé. L’argument de la commission européenne pour dire que cela n’arrivera pas est du plus haut comique : la concurrence sur les marchés nationaux devrait éviter que cette hausse ne se produise. Mais c’est parfaitement absurde : si les opérateurs de téléphonie mobile ont déjà pu procéder à une discrimination tarifaire entre leurs consommateurs qui ne font que des appels nationaux et ceux qui utilisent l’international, c’est que le degré de concurrence sur les marchés nationaux est suffisamment faible pour le permettre. Sans passer par une hausse générale des tarifs, on peut être sereins sur la capacité des opérateurs à rétablir leurs marges sur les marchés nationaux. On sait par ailleurs ce qu’il en est de la concurrence dans la téléphonie mobile dans certains pays.

Libération constate que c’est exactement la même chose qui s’est produit pour les virements internationaux dans la zone euro. Les banques avaient invoqué toute une série de raisons pour maintenir un tarif élevé de ces virements, la commission européenne ayant finalement obtenu gain de cause. L’article nous explique que cinq ans plus tard, les banques “accumulent les super-profits” et ne se portent pas plus mal d’avoir dû réduire le prix de ces virements. Etrange raisonnement. Permettre aux banques de faire payer cher les virements internationaux, c’est faire peser les profits des banques sur les clients qui font des virements internationaux, c’est à dire, essentiellement les clients institutionnels et des clients aisés; interdire cette forme de discrimination tarifaire, c’est faire en sorte que tous les clients des banques, y compris les plus modestes, contribuent à égalité aux profits des banques. Au lieu de faire supporter le coût de l’adaptation technique à l’euro aux clients effectuant des transactions à l’étranger, cette adaptation a pesé sur tout le monde. C’est une forme d’égalitarisme qui, de la part de Libération, surprend.

En imposant des taux de marge sur les appels internationaux, la commission garantit que les avantages qui bénéficieront aux clients professionnels et voyageurs européens seront payés par l’ensemble des clients des opérateurs mobiles, fortunés ou pas. Il est vrai que parmi les bénéficiaires potentiels de la mesure, on comptera nécessairement les fonctionnaires européens (est-ce totalement un hasard si la commission, en guise d’exemple, donne celui d’appels passés depuis ou vers la Belgique?) ce qui explique peut-être en partie l’attention portée à ce grave sujet par la commission. Mais n’avait-on pas dit qu’il fallait rapprocher les institutions européennes des préoccupations des européens ordinaires?

Alexandre Delaigue

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22 Commentaires

  1. Vous oubliez un effet de la discrimination tarifaire : les clients les plus riches, à terme, tendent à trouver tous les moyens possibles pour avoir le prix le plus bas.

    Imaginez qu’un billet d’avion AR en semaine (du mardi au jeudi) de A vers B coûte le triple qu’un AR incluant un week-end. Les hommes d’affaires, pas bêtes, achetent un départ de A le mardi 10 avec retour le mardi 17, et un départ de B le jeudi 12, avec retour le jeudi 19.

    Résultat : ils économisent un tiers du prix. Et 2 billets seront non-utilisés (quel gaspillage !). Et les clients n’hésitent pas à quitter les compagnies institutionnelles pour les low-costs comme Ryan-Air.

    De même pour le train : il y avait à l’origine 4 classes. Sauf qu’au bout d’un moment, les passagers de 1ère se sont dits que la 2nde n’était pas si mal. Et ceux de 2nde se sont dit que le peu d’inconfort supplémentaire de la 3ème classe valait bien les économies réalisées, etc…

    Résultat : on n’a plus que 2 classes.

    Alors pour le téléphone, ce n’était qu’une question de temps pour que les voyageurs d’affaires trouvent des solutions alternatives. Par exemple : un système de connexion à des bornes "Voice over IP" (c’est actuellement de la science-fiction, mais ce système là ou un autre apparaîtra, fatalement).

    On pourrait encore disserter longtemps sur la perception qu’ont les consommateurs des produits et services à coût marginal quasiment nul. Quand ils s’en aperçoivent, ils se sentent largement arnaqués, et font tout pour trouver une alternative moins chère.

  2. Si la discrimination tarifiare est sans conteste une bonne chose en toute généralité, elle n’est pas toujours spontannément adaptée à l’intérêt général dans ses applications pratiques.
    En effet, pourquoi est-ce que la collectivité européenne n’aurait pas une disposition à payer pour l’augmentation des visites entre nations qui dépasse la perte de surplus de l’interdiction de discriminer sur cette base ?. Il me semble que retirer les barrières à l’échange et au dialogue entre les peuples est tout à fait dans l’esprit d’une Europe politique.
    Par ailleurs, il existe bien d’autres manières de discriminer les clients pour "coller" à leur disposition à payer, et qui sont tout aussi efficaces il me semble: tarif binome, offre de services complémentaires (accès internet…), qualité de service…

  3. Je ne suis pas très convaincu par la comparaison avec les virements interbancaires: les clients institutionnels et (très) aisés ont les moyens de négocier ce genre de choses. Pour une institution, cela peut être pour des motifs de facilité (achats partout en Europe voire dans le monde…). Pour un particulier en général, ça vise une banque dans un pays particulier… Et je vois mal une banque résister à un client qui arrive en lui disant: "j’ai 1M€, je fais souvent des virements vers le Luxembourg alors vous me les faites au même prix que ceux vers la France" alors même qu’elle pourra lui vendre d’autres services nettement plus lucratifs.

    De même, pour continuer sur les banques, il est aussi possible que les profits augmentent en partie à cause du fait qu’il existe une population qui ne peut pas faire jouer la concurrence (les pauvres) pour certains services (découverts, incidents de paiement, etc.). Pour eux que le prix des virements internationaux soient imposés par l’UE ne change rien, ils auraient été taxés de toute façon.

    Par contre, l’exemple montre bien le problème de la discrimination tarifaire: il faut qu’elle soit pas trop insupportable à ceux qu’elle frappe d’un surcoût. Sinon, les mécontents essaieront de s’en débarrasser par tous les moyens.

  4. Jolie démonstration, mais qui ne saura convaincre les travailleurs frontaliers… Si ma femme m’appelle pour me demander d’aller chercher le pain sur le chemin du retour, cela me coute 1 euro… avec le prix de la baguette qui explose, je vais me mettre aux biscottes en attendant 2007 ;-))

  5. Certes, sauf que, à mon avis, ce n’est pas tant de discrimination tarifaire dont il est question ici que de soupçons d’entente anti-concurrentielles sur les prix.

    En effet, il me semble que la Commission, et nombre de régulateurs nationaux dont l’Arcep en France, estime que le prix de la minute en roaming, qui est non seulement à un niveau élévé mais surtout n’a pas connu d’évolution notable depuis de nombreuses années et est le même quelque soit l’opérateur, n’est pas fixé par un mécanisme de marché concurrentiel mais révèle une entente entre les opérateurs pour maintenir artificiellement ce prix à ce niveau. Soit c’est un prix d’équilibre en marché concurrentiel (mais alors il est très étonnant que ce prix n’est pas varié depuis des années alors même qu’il y a eu des évolutions technologiques, une forte augmentation du volume de trafic, et de nouveaux entrants), soit ce prix dérive d’une entente entre opérateurs.

    En France, les opérateurs mobiles savent ce que c’est que de s’entendre sur un marché. En tout cas, le Conseil de la Concurrence l’a estimé ainsi.

    On est ainsi bien loin de la discrimination tarifaire, ou du yield management en jargon économico-marketing.

  6. Oui, mais les communications en roaming ne sont-elles pas un marché monopolistique ? Ce sont des consommations auxquelles le consommateur ne pense pas forcément lors de son abonnement (et sachant qu’une fois abonné, l’abonné change rarement d’opérateur…). Donc, il y a vraisemblablement des surprofits sur ces communications ponctuelles. Vous avez peut être raison, mais l’analyse me paraît un peu courte sans prendre en compte les facteurs que j’ai mentionné et bien d’autres.

  7. Que de stupidités dites sur un ton docte !

    Il n’y a pas que les hommes d’affaires ultra-riches et les fonctionnaires européens qui ont besoin d’utiliser leur portable à l’étranger. Quid d’un petit étudiant comme moi en études ERASMUS en Allemagne qui vient régulièrement passer quelques jours chez ses parents ou sa copine ou inversement accueile quelque jours sa copine ou ses parents chez lui ? Lui aussi paye régulièrement un max. L’Union européenne, aprés avoir garanti il y a 50 ans la liberté de circulation des personnes dans toute l’Union, cherche à faire en sorte que les gens en profitent au maximum. Il y a donc tout un ensemble de mesures très logique y compris celle-ci qui visent à favoriser la mobilité à l’intérieur de l’Union. Le reste n’est que littérature économiste d’un intérêt tout à fait secondaire.

  8. Ce n’est qu’une proposition de réglementation de la Commission qui devra être discutée. La commission propose, le Parlement et le Conseil disposent.

    Evitons les raccourcis sur "la Commission va faire ceci et cela", cela entretient l’idée fausse que l’Europe est dirigée par la bureaucratie bruxelloise. Et ça dédouane à peu de frais les États et les Parlementaires de leur responsabilité.

    De plus, si l’on considère l’Union comme un marché unique où les discriminations sont proscrites, n’est-il pas absurde qu’un allemand en Pologne paie trois fois plus cher pour téléphoner en pologne qu’un Polonais? Imagine-t-on qu’un parisien téléphonant depuis Marseille à un marseillais paye trois fois plus cher qu’un autochtone 😉 ? Que l’appel international soit plus cher soit… mais le "local" ? Discrimination sur base de la nationalité, frein à la circulation des citoyens européens…

    Bref, la logique sous-jacente n’est pas seulement économique pour moi. Elle est aussi purement juridique dans le cadre de la création d’un marché (qui se voudrait) unique.

    PS: pour ma part je téléphone beaucoup depuis et à l’étranger pour une raison sentimentale :-). Orange exploite mon état d’amoureux transi, c’est une honte :-D.

  9. Voilà un sujet qui suscite de nombreux commentaires… Rrprenons donc :
    @SM : pas encore, mais quand je l’aurai, grace à l’union européenne, je pourrai l’appeler pas cher. Heureusement que les fonctionnaires européens pensent aux pauvres gens comme moi.

    @guignolito : bien sûr que tout le monde essaie de contourner une discrimination tarifaire qui lui fait payer plus cher. Vous montrez avec vos exemples que parfois, elle fonctionne, et parfois non, et qu’en l’occurence, elle fonctionne. Je suis d’accord.

    @william : je ne sais pas si la "collectivité européenne" a ce genre d’idées, mais si c’est le cas, il faut les financer. Le faire en imposant une règlementation qui avantage les riches et pénalise les moins riches, c’est une façon de procéder comme une autre, me direz-vous. Si cette mesure passe, les gens qui n’appellent jamais ni ne sont appelés de l’étranger dans l’union paieront pour ceux qui auront besoin de ce service. Cela correspond peut-être aux conceptions de la justice sociale de la "collectivité européenne" mais c’est dans ce cas instructif sur lesdites conceptions.

    @proteos : et "je suis vivendi, je paie l’abonnement de tous mes cadres en europe, ça me coûte 20 millions d’euros par an" n’est pas plausible?

    @neouser : c’est vrai. Cela dit, si vous êtes prêt à payer 1 euro la minute pour dire à votre femme d’acheter le pain, vous ne devez pas être si malheureux que cela a priori 🙂

    @kryzstoff et ND : ok, c’est un manque de concurrence qui cause ce problème : de toute façon, la discrimination tarifaire n’est possible que si on manque de concurrence. Mais dans ce cas, on corrige le problème à la source (la question de la concurrence). Soit cette imposition aux opérateurs réduit leurs profits totaux; mais dans ce cas, cela signifie que la concurrence les a poussés à le faire, et on peut se demander pourquoi elle n’agit pas! soit ils vont chercher à reconstituer leurs profits sur autre chose, et dans ce cas, tous les consommateurs paieront pour ceux qui font des appels à l’étranger. Si la commission avait porté plainte pour entente et réclamé des amendes, il n’y aurait rien à dire; mais là, imposer une réduction du prix d’un produit sans rien changer aux conditions concurrentielles sur le marché (et en partant du principe que c’est la concurrence qui empêchera les producteurs de répercuter dans leurs marges) c’est totalement incohérent.

    Quoique et yogi : merci

    JMFayard : Le pauvre étudiant en erasmus n’a jamais entendu parler de skype, et veut communiquer avec sa copine avec son portable? Dans ce cas, je doute fort qu’il soit si pauvre. Et la liberté de circulation, je ne suis pas contre : simplement, je ne vois pas pourquoi la liberté de circulation des étudiants en erasmus qui appelle sa copine sur son portable devrait être payée par les gens qui restent dans le même pays. C’est peut-être parce qu’ils sont à l’avant-garde? Soyez tranquille, avec un tel mépris du raisonnement économique et une telle capacité à déclarer que ce qui vous avantage est bon au nom d’un principe vague, l’étudiant fera un remarquable bureaucrate européen, compteur de vaches pour la PAC.

    @Alex : d’accord, mais la question est "qui paie". Pendant longtemps, d’ailleurs, les appels hors d’un département étaient plus chers que les appels à l’intérieur de celui-ci. Les appels vers portables sont en général plus chers; les appels en changeant d’opérateur le sont aussi. La seule question qui vaut, en l’occurence, c’est qui paie. Il ne me paraît pas absurde que le coût de la mobilité repose sur ceux qui en sont les premiers bénéficiaires.

    @vulgos : à l’apéro, je préfère le 51.

  10. Pas que les plus riches… pas mal de travailleurs frontaliers sont concernés… ou plus simplement les touristes… Tout le monde n’a pas la chance de vivre en France et de pouvoir faire du tourisme dans son pays ;).

    Mais en effet, payer plus cher se justifie sans doute. Mais là ça vire presqu’à l’escroquerie. En lisant le communiqué de presse de la Commission européenne, on apprend qu’un appel local peut coûter jusqu’à neuf fois plus cher en roaming… Et est-ce que ce tarif prohibitif a un effet si grand que cela pour "inciter" les opérateurs à baisser les tarifs pour les "nationaux"? L’appel en "roaming" doit quand même rester assez marginal par rapport au total des appels traités par ces opérateurs non?

    La menace par les opérateurs de faire monter les prix est de bonne guerre. Hélas pour eux, certains [ T-Mobile (All), Orange (RU), Wind (I), Telecom Italia (I), Telenor (N) et TeleSonera (Su)] ont déjà accepté volontairement de baisser leur tarif roaming de moitié, preuve s’il en est que ce raisonnement sur le lien entre "tarifs roaming" et "tarifs locaux" n’est sans doute pas si fort que cela. Pour moi il s’agit d’une menace face à une intervention en vue de réguler les prix [ quand je pense que certains diront encore que la Commission est "libérale" après ça :o) ]. C’est du chantage point barre, en jouant qui plus est sur la fibre sociale, ce qui est particulièrement mal venu de la part de ces groupes mais soit…

    Que le coût de la mobilité repose sur l’utilisateur, je n’en disconviens pas et la Commission non plus: elle n’exige pas un alignement "pur et simple" des tarifs "roaming" sur le "national" mais va proposer un plafond jugé "raisonnable" par rapport aux frais encourus pour la gestion de ces appels. Bref, ça restera plus cher mais "moins plus cher". On peut discuter de la pertinence de l’intervention réglementaire dans le cadre d’une politique de prix ceci étant dit… En quoi des "bureaucrates" connaîtraient mieux le "marché" que les principaux intéressés, à savoir les opérateurs… Le plafond est forcément arbitraire et fait logiquement grincer des dents.

    Mais encore une fois, pas d’emballement, il s’agit d’une proposition. J’imagine que les lobbyistes de chez Vodafone, Orange etc. font déjà le pied de grue devant les bâtiments de la DG marché intérieur :-).

    Pour le reste, que la Commission s’attaque au secteur des tarifs de la téléphonie via les aspects "trans-nationaux" d’abord n’est pas étonnant. Je ne pense pas qu’il faille y voir une "malice" quelconque ou une volonté snobinarde de favoriser les plus riches. Encore une fois, dans le cadre d’une mobilité européenne âprement désirée, cela s’explique très bien.

    Tiens, au fait. L’homme d’affaire qui téléphone d’un peu partout ne peut-il déduire ce coût en frais professionnels? Et qui paye au final?

  11. J’aimerai simplement qu’on m’explique ce que la population qui fait régulièrement des appels transfrontaliers sur portables en Europe a de si particulier pour que cela justifie un effort redistributif en sa faveur. J’ai beau chercher, je ne vois pas. Je ne vois pas plus en quoi il y a "escroquerie". Exploitation d’une situation de faible concurrence, exploitation d’une faible élasticité de la demande par rapport au prix de la clientèle concernée, certes; mais ce n’est pas plus une escroquerie que de vendre une montre de luxe pour 100 000 euros, ou une place d’avion en business au triple du prix de la classe économique.
    Quant à l’incitation à augmenter les tarifs pour d’autres, oui, elle est grande : le roaming représente certes une faible part des communications, mais une part disproportionnée des profits de l’industrie (de l’ordre de 20%). Donc soit les profits baissent, soit les profits sont reconstitués sur le dos d’autres clients. La seule solution, ce serait de faciliter la concurrence, mais la commission en est incapable (remember Bolkestein). Ils pourraient aussi attaquer à la cour de justice pour entente : ils ne le font pas non plus. Ils adoptent la mesure la plus débile possible pour résoudre un faux problème.
    Pour la dernière question, les abonnements téléphoniques professionnels sont payés par les employeurs (ces abonnements professionnels constituent la majorité des appels en roaming).

  12. Ce n’est pas la Commission qui a coulé Bolkestein (remember le vote du Parlement 🙂 ). C’est bien lapreuve que nous vivons en Europe dans un système plutôt parlementaire – et intergouvernemental via le Conseil – et non pas euro-bureaucratique comme les contempteurs de l’Union le répètent trop souvent.

    L’Union n’est pas dirigée par la Commission contrairement à une idée reçue. Elle n’a pratiquement aucun pouvoir "décisionnel": c’est le Conseil et le Parlement qui décident in fine. Elle ne fait que proposer… bref je trouve le "procès" un peu "injuste". D’autant plus que ce projet de réglement n’est quand même pas le seul truc que la Commission a fait, même si ce n’est en effet pas forcément le projet le plus populaire – dans tous le sens du terme.

    Quant à enquêter pour entente – ce que la Commission peut faire d’autorité et non pas, dans un premier temps, devant la Cour de Justice contrairement à un recours contre les États – ce type d’infractions sont les plus difficiles à mettre au jour. Il faut des preuves concrètes: un parallélisme de comportements ne suffit pas. C’est d’ailleurs ce qui risque de se passer en cas d’augmentation des tarifs nationaux par les opérateurs sur des marchés oligopolistiques. Le parallélisme de comportements est rationnel dans un tel cas.

    A ce niveau, les autorités nationales de concurrence se doivent aussi d’intervenir. Le Conseil français l’a fait il y a peu contre Bouygues etc. Hélas l’amende, bien que très élevée, n’a pas dépassé le montant des "sur-bénéfices" dégagés. Autrement dit vous gagnez 200 en faisant quelque chose d’illégale et on vous condamne à payer 100… l’incitation à "respecter" le droit de la concurrence est faible.

    Il faut dégager les responsabilités dans cette histoire: si les marchés nationaux sont cloisonnés, il faut peut-être que les États – via autorités de régulation et de concurrence – se bougent un peu le c*l aussi: la Commission n’a pas tout pouvoir, nous ne vivons pas dans un régime soviétique.

    Quant au bénéfice du roaming, la Commission l’évalue quant à elle à 5,7% (8,5 milliards d’€) pour le secteur de la téléphonie mobile.

    Pour le reste, je suis d’accord avec vous ;-). Je joue un peu l’avocat du Diable, mais ce qui m’a fait réagir est la présentation – médiatiquement fort répandue j’en conviens – de la Commission "de Bruxelles" comme le grand organe souverain de l’Union. C’est faux, tout simplement.

    Du reste, si un touriste – ou un amoureux transi 😉 – veut appeler chez lui – ou chez sa dulcinée – le tarif "cabine téléphonique" est vraiment intéressant :-). Le seul truc difficile à éviter c’est le coup de fil du pote "qui ne savait pas que tu étais à l’étranger" et qui ne sait pas non plus – apparemment – que tu payes une grosse partie de la communication :-D.

  13. econoclaste-alexandre,
    l’exemple de Vivendi n’est peut-être pas le meilleur, puisqu’il possède la moitié d’un opérateur français. 😉
    Mais c’est vrai, votre analyse me paraît tout à fait crédible dans le cas de la téléphonie mobile . Par contre, je ne sais pas si elle est extensible directement au secteur bancaire. Par exemple, on peut aussi constater que le secteur bancaire a vu pas mal de rachats ces 10 dernières années ce qui a pu provoquer une baisse de l’intensité de la concurrence et donc une hausse des prix sans aucun rapport avec les nouvelles règles sur les virements internationaux.

    Je suis aussi tout à fait d’accord sur le fait de dire que présentation de la baisse des tarifs de roaming comme une grande avancée pour les prolétaires, c’est que de la com’.

  14. L’analyze sur les mécanismes de tarification est pertinente mais à mon sens pas dans le domaine du portable ou les tarifs proposés étaient de toute façon délirants et sans rapports avec le service proposé (gros consommateur ou pas …).

    Bien à vous Eric

  15. Je suis assez convaincu sur le plan général, mais plus perplexe devant la discrimination tarifaire individuelle, type Amazon (Tim Harford en parle aussi, mais toi j’ai au moins la possibilité de te poser la question!). Pendant des années j’ai fait la navette entre Londres et Genève, et avec easyJet je me demandais toujours: vont-ils se rendre compte que je suis accro, et en conséquence, élever pour moi leur tarif de façon à réduire la différence (souvent importante, et qui est tout bénéfice pour moi) entre le concurrent le plus proche et eux (de manière à ce que je continue d’acheter mon billet chez eux mais qu’ils en retirent un meilleur prix)? Quelque part, cela me semblerait unfair, faire usage d’une information – ma dépendance de ce service, quand bien même je commande longtemps à l’avance – que je serais alors incité à dissimuler.

  16. @françois : cela peut paraître injuste… sauf lorsqu’on en bénéficie! tu peux imaginer les circonstances inverses : suppose que ta disposition à payer pour ce trajet soit faible, contrairement à celle de ton voisin de siège; le fait de faire payer plus cher ton voisin de siège est un moyen de te faire payer moins cher, donc de bénéficier de ce trajet. Il y a des tas de gens qui, chaque année, partent en voyage à prix cassé parce que des gens à plus forte disposition à payer ont payé des billets chers.
    Néanmoins, c’est vrai (et les commentaires ci-dessus le prouvent) les gens ressentent dans ces circonstances un fort degré d’injustice. Ce qui est paradoxal car la discrimination tarifaire vérifie "chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins" de façon parfaite. Ce n’est qu’une preuve de plus de ce que la justice, en réalité, fait souvent souffrir.

  17. Les économistes me feront foujours rigoler ..
    La norme GMS est né de la volonté des plus grosses compagnies européennes de partager leur marchés à l’avenir sur une base Européenne plutôt que nationale (la norme existe depuis plus de vingt …).
    Le roaming est LA raison d’être du GSM et l’une de ses plus belle source de marge.personne, ici ne s’est semble t’il penché sur l’alliance GSM, organisée par les plus gros acteur du marché. Relevons qu’après vingt ans d’aveuglement la communauté a décidé de raboter un les marges, un peu ..
    Montre un cartel à un économiste et il regardera ton doigt (les modes de facturations).
    Propos un peu virulent je l’admet, mais parler de logique de marché en matière de télécom revient à parler de libre entrprise en matière pétrolière !
    Bien à vous, très bon site et félicitations pour les blagues elles sont très bonnes

  18. Dans les exemples que vous donnez, la discrimination tarifaire est modérée, du simple au double tout au plus.
    Là je reviens d’une semaine de vacances en France, le crédit de ma carte rechargeable suisse a diminué de 14CHF (9 EUR) pour 2 appels émis (vers la Suisse) et 2 appels reçus. Le coût si j’étais resté en Suisse aurait été 1 CHF, ou 2.76 CHF si on considère le coût d’un appel international, ce qui nous fait une surfacturation de 400% pour le roaming.
    Vous mentionnez que ce sont surtout les hommes d’affaires qui sont concernés. Pas étonnant, c’est la clientèle la plus captive. Les autres renoncent à ce service. Puisque on a parlé des étudiants Erasmus, lorsque j’étais l’un d’eux, j’avais tout simplement 2 puces que j’échangeais à chaque traversée de frontière. Le roaming était un service inabordable, en revanche je n’hésitais pas à faire des appels vers l’étranger, la différence de prix étant raisonnable. Je n’ai pas pu utiliser ce système là, parce que j’étais dépendant du numéro de téléphone. D’ailleurs ce surprix pousse chez les frontaliers à des comportements a première vue pas très rationnels comme celui d’avoir deux portables sur soi en permanence.

    Dernière chose, je ne comprends pas trop l’idée que les opérateurs répercuteraient ailleurs la baisse des prix sur le roaming. Cela voudrait-il qu’ils renoncent aujourd’hui délibérément à une possibilité de surprofit parce qu’ils se contentent de celui qu’ils font autrement? J’ai du mal à y croire.

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