En forme de boutade, je me disais lundi que le jour de carence des fonctionnaires était destiné à faire passer un quatrième jour pour les salariés du privé. La majorité a le même humour (ce qui m’inquiète pour ma carrière d’humoriste).
Et, surtout, son arithmétique ésotérique persiste, puisque de 220 millions d’euros économisés avec un jour de carence dans le public (dont je rappelle qu’on ne sait pas d’où ils viennent), on passe à 440 millions d’euros avec un jour dans le public et un jour dans le privé, soit exactement le double. Je vous jure que dans les écoles (au moins le bac passé), on enseigne que ce genre de proportionnalités fantômes n’existent pas. Déroutant, puisque cela consiste à supposer que modifier la législation pour un nombre de salariés très différents, aux comportements pas forcément identiques, aboutira exactement au même résultat en termes de ressources économisées. On attend avec impatience les nouvelles estimations de Dominique Tian, en cas d’extension à 2 jours et 5 jours.
Les politiques publiques sont supposées reposer sur une analyse de coûts-bénéfices. Les coûts et les bénéfices sont supportés in fine par des gens. L’économie a traditionnellement du mal à s’accorder sur la façon de comparer ces gains et ces coûts individuels d’une personne à l’autre (voir les querelles autour de la comparaison des utilités interpersonnelle, l’utilitarisme, le théorème d’impossibilité d’Arrow et l’économie du bien-être en général). Comme il faut bien néanmoins décider, on peut essayer d’évaluer les gains et pertes soigneusement au niveau d’un (ou quelques) indicateur(s). Les économies budgétaires ici en sont un exemple (elles sont supposées apporter un gain significatif à la collectivité). Implicitement, l’idée est que si les gains attendus d’un certain point de vue sont suffisamment importants, on peut accepter de passer outre des pertes jugées non exorbitantes pour les gens pris indidivuellement. Mais si on n’a pas la moindre idée de ce que seront les gains, peut-on sérieusement s’asseoir sur les pertes de bien-être individuelles ?
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Je voudrais démanteler le système public de protection santé au profit de mes copains assureurs privés qui depuis plus de 10 ans font le forcing pour croquer dans le gâteau de l’assurance maladie individuelle, je procéderais ainsi:
– J’augmenterais les cotisations obligatoires et le reste à charge sous couvert de baisse du déficit alors que ces mesurettes ne mettront pas fondamentalement le système à l’équilibre.
– Je diminuerais les prestations (ex: des médicaments dits de confort moins remboursés, augmentation des jours de carence, etc.)
– Je sabrerais les budgets des hôpitaux et je permettrais aux cliniques de sélectionner les pathologies les plus rentables à soigner avec les patients les plus coûteux pour les h^opitaux
– Je dirais que l’assurance maladie n’a pas vocation à prendre en charge les "petites maladies" comme la grippe ou la rougeole et qu’elle devrait se concentrer sur les grosses maladies chères
Ensuite j’attendrais que de plus de gens rejettent donc ces prélèvements puisqu’ils n’apportent rien à la plupart des assurés tant qu’ils n’ont pas de gros gros pépin de santé nécessitant scanner, traitements lourds, etc. Pépins de santé arrivant rarement aux moins de 65 ans.
Alors je pourrais dire: "Oui peuple chéri, vous avez raison, un petit nombre d’odieux profiteurs pillent notre système. J’ai LA solution: une assurance individuelle obligatoire géré par le privé – car le privé gère toujours mieux que le public c’est bien connu.
On va pas s’mentir m’dame Chabot, les gens responsables (sous entendu les gens en bonne santé mais je ne le dirais pas) paieront beaucoup moins qu’actuellement, et les profiteurs (sous entendu les gens en maladie chronique mais je ne le dirais pas) paierons plus cher car c’est ce qu’il méritent."
Mais bien sûr ma supposition n’est qu’un pur délire paranoïaque et le reste n’est que pur coïncidence. Et bien sûr, nous n’arriveront jamais à un système de type LAMAL comme en Suisse http://www.initiative-transparen... 😉
Le commentaire de vpo est le reflet de la théorie du complot. Alors que Churchill disait déjà que le complot était inutile pour comprendre ce que l’incompétence suffisait largement a expliquer.
Le problème principal de l’état, c’est qu’il n’est pas géré et que ses managers, patrons, contrôleurs de toute sortes, n’ont aucune idée sur la façon de le gérer. Il faut reconnaître que ce n’est pas facile et que même dans le privé c’est pas du gâteau. Ceci dit les anecdotes que j’entends de parents travaillant dans la fonction publique, semblent indiquer que la récolte de fruits sur les basses branches serait aisée et pléthorique.
Le problème de l’arrêt maladie est un problème de gestion. Lutter avec des jours de carence, c’est abdiquer par absence de compréhension du modus operandi nécessaire pour les limiter. Dans le même genre, nous avons les nouvelles règles de formations des professeurs qui sont d’une nullité abyssale, ou alors la franchise médicale qui ne résout pas les problèmes fondamentaux du service public de santé.
Tout ceci reflète des choix "faciles" (mais coûteux et dangereux) de la part de pseudo-gestionnaires qui ne comprennent pas et ne maîtrisent pas leur sujet.
Le drame c’est que le dysfonctionnement du service public est mis sur le manque de moyen alors que les moyens n’ont jamais été aussi généreux. Le mauvais diagnostic donnera le mauvais remède.
Tout ceci est desesperant.
Dans le privé la plupart des conventions collectives prévoient le paiement de la carence par l’employeur, pour le public ce ne sera sûrement pas le cas…
Traduction de votre conclusion: "pour qu’il y ait le moins de mécontents possibles il faut toujours taper sur les mêmes."
La logique Shadock, une fois de plus.