La crise financière est due aux parachutes dorés

Et le moteur de mon Solex a serré parce que mes freins étaient pourris.

Quand Nicolas Sarkozy déclare qu’il veut la fin du capitalisme financier et qu’il se penchera de près sur la question des parachutes dorés, on n’est guère étonné. Quand on ne comprend rien à ce qui se passe (comme beaucoup de gens, dont Steven Levitt, je le rappelle) et qu’on doit quand même faire du bruit, le terrain de la morale est le plus efficace (pour être tout à fait exact, lui, comme d’autres présidents français, voire étrangers, ne comprend rien de rien à l’économie). En 2008, je ne saurais le lui reprocher, c’est son job. Ce qui n’est pas la meilleure nouvelle pour notre président, mais me permet de le délester d’un poids que l’époque ne saurait lui faire porter.

Quand notre décidément inspiré journal de 20h de France 2 (après 5 minutes) enchaîne bruyamment sur la question des parachutes dorés, on se dit que l’on va passer sur Plus belle la vie les faux problèmes sont la matière première de l’info grand public et de ce JT qui semble “galvanisé” par l’arrivée d’une cylindrée d’origine italienne à la carburation encore incertaine sur TF1.

Il faut être conscient du fait que les parachutes dorés n’expliquent en rien la crise financière actuelle. Au contraire, pourrait-on presque dire. Primo, quel est le rapport entre la faillite de Lehman Brothers et les indemnités de départ du PDG de Carrefour (grande distribution, pour l’essentiel) en 2005 ou même de Patricia Russo en 2008 chez Alcatel Lucent (Télécoms et réseaux)? Secundo, quelle est l’incitation d’un PDG de banque à prendre des risques inconsidérés ? Toucher plus vite son parachute et ne plus retrouver de travail ensuite ? Tertio, que représente les quelques dizaines de millions d’euros palpées par des patrons aussi incompétents que ce que l’on attend d’eux, par rapport aux 700 milliards de dollars en voie d’être engagés par les autorités américaines pour maintenir le système financier US et mondial ? Supprimons-les demain et laissons tout le reste inchangé. Dans 15 ans, ce seront peut-être de nouveau des centaines de milliards qu’il faudra remettre sur la table.

Un patron est outrageusement payé, quel que soit son résultat, pour diverses raisons, parmi lesquelles on peut en citer au moins deux. Etre le calife à la place du calife justifie de faire preuve d’une incroyable compétence quand on n’est pas à sa place (même si une fois en place, la chance est nettement plus prégnante que la compétence). C’est donc un facteur de motivation important pour ceux qui sont juste en dessous. D’autre part, ceux qui sont reconnus comme les meilleurs opèrent sur un marché comparable à des enchères, compte tenu du faible nombre de candidats (et quelle que soit l’incertitude sur leurs compétences réelles).

On peut trouver cela indécent, injuste, voire absurde. Il n’empêche : ce n’est pas là qu’est le problème. Je dirais même plus : on peut se demander quels intérêts, dans notre capitalisme national, la condamnation de ce mode de fonctionnement peut préserver. Au fond, siéger dans des conseils d’administration avec un statut de facto inamovible compte tenu des relations consanguines nourries par le système, sans jamais percevoir de parachute doré, dans un système où le marché est exclu des modifications de composition des CA, peut s’avérer nettement plus rentable et paisible que de jouer aux funambules, fût-on paré par un parachute en or.

Au delà de ces spéculations et de ce que ma compétence m’autorise à dire avec certitude, il reste une chose dont je suis certain : supprimer ces indemnités, dont il n’est même pas utile de discuter la morale (c’est mon côté gauchiste, diraient quelques commentateurs influents, qui ne comprennent rien de rien à l’économie, mais, c’est un minimum, travaillent avec Sarkozy, avant l’alternance), n’est pas la priorité du moment.

31 Commentaires

  1. Et pourquoi ne pas faire un billet demain sur les belles interventions du quatuor d’experts appelés en fin de journal (Thibaut, Hollande, Parisot et Bayrou) qui nous ont également fait une belle démonstration d’amalgames et de rhétorique démagogiques à vocation propagandistes?
    Joli billet

    Réponse de Stéphane Ménia
    (Voix basse) Parce que je suis allé boire mon café dans le coin fumeur et que je ne les ai pas entendus…

  2. Ne sous-estimez l’importance de la contribution à la paix sociale de ces quelques autodafés récréatifs : rien de tel pour aider tout un chacun à oublier quelques instants cette étrange sensation qu’éprouve le dindon tournant sur sa broche.

    On ne nuit d’ailleurs sans doute guère à ne sacrifier que quelques symboles. C’est économique, c’est pratique, c’est donc fantastique.

    Et ça n’empêchera pas ces pratiques de perdurer, sous d’autres formes, suffisamment subtiles pour ne pas trop donner l’impression de se tamponner le coquillard des promesses du Président mais restant assez transparentes pour ne pas donner aux actionnaires quelque prétexte pour chicaner.

  3. Une petite reflexion que je me suis faite: si la rhétorique de réaction à la crise financière est aussi plate que d’habitude, n’est-ce pas parce que les politiques français, tellement habitué à parler sans cesse de crise, n’ont pas besoin d’un nouveau discours?

  4. C’est marrant : en ré-écoutant le discours, il me semble plutôt que ce sont les fonctionnaires qui sont responsables de la crise financière.

    D’ailleurs, ils seront bientôt châtiés, et, après une rapide rééducation, envoyés observer la paix européenne sur le front de l’Est en Géorgie.

  5. "Etre le calife à la place du calife justifie de faire preuve d’une incroyable compétence quand on n’est pas à sa place (même si une fois en place, la chance est nettement plus prégnante que la compétence). C’est donc un facteur de motivation important pour ceux qui sont juste en dessous."

    Heu … je n’ai pas compris cette première raison. Que voulez-vous dire ?

    Réponse de Stéphane Ménia
    L’idée, c’est que si vous avez une structure avec 1 mec au dessus et disons 30 juste en dessous, si vous voulez motiver l’ensemble au maximum, il vaut mieux payer 30 fois plus celui du dessus que de payer les 30 deux fois plus et celui du dessus disons deux fois plus. La carotte sera de toucher le pactole en devenant le n°1. C’est la “logique du tournoi”. Vous aurez 30 personnes survoltées.

  6. Et DONC, les 30 d’en dessous seront poussés à prendre le plus de risques possible.

    S’ils la jouent paisible, ils ne se feront pas remarquer et ne sortiront pas du lot.
    S’ils jouent gros, ils ont une chance de gagner gros et de faire le coup d’éclat qui les mettra devant les 29 autres.

    Finalement, les parachutes dorés poussent au crime! CQFD!

    Réponse de Stéphane Ménia
    Vous confondez motivation et possibilité de faire des conneries. Le coeur du problème n’est pas la rémunération du mieux payé. Ce sont les risques que les gens peuvent prendre. La notion de “meilleur” est relative. Quand on interdit aux F1 d’avoir certains attributs techniques, on n’élimine pas la rémunération des pilotes les mieux payés.

  7. Le point sur la carotte pour devenir calife est discutable non ?

    Un autre raisonnement pourrait dire que si les 30 gars du dessous estiment que proportionnellement à leur patron ils ne sont pas assez récompensés de leurs efforts leur motivation va baisser. La faute à un manque de reconnaissance. Les conséquences peuvent aussi se traduire en démissions.

    Autre chose, la logique du tournoi présente il me semble de gros défauts qui se traduisent concrètement pas des comportements où tout le monde se tire dans les pattes, ce qui est très mauvais pour la boîte.

    Réponse de Stéphane Ménia
    Ce n’est pas moi qui fixe les règles de rémunération, je me contente de dire ce qu’en attendent ceux qui les fixent.

  8. "que représente les quelques dizaines de millions d’euros palpées par des patrons aussi incompétents que ce que l’on attend d’eux, par rapport aux 700 milliards de dollars ?"

    En vous lisant, je me suis demandé si vous étiez stupide, ou plus simplement intellectuellement malhonnête. Car ce n’est évidemment pas le montant des parachutes qu’il faut comparer aux 700 milliards, mais le coût des décisions risquées que les parachutes ont incitées à prendre. C’est comme le pot de vin donné par l’entreprise pour obtenir un marché. Le coût n’est pas le montant du pot de vin, mais celui de la surfacturation associée au pot de vin. C’est même parfois le coût total de l’opération qui est inutile: comme l’autoroute construite qui va nulle part.

    Xuelynom le dit bien, les parachutes sont des pousse au crime, ou plutot des pousse à jouer à pile ou face. Pile la bourse monte et je gagne. Face elle baisse, et je ne pert rien grâce au parachute. Par contre, l’actionnaire ou la collectivité (suivant les cas) pert beaucoup.

    Réponse de Stéphane Ménia
    Je suis stupide. Ah et aussi très malhonnête. Du coup, je ne lis même pas ce qu’écrivent les gens (qui commencent leur discussion de cette façon).

  9. En même temps, aux JT, il ne faut pas croire qu’ils sont suréquipés en journalistes ayant aussi un master d’économie…

    L’économie journalistique se focalise avant tout sur la Bourse (pas un bon indicateur de la crise actuelle d’ailleurs, les marchés monétaires et crédits sont plus intéressants), sur ce qu’en disent les politiques (puisqu’ils faut savoir ce que pense les chefs) et sur un soupçon de micro-trottoirs (pour savoir ce que pense le peuple).

    Parfois, on demande à un spécialiste de s’exprimer sur ces sujets complexes, puis on en retient 30s… De plus, les montages ne retiennent que les phrases chocs, affirmations et autres certitudes, ce qui (dans la situation actuelle de grande incertitude sur l’ampleur et les impacts de la crise) conduit forcément à un certain nombre de bétises.

    Mais c’est le traitement télé qui est comme ça, c’est vrai sur tous les sujets.

    Réponse de Stéphane Ménia
    Sûr… Je ne dis pas autre chose. Mais doit-on ne rien dire pour autant ?

  10. Honnêtement, arrêtez de vous insurger dès qu’un homme politique dit des aberrations en économie. Je pense qu’il est facile à comprendre que le discours politique ne peut avoir les mêmes critères de rigueur scientifiques que vous, si tant est qu’il en ait. Mais il est inutile de s’en offusquer à chaque fois que Sarkozy dit un mot.

    Réponse de Stéphane Ménia
    ce qui vous ennuie, visiblement, c’est que ma critique porte sur Sarkozy. Car, au fond, si on enlève ça, vous me demandez d’arrêter de parler d’économie.

  11. D’après D. Cohen, l’un des objectifs des parachutes dorés est de forcer la nature humaine riscophile en incitant les patrons à prendre beaucoup de risques, y compris si un bout d’échec pouvait conduire à leur éviction pour satisfaire le bas peuple salarié. Globalement, l’entreprise gagne à un comportement neutre voir favorable au risque quand tout va bien. Or la prise de risques fortes en période difficile, incitée par la politique (partiellement rationelle) des actionnaires en faveur des parachutes dorés, lorsqu’elle est utilisée par tous peut conduire à une grave crise financière…

    Sans vouloir défendre Sarko, il me semble donc y avoir un lien.

    Réponse de Stéphane Ménia
    Bien sûr qu’une assurance crée de l’aléa moral. Mais comme l’a dit Alexandre ailleurs, la question se pose plus au niveau inférieur sur les rémunérations variables des cadres et traders. Changer le système de rémunération d’un seul homme ne modifiera pas le risque général accepté par le système. Je n’y crois pas une seconde.

  12. L’économie repose sur des humains et des phénomènes psychologiques. Les parachutes dorés diminuent la confiance de la majorité dans le système, excitent la rapacité des décideurs, et empêchent d’associer liberté et responsabilité. Ils ont donc bien un rôle dans le mauvais fonctionnement du système.

    Réponse de Stéphane Ménia
    C’est un blabla impressionnant.

  13. Je croyais que le lien venait d’une déclaration venant des Us et disant que le peuple étasunien s’était ému de voir les salaires de plusieurs millions des grands patrons de Wall Street et voir le résultat de ces derniers mois.

    Eux ayant la culture du résultat (pardon.. Culture du mérite), leur salaire n’est pas passé.

    Ainsi, cette déclaration finissait en disant qu’il envisageait de bloquer par loi le salaire des grands patrons de société privée au salaire max d’un salarié public soit 400 000 dollars US.

    Sachant que nos dirigeants prenaient aussi l’excuse de l’attractivité par le salaire-stock-option-parachute des PDG au niveau mondial. C’est sûr que si le pays du capitalisme commence à penser cela, le nôtre peut bien renoncer aux parachutes dorés, voir plus.

    Après les liens que l’on fait…

  14. Vous dites que "la crise financière" a autant "à voir avec les parachutes dorés" que le "serrage de votre moteur de Solex avec les freins pourris".

    Vous dites: "Le coeur du problème .. ce sont les risques que les gens peuvent prendre." ce qui est en parfait accord avec la critique que j’entends partout concernant les parachutes dorés, et que Xuelynom résume en disant qu’il sont "des pousses au crime".

    Et lorsque l’on essaie de pointer les contradictions de votre discours vous répondez: "je ne lis même pas ce qu’écrivent les gens"

    Vous êtes fatiguant !

    Avec votre façon de discuter, il n’est même pas possible de savoir si, pour vous, l’effet "pousse au crime des parachute dorés" a un impact réel important, ou s’il est complètement négligeable.

    Quand à l’effet direct des "quelques dizaines de millions d’euros palpées par les patrons", il est négligeable "par rapport aux 700 milliards de dollars" de la crise financière. Nous sommes d’accord, il suffit de compter.

  15. Quelques compléments au post de Stéphane.

    – La démonstration du lien entre les "parachutes dorés" et la crise financière n’existe pas, parce qu’elle est totalement absente. Que la rémunération des salariés des banques soit en cause, c’est possible : mais cela concerne les primes de rendement et les bonus, pas les parachutes dorés, qui peuvent fort bien avoir l’effet inverse : un gestionnaire de fonds sait ainsi qu’avoir raison contre tout le monde (ce qui lui vaudra d’être viré s’il n’achète pas des subprimes titrisés comme tous ses collègues) ne le pénalisera pas forcément.

    – J’aimerai que l’on me décrive ou se situe exactement l’effet externe qui pourrait être résolu par une intervention publique sur la rémunération des dirigeants. Même si les parachutes dorés conduisent les entreprises à être mal gérées et à connaître des difficultés, c’est le mécanisme de marché qui corrigera la chose en faisant progressivement disparaître ces entreprises. Chercher à protéger les entreprises des conséquences de mauvais choix par la réglementation, c’est se retrouver avec des tas d’entreprises improductives.

    – La question des rémunérations, notamment des dirigeants, traduit toute la complexité d’une relation principal-agent, qui est un problème d’informations et d’incitations. On peut trouver tous les défauts que l’on veut à un système en place, s’imaginer que le pouvoir politique puisse savoir mieux que les gens qui sont directement concernés (ici, les actionnaires) comment rémunérer les dirigeants des entreprises relève de la fantaisie grotesque.

    – Interdire un mode de rémunération particulier sans se pencher sur les raisons qui ont créé ce mécanisme de rémunération, c’est faire en sorte que les gens concernés trouvent des tas de moyens pour contourner la législation, et trouver des mécanismes avec plus de défauts, et dissimulés.

    – Le propos présidentiel ne relève pas d’un quelconque raisonnement économique, ni même de la morale : il relève de l’émotivisme, cette façon de juger les problèmes par la réaction tripale : "c’est dégueulasse que des gens se fassent plein de sous quand des autres sont dans la mouise" et "trouvons les méchants et cassons leur la gueule". Quand un enfant réagit de cette façon, on lui apprend à utiliser sa raison, pas ses tripes. Visiblement, les présidents de la république disposent eux d’un droit consubstantiel à se comporter comme des brutes sans cervelle.

    – Commencer une question par "je me demande si vous êtes stupide" est une excellente façon d’avoir une réponse à la hauteur.


  16. Réponse de Stéphane Ménia
    Revenez à plus de politesse envers moi si vous voulez à nouveau être publié sur ce site. On n’a pas gardé les cochons ensemble.

  17. Alors, la question n’est-elle pas de savoir ce qui est considéré par les actionnaires principaux d’entreprise comme une gestion réussie ?
    Si un fond de pension quelconque décide qu’il faut absolument dégager du bénéfice à court terme, en rémunérant abondamment celui qui mène cette action au dépens des salariés et du long terme de l’entreprise, ne pourrait-on trouver un lien entre ces gros salaires de récompense et une crise boursière ?

    Réponse de Alexandre Delaigue
    En l’occurence non. Il faut se méfier de l’analyse journalistique présentant l’évolution des cours boursiers en temps réel comme la mesure de la santé de l’économie. La presse spécialisée qui se livre à ce sport ne travaille que pour ses clients, qui détiennent des actions; cela ne constitue pas l’essentiel de la population, loin de là. La crise actuelle est une crise du crédit; en soit, la baisse du CAC ou de la valeur des actions d’une entreprise n’a pratiquement aucune conséquence sur le reste de l’économie.

  18. Le "golden parachute, comme le "golden handshake", les stock options ou actions gratuites, font partie de la négociation entre l’entreprise et l’individu. Je ne vois pas de loi efficace pour s’opposer à la volonté des parties de conclure un contrat, la seule solution relevant de la puissance publique est de les taxer, mais comme le bouclier fiscal est maintenant érigé au rang de dogme on en restera à la phase incantatoire.

    Quand l’entreprise se cherche un sauveur et que l’individu est déjà bien payé ailleurs, il faut le convaincre de s’engager quand même dans cette galère. Mener à bien la fusion HP/Compaq ou ALcatel/Lucent c’était très risqué et pouvait (devait?) conduire à la catastrophe; donc la motivation était nécessaire, d’autant plus d’ailleurs que l’orientation de départ (fusion dans ce cas) était suicidaire (je sais on dit audacieuse chez ces gens-là). Dans ce cas le parachute doré ne me parait pas scandaleux, d’autant qu’il peut prémunir contre des actionnaires versatiles qui s’apercevant que leur orientation précédente était idiote et décident d’en changer et de changer de tête avec sans que la tête en question ait fait autre chose que ce qu’on lui a demandé. Si Pat Russo et Serge Tchuruk avaient fait croître séparément les activités de Lucent et Alcatel sans atteindre les objectifs attendus de la fusion et qu’ils aient été remerciés parce qu’après réflexion finalement la fusion n’était pas ce qu’on attendait, le parachute aurait été justifié.

    C’est souvent l’inconséquence des dirigeants ou actionnaires précédents qui conduit une entreprise à avoir besoin d’un sauveur, quand cette inconséquence n’a pas ruiné la motivation et la compétence des équipes. Donc pour le nouvel arrivant chargé de l’image du sauveur, la motivation doit être soutenue en cas de succès mais peut aussi trouver une porte de sortie honorable en cas d’échec, parce que les paris "audacieux" peuvent aussi échouer sans que la compétence du conducteur soit en cause. Dans ces cas je ne vois rien de scandaleux à inclure la possibilité d’échec dans la négociation, sauf à priver les entreprises en difficulté de la possibilité d’embaucher une pointure qui pourrait les sortir de là. Air France, RATP, Alstom, France Telecom sont des exemples de belles entreprises qui ont été un temps des paris "audacieux" à relever.

    Ce qu’il faut éviter, et là le point de vue "moral" rejoint l’intérêt de l’entreprise, c’est le patron qui programme lui-même sa sortie plus que la croissance de son entreprise, choisit le moment propice pour optimiser son patrimoine ou souffre de mégalomanie; mais Carrefour, Vinci, Universal ou Airbus n’étaient-ils pilotés que par leurs patrons coulés au pilori? Si ces patrons ont été malhonnêtes n’ont-ils pas eu des complices ou soutiens, une cour qui les a laissés faire ou des actionnaires peu clairs?

    On peut aussi retourner l’argument: un système capable de faire évaporer 700 milliards sans l’avoir vu venir n’est-il pas prêt à concéder quelques dizaines de millions à des têtes emblématiques chargées de conduire la manoeuvre?

  19. Dans la même veine que berli, on pourrait remarquer que le patron du fond de pension actionnaire a sans doute également un mode de rémunération comparable, la question étant alors l’éventuel effet amplificateur les modes de rémunération. Dans ce cadre, les "parachutes dorés" ont-ils les mêmes effets que les primes variables ? Enfin ce qui est rémunéré n’est il pas en partie une fonction de fusible ?

  20. Il m’aurait semblé que les gros salaires sont dans l’intérêt de la collectivité, dans la mesure ou les taux marginaux d’imposition a l’IR sont généralement bien supérieurs a ceux de l’IS.

    Et puis ce qu’on appelle "parachute doré" peut aussi se dire "indemnité de licenciement". Ou alors la sémantique varie t elle avec les montants?

    Réponse de Alexandre Delaigue
    J’avoue que je vois effectivement mal comment on pourra interdire les parachutes dorés sans interdire les indemnités de licenciement, sauf à créer une discrimination entre types de salariés… Si un juriste passe dans le coin, aurait-il une idée?

  21. Le juriste, passant par là, a une idée.

    Les dirigeants sociaux ne sont pas, en principe, liés à la société par un contrat de travail. Et pour cause, le contrat de travail induit un rapport de subordination entre l’employeur — la société — et le salarié.

    Or, le directeur général, par hypothèse, est au sommet de la hiérarchie.

    On admet donc que les salariés nommés dirigeants — administrateurs — peuvent conserver leur contrat de travail, mais celui-ci est suspendu. Il reprend effet à la fin du mandat social.

    Mais une indemnité de licenciement — même contractuelle — n’est pas liée à la fin des fonctions de mandataire social — sauf dans de rares circonstances dans les groupes de société — mais à celle du contrat de travail. Il ne faut donc pas confondre indemnité de départ du dirigeant social et indemnité de licenciement.

    De fait, les parachutes dorés devraient être prohibés, car les dirigeants sociaux sont censés être révocables ”ad nutum”, c’est à dire, sans motif.

    Tout dispositif — comme une indemnité — qui limite cette possibilité de révocation et fait obstacle au principe de la révocabilité ”ad nutum” doit donc pouvoir être annulé.

    Il se trouve que la dissociation des fonctions de directeur général et de Président du conseil d’administration a un peu affadi le principe, puisqu’il fait désormais un "”juste motif de révocation" lorsque la direction générale n’est pas assurée par le Président du conseil d’administration.

  22. Jules a raison lorsque il fait la distinction entre mandataire social et salarié. Sauf que pour avoir été dans ce cas la je peux dire que il y a négociation lors du passage car sinon le jeu n’en vaut pas la chandelle.

    D’une façon générale, les parachutes dorés sont équivalents a l’indemnité de licenciement du salarié avec la même ancienneté (tout au moins dans mon industrie ou cela correspond a environ 2 ans de salaires).

    Quand a interdire quoique ce soit, nous en discuterons autour d’une bière tiède dans un pub Londonien alors.

  23. Il y a un risque personnel énorme lorsqu’on décide de devenir mandataire social et une interdiction des parachutes dorées seraient immédiatement remplacées par les "cadeaux de bienvenu". C’est à dire une prime que l’on donne au nouveau dirigeant a son arrivée (sous réserve qu’il reste suffisament longtemps).

  24. Très bon article…. cependant je vais critiquer aussi votre interprétation de l’origine des parachutes dorés !!!
    Est-ce que l’existence de telles indemnités a réellement une raison économique ? Pour moi, ce n’est pas une carotte pour les 30 en dessous. Des primes de moins forte ampleur marcheraient tout autant. Certaines choses ne relèvent pas d’une logique économique selon moi. Ce n’est que de la pure contingence, le fait que les patrons en place ont tout pouvoir de fixer leurs salaires. La théorie économique est une chose.L’analyse des rapports de force sociaux n’en fait pas partie selon moi !

  25. A Alexandre Delaigue,

    Je suis d’accord avec vous sur l’absence de lien entre parachutes dorés et crise financière.

    Le fond du problème est politique & moral :
    Un tel décalage entre performance et rémunération est-il moralement justifié ?
    Je pense qu’un consensus se dégage sur le non…

    Alors pourquoi existe-t-il ? Deux éléments de réponse selon moi :
    – Incompréhension et sous-estimation des risques pris, dans le cas par exemple des traders. Certes une année donnée ils font gagner beaucoup d’argent à la banque, mais parce qu’ils prennent des risques, pas parce qu’ils sont performants. Il y aura forcément une autre année (au hasard 2008) où ils en feront perdre tout autant, voire davantage.
    – Capacité de nuisance d’un patron licencié : Même s’il est incompétent, il connaît toute la stratégie de la boite, on achète son silence via un parachute doré.

    Que faire alors pour le limiter ? Quelques éléments de réponse
    – Sur la maitrise des risques : Commencer par faire porter la responsabilité des risques au maximum par les actionnaires, voire par les créanciers. C’est par exemple ce qui a été fait à des degrés divers pour Lehman, AIG, Fannie Mae…Problème : Cette solution est limitée par l’avidité naturelle des marchés financiers (on a tendance à oublier les leçons des crises précédentes) et par le risque systémique (impossible pour l’Etat de laisser s’écrouler trop de banques). L’Etat est donc légitime pour réguler les risques pris. Exemple : en augmentant le ratio minimum fonds propres / engagements.
    – En imposant fiscalement les parachutes dorés, voire en les interdisant (si mandataire social)

    PS : d’un côté vous critiquez régulièrement Tony Blair sur son approche trop technique des problèmes (il y a une seule bonne politique). De l’autre vous critiquez Nicolas Sarkozy lorsqu’il se place sur le terrain politique et moral. N’est ce pas contradictoire ?

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Plusieurs choses. tout d’abord il y a une certaine contradiction à critiquer à la fois les primes des traders “au rendement” (dont on peut tout à fait admettre les effets négatifs; la question étant de savoir en quoi cela peut et doit être amélioré par la réglementation) et les “parachutes dorés” sous prétexte qu’ils encouragent à être peu performant. Il me semble qu’il faut choisir, et surtout, se fonder sur des études empiriques solides; j’en connais sur les primes de rendement et leurs défauts, j’en connais beaucoup moins sur les parachutes dorés. Ensuite, vos solutions méritent discussion, mais sont séparées de ce sujet. Réglementer les ratios de fonds propres, c’est bien gentil, mais c’est ce qu’on faisait avec Bâle 1 et 2, et c’est précisément cela qui a encouragé les comportements en cause maintenant; la question est donc de savoir comment éviter de refaire les mêmes erreurs. Interdire ou imposer les parachutes dorés n’a rien à voir avec le sujet, puisqu’ils sont, comme vous le soulignez, un problème qui n’est d’ailleurs même pas un problème de morale, mais d’émotivisme : cela “choque” que machin gagne beaucoup d’argent. Je suis désolé, mais ce n’est pas de la morale, c’est de la discussion de sentiments. Il n’y a enfin aucune contradiction entre ma critique de Blair et celle de Sarkozy; si vous allez lire le post “fisking blair” vous verrez que l’émotivisme, l’appel au “grand leader” relèvent tous deux du managérialisme : l’illusion du grand chef qui va trouver et mettre en place LA solution, enrobée de verbiage héroique qui tape à l’estomac parce que “le coeur ne ment pas”. Et Sarkozy, en l’affaire, n’est ni dans le camp de la politique, ni dans celui de la morale; la politique consiste à trancher dans l’indécidable reconnu comme tel, pas à piailler comme une brute de bac à sable. la morale quant à elle implique de se référer à un système de valeurs, pas à de vagues “sensations” comme le fait que le capitaine d’industrie qui fait des vraies choses c’est bien, et le financier qui fait des choses auxquelles je ne comprends rien, c’est un méchant spéculateur et c’est pas bien. Si ça c’est pour vous de la politique et de la morale, je ne saurai que trop vous recommander quelques classiques en philosophie politique.

  26. Je propose que nous laissions la morale a l’écart de tout cela.

    Il y a des tas de raisons pour qu’un patron gagne une masse d’argent, parmi lesquelles la chance d’être au bon endroit au bon moment, mais si on veux de la morale on n’a qu’a rentrer dans les ordres. La plupart des gens sont complètement incapable de faire ce boulot (ou même les 3000 boulots en dessous) pas plus qu’ils ne sont Zidane ou Makelele.

    Pourquoi donc pourrait ils avoir une opinion sur le niveau correct de salaire d’un patron alors qu’ils ne se posent pas la question du footeux.

    Et il y a de plus moins de patron de CAC 40 en France qu’il n’y a de footballeurs a salaire hallucinant.

    Considérons donc tout cela comme des odditées statistiques et buvons frais. Amen.

  27. Notez qu’on vit actuellement le parfait exemple de l’incompréhension liée aux parachutes dorés.

    Les démissions des patrons de Dexia et Fortis, après interventions financières des membres du Benelux et de la France pour renflouer ces banques, ont donné lieu à de nombreuses gesticulations (tant des politiques que des médias):

    http://www.lesoir.be/forum/edito...

    http://www.lesoir.be/actualite/e...

    tempsreel.nouvelobs.com/s…

    Entre autres.

    Je suis plus choqué par les pressions effectuées par les politiques et les media pour arriver à l’inexécution de clauses contractuelles que par le système des parachutes qui répond lui à une certaine logique (autre que démagogique).

    La prochaine fois que je romps un contrat de prêt et que mon banquier me réclame une indemnité de remploi, je lance une croisade politico-médiatique, qui sait…

  28. Avec 6 mois de recul,

    Ecririez-vous la même chose aujourd’hui.

    Il semble en effet qu’un consensus (Elie Cohen citant Thomas Philippon ce matin sur France Inter) se dégage pour dire que les rémunérations élevée, les stock options et autres parachutes, associés à la gloutonnerie de certains patrons les ont incité à faire prendre à leurs entreprise de trop gros risques puisque

    Pile, je gagne (beaucoup).
    Face, tu pers (beaucoup) et je gagne (un peu).

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