La France, pays de l’ignorance économique?

La blogosphère se fait largement l’écho d’un article du Herald Tribune d’hier, intitulé “economics, french-style”, qui place l’ignorance économique à tous les niveaux de la société française, au coeur de ses difficultés actuelles. Il y a effectivement de bonnes raisons de penser que l’ignorance économique est répandue en France, et que la France est particulière dans la médiocrité de son rapport à l’analyse économique. Il y a néanmoins beaucoup à dire face à l’argument selon lequel modifier cet état des choses passe par une formation économique modifiée.

Commençons par le commencement, même s’il ne fera pas plaisir : oui, les français sont nuls en économie. L’ignorance économique est l’une des choses les mieux partagées dans le monde. Mais, pour reprendre Krugman, il y a quelque chose de spécial dans la façon dont la classe politique française discute de questions économiques. Dans aucun autre pays développé, on ne trouve une élite aussi désireuse de laisser les belles phrases l’emporter sur le raisonnement, de rejeter les leçons de l’expériences au profit d’illusions de grandeur. Cette particularité n’est pas spécifique à la classe politique. C’est aussi vrai des intellectuels pour lesquels l’analyse économique et la présentation des faits n’a pas plus de valeur qu’une opinion, et pour lesquels l’objectivité se limite à écouter la gauche puis la droite; j’en avais parlé il y a quelques temps. Et c’est aussi vrai de la population dans son ensemble, qui est très prompte à reprendre sans réflechir les raisonnements les plus imbéciles. Il suffit pour s’en persuader d’aller voir le rayon “économie” (lorsqu’il existe) d’une librairie de type Fnac pour y trouver un empilement de brûlots gauchisants se réclamant d’une “autre économie” (l’auteur le plus mainstream qu’on y trouve étant en général Stiglitz…) d’un côté, et des pamphlets droitiers de l’autre. Si vous êtes dans une ville universitaire, vous y trouverez peut-être en prime quelques manuels de qualité inégale écrits par un enseignant local et destinés à sa clientèle captive d’étudiants obligés d’acheter le manuel sur lequel ils seront interrogés. Pour l’économie académique “normale” (celle qui n’est pas “autre”), on peut repasser, ou plus prosaiquement aller chercher des livres en anglais sur Amazon.com.

Il y a même pire : les universitaires, en moyenne, en France (et en Belgique), sont significativement différents de leurs homologues étrangers, et pas seulement sur les opinions, mais sur les jugements de fait. Il n’est pas étonnant que ce soit en France qu’on trouve facilement des étudiants découvrant avec stupeur (et parfois horreur) que la réalité de l’analyse économique académique est significativement différente du prêchi-prêcha qu’on leur a enseigné dans la bonne université de Paris CXIV-Saint Cucufa, ou au Lycée Maurice Thorez de Loos-les-Lille. Il ne faut pas généraliser, car la population des économistes en France est très hétérogène, et comprend beaucoup de gens compétents et reconnus; mais il ne faut pas non plus se cacher la réalité d’un enseignement de l’économie qui, pendant longtemps, a été en moyenne franchement mauvais, et dont la médiocrité perdure en partie du fait du népotisme régnant dans le système universitaire.

Il faut aussi reconnaître que cette médiocrité est en partie un phénomène générationnel, qui tend à s’estomper du fait de la mondialisation. Un étudiant aujourd’hui a facilement accès, via internet, aux manuels et ouvrages étrangers (ainsi bien entendu qu’à de remarquables sites internet francophones); il peut lire les revues internationales de haut niveau et se faire une idée de la réalité de l’économie de haut niveau. La génération actuelle des professeurs d’économie n’est pas la même que la précédente, est bien plus consciente de la réalité de sa discipline, et comprend bon nombre de gens de talent. De funérailles en funérailles, la science progresse, en France comme partout ailleurs. Etant donné l’âge moyen des classes dirigeantes en France, ces progrès ne remontent que péniblement vers celles-ci; mais on peut reconnaître honnètement que le débat économique français est aujourd’hui bien meilleur qu’il n’a été (si, si… croyez-moi).

On ne trouve cependant pas cette réalité dans l’article du Herald Tribune. On y lit par contre des choses fort surprenantes, comme le fait de qualifier Jean-Claude Trichet, présenté comme exemple de ce que le système académique produit de mieux, “d’économiste le plus célèbre d’Europe”, pour plus loin constater que la formation des énarques est très pauvre en matière économique. Paresse de journaliste? En réalité, on trouve dans cette article la trace d’un vieux débat bien franco-français : l’enseignement de sciences économiques et sociales pratiqué au lycée. Une bonne partie de l’article est en effet consacré à la formation que donne l’Institut de l’Entreprise aux enseignants du secondaire pour les “rééduquer” (sic), ainsi qu’au contenu, il est vrai le plus souvent très mauvais, des manuels d’économie du secondaire, et au fait qu’ils présentent une vue bien éloignée de la réalité économique telle que connue par les entreprises.

Je ne veux pas critiquer excessivement l’Institut de l’Entreprise, parce que je trouve la revue qu’ils publient, Sociétal, de bonne qualité; Les ressources pédagogiques qu’ils produisent sont de qualité honorable, et il n’y a aucun mal à organiser des stages d’immersion en entreprise pour enseignants du secondaire, bien au contraire. De même, je ne vais pas défendre le programme des enseignements de Sciences Economiques et Sociales, que je ne trouve pas bon. Mais je doute fort que cet enseignement soit la cause de la Zeitgeist française en matière économique. Et je trouve que la façon dont le débat sur cet enseignement des lycées se déroule est typique du mépris pour l’économie comme discipline académique qui prévaut dans notre pays.

Que cet enseignement soit englué dans les débats des années 70, qu’il soit instrumentalisé en grande partie par des groupes marqués politiquement, c’est possible. Mais ce n’est pas en réduisant l’influence de la vulgate gauchisante que son programme contient au profit d’une vulgate patronale qu’on améliorera les choses. Cela fait longtemps que cet enseignement est l’objet d’une lutte d’influence entre ces deux vulgates. Et cela traduit exactement le sentiment français en matière économique : l’économie n’est qu’opinion. “L’objectivité”, en matière économique, c’est de donner autant de temps de parole à la droite et à la gauche. Améliorer la connaissance économique des français, c’est “leur faire comprendre le point de vue des entrepreneurs”. C’est cette conception de l’économie comme pure opinion qui fait le statut de l’économie en France. Après tout, si l’économie est une opinion, chacun peut exprimer la sienne et la considérer comme tout aussi valide que n’importe quelle autre. Le résultat, c’est l’immense succès national de la Do-it-yourself économie : des gens qui n’oseraient pas s’exprimer en matière de chirurgie ou de physique nucléaire n’ont aucun complexe pour considérer que leur point de vue en matière de lutte contre le chômage ou de politique monétaire est digne de foi et devrait être fidèlement suivi.

Et l’article du Herald Tribune est typiquement dans cette optique, en faisant l’éloge de Thierry Breton, un chef d’entreprise, pas un énarque (sic). Un statut qui ne l’empêche pas d’être un grand champion du remplissage des bêtisiers. Est-ce contribuer à l’intelligence économique nationale, et éviter la confusion entre Etat et société, que de qualifier la dette publique nationale de “dette de la France”, comme il le fait tout le temps, et avec lui toute la presse complaisante? Est-ce contribuer à l’intelligence économique nationale que de se gargariser de “patriotisme économique”, en déclarant que les fabricants de yaourt ou les casinos doivent être préservés d’OPA étrangères? Voir cet individu et ses conseillers s’inquiéter de ce que les français ne comprennent pas l’économie et qu’il faut constituer un “comité pour l’enseignement de l’économie” constitué d’économistes, de journalistes financiers (!), et d’enseignants pour améliorer les choses (s’il y a un domaine dans lequel on aura créé des emplois, c’est bien celui de ce genre de comités inutiles) est du plus haut comique. Oui, les français sont nuls en économie, c’est un fait. Mais le poisson pourrit toujours par la tête.

Ce n’est pas en expliquant aux français ce qu’est un PIB en une minute avant le journal de 20h qu’on améliorera leur connaissance en économie. Ce que la connaissance économique apporte de spécifique et de non trivial, c’est la compréhension de quelques idées fondamentales. La première est l’idée d’interdépendance, autour du concept d’avantage comparatif. La seconde, c’est l’idée d’équilibre général : le fait que ce qui se passe dans une partie se répercute dans le reste, qu’il n’existe pas d’évènement économique “isolé”. La troisième, ce sont des équilibres comptables, comme le fait qu’un achat est toujours compensé par une vente. C’est cette perspective qui fait comprendre que ce qui est bon pour moi (l’augmentation de mon salaire) n’est pas forcément bon s’il est généralisé à l’économie dans son ensemble; c’est ce type de connaissance qui permet d’éviter les sophismes de composition qui sont les erreurs les plus fréquentes du discours économique. Corriger ces erreurs serait effectivement une bonne chose, mais ces authentiques erreurs économiques ne sont probablement pas plus répandues en France qu’ailleurs.

Alexandre Delaigue

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19 Commentaires

  1. Hein, Stiglitz un auteur de brûlot gauchiste? "Faut" lui reprocher quoi? (ça c’est pour mon info perso)
    sans transition, sur le billet lui-même:
    De mon point de vue de jeune chercheur en sciences dures, je pourrais aussi faire un tel article sur l’ignorance en sciences de mes compatriotes: il est important pour un magazine d’avoir son horoscope, pour mieux se vendre, chose que je n’ai pas constaté en Allemagne par exemple (qui pourtant est juste en dessous de nous pour les résultats en sciences de l’étude PISA 2003). Compétences scolaires et savoir utile accumulé ne vont donc pas de pair. L’enseignement économique/scientifique au lycée sert-il à préparer le bagage de l’étudiant en sciences (éco), pour le rendre professionnellement apte, ou bien sert-il à lui donner une culture générale utile pour sa vie de citoyen?

  2. — “Le résultat, c’est l’immense succès national de la Do-it-yourself économie : des gens qui n’oseraient pas s’exprimer en matière de chirurgie ou de physique nucléaire n’ont aucun complexe pour considérer que leur point de vue en matière de lutte contre le chômage ou de politique monétaire est digne de foi et devrait être fidèlement suivi.”

    Quand B. Salanié a commencé son blog, il avait placé une citation en exergue qui disait exactement la même chose. Et la citation datait d’il y a plus d’un siècle.

  3. @Oli : sur Stiglitz, quoiqu’on puisse penser de ce qu’il écrit (pour notre part, c’est variable), il faut constater que ce sont ses livres critiques qui sont mis en évidence; pas les autres.
    Concernant les sciences, il y a une différence importante : les gens qui n’y connaissent rien dans le domaine ne s’autoproclament pas "physicien" dans les journaux pour expliquer leur point de vue sur le nucléaire. Quant à l’objectif de l’enseignement, je pense qu’il n’est pas de fournir un point de vue, si équilibré soit-il, des différentes opinions sur un sujet. Que penserait-on d’un enseignement de physique qui dirait "Ptolémée pensait que le soleil tourne autour de la terre, Galilée pense l’inverse"?

  4. Chouette post. Au final, l’impression de savoir qu’on ne sait pas grand chose (si l’on n’est pas économiste) et que le monde est bien plus compliqué qu’il n’y parait à première vue. C’est un peu désolant, ça doit être cela, la première impression au sortir du Do-it-yourself. Pas étonnant que la prise de conscience soit dure.
    J’attends avec un peu d’angoisse la prochaine leçon.

  5. Excellent post, comme d’habitude. Je me permets de rendre attentif les étudiants (et les autres) qui ne lisent pas l’anglais que l’excellent manuel d’introduction à l’économie de Gregory Mankiw (Principes de l’économie) a été traduit en français. Tout à fait accessible pour des lycéens.

  6. Etat du débat bien résumé quoique je ne sois pas d’accord avec les conclusions que vous en tirez.
    Juste une remarque sur votre lien vers l’article de Lemennicier (et collègues): il est à mon avis faux de laisser penser qu’il y aurait un particularisme francophone. Comme l’article le fait remarquer, les autrichiens font des résultats similaires (dans les études où on les a interrogés) aux français. Les allemands sont entre les francophones et les américains. Il est très probable que les autres européens (continentaux, affreux étatistes) n’auraient pas non plus des résultats semblables aux américains.
    Par conséquent, si je peux me permettre une suggestion, le titre de votre article collerait mieux aux faits s’il était "Les USA, pays de la théorie (néo-classique) économique?". Ce qui me semble une lapalissade.

    Question con additionnelle: Comment des pays gouvernés et peuplés par des ignorants économiques font-ils pour avoir des niveaux de vie comparables (voire plus élevés, surtout si on prend en compte les inégalités ou les loisirs) à celui des américains? Non sequitur?

  7. Je souscrit pleinement aux idées exposées par Alexandre Delaigue.

    Pour illustrer sa thèse, je voudrais témoigner de la nullité du rayon économie (si on peut l’appeler ainsi) de la FNAC de Marseille. C’est exactement comme il le dépeint et même pire mais les mots me manquent pour décrire ma stupéfaction quand , aspiré par le vide de ce rayon qui est depuis 30 ans au fond du magasin à peu près au même endroit (je pourrais y aller les yeux fermés), je m’y retrouve comme malgré moi chaque fois que je vais à la FNAC, ne serait-ce que pour constater qu’aucun des manuels d’économie que j’ai péniblement traduit jadis de l’anglais n’y est jamais. C’est à peine mieux dans les librairies d’Aix. Là aussi, il y aurait beaucoup à écrire.
    Heureusement qu’en effet il y a amazon.com et amazon.fr ! Et heureusement aussi que les étudiants d’économie, en très large majorité, ne lisent rien. C’est déjà ca de gagné. Cela explique d’ailleurs pourquoi certains enseignants peuvent leur raconter n’importe quoi sans les faire broncher.

    Sur le conflit des vulgates : là aussi, fort bien vu. Je l’ai observé à Aix et à Marseille, où il fait des ravages. La vulgate patronale y est très répandue, notamment dans les cours d’économie de première année, sous forme d’une grosse soupe indigeste, déclamée avec une éloquence de prétoire de province, qui fait néanmoins merveille auprès des étudiantes qui en redemandent.

  8. Je crois que tu as raison d’insister sur la question de l’université. C’est en effet surement là que le bas blesse. Et c’est un domaine dans lequel les grandes écoles ne compensent pas (le seul fait de repenser aux cours d’économie que j’ai subis dans une gggrrraaaaannnnddddee école d’ingénieur me frémir)

    Je signale par ailleurs qu’un livre d’économie (et de politique) que tu as récemment chroniqué me parait pas mal (il ne fera sans doute pas long feu à la fnac!) Il s’agit du bouquin de Christian Blanc. Ce qui est bien c’est qu’il parle aussi beaucoup de réforme de l’université!

  9. "Je crois que tu as raison d’insister sur la question de l’université. C’est en effet surement là que le bas blesse."
    Pourtant c’est bien en fac d’économie qu’on fait que de l’éco, et néo-classique. On n’apprend pas beaucoup d’autres théories alternatives d’ailleurs.

  10. j’ai toujours entendu dire qu’en économie il y a vait des théories (mais j’y connais ke dal et n’ai jamais suivit aucun enseignement sur la chose)… mais politiquement qui dit théories dit positionement, dit opinion??
    et franchement, c super cho de vous suivre quand on vient de nulle part comme moi… (déjà les noms, les courants… moi je veux bien apprendre pour comprendre mais sans avoir a repasser le bac svp…)

  11. Argh… Si vous pouviez éviter le style SMS ici, ce serait sympa. Je préfère largement des fôtes d’orthografe…

  12. Je suis fan.

    Etudiant en économie et, je l’espére futur enseignant dans le domaine.
    Cet article, sur ce blog que je viens de découvrir, me fait vibrer au son de mes souvenirs de fac.

    Comment faire comprendre à mes amis étudiants que, non, tout n’est pas blanc tout n’est pas noir. Subissant leurs mépris ou j’étais considéré comme (Ô grande honte) un "gars de droite", j’essayais simplement de les convaincre que l’économie et la politique, si elles ne sont pas des choses cloisonnées et distinctes, restent quand même des sujets auxquelles la simple opinion de café de commerce n’avait pas sa place.

    Cela parait simple, mais avec le feu qui dévore actuellement le débat Sarko-Sego, essayez d’aborder un débat réellement économique sur le libre-échange, et cela même avec un étudiant en économie (donc un non-néophyte). Vous n’obtiendrez souvent qu’un ramassis de préjugés sortant parfois complétement du cadre de la discussion (racisme, intégration, immigration, pollution, mal-bouffe … et j’en passe).

    Le probléme en France, c’est que les politiques font croire à la population à grands coups de débats télévisés et autres discours qu’ils sont capables de comprendre l’économie.

    C’est un leurre. L’économie est complexe à comprendre.

    Ce dont les francais ont besoin, comme vous l’exprimer clairement, c’est d’une ouverture d’esprit.

    Le problème étudiant quand à lui, j’y passerais rapidement, provient d’un bourrage de crane qui commence au lycée et fini au bas mot en fin de seconde année de licence (anciennement DEUG). Ce bourrage de crane consiste à leurs rabacher, dans les grandes lignes, que d’un coté il y a les Neo-Classiques (souvent les méchants) et que de l’autre il y a les Keynesiens (souvent les gentils).
    La tradition et la culture manichéenne Francaise voulant cela, les étudiants intégrent facilement cet état de chose qui n’a pas lieu d’être. Il serait intéressant d’aborder les différents courants comme des compléments aux courants originaux, pas en opposition (même si il est vrai que certaines théories se fondent sur un refus d’une théorie précédente)

  13. Dans Le Monde du 5 octobre 2003, Michel Pébereau, ancien directeur des affaires internationales du Trésor, ancien directeur de cabinet de ministre des finances, ancien président de grande banque privatisée, ancien directeur des études économiques à Sciences-Po, écrivait ceci, qui invite à la méditation : "Chaque année, nos paiements courants apportent un excédent de l’ordre de 2 % de notre PIB pour financer l’économie nationale." ET oui, ce type qui croit que les futures prestations de retraite des fonctionnaires constituent une dette de l’Etat, croit aussi que l’excédent courant finance l’économie nationale. Il pense probablement aussi qu’un déficit courant finance les économies étrangères. Et il imagine sans doute le monde inondé des capitaux américains.
    On lui dit tout ou on le laisse dans son rêve?

  14. — “Le résultat, c’est l’immense succès national de la Do-it-yourself économie : des gens qui n’oseraient pas s’exprimer en matière de chirurgie ou de physique nucléaire n’ont aucun complexe…
    Je suis très étonné de retrouver la physique nucléaire citée en contre-exemple, alors que l’espace médiatique dédié à cette matière (en dehors des revues de spécialistes) est largement occupé par un institeur titulaire d’un DEA de sociologie.
    La physique nucléaire me semble être un parfait exemple d’une discipline "scientifique" avec des implications assez fortes dans le domaine de l’économie et (donc ?) de la politique où l’ignorance des français comme celui des journalistes est tout à fait inversement proportionnel à l’enracinement de prénotions fausses.
    Savez-vous par exemples que les déchets à vie longues sont d’autant moins radioactifs qu’ils ont une grande durée de vie, que l’on a jamais observé de déformation congénitale chez les descendants de personnes irradiées ?
    Savez-vous que les 90000 Bq du m3 d’eau qui a fuit de la centrale nucléaire japonaise après le tremblement de terre représentent la même radioactivité que 10 m3 d’eau de mer, ou que les premiers centimètres d’un m2 de sable, ou que 10 joueurs de rugby ?
    Peut-être faut il se réjouir qu’elle ne soit pas enseignée par des instituteurs ?

  15. @Vulgos(commentaire 6)
    D’après Paul Krugman et son livre "la Mondialisation n’est pas coupable",vous avez tout faux dans votre appréciation des EU,et si vous avez la curiosité d’ouvrir ce bouquin vous verrez que les responsables politiques et les élites médiatiques américains sont aussi truffes que les nôtres en économie.

  16. Je trouve assez drôle, cette idée qu’il existerait des "vérités" économiques, objectives, non idéologiques, qui feraient l’objet d’un large consensus au sein de la communauté scientifique… Sur le thème du chômage, par exemple, pourriez-vous m’en citer quelques-unes ?

    Lisez donc ceci.

  17. Sur le thème du chômage, il y en a un paquet. Je te renvoie sur le site de l’institut Manpower où Pierre Cahuc et André Zylberberg, deux spécialistes du sujet, font état de ce que les économistes savent sur le marché du travail.

    On sait par exemple que :
    1) L’accroissement de la protection de l’emploi a un impact quasi-nul sur le niveau du chômage mais réduit les créations et destructions d’emplois, donc il accroît la durée moyenne du chômage (qui est élevée en France). C’est ce que prédit la théorie et ce que disent les faits.

    2) L’augmentation du salaire minimum a un impact négligeable ou parfois positif sur le chômage jusqu’à un certain seuil, mais négatif après ce seuil. Cf. les études de Card et de Kramarz, Margolis et un autre dont j’ai oublié le nom. En france, augmenter le salaire minimum augmente le risque de chômage pour les individus dont le salaire est rattrapé par le salaire minimum.

    3) Le progrès technique a un effet indéterminé sur le chômage. Il créé et détruit des emplois en même temps (cf. la théorie de Schumpeter qui a été confirmée par les études empiriques). Le problème étant la reconversion des individus dont la qualification est devenue obsolète.

    4) Les politiques keynésiennes sont peu efficaces pour lutter contre le chômage en économie ouverte (On continue malgré tout à en mener).

    5) L’efficacité du marché du travail et des mécanismes par lesquels les offreurs et demandeurs de travail se recontrent détermine en grande partie le niveau de chômage d’équilibre, ainsi que la distribution des salaires à l’équilibre (cf. les modèles de matching et de job search).

    6) Les formations professionnelles de courte durée n’accroissent que très peu (voire pas du tout) la productivité des salariés et sont donc une méthode peu efficace pour lutter contre le chômage.

    7) et j’en passe…

  18. L’Economie n’est pas une science exacte, comme les maths ou la physique, n’en déplaise aux thuriféraires de ce blog. Si c’était le cas, cela se saurait, et les crises seraient prévues et identifiées par la communauté économique dans son ensemble. En effet, quand les phénomènes ont été démontrés et validés, une science peu prédire un résultat avec certitude et précision. A ce sujet, la théorie en physique précède souvent l’observation qui vient la valider.

    Le fait que les "économistes" n’arrivent pas à se mettre d’accord sur certains effets des mesures proposées ou prises montre bien que l’économie reste une "science sociale", c’est à dire qu’elle repose avant tout sur les actions d’individus qui sont imprévisibles, différentes et difficilement mesurables de manière fiable. Et c’est tant mieux. Mettre l’action des hommes en équation n’a pas encore prouvé être d’une fiabilité à toute épreuve, et on n’est pas près d’y arriver. Les modèles permettent de limiter les hypothèses et de donner des orientations, mais on est loin de la science, même si on voudrait que cela y ressemble.

    La macroéconomie apporte certes une aide pour comprendre les échanges, mais elle est incapable de prévoir ni quand une crise apparaîtra, ni son importance, ni sa durée, ni son traitement. La microéconomie est un mélange de comptabilité et de finance, c’est à dire des techniques ou des outils au service de la gestion d’organisations.

    Affirmer que l’économie peut s’affranchir des opinions politiques est au moins un vœu pieux, au pire d’un cynisme sans nom. La plupart des modèles économiques reposent sur des hypothèses et comprennent de nombreuse constantes. Celles-ci sont la plupart du temps fixées sur des critères chargés politiquement. Vous changez les constantes – choix politiques – et vous obtenez des résultats différents. Un exemple? Les politiques fiscales. Elles ont un impact direct sur l’économie, non? Beaucoup de modèles sont appliqués à travers le monde, les systèmes évoluent en permanence, et personne n’arrive à se mettre d’accord sur les retombées de telle ou telle politique, et encore moins d’en chiffrer précisément ses effets. Existe-t-il un système idéal qui apporterait bonheur et bien être au plus grand nombre ? Un système qui aurait fait ses preuves ? Dont les principes sont immuables ? Comme en thermodynamique ?

    Ce qui me fait penser à une discussion avec mon beau-père, donc je me permets de faire une petite diversion analogique concernat les principes de thermodynamique (très simplifiés ici) qui pourraient s’appliquer à l’économie:
    1- un système fonctionne avec deux sources l’une chaude, l’autre froide. Traduction: il y a des riches et des pauvres. Vrai, et donc (maleureusement) inévitable….
    2- pour fonctionner, tout système (non fermé) doit être réversible. Traduction: on doit pouvoir passer de l’état riche à l’état pauvre, et vice versa. Ce qui est vrai en théorie, mais dans la réalité c’est extrêmement rare…
    3- si on veut éviter que l’entropie du système augmente indéfiniment, que le chaos s’installe et l’uniformité guette, il faut insuffler beaucoup d’énergie au système. Traduction : Régulation et réversibilité coutent moins cher que chaos et irréversibilité, mais il faut choisir, et cela coute cher à la collectivité

    Bon, je reprends. Regardez la politique menée par Clinton qui visait à augmenter les impots et réduire les déficits. Les US ne sont jamais aussi bien portés, la création de richesses et la croissance a été partagée par un grand nombre ( je ne parle pas des trente glorieuses) pendant huit ans. On aurait pu penser que cela plairait qux américains et qu’ils éliraient Al Gore. Eh non ! Ils ont choisi la politique inverse de Bush and co, qui devait assurer la supériorité du modèle américain. On voit le résultat: des déficits énormes, une dette qui a explosé, et je ne parle pas de la crise d’aujourd’hui, qui est la faillite d’un système qu’il faudrait sauver. A un coût délirant pour fair machine arrière. Regulation et politique fiscale exigente contre dérégulation et politique fiscale lâche. N’est-ce pas politique, voire même idéologique?

    L’intéret de l’économie, c’est de permettre des débats souvent passionnants sur l’organisation de la société et les choix à faire. On n’a pas encore trouvé la solution idéale. Si les économistes veulent que leurs travaux soient reconnus, utilisés et mis en valeur, il faut qu’ils descendent du piédestal sur lequel ils se voient trop souvent, écoutent ceux qu’ils dénigrent comme étant ignorants et adaptent leurs discours pour les rendre compréhensibles et utilisables.

    L’enseignement doit être riche des apports des différentes écoles économiques. Les théories doivent être analysées, comparées, discutées pour permettre aux étudiants de bien comprendre les contextes dans lesquels elles ont été développées, ainsi que ce qu’elles apportent à la connaissance d’ensemble des enjeux et potentiels.

    Mai surtout, un peu d’humilité de la part des économistes serait bienvenue. En effet, les économistes passent beaucoup de temps à médire sur leurs collègues sans vraiment avancer d’arguments convaincants. L’humilité permettrait sans doute d’améliorer la qualité de l’enseignement de l’économie, mais aussi leur image.

    Alors science ou science sociale. En fait cela a peu d’importance, même si ma perception de l’économie est proche de la philosophie. Cela ne lui enlève rien, au contraire ! Car comme vous avez peut-être compris, je goûte la matière économique avec beaucoup d’apétit, et sans être un spécialiste, j’apprécie le travail des économistes. Mais je ne partage pas tous les principes pronés par certaines écoles, surtout quand on voit les résultats. Au même titre que je suis plus à l’aise vis à vis de certains principes philosophiques. Respectez la diversité des apports des uns et des autres, en étant vigilant et exigeant sur la qualité du raisonnement.

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Vous aviez visiblement un cri à pousser. J’espère que cela va mieux maintenant.

  19. Au risque de vous décevoir, la physique non plus n’est pas une science exacte. Elle est sans aucun doute plus maîtrisée et mieux comprise que l’économie, mais exacte, non jamais… (et j’en suis) Il reste beaucoup de zones d’ombre, notamment sur des points qui peuvent ressembler à de l’économie… On peut prédire la rotation des planètes, mais pas le moment où va se déclencher un cyclone. Ben l’économie c’est pareil.
    Quant aux maths, ils sont à priori exacts, mais je ne sais pas si on peut vraiment les qualifier de science (formalisme plutôt…),

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