Le prix du livre d’économie du Sénat a accompagné cette tendance : il y a eu des années de palmarès navrant. Le livre de Pascal Bruckner, Misère de la Prospérité, n’était pas dépourvu d’intérêt, par exemple : mais le fait qu’il remporte ce prix lors de son année de sortie traduisait surtout la misère de l’édition française en matière de livres d’économie, incapable d’offrir autre chose que de piètres traductions (des années plus tard) d’ouvrages d’économistes américains.
Rien de tel cette année : les préselectionnés du prix du livre du Sénat comportaient beaucoup de livres très intéressants, comme l’a rappelé SM dans un message récent; C’est au point que le Daniel Cohen de cette année a paru un peu léger. Il reste toujours déprimant de visiter le rayon économie d’une librairie française : mais le niveau monte.
Cette tendance a été aussi sensible en matière de livres étrangers : je n’ai pas chroniqué toutes mes lectures de l’année dernière (cela viendra petit à petit au cours de l’année), mais une très grande part d’entre elles a été de très, très bon niveau. Il devient de plus en plus difficile de faire la liste des indispensables lectures qui changent radicalement votre point de vue tant celle-ci serait étoffée et propre à décourager le lecteur novice. Sommes-nous devenus plus sélectifs, et cette hausse de qualité ressentie vient-elle d’une meilleure capacité à détecter a priori un bon livre? En partie (à force, on finit par savoir quels sont les livres qu’il n’est même pas la peine d’observer dans les rayons…) mais pas seulement.. Il y a aussi une amélioration de la qualité générale des écrits économiques grand public. Les économistes sont de plus en plus nombreux à produire des éditoriaux dans divers médias, presse, électroniques, ou blogs (la télévision continuant de ne pas se prêter à l’exercice). Le débat économique devient public, plus accessible (internet permet de lire les publications dans les journaux étrangers) ce qui incite à l’amélioration. Il y a aussi un phénomène générationnel, que l’on trouve avec la chronique « Rebonds » dans Libération par exemple.
On ressent aussi cette amélioration en matière académique : loin des débats idéologiques stériles du passé, les économistes d’aujourd’hui sont plus pragmatiques, plus techniciens, plus unanimes, rendant possible ce que Keynes espérait : qu’un jour les économistes soient considérés simplement comme compétents, et plus comme gourous. En attendant, il y a plein de bonnes choses à lire, et cela n’est pas pour nous déplaire.