Dans le Financial Times (ma traduction) :
Les pauvres chinois se sont appauvris à une période ou le pays connaissait une croissance substancielle, d’après un économiste de la Banque Mondiale. Le revenu réel des 10% les plus pauvres des 1.3 milliards de chinois a baissé de 2.4% entre 2001 et 2003, d’après l’analyse, une période durant laquelle l’économie a crû a près de 10% par an. Au même moment, le revenu des 10% de chinois les plus riches a augmenté de plus de 16%. (…) L’analyse suggère qu’un nombre considérable de personnes sous le seuil de pauvreté ont été victimes d’un choc de revenu – ils n’ont pu maintenir leur consommation qu’en dépensant leur épargne.
L’article se poursuit en constatant que cette tendance est probablement sous-évaluée…
EDIT : Géographe du Monde illustre le sujet.
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Il faut peut-être aussi souligner que l’épargne chinoise – et plus généralement celle observée dans l’Asie du Sud-Est – paraît faible.
Elle semble en particulier faible dans l’optique où un ralentissement des importations de la zone US (et marginalement EU) suggèrerait un augmentation de la consommation pour le compenser.
Un appauvrissement d’une frange de la population chinoise (en particulier, une frange qui tend à consommer "national") n’est pas de nature à rassurer quant à la capacité de l’économie chinoise à assurer une croissance durable dans l’hypothèse évoquée précédemment.
Eh oui, la croissance ne fait pas tout. La Chine vit son XIXè siècle prolétaire après avoir fait sa révolution communiste… l’antipode de notre société qu’on vous dit… bientôt la féodalité là-bas…
Drsel : l’épargne chinoise, faible? Avec un taux d’épargne de près de 40%???
mahalanobis.twoday.net/st…
Vulgos : Que la croissance augmente les inégalités, au moins dans un premier temps, c’est bien connu (courbe de Kuznets). Mais qu’elle réduise le revenu réel des plus pauvres, c’est plus surprenant. Normalement, c’est la marée qui lève tous les bateaux, certains plus que d’autres. Il serait intéressant de comparer l’expérience chinoise avec par exemple la situation indienne ou d’autres pays récemment développés (type Corée) mais il me semble qu’il y a là un phénomène surprenant et source potentielle de problèmes.
L’article de Sala-i-Martin (dont la page web montre une photo de l’économiste arborant un maillot du Barça) dans le QJE "THE WORLD DISTRIBUTION OF INCOME: …", que vous aviez mis en art de la semaine si je ne m’abuse, montrait quand même que la métaphore de la marée fonctionnait très bien pour la Chine 90-2000 (voir les graphiques à la fin, très bien faits).
Est-il aberrant de supposer qu’il s’agit là (2001-2003) d’un cas où la fluctuation obscurcit fortement la tendance au point de changer le signe ?
En tout cas, si la courbe de Kuznets est valide, il me semble que c’est essentiellement dans le temps long, non ? L’idée de voir si certaines économies en forte croissance ont connu de tels phénomènes semble donc très attrayante (encore que la Chine soit certainement très spécifique, rendez vous compte, le monde est devenu plat et en tout cas beaucoup plus petit, la distance n’existe plus et les Américains surveillentchacun de nous grâce à Internet…).
Problème : y a-t-il des données dispos sur le revenu des coréens pendant leur croissance ?
http://www.missioneco.org/Chine/...
Le taux d’épargne rural que j’y observe – et qui est probablement pertinent pour parler des populations les plus pauvres de Chine – est plutôt autour des 10%. Et ce taux rural couvre lui une forte proportion de la population chinoise (environ 900 millions d’habitants).
Outre le fait que je ne comprends pas les maths dans cet article (heureusement mon ignorance a été "modérée"), il me semble que il n’ y a pas suffisamment d’informations pour permettre la moindre analyse.
Je suggèrerais que l’on pourrait probablement écrire la même chose au sujet de l’Europe des 15 par exemple ou des USA.
Par exemple il se peut que la pauvreté Chinoise ait un biais géographique (le Tibet, les provinces musulmanes de l’ouest; ou bien l’Alentejo, les Appalaches) et dans ces conditions tout ce qu’on peut dire c’est que les Tibétains pauvres sont de pauvres Chinois.
Alternativement il se peut que l’expropriation des paysans par des officiels corrompus afin de pouvoir rezoner la terre agricole en terrain a bâtir peut, si pratiquée massivement expliquer le phénomene.
Bref un médiocre article du FT qui fourni des données non vérifiées et ne propose aucune explication. Article repris dans Libé d’ailleurs sans plus d’analyse ce qui permet a ses lecteurs de constater une fois de plus les ravages de l’ultra libéralisme.
econoclaste-alexandre : c’est du bidon cette courbe de Kuznets. Elle ne fait que mimer une soit-disant "loi naturelle" sur base de ce qu’on a constaté chez nous jusque dans les années 60. Elle ne prédit rien, la preuve c’est qu’elle se trompe depuis quelques décennies. La seule chose sûre, sur laquelle tout le monde est d’accord, c’est que la croissance laissée à elle-même produit des inégalités. Après, c’est une affaire de politique pour savoir ce qu’on en fait, si on laisse les inégalités filer ou pas. Ainsi, c’est pas la courbe de Kuznets qui a permis la baisse des inégalités, ce sont les luttes sociales, c’est pas la croissance qui a enrichi les plus pauvres, ce sont les luttes sociales. Cet effet avait clairement été montré chez Piketty pour des courtes périodes, mais il ne regardait que les phénomènes visibles (grèves), pas les phénomènes moins perceptibles et à effet différé comme les lois du travail, etc. D’ailleurs, au début du XIXè, en Angleterre aussi on avait constaté un appauvrissement des plus pauvres (même si les données scientifiques manquent, les témoignages concordent).
Le problème en Chine, c’est qu’il n’y a pas une once de démocratie réelle. Mais ça ne peut pas durer, tôt ou tard il y aura des révoltes et là le pouvoir sera obliger de lacher du lest et de partager un peu de la manne (je vais éviter la métaphore pâtissière). Puis, on dira "ah oui, la courbe de Kuznets"…
@ vulgos : "D’ailleurs, au début du XIXè, en Angleterre aussi on avait constaté un appauvrissement des plus pauvres (même si les données scientifiques manquent, les témoignages concordent)."
Pardon mais je doute. Pas tant du fait (je n’en sais rien), mais de l’argument. Quand on voit toutes les difficultés à faire comprendre que oui, le pouvoir d’achat du Français moyen, fût-il d’en bas, monte, malgré l’importante hausse de la qualité relative des stats et des moyens de la diffusion d’info (par rapport au XIXe en tt cas), qel crédit accorder auxdits témoignages ?
Hypothèse d’école : le bug de l’an 2043 propagé depuis la mairie de Paris, couplé à un incendie détruit toutes les archives statistiques. Puis tout le monde est atteint d’amnésie. Supposons encore que les historiens du futur ne retrouveront que Les éditos du Monde, les programmes politiques. Que diront-ils ? Les témoignages montrent une baisse absolue du niveau de vie français sur la décennie 1995-2005.
Tétracapillotomie, j’en conviens…
taips : il existe un indicateur de dégradation du niveau de vie des plus pauvres en GB au début du 19ème siècle, c’est celui de la corpulence : on a constaté (sur la base de données médicales et d’études de squelettes) que le rapport de taille entre classes s’était accru (les pauvres sont devenus un peu plus chétifs) ce qui semble indiquer une dégradation des conditions de vie. Dégradation qui s’explique simplement : le démarrage de la croissance économique a provoqué une élévation importante de la population, plus rapide que celle de la production alimentaire (cf les inquiétudes de Malthus).
Le problème, c’est qu’il n’y a pas d’explosion démographique du même ordre en Chine pour expliquer ce phénomène. On est vraiment ici dans l’écrasement des pauvres par le régime.
vulgos : vous avez bien de la chance de considérer que "la croissance laissée à elle-même crée des inégalités". La réalité c’est que personne n’en sait rien du tout (ça veut dire quoi d’ailleurs "la croissance laissée à elle-même). Quant à votre raisonnement sur les "luttes sociales" il est faux et n’est d’ailleurs pas chez Piketty, qui a montré que ce sont les guerres mondiales qui ont réduit les inégalités patrimoniales. Dernier point : l’argument simple de la croissance, c’est que si elle double le revenu de tout le monde, effectivement les inégalités peuvent augmenter; là, on est dans la diminution de revenus des 10% les plus pauvres, c’est complètement différent.
AD : "il existe un indicateur de dégradation du niveau de vie des plus pauvres en GB au début du 19ème siècle, c’est celui de la corpulence."
Merci beaucoup. En écrivant mon commentaire, je me demandais justement s’il existait un tel indicateur. Je ne contestais pas le fait mais justifier à la va-vite par l’invocation de témoignages me laissait (très) insatisfait.
Si l’article n’était pas terrible, je trouve le débat très intéressant. J’aurais trois commentaires:
1. Sur l’Angleterre: En 1834, le Parlement Anglais aboli le RMI rural institué 40 ans plus tôt. La raison d’être de ce RMI est de retenir dans les campagnes le prolétariat rural afin de préserver la structure traditionnelle de la société à l’avantage de l’aristocratie terrienne. La raison d’être de l’abolition est (a) le coût exorbitant du aux effets inattendus et (b) le fait qu’il empêche la réallocation de la main d’oeuvre vers l’industrie manufacturière en plein essor. En plein essor politique également.
Il est donc probable que la dislocation sociale, entraînée par cette abrogation, a eu un effet choc sur les classes rurales les plus pauvres mais (a) compte tenu de la population de l’Angleterre a l’époque et de la faiblesse numérique du salariat je présume que en nombre (et en %) l’effet n’a pas été majeur et (b) par contre, compte tenu de la concentration de cette population dans les grands centres manufacturiers, et le compte rendu qui en a été fait par deux touristes allemands, la vision qui nous en est parvenue en est probablement disproportionné.
D’ailleurs dans les pays continentaux ou la transition a été plus lente et progressive il ne semble pas que ce phénomène d’appauvrissement ait eu lieu car les structures sociales (et solidarités) traditionnelles ont été préservées. Je crois que Bairoch a écrit quelque chose la dessus.
2. Sur les luttes sociales: Je trouve l’argument, non pas incorrect, mais vraiment partiel et simpliste. Il néglige le rôle des élites qui ont œuvrées afin d’améliorer le sort des classes populaires, soit parce que (a) elles ont voulu co-opter une partie du tiers état dans un projet nationaliste (e.g. Bismarck), avec la réussite démontrée lors de la mobilisation d’Août 1914, (b) ou voulu stabiliser leur force de travail en lui offrant de bonnes conditions (e.g. H. Ford et tout le paternalisme patronal) ou (c) tout simplement parce que les intérêts des élites anciennes et modernes divergeaient (e.g. Angleterre).
Ce mouvement a eu, comme d’habitude, des effets inattendus avec la création d’une classe salariale nombreuse, concentrée et bien payée qui a trouvée son expression politique dans de grands partis sociaux démocrates a même de négocier le bout de gras à l’intérieur du système.
La tradition Française anti salariale du parti Radical, qui s’appuyait sur les travailleurs indépendants, a conduit à une situation différente avec des partis (et des syndicats) nombreux, en compétition, fragmentés et peu inclinés au pragmatisme mais plutôt au renversement du système. Cela persiste encore de nos jours.
3. Sur la Chine: il me semble que la Chine pourrait être dans la situation de l’Angleterre pré Victorienne, avec le démantèlement du système maoïste du bol de riz en fer et une transition aux forceps vers la modernité, très préjudiciable aux plus démunis. Le PCC semble avoir décidé qu’il valait mieux des minis révoltes localisées, plus gérables, de pauvres, dans une prospérité généralisée, qu’une grande révolte généralisée dans une pauvreté générale.
Il me parait, vu de ma place au comptoir du café du Commerce, bien en passe de réussir un pari difficile. Rendez vous dans 30 ans.
L’article que vous citer me paraît – à la différence de nombreux autres – très sujet à caution.
Les chinois pauvres sont très pauvres. L’article cite un revenu annuel moyen de 83 $. Comment sur une base aussi faible mesurer une baisse de 2,4% sur deux ans ? Surtout quand on connaît l’état de la statistique en chine qui est souvent piloté par des intérêts politiques.
En passant le paragraphe : “Our analysis suggests that a considerable number of people below the poverty line were hit by an income shock – they only kept up consumption by spending their savings.” Est savoureux : Les très pauvres – en chine comme ailleurs – n’ont pas d’épargne.
D’ailleurs, cet article qui parle de la période de 2001 – 2003 s’inspire sans doute d’analyses internes à la chine qui ont servi à la lutte de pouvoir pendant cette période. Il me semble me rappeler que le nouveau président à accès sa « campagne » sur la réduction des inégalités. Un petit rapport disant qu’avant lui, elles ont augmentées ne pouvait pas lui nuire. De là à ce qu’il soit repris trois ans plus tard par la presse internationale….
Les pauvres n’ont pas d’épargne en Chine? Vous tirez cela d’où? quelques messages plus haut un autre commentateur nous indique un taux d’épargne à 10%…
Un SDF français a un revenu très supérieur à 83$ par an. Quel est son patrimoine ?
Le taux d’épargne en chine est proche de 40 % – au moins dans la région de shanguai que je connais bien.
Mais il faut distinguer entre chinois. Ce taux de 40 % est atteint et très facilement dépassé par les classes moyennes et les riches qui concentre une part très significative du PIB.
83 $ par an, cela ne permet pas d’ouvrir un compte en banque, ni même souvent de payer un loyer. Le patrimoine de ces pauvres se résume – quant ils ont un toit – à quelques objets de tout les jours et aux billets qu’ils ont dans leur poche.