La chronique hebdomadaire d’Alexandre chez Libé

L’immigration est-elle une charge ou une chance pour l’économie ?

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4 Commentaires

  1. Mais à ce niveau là, ce n’est plus possible ! L’auteur a-t-il pris le temps de se documenter un minimum et de lire ce que les économistes sérieux ont écrit sur la question ? Reprendre des études américaines où la structure de l’économie est radicalement différente de la notre et en tirer des conclusions, alors même que l’auteur de l’étude citée appelle a prendre ses résultats avec des pincettes, c’est malhonnête (la conclusion de l’auteur cité : "the aggregate nature of the data and the impossibility of identifying a genuinely random variation of immigration flows call for caution in the causal interpretation of our estimates").

    La seule étude sérieuse sur la question de l’impact de l’immigration sur l’économie en France est celle de Gilles Saint-Paul, un économiste de l’Ecole d’Economie de Toulouse (la meilleure en France, seule reconnue à l’étranger). On ne peut l’accuser de partisianisme, il cite même l’étude de l’Université de Lille, pourtant très à gauche ! Alors que l’étude de Gilles Saint-Paul a été publiée par le Conseil d’Analyse Economique, personne n’en parle !

    Elle prouve par A + B que l’immigration pèse sur le chômage. Que l’immigration favorise le soutien à des politiques redistributives (donc de gauche). Qu’elle crée des distorsions avec des "gagnants" et des "perdants" (nuance qu’on entend rarement). Et que pour qu’elle ait un effet positif global sur l’ensemble de la société, il faut que les immigrés acceptent de ne pas toucher de transferts sociaux!

    Un son de cloche un peu différend, non?

    http://www.cae.gouv.fr/IMG/pdf/0...

    Morceaux choisis:

    ”En particulier, le rapport montre qu’en présence de rigidités salariales (dues à un salaire minimum par exemple), l’ajustement des salaires peut être incomplet et un influx d’immigrés (peu qualifiés) peut engendrer une hausse du chômage. Dans un cas pareil, il est possible que l’immigration ne soit plus source de gains nets pour l’ensemble des natifs et elle peut même conduire à une perte nette dans la mesure où le chômage est indemnisé.”

    “Si ceux-ci votent, ils changent à la fois la base fiscale de la redistribution et la nature des coalitions politiquement décisives. Cela signifie que si les immigrés sont relativement pauvres, la base fiscale est réduite relativement au revenu moyen, et les choix politiques se feront en faveur d’une redistribution élevée, car la présence d’immigrés pauvres accroît la taille de la coalition en faveur de la redistribution. Il en résulte que le gain agrégé pour les natifs sera négatif du fait des distorsions induites par l’imposition supplémentaire, et que seuls les natifs relativement pauvres bénéficieront de l’influx d’immigrés, grâce au supplément de transfert que ce « renfort politique » leur permet d’obtenir.”

    “Ces effets redistributifs soulèvent la question d’une politique de transferts assurant une compensation des perdants. L’auteur montre que l’existence du surplus de l’immigration permet d’instaurer un système de transferts forfaitaires assurant la compensation des perdants, de sorte que tous les résidents du pays d’accueil soient bénéficiaires. Avec un tel système de transferts et si l’on se limite au strict plan économique, tous les natifs du pays devraient être favorables à l’immigration. Cependant, pour qu’un tel consensus soit atteint, il est indispensable que les mécanismes de transferts compensatoires soient discriminatoires, c’est-à-dire que les immigrés en soient exclus. On peut faire valoir que ceux-ci restent bénéficiaires de toute façon puisqu’ils auraient pu exercer l’option de ne pas immigrer et que leur migration a déjà amélioré leur situation initiale. Ce résultat ne peut provenir des nombreux transferts sociaux en vigueur en France et en Europe qui, par construction, sont non discriminatoires. Ces transferts compensatoires discriminatoires devraient être explicitement liés à une politique migratoire.”

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Bien évidemment, je connais le rapport de Saint-Paul, qui s’appuie sur les mêmes études que celles du livre cité dans mon article. Il y a plusieurs façons d’appréhender les effets des flux migratoires. Les premiers reposent sur des modèles, dont certains concluent à un effet positif, d’autres à un effet négatif. C’est ce à quoi fait référence le long extrait que vous citez, qui comme vous le voyez est bien plus nuancé que vous ne voulez le dire (le conditionnel est de rigueur). D’autres reposent sur des études empiriques, c’est à dire, cherchent à voir quels modèles ont raison dans la vraie vie. C’est le cas des résultats que j’ai cités dans l’article. Par ailleurs, il est exact qu’une politique migratoire peut être accompagnée de modifications du système fiscal, que se pose la question du vote des immigrants (pour ma part, j’y suis opposé). Un peu comme toutes les politiques en fait.

  2. Et quand bien meme l’effet serait positif ‘financierement’..(et tellement faiblement 1,2% que franchement ca en est ridicule) quid de l’explosion de la cohesion sociale.
    L’homme reste un animal de meute, il prefere sa famille a ses voisins, sa ville a une autre, sa region/etat etc a une autre, son pays a un autre. On se sent mieux parmis ses semblables tout simplement. (D’ailleurs les imigrants aussi, ils preferent rester entre eux au final,,,)

  3. @ Stephane

    Le livre Exceptional people signalé par Alexandre commence par "Some are nostalgic for an illusory past when people had more in common […] The result is a conventional view that a high rate of international migration should be prevented."

    Il existe une vision romantique d’une société culturellement homogène dans le passé, mais je doute qu’elle ait jamais existé. Comme vous le dites, nous sommes un peu des animaux de meute, prompts à découper l’humanité entre "eux" et "nous". Aujourd’hui, "eux" ce sont les musulmans, et "nous" sommes les judéo-chrétiens, par exemple, etc. Or, je pense que, quelle que soit le groupe humain suffisamment nombreux, il finira toujours par y avoir des clivages de ce type. Non parce que les populations sont insuffisamment homogènes, mais parce que nous avons une tendance atavique puissante à fabriquer ces catégories. Autrefois, il y a eu les catholiques et les protestants, ça ne rigolait pas… Puis il y a eu les républicains et les réactionnaires. Vous voyez l’idée. Il est sans doute illusoire de croire qu’en fermant les frontières on modifierait cette tendance.

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