J’ai pas tout compris

Dans l’affaire Madoff, ont été escroqués des professionnels chevronnés travaillant dans de grandes institutions financières, ou des gens riches dont on peut supposer qu’ils ont les moyens de se payer les services d’experts; Les autorités de régulation ont mené pas moins de 4 enquêtes sur cette société, sans rien voir. Alors que l’arnaque en cours était d’une remarquable banalité, puisqu’il s’agissait d’une chaîne de Ponzi.

La conclusion qu’il faut en tirer? Il faut accroître le pouvoir des régulateurs. J’ai loupé quelque chose, là?

EDIT : Chris Dillow se marre et cite LEX : Quand des épargnants crédules se font avoir par les arnaques nigérianes, personne ne recommande de fermer les fournisseurs de service internet”

Alexandre Delaigue

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49 Commentaires

  1. beaucoup de raccourcis dans ce billet.
    Premièrement Maddof n’a semble-t-il jamais vraiment été inspecté, ou du moins la branche en question de cette activité n’a jamais été inspectée :
    http://www.bloomberg.com/apps/ne...
    ftalphaville.ft.com/blog/…

    La finance est un jeu de confiance, quand un mec arrive à gagner la confiance de tous par son allure, son CV, son track-record (non audité ici ou par un auditeur qui a 78ans et une comptable de 47 ans dans un bureau pourri du fin fond de l’état de NY, qui devait touché suffisemment pour se la fermer), ses relations (toute la communauté juive de NY, son club de gens riche de Palm Beach), sa générosité envers ses principaux clients : les fonds de fonds (il laissait intégralement les fees de gestion à ceux-ci : aucun hedge fund le fait.., et prenait seulement en théorie que des petites commissions)…
    le seul moyen de l’empêcher, c’est justement une règlementation qui impose des audits par surprise drastiques réguliers.
    la SEC est sans doute l’organe le plus incompétent que le monde de la finance n’ait jamais porté.(et le fait que M. Cox n’est toujours pas démissionné ou avoir fait amende honorable en direct à la TV me donne la gerbe…)
    c’est comme même fou que notre système puisse permettre (et ça c’est tout à fait légal) que des gens gèrent des fonds de 17 milliards de dollars (en fait appremment il en gérait au moins 50….)sans la moindre règlementation quand le moindre particulier se prend automatiquement 10€ d’agios pour 10€ de découvert.
    Ce n’est pas parce que ces fonds ne font pas appel à l’épargne qu’ils ne doivent pas être contrôlés.
    La confiance est quelque chose de subjectif, des règles, des obligations : non.
    après c’est certain, toute règle, tout règlement, toute obligation peut être détourné, et rien ne sera jamais parfait. Mais utiliser l’argument "ça ne marchera jamais parfaitement, ou ça marchera mal" pour ne rien faire, relève d’un relativisme malsain qui dédouane tout le monde.
    P.S : je travaille dans un fonds d’investissement et je n’ai aucune sympathie pour le NPA, contrairement à ce que mon email pourrait laisser croire. J’en arrive simplement à la conclusion qu’après toutes les affaires qui entourent le merveilleux monde de la finance dans lequel je travaille, la confiance risque d’être rompue à jamais (quoique l’histoire nous prouve le contraire…), et que sans confiance : qui lèvera des fonds? brefl’absence de régulation menace mon job.

    Réponse de Alexandre Delaigue
    It’s not a bug, it’s a feature. Il faut savoir ce que l’on attend de la réglementation. Celle-ci punit déjà la fraude; mais s’imaginer que l’on peut la prévenir par avance, c’est trop lui demander quand le salaire d’un dirigeant de banque est supérieur à la somme de tous les salaires versés à la SEC. Imaginer trouver une solution par la réglementation suppose de trouver des gens au moins aussi compétents que les salariés des institutions financières (et plutôt plus) acceptant d’être payés 100 fois moins, et incorruptibles : faut pas rêver. C’est exactement la même logique que celle qui conduit en catastrophe à modifier les lois suite à un fait divers dans lequel un individu n’a pas respecté les lois précédentes; on accumule sans jamais se demander pourquoi les lois ne sont pas respectées. Vous avez raison, la confiance c’est bien : mais il faudrait se demander ce qui passe par la tête de gens qui sont prêts à prêter des centaines de millions de dollars à un type sans savoir ce qu’il en fait. S’imaginer qu’il est possible de les protéger de leur bêtise par la réglementation…

  2. La meilleure, le co-fondateur du plus gros fonds victime de madoff (fairfield sentry), etait avocat au SEC (attorney in the enforcement division of the U.S. Securities and Exchange Commission)…

  3. Disons qu’une moins grande opacité et une plus grande facilité du régulateur à contrôler faciliteraient sans doute la mise en évidence de ce genre de pratiques.

    Madoff est également soupçonné d’avoir mis en place une société parallèle frauduleuse à côté de son fonds d’investissement. L’opacité du système financier facilite sans doute ce genre de dissimulations.

    Quand quelqu’un viole la loi, il semble raisonnable de demander un contrôle plus efficace. Et ce n’est pas parce que je me fais cambrioler 4 fois sans que la police ne trouve le voleur qu’il faille en conclure que plus de police n’est pas nécessaire.

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Sauf qu’on n’est pas là face à un problème de police : celle-ci sanctionne. Mais qu’on imagine qu’il est possible de fabriquer un système de réglementations qui rendra le cambriolage impossible. Vous y croyez?

  4. If it’s too good to be true, it probably is.

    La protection des imbéciles contre eux même est un vaste programme comme aurait dit Mongénéral. Je ne suis pas sur qu’une armée de régulateurs suffisent.

  5. Et en ce qui concerne le "risque systémique" : apparemment, il n’y en a pas avec Madoff, mais il y en avait un avec Bear Stern ?

    là, j’ai vraiment pas compris.

  6. @alexandredelaigue

    M. Delaigue, vous souffrez du même symptome que les institutionnels, gérants de fonds de fonds ou gérants de fortunes privés : vous donnez beaucoup trop de crédit à la supposé compétence des individus travaillant dans la finance et vous faîtes l’erreur de corréler cette compétence, ou un supposé talent (de financier ou d’escroc au choix) avec les revenus de ceux-ci.
    Un régulateur (que ce soit quelqu’un dont c’est le métier direct : la SEC, ou quelqu’un dont la surveillance, l’audit fait partie de ces missions : le gérant de fonds de fonds par exemple, les auditeurs, le contrôle interne, tout le middle office d’une banque) est en théorie efficace selon 3 conditions :
    – son pouvoir (le pouvoir de la SEC pour les hedge funds est extrêmement limité de par la régulation);
    – l’absence de conflits d’intérêt (nombreux dans le cas de Fairmont -fonds de fonds- qui a investi chez Maddoff : celui-ci laissait ses fees à Fairmont, vous m’étonnez que Fairmont est enclin à lui filer des acttifs à gérer);
    – la compétence (et je fais exprès de le mettre en dernier).
    Ce n’est pas parce que Eva Joly gagne mille fois moins que Le Floch Prigent, qu’elle n’a pas réussi à le mettre en taule et qu’elle est plus bête que lui (d’ailleurs dans ce cas, ‘est un peu l’inverse, vu que l’on s’est posé la question des éventuels abus de pouvoir d’Eva Joly…)

    enfin, je vous signale que ceux travaillant dans des fonctions de support de la finance (middle office) et de régulation ne sont pas plus bêtes que les investisseurs/traders…qui travaillent en front. Il fut un temps où par exemple à la Générale, pour faire carrière, les meilleurs éléments passaient par le contrôle interne, la culture a changé et ce sont les traders qui ont pris le pouvoir (plus pour longtemps j’imagine)…comme quoi un changement de culture dont M. Bouton est pleinement responsable peut amener à des conséquences innattendues.
    De même, les auditeurs, pourtant faisant un métier souvent répétitif et peu valorisant au quotidien (mais valorisant sur le CV) sont pour la plupart issus des plus grandes écoles de commerce en France…

    Pour que ces personnes aient plus de pouvoir : il faut que les règles le leur donne et que la culture de la finance change : il faut arrêter de rémunérer par excès le front et d’encourager ainsi la prise de risque à court terme (et développez des conflits d’intérêts monstrueux).

    Il faut changer le rapport de force entre le middle et le front.

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Je suis entièrement d’accord avec votre diagnostic. Vous avez entièrement raison sur les conséquences négatives de la prise du pouvoir par le front au détriment du middle et du back. Mais la raison de cette prise de pouvoir, c’est que les uns ont pu se déclarer centre de profit, et les autres centre de coût. Cette conception pourra sembler différente aujourd’hui, mais combien de temps avant la reprise du pouvoir? De la même façon, pourquoi la SEC n’a-t-elle pas contrôlé plus avant les activités de Maddoff? parce que la réglementation l’en empêchait, ou pour d’autres raisons? Quelles sont ces autres raisons? Pourquoi les clients ont-ils accepté de mettre leur argent là dedans? Par incompétence? Et comment si des clients n’ont rien vu, alors qu’ils sont directement motivés, une institution comme la SEC aurait-elle pu être plus efficace? Faut-il augmenter les moyens de détection de la fraude, en doublant les effectifs de la SEC? Peut-être. Il n’y a pas de réponse simple à ces questions. Ce n’est pas un hasard si la réglementation est ce qu’elle est, si la SEC est ce qu’elle est. Ce qui m’agace c’est la réponse systématique face à ces problèmes, “il faut plus de réglementation”. Mais la réglementation en l’état n’autorise pas la vente de schémas de Ponzi, et sanctionne lourdement la fraude.

  7. De ce que j’ai lu. Les professionnels chevronnés qui étaient ses clients se doutaient bien qu’il y avait hippopotome sous nénuphar, mais ils pensaient qu’il avait des infos et faisait du délit d’initié à leur bénéfice.

    Finalement ça ressemble à l’anarque de l’ex dictateur nigérian. On voit bien qu’il y a un truc pas très légal mais on pense en bénéficier et pas être le dindon de la farce.

  8. Bon, la régulation ne convient pas, qu’est-ce vous voulez alors ?
    Je vais vous dire ce qui va se passer : une crise économique sans ou avec peu de précédent. Tout le monde l’a compris, on va souffrir.
    Or, d’où est né le problème ? J’ai lu il y a un mois le livre de Frédéric Lordon, "Jusqu’à quand", qui décortique les mécanismes de la crise jusqu’à septembre (livre qui est d’ailleurs très bien écrit mais pas forcément d’un accès grand public). Eh bien, on a beau savoir a priori tout le mal qu’il y a à penser de la finance actuelle, après avoir lu ça, on est encore plus consterné.
    Donc, personnellement, depuis cette lecture, je suis très en colère.
    Et ce week-end, cela a été le bouquet avec cette affaire Madoff. Imaginez un type qui a eu de haute responsabilité, qui a du très très très bien gagner sa vie et qui en est à tomber dans l’escroquerie : et après ça on va nous faire une leçon sur l’homo economicus rationnel ?
    L’ire que cela provoque, c’est qu’on s’aperçoit encore, comme en 2001, que ça triche, ça vole dans tous les sens, les crises révèlent les magouilles. En 2001, c’était d’énormes sociétés qui truquaient leur comptabilité, aujourd’hui, ce sont des financiers qui prennent des risques insensés ou volent ni plus ni moins.

    Qu’est-ce que vous croyez que pense le péquin moyen de la situation ?
    On lui a expliqué : les riches c’est très bien, il faut les laisser faire, les encourager, les protéger par des boucliers… Ils se sont goinfrés, ils ont entassés au-delà de l’inimaginable pendant que pour les ménager la majorité supportait une basse pression salariale pour assurer les 15% de ROE (equity ??? cela veut dire équitable ? et un salaire équitable ou décent, vous connaissez ?).
    Maintenant qu’ils en ont bien profiter jusqu’à faire exploser le système, tout le monde va payer.
    Qu’est-ce que vous croyez ? Vous croyez que les gens qui ont subi ce système d’exploitation pendant des années, qui vont souffrir dans les prochaines années, vous baissez la tête et acceptez ça ?

    Je vous le dit clairement : ce n’est pas de la régulation qu’il va falloir pour calmer les gens. Il va falloir aller très loin pour nettoyer ce merdier, parce que sinon, c’est le sang qui va couler. Je peux vous dire qu’il y a une colère qui monte et qu’à mesure qu’on va souffir de la situation, on va exiger qu’il y ait des sacrifices qui soient fait dans le monde de la finance et au-delà.
    Parce que je suis désolé mais en 1929, les financiers se balancaient par la fenêtre : là, pour l’instant, on n’a pas encore vu de suicide dans le milieu, c’est donc qu’il supporte encore très bien la situation (ah oui ! pardon, contrairement à 1929, l’état providence qu’ils ont conspué leur versera des indemnités chômage en cas de difficultés).
    Donc, Lordon fait des propositions : ce n’est peut-être pas de la régulation mais de la révolution. Mais je vous le dis : on a intérêt à quelque chose de très radical parce que ça va mal finir…

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Les suicides en 1929 sont une légende urbaine, Galbraith l’a vérifié en allant étudier les statistiques de suicide de l’époque. Pour le reste, l’escroquerie était sanctionnée avant, elle l’est toujours; il n’est pas évident qu’il en faille plus. Quant à la colère sociale, bien sûr qu’elle existe. Comme vous, je doute que la croyance dans une réglementation magique qui établirait “la confiance” et “la transparence” suffise à la calmer. Je préfererai personnellement le cordon sanitaire, histoire de préserver le reste de la finance; Et ensuite, que ceux qui prennent les risques en subissent les conséquences. Je crains qu’on ne prenne la direction opposée. Quand on aura un système financier constitué exclusivement de grosses institutions trop grosses pour tomber, là, on sera vraiment en danger. En attendant, cette affaire Madoff est une histoire d’imbéciles gavés punis de leur stupidité; je vois mal l’intérêt d’aller les protéger contre leur bêtise.

  9. Apparemment, un certain Jim Vos n’est pas tombé dans le "giga-méga-ponzi-panneau"…

    "How were they fooled? It turns out that investor Jim Vos already looked into that : Madoff’s auditor, Friehling & Horowitz, operated from a 13-by-18-foot office in Rockland County, New York, a small operation for the auditor of such a large firm."

  10. Encadrer le capital ?
    Quelle idée !
    Contrôler des "imbéciles contre eux-mêmes" est effectivement une cause perdue d’avance. Que de riches acteurs des marchés perdent leurs billes dans les arnaques les plus grossières, peu me chaut. Cependant, que des banques, qui sont sensées avoir des organes internes de vérification et de contrôle, montrent une nouvelle fois leur incapacité à repérer et réagir dans un domaine où elles se veulent experte m’inquiète un peu plus.

  11. D’un autre côté, on avait pas tort de qualifier Madoff d’institution. Les détenteurs de capitaux se battaient toujours pour aller chez lui : sa capacité à lever des fonds était donc prouvée, ses engagements tenus : alors, pourquoi ne pas investir chez lui ?

    La confiance que les épargnants placent en les états provient de leur capacité à toujours pouvoir lever des fonds. Madoff avait cette qualité. Il était logique que l’épargnant lui fasse autant confiance qu’à un état.

    Je ne vois pas très bien en quoi quelqu’un qui prenait du Madoff à 10% prenait plus de risque que celui qui prendra du Sarkozy à 2-3%

  12. Vous savez, le journal Le Monde est de plus en plus nul et se rapproche progressivement de Libé.

    Alors, accorder l’aumône d’un billet à ses éditoriaux relève de l’abnégation. Vous êtes bien bonn.

    Le Monde est d’ailleurs un cas intéressant de vie d’entreprise : ce journal ne s’est jamais vraiment remis de La face cachée du Monde, de Pierre Péan.

    Sa prétention à la vertu, à être un «journal de référence» a volé en éclats, il se cherche … et se perd.
    **************

    Comme je suis un peu con, j’ai tenté de répondre moi-même à la question que je vous avais posée : «Y a-t-il jamais eu un plan de relance qui ait fonctionné ?».

    J’ai trouvé celui de Schacht en 1934. Qu’en pensez vous ?

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Mauvais exemple : il n’a pas fonctionné.

  13. A Delaigue,

    vous dites que la police sanctionne, ben non c’est la justice qui détermine la sanction et qui fait exécuter la sanction via huissier ou prison.

    Vous mettez en exergue que ce sont des naïfs avides qui perdent leur mise, mais des banques sensées évaluer le risque via des salariés pas mal lotis et prétendument compétents s’y sont laisser prendre. Là il y a risque systémique.

    Pour prendre la métaphore du feu de forêt, on interdit les barbecues et autres activités à risque dans les forêts du sud l’été non pas d’abord pour protéger ceux qui les pratiquent mais pour protéger l’espace public, forêts, habitations etc…

    Que les sanctions des financières existent soit, le problème est celui de la détection de celles ci, pas vu, pas pris. Pour Madoff, peu ont vu, en tout cas pas les autorités ou les banques y ayant investit. Pourtant, une société promettant 10 à 15% pendant si longtemps il y aurait eu de quoi s’interroger, au moins de faire quelques vérifications.

    Ceci dit, pour reprendre l’image du feu de forêt, lorsqu’ils se produisent on peut supposer que les animaux malades et nuisibles( madoff, l’automobile de Detroit…) vont enfin passer à la benne, sauf que d’autres animaux utiles( hérissons, tortues…) vont y passer aussi, c’est un peu le problème des sélections drastiques.

    Bon j’arrête là mes fables de La Fontaine.

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Ben oui. La question, c’est de savoir pourquoi les clients n’ont rien vu. Et pourquoi les régulateurs n’ont rien vu. Et en quoi une réglementation différente l’aurait évité.

  14. C’est marrant, je me disais que quelques centaines de millions d’euros, ça devait être le ticket d’entrée dans le club des super-hypra-riches.

    Maintenant, dans le secteur financier français, il existe un régulateur qui n’est pas trop sur la sellette : l’ACAM. Si vous connaissez des gros bouillons dans le secteur de l’assurance, faites moi signe, alors que l’AMF connait régulièrement des scandales (Rhodia, vivendi, par exemple) et la CB… est née des menus problèmes du Crédit Lyonnais. On n’en dira pas plus sur la CB, ils doivent avoir bien des malheurs en ce moment.

    A votre avis, c’est l’ACAM qui absorbera l’AMF et la CB, dans le cadre de la grande refonte du contrôle prudentiel du secteur financier qui se prépare ?

    Sinon, pour rebondir sur un commentaire d’AD, l’ACAM dispose d’un corps de polytechniciens (article L. 310-13 du code des assurances). Et 70 X, aucune société d’assurance n’a ça en stock…

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Il y a des tas de régulateurs qui fonctionnent. Il y en a aussi d’autres qui n’ont jamais fonctionné. Quelle est la part de ce fonctionnement qui relève du design, et quelle est la part qui relève du contexte (si tant est que l’on puisse séparer les deux)? Pourquoi y a t’il des domaines dans lesquels la mission des régulateurs est clairement définie et où ils l’accomplissent, et d’autres ou cela ne fonctionne jamais? J’ai remarqué que la proposition d’Andrew Lo pour la création d’un organisme calqué sur ce qui se fait pour les accidents d’avion, mais appliqué à la finance, n’a aucun écho. Est-ce que dans la finance on a envie d’essayer quelque chose qui marche, ou de donner l’illusion du contrôle?

  15. Heu… Il y a quoi, comme régulateur qui fonctionne ? Je veux dire : en France.

    Autre question : pourquoi vouloir systématiquement des régulateurs indépendants, alors que, s’il y a un problème, c’est l’État qui sera appelé à la rescousse. Pourquoi le payeur en dernier recours n’aurait-il pas, in fine, son mot à dire (je sais, je fais de la morale et pas de l’économie, mais c’est plus fort que moi en ce moment) ?

    Réponse de Alexandre Delaigue
    La sécurité aérienne, la sécurité des aliments, ça n’a pas l’air de trop mal fonctionner…

  16. Et c’est pas l’État qui gère ça directement (genre la direction générale de l’aviation civile) ?

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Si. Mais le contexte est ce qu’il est. Entre autres, dans ce cas là, c’est pas lui qui paie. Mine de rien, cela le rend “indépendant”…

  17. Ce qui est triste la dedans, c’est l’amalgame entre l’affaire Madoff et la crise du credit.

    Dans le cas de Madoff, il n’y a aucune raison valable d’accuser les regulateurs, plus generalement le systeme financier. Tout au plus peut-on reprocher "aux banques" ayant prete en prenant en collateral des actifs investis dans des hedge funds dont Madoff de sous estimer le haircut a prendre pour se couvrir contre le risque. C’est bien le seul reproche systemique que l’on peut faire.

    Dans la crise du credit, au contraire, les regulateurs et le systeme financier (agences de notation, banques, courtiers, etc.) sont veritablement "responsables".

  18. "La finance est un jeu de confiance" : effectivement, c’est d’ailleurs ce qui permet à une combine de petit malfrat médiocre de marcher aussi bien avec les débiles légers qui alimentent les pyramides qu’avec des banques qui emploient des milliers de cadres à bac+5. Pour l’intelligence collective, on repassera.

  19. «Schacht was one of the few finance ministers to take advantage of the freedom provided by the end of the gold standard to keep interest rates low and government budget deficits high, with massive public works funded by large budget deficits. The consequence was an extremely rapid decline in unemployment—the most rapid decline in unemployment in any country during the Great Depression»

    Effectivement, quel échec !

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Premièrement, quand on cite un extrait, on en donne la référence. Deuxièmement, cet extrait contient plusieurs erreurs; pour une analyse des politiques allemandes des années 30, on se référera plus utilement à “the wages of destruction” d’A. Tooze, ou à “victoires et déboires” de P. Bairoch. Troisièmement, ceci n’a rien, mais strictement rien à voir avec ce fil. Quatrièmement, vous commencez à sérieusement me briser les burnes, et je n’aime pas que l’on maltraite mes organes génitaux dès le matin.

  20. Lu dans la presse : "Madoff Securities is the world’s largest Ponzi scheme."

    That’s was Harry Markopolos’ conclusion in a 1999 letter to the Securities and Exchange Commission – an alarm that he sounded 10 years before Bernie Madoff was arrested for running just that.

    Donc, dès 1999, certains avaient des doutes et l’avaient exprimé à la SEC, qui est certainement une des autorités de marchés avec le plus de pouvoirs directs et de moyens. Et la SEC n’a rien trouvé à redire, ce qui a peut être contribué à alimenter la confiance de certains acheteurs de parts.

    Donc Econoclaste a bien raison de ne pas avoir tout compris: "le régulateur a lamentablement foiré, donnons lui plus de pouvoir !" –

    C’est la philosophie de la réglementation qu’il faut changer, pas son volume ou celui du régulateur.

    Les régulations doivent insister sur la transparence des opérations financières, mais doivent laisser aussi libres que possible de leurs choix d’investissement les opérateurs, surtout dans le cas de fonds s’adressant à des professionnels. Ceux ci ne doivent pas pouvoir compter sur la pseudo expertise du régulateur public ou d’une agence de notation protégée par une barrière oligopolistique montée par l’état pour s’affranchir du nécessaire travail d’évaluation des risques propre à ces métiers.

    Quant à la cupidité qui fait commettre des bêtises, aucune régulation, aucun système n’en viendra à bout: une partie de l’humanité est ainsi faite. Toute réglementation porte en elle même les germes de son contournement: l’abus de réglementation ne protège pas.

    La notion de "cordon sanitaire" employée par M. Delaigue dans un commentaire, pour éviter la propagation des effets néfastes de ces comportements, est le bon terme pour définir dans quel sens la réglementation doit être adaptée.

  21. @Antoine : il y a tout de même une toute petite raison de rapprocher l’affaire Madoff de la crise du crédit. En effet, si l’escroquerie qu’il avait mise en place a cessé de fonctionner, c’est que nombre de ceux qui lui avaient confié des fonds ont voulu les retirer pour compenser les pertes réalisés sur d’autres marchés et leur absence de liquidité (c’est notamment vrai d’énormément de hedge funds), tandis que de nouveaux investisseurs potentiels se sont – enfin – montrés prudents. La crise a été le révélateur de l’affaire, mais pas son origine, nous sommes bien d’accord.

  22. En complément sur la question de la *confiance*, le célèbre extrait du très pédagogique discours d’Emilio Botin (Santander) lors de la réception du prix Euromoney: "If you don’t fully understand an instrument, don’t buy it. If you would not buy a specific product for yourself, don’t try to sell it. If you do not know your customers very well, don’t lend them any money. If you do these three things, you will be a better banker, my son."
    http://www.ft.com/cms/s/0/6b7371...

  23. Quelle est donc la solution miracle qui permettrait d’éviter ce genre de malversation dans le futur ? A part plus de sagesse de la part des banquiers ? Cette sagesse est elle vraiment compatible avec la course à la rentabilité ?

  24. L’affaire Malkoff est peut-être le signe du début de la fin de la crise 🙂 Un peu comme l’affaire Enron pour la crise de 2001.

    C’est d’ailleurs assez amusant de voir que ce n’est pas les fraudeurs qui tombent les premiers. Et je pense que cette observation est un solide argument contre une réglementation plus forte.

    Quelque soit la réglementation, on arrivera toujours à la contourner. Et plus celle-ci sera forte, plus il sera rentable de la contourner.

  25. @delaigue
    la SEC n’a pas investigué l’entité deMaddoff responsable des pertes car elle n’y était pas autorisé. Ne faisant pas appel à l’épargtne public, il n’était pas enregistré à la SEC. Il s’est enregistré volontairement alors que rien ne l’y contraignait (death wish?) en 2006. Depuis 2006, la SEC n’a pas envoyé un enqueteur sur cette entité. Faute de temps, de moyens, incompétence, conflit d’intérêt ?(l’avocat de la SEC était par exmeple un des souscripteurs de maddoff), bref on ne sait pas.

  26. De toutes facons la soi-disant morale de cette crise qui consiste a dire qu’il faut plus de régulation est fausse. Ce n’est pas une crise du trop peu de régulation, ni celle de son exces. Par moments il y a eu trop de regulation (fannie mac/freddie mae, agences de notations), part moments pas assez (mortgage lenders, marchés OTC).

    Il est completement illusoire de croire que plus de régulation va empecher une nouvelle crise dans le futur.

    Pour en savoir un peu plus: carpediempolitique.hautet…

  27. Sur le besoin de réglementation : On est tous d’accord. Il n’y a pas besoin de réglementation supplémentaire, ce qu’a fait M. Madoff est déjà réprimé par les textes en vigueur. En revanche, il faut comprendre pourquoi la fraude n’a pas été découverte. Comme évoqué par d’autres sur ce fil, il me semble que globalement il y a un manque de pouvoir ou de moyens des organismes de contrôle interne (audit) ou externe (SEC). Il est trop tôt pour en dire plus.

    Contrairement à Alexandre Delaigue, il me semble en revanche que le rôle de la réglementation est aussi de protéger les gens de leur propre bêtise, en finance, comme dans d’autres domaines (consommation de drogue ou sécurité routière par exemple), et ce pour trois raisons :
    1)Les imbéciles en question ne se font pas que du mal à eux-mêmes
    2)La mutualisation des contrôles au sein d’un organisme unique permet des économies d’échelle (plutôt que chaque acteur qui fait ses contrôles dans son coin)
    3)L’auto-contrôle pose des problèmes d’évaluation du risque (manque d’indépendance et de de recul).

  28. Je copie un bout d’article du Libé d’aujourd"hui : "Une chose est claire, confiait hier un spécialiste du secteur, «c’est toujours les sociétés régulées par la SEC qui mettent sur le marché des produits véreux». Et jamais les marchés encadrés par la FED, la Banque centrale américaine, qui serait «plus rigoureuse»."

    Bon, je n’ai pas les informations pour dire si ceci est vrai ou non, mais si l’on fait confiance à cette information, cela signifierait bien que la régulation est possible, et que plus de régulation ("plus rigoureuse" si je reprends l’article, certes sans que l’on sache tres bien en quoi cela consiste) puisse être une solution au problème en aval ("jamais les marchés encadrés par la FED, la Banque centrale américaine, qui serait «plus rigoureuse».").

    En France, il suffit de voir comment l’AMF a fermé les yeux à plusieurs reprises sur des manoeuvres douteuses pour se dire qu’effectivement, cette remarque peut avoir du sens. SI le régulateur est laxiste, les agents peuvent effectivement tenter plus souvent leur chance sur des manoeuvres frauduleuses.

    Si je reprends votre argument du "personne n’a rien vu donc rien ne sert de plus réguler de toute façon", en vous basant sur la rationalité des agents, je ne comprends pas trop.
    Quand quelqu’un investit son argent dans un fonds, il ne va pas vérifier tous les documents comptables un par un, on lui donne des infos sur les rendements, la stratégie de placement etc… mais il n’a pas un role d’enqueteur. Il n’a de toute facon pas accès à un grand nombre de documents. Il y a un facteur confiance. Ce fonds n’était pas un peu jeu de Ponzi, l’argent était investi en titres financiers, le jeu de Ponzi venait simplement rajouter un rendement un peu plus grand. Je ne vois absolument pas comment les investisseurs auraient pu déceler tout cela, rationnels ou pas. La question a se poser aurait été "mais comment peut il etre toujours plus performant que les autres ? ". Effectivement, cela met la puce à l’oreille, mais on a tellement mythifié les traders que la réponse pouvait simplement etre "il est meilleur que les autres !". Ce n’est pas crédible, mais la meme question se pose sur le rendement des actions à long terme, qui en 2005 était par exemple beaucoup trop fort, sans que cela ne suscite beaucoup de questions (je sors un peu du sujet, mais lisez par exemple l’opus du Cepremap de Jean-pierre Laffargue sur la retraite par capitalisation (2006), il dit que ce sytème est beaucoup plus performant en moyenne, prime de risque comprise, que c’est compliqué a comprendre car ca ne devrait pas etre le cas, mais ensuite il l’admet et passe a la suite en se fondant sur cette hypothèse. 2 ans plus tard, tout cela se révèle faux).

    Le facteur confiance est donc primordial, et il est très lié aux institutions. C’est le régulateur qui en partie donne confiance car son action fait baisser les couts de transaction(si la SEC garantit que tout est en règle, cela évite à chaque agent de le vérifier lui meme, démultipliant des couts de vérification). Les agents vont investir plus facilement dans un fonds visé par la SEC, que chez un mec louche du coin de votre rue.

    Ensuite, je ne suis pas d’accord pour dire que les controleurs doivent etre aussi brillants, et au donc aussi bien payés que les fraudeurs. On peut le voir dans l’affaire Kerviel, les mécanismes de la fraude n’étaient pas très elaborés.

  29. Mais pourquoi voulez vous donc que de la régulation ??
    La création de richesses est fondée en grande partie sur le risque. La finance produit énormément de richesse, mais prend un risque encore supérieur. Dès lors, soit on applique une réglementation ultra stricte (ce qui suppose des mouvements de capitaux fortement contraints, des banques quasi-nationalisées car tellement contrôlés qu’elles n’auraient plus la possibilité de prendre de risques rémunérateurs), soit on laisse libre court à l’esprit d’innovation financière…Entre les deux, point de salut, car une réglementation molle nous ramènera constamment vers les dérives de la finance (survenance de crises et transmission de lourdes pertes à l’économie réelle). D’un autre côté, sans finance, voilà une partie du potentiel de croissance économique qui s’en va…

    Pourquoi le système sera-t-il ramené vers les inconvénients de la finance, en l’absence de réglementation ultra-stricte ? La dynamique d’accumulation du capital et les innovations financières favorisent la prise de risque, l’interdépendance économique, le mimétisme et en dernier lieu, la surréaction des marchés. Sacrés raccourcis, je l’admet, mais bon…

    En gros, une réglementation ne sera jamais efficace que dans le laps de temps nécessaire à la contourner…à moins de ne pas se servir de la boîte de Pandore de la finance pour développer le potentiel de croissance !
    Un peu manichéen comme raisonnement, mais je ne vois pas mieux !

  30. Au moins on peu être sûr d’une chose,

    aux USA ce type de délit ne restera pas impuni, à l’exemple de condamnations faites pour Enron, Jeffrey Skilling et Kenneth Lay (respectivement 25 ans ferme et une crise cardiaque après le réquisitoire de 165 années de prison de l’attorney).

    La célèbre citation de Turgot est plus que d’actualité.

    books.google.fr/books?id=…
    "Vouloir que le gouvernement soit obligé d’empêcher qu’une telle fraude n’arrive jamais, c’est vouloir l’obliger à fournir des bourrelets à tous les enfants qui pourraient tomber. Prétendre réussir à prévenir par des règlements toutes les malversations possibles en ce genre, c’est sacrifier à une perfection chimérique tous les progrès de l’industrie; c’est resserrer l’imagination des artistes dans les limites étroites de ce qui se fait; c’est leur interdire toutes les tentatives nouvelles…"

    "C’est oublier que l’exécution de ces règlements est toujours confiée à des hommes, qui peuvent avoir d’autant plus intérêt à frauder, ou à conniver à la fraude, que celle qu’ils commettraient serait couverte, en quelque sorte, par le sceau de l’autorité publique et par la confiance qu’elle inspire aux consommateurs."

  31. A tous ceux qui disent que réguler ne sert à rien, que les crises sont structurelles et normales compte tenu de la mission du marché financier, il y a tout de meme une période à expliquer, qui est grosso modo la période allant des années 50 aux années 80, caractérisée (à la louche) par :
    – Une finance régulée, dont le rôle est essentiellement le financement de l’économie
    – Pas de crise financière majeure
    – Une croissance importante (pour divers facteurs, mais disons que le bridage de la finance n’a pas tué cette croissance).

    A partir des années 80, déréglementation financiere croissante, avancées techniques importantes, avec prolifération des produits financiers exotiques : Crises financières à répétition, performances de croissance moyennes (s’accompagnant depuis peu d’une relance des inégalités, voir Piketty et Saez pour les USA (notamment la répartion des revenus de la croissance sous l’administration Bush, voir la page web de Saez), et Landais pour la France).

    Je n’ai aucune prétention à savoir ce qu’il faut faire, simplement, dans une démarche comparative, il faut aussi prendre en compte la période que certains semblent qualifier de "communisme financier", et qui n’a semble-t-il malgré tout pas bridé totalement l’initiative économique, au contraire.

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Ce qui me dérange, c’est la lecture sélective de l’histoire. La période que vous décrivez, c’est aussi pour la France un parti à la politique dominée par un pays étranger hostile à 30% des voix, deux guerres (Indochine-Algérie) plusieurs phases d’inflation très forte (pourquoi a-t-on créé le nouveau franc…) et deux récessions très significatives dans l’économie mondiale. Le tout rendu tolérable à une population qui après deux guerres mondiales et une crise était prête à accepter des salaires modérés et des travaux pénibles, n’importe quoi plutôt que de revenir en arrière. La prétendue “stabilité” des décennies d’après-guerre est assez largement un leurre, un artefact psychologique; et des circonstances assez particulières (le PIB français a été divisé par 5 entre 1939 et 1945). Et une croissance faite de “low-hanging fruits” : entre les destructions, la crise des années 30 et la guerre qui avaient bloqué la diffusion des innovations sous forme de biens de consommation, il était beaucoup plus envisageable d’avoir un investissement piloté que dans le monde actuel ou les fruits en question ont déjà été consommés, et où le problème, ce sont des innovations qui n’existent pas encore.

  32. C’est le moment de mettre sur le haut de la pile le livre de F. Lordon econoclaste.org.free.fr/d… j’aurais aimé votre réponse au post de matht (lundi 15 décembre 2008 | 19:05) sur ce sujet.
    PS : interrogation iconoclaste (forcément) : et si tout le système financier "structuré" était en fait une gigantesque pyramide de Ponzi?

  33. Suis je le seul a avoir remarqué la similitude entre une arnaque a la Ponzi (pas Happy Days, l’autre) et la retraite par répartition?

    Dans les deux cas, les contributions des derniers venus servent a rémunérer grassement les premiers arrivés.

    Au moins dans l’arnaque il n’y a que des volontaires.

  34. @Olivier

    Vous avez raison, de mon point de vue elle tient aux accords de Breton Wood qui bien qu’ayant des défauts mortels (le monopole mondial de la FED) était facteur d’une stabilité relative entre les monnaie.

    Mais le progrès n’est pas à condamner, la cause première des grandes crises depuis 1870, est dans un nombre croissant de pays, la création de banques centrales et leur pouvoir de contrôle sur le prix du crédit et de corruption de l’information véhiculée par le système de prix.

    Ces crises ne sont pas une fatalité, pour y remédier, nous devons REVENIR à un système de monnaie libre et concurrentiel comme ce fut le cas durant la quasi totalité de l’histoire monnaitaire.

  35. Question naive, apres avoir lu (Le Figaro je crois) que le cabinet d’audit qui certifiait les comptes de Madoff avait en tout et pour tout trois salariés, secretaire comprise.

    Quel serait l’inconvénient a ce que les commissaires aux comptes soient systématiquement (pas forcément seulement dans le secteur financier) désignés EXTERIEUREMENT a l’entreprise qu’ils sont supposes controler ? Pour moi qui n’ai pas de culture en management, le systeme actuellement en vigueur dans lequel le controlé choisit son controleur semble aberrant. S’il est pourtant appliqué, c’est qu’il a sans doute des avantages significatifs. Lesquels ?

  36. Je ne suis pas sûr que l’on peut parler de dérégulation si l’on regarde l’augmentation des lois et des règlementations sur la finance entre aujourd’hui et il y a 30 ans.

  37. "Ce qui me dérange, c’est la lecture sélective de l’histoire. La période que vous décrivez, c’est aussi pour la France…"

    En fait, vous insistez sur la France, mais ce que je dis s’applique tout aussi bien, et surtout, aux Etats-Unis (c’est de là que vient la crise non ?). Tirés de Mankiw (2001), les chiffres suivants (en notant que l’argument du rattrapage ne s’applique pas pour eux, qui étaient de fait à la frontière technologique) :

    1950s 1960s 1970s 1980s 1990s
    Average
    Inflation 2.07 2.33 7.09 5.66 3.00
    Standard
    Deviation 2.44 1.48 2.72 3.53 1.12

    Unemployment
    Average 4.51 4.78 6.22 7.27 5.76
    Standard
    Deviation 1.29 1.07 1.16 1.48 1.05

    Real GDP growth
    Average 4.18 4.43 3.28 3.02 3.03
    Standard
    Deviation 3.89 2.13 2.80 2.68 1.56

    Average
    Productivity 2.80 2.84 2.05 1.48 2.07
    Growth
    Standard Deviation
    of Productivity 4.29 4.20 4.30 2.91 2.62

    Début des chiffres aux années 50 pour les chocs
    Average
    Shock (food, energy) -0.12 0.61 -0.51 -0.22
    Standard
    Deviation 0.45 1.41 0.97 0.50

    Il faudra ajouter les années 2000 d’ici 2 ans, et elles feront pâle figure. Comme le dit Mankiw, les années 90 ont été caractérisées par une chance importante (voir la section sur les chocs), et sont effectivement très stables, mais la performance éco y est faible : les décennies 80-90 sont assez inférieures en termes de croissance, y compris par rapport aux années 70, et les années 2000 sont mauvaises (et en termes de stabilité, elles devraient être bien inférieures aux années 90).

    Et pas de crise financière majeure avant les années 80.

    Alors après, effectivement pour certains, les innovations plus dures à aller chercher maintenant que durant les années de fortes hausses de la productivité des années 50-60, et le système financier actuel est mieux adapté à cela. Ca dépend un peu de la façon dont on voit le processus technologique.

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Pourquoi l’argument du rattrapage ne s’applique pas aux USA pour les années 50-60? Ils n’ont pas eu de crise dans les années 30, ni de seconde guerre mondiale?

  38. "Pourquoi l’argument du rattrapage ne s’applique pas aux USA pour les années 50-60? Ils n’ont pas eu de crise dans les années 30, ni de seconde guerre mondiale? "

    Cela dépend de ce qu’on appelle rattrapage. Si on prend un modèle de croissance de base à la Solow, c’est l’idée que vous allez croitre plus vite si vous êtes loin de votre sentier d’équilibre. Une guerre vous en fait dévier parce que vous perdez du capital et du travail. Or les pertes humaines US sont "faibles" (400.000 morts, et par ailleurs dans ce modèle, cela ne fait pas croitre plus vite par la suite). Ensuite, le sol américain n’est pas touché, donc pas de destructions importantes de capital, et pas de rattrapage.

    Apres, une autre vision plus croissance endogène est que si vous prenez du retard sur les autres, vous pourrez les rattraper ensuite en les copiant (là je m’inspire par exemple du rapport d’Aghion et Cohen pour le CAE sur la croissance française). Si vous êtes loin de la frontière technologique (la France après la guerre), il vous suffit de former des ingenieurs, et d’avoir des grands projets orientés par l’Etat pour rattraper petit à petit le leader (les USA) et la frontière technologique. La technologie est là, il suffit de la copier et de se l’approprier. Il y a donc rattrapage (le rattrapage, c’est quand même l’idée de rattraper quelqu’un d’autre). Vous bénéficiez des externalités des autres, et vous croissez plus vite qu’eux, vous les rattraper.
    Le problème, c’est que si vous êtes à la frontière et que c’est vous en fait qui faites bouger la frontière, qui pouvez vous bien rattraper ? Ce n’est pas parce que vous avez eu une crise ou une guerre qui vous a fait perdre du temps (cela dit, en termes de PIB, l’impact de la guerre semble d’ailleurs plutot positif), que vous aurez un rattrapage sur une trajectoire de croissance hypothétique que vous auriez eu en l’absence de crise.

    Cela dit, ces auteurs et d’autres recommandent justement aux pays à la frontière de privilégier un financement par les marchés financiers afin de favoriser la croissance par l’innovation, car ce système de financement semble plus à même de financer des activités risqués (cela étant, ils ont plus à l’esprit des marchés type NASDAQ que les marchés de dérivés).

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Je pense qu’on sous-estime beaucoup l’impact de la seconde guerre mondiale sur l’économie américaine. Il ne faut pas oublier que selon certaines estimations, à la fin de la guerre, c’est pratiquement les deux tiers de l’économie qui est consacrée à l’effort de guerre. En 1945, les chantiers navals américains sortent un porte-avion par semaine; je me demande si on imagine ce que cela implique. Il faut ajouter à cela que de nombreuses technologies inventées avant la guerre ou pendant n’ont pas pu encore être mises en application dans tous les secteurs à cause de la crise puis de la guerre (la décennie des années 30 est caractérisée par de forts gains de productivité). Parce que l’économie américaine était devenue une économie de guerre, le consommateur américain tirait sacrément la langue en 1945. Moins, je vous l’accorde, que le Berlinois de la même année; mais tout de même. En d’autres termes, il y a en 1945 pas mal de “low hanging fruits” aux USA : la reconversion de l’industrie militaire pour produire des biens de consommation; et surtout, tout un ensemble de techniques qui n’ont pas encore eu l’opportunité d’être appliquées dans le secteur des biens de consommation (la production de masse notamment, qui ne pouvait guère s’étendre dans l’environnement des années 30). Donc oui, il y a dans les années 50-60 un “rattrapage” de l’économie américaine, au sens précis que vous donnez : ils ne sont pas à la frontière technologique, c’est à dire, à l’exploitation de ce que des techniques éprouvées peuvent offrir. A trop raisonner en termes de PIB et d’emploi, on oublie le contenu de ce PIB et de ces emplois aux USA.

  39. Je ne veux pas m’immiscer, mais pendant la deuxième guerre mondiale les Etats-Unis n’ont pas subi de destruction de leur appareil productif, au contraire.

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Ben de fait, quand tout votre appareil productif sert à faire des tanks, lorsque la guerre est finie, vous pouvez le mettre à la poubelle : c’est comme s’il était détruit et à reconstruire.

  40. Pour revenir au sujet initial:
    la consanguinité, fléau du système (failure and no bug)(cf ENRON et ARTHUR, et maintenant Price ainsi que les organes de contrôle officiels), le mélange des genres, la confusion des pouvoirs, et la colusion d’intérêts, un peu beaucoup quand même?

  41. Hum, permettez-moi de démentir. Les usines de tanks, camions et blindés sont les mêmes que les usines d’automobiles (cf BMW, Volkswagen, Renault…). L’aéronautique, les chantiers navals, itou. Tout le savoir-faire, les chaînes d’approvisionnement, le personnel, les usines sont là, il suffit juste d’adapter les produits (une cadillac plutôt qu’une jeep, un paquebot plutôt qu’un liberty ship, des chemises hawaiennes plutôt que des uniformes).

    Il n’y a guère que les usines de munitions à fermer, et évidemment quelques ajustements de volumes de commande ici ou là.

    En fait l’industrie d’après-guerre a profité des avancées technologiques majeures de la période de guerre, en aéronautique (moteur à réaction, fusées), chimie (explosifs), mécanique, énergie (nucléaire), télécom, calcul scientifique (ordinateurs), et même le cinéma ! Rien de tel qu’une bonne guerre industrielle pour mettre toute la société au boulot et investir massivement en R&D.

  42. "Ben de fait, quand tout votre appareil productif sert à faire des tanks, lorsque la guerre est finie, vous pouvez le mettre à la poubelle : c’est comme s’il était détruit et à reconstruire. "

    Le problème est que si on suit ce raisonnement, alors le PIB américain apres guerre aurait du dans un premier temps chuter fortement (lors du passage a l’économie de paix, l’industrie est comme détruite), avant de remonter fortement (assimilation par l’industrie civile des recherches de la guerre). Or, ce n’est pas ce qui s’est passé.

    En acceptant tout de meme ce mécanisme d’un rattrapage des USA sur eux mêmes (via le mécanisme que vous présentez), on pourrait expliquer les taux de croissance du PIB, mais plus difficilement son niveau (qui ne chute pas fortement a la fin de la guerre comme cela a par exemple été le cas pour les pays détruits).

    Prenons un exemple simple, j’ai 100 travailleurs (on enleve le capital pour simplifier), qui peuvent produire alternivement 1 voiture ou 1 char avec la technologie d’avant guerre (le prix de chaque bien est de 1). Donc je produits 100 voitures au début de la guerre, pour un PIB de 100. Mon économie change, et je produis des chars. Comme vous le dites, il y a déperdition (disons de 50%). Je ne peux donc produire que 50 chars au début, mais mes ressources de main d’oeuvre me permettent toujours d’en produire 100, il faut juste le temps de s’adapter. Mon PIB passe donc a 50, puis remonte a 100. J’ai donc une phase de récession, puis une phase de forte croissance.
    On ajoute a cela un progres technique durant la guerre, qui permet a chaque ouvrier de produire potentiellement 1.5 unités, soit 150 chars. Mon PIB passe donc a 150. Il y a donc très forte croissance lors de la phase de fin de guerre.

    Alors, si on repasse en économie de paix ensuite, et qu’on suppose que l’industrie est a reconstruire, on perd alors de la production, disons que l’on passe a 75 voitures lors de la transition, avant de remonter progressivement vers ce que permet la quantité de main d’oeuvre, vers 150 voitures. C’est deja un scenario positif, on suppose qu’on arrive a conserver tous les gains de productivité obtenus sur la production de chars lors de la nouvelle conversion vers les voitures (et cela est moins évident si on pense a une reconversion vers des services ou des loisirs). Mais meme dans ce cas, on aura une baisse de 50% du PIB suivie d’une hausse de 100 % (ce qui correspondrait bien a votre effet de rattrapage post guerre), mais on n’expliquerait pas comment le PIB apres la guerre a pu croitre bien au dela de ces 150. Car c’est bien ce que montre les séries, il y a eu hausse continue de la croissance apres guerre. Le profil américain du PIB n’est pas celui des pays reconstruits.
    Il ne s’agit pas de dire que ce qui s’est passé pendant la guerre n’a eu aucune incidence sur la suite, simplement, cela explique difficilement en tant que tel la "sur-croissance" des 30 années qui ont suivi.

  43. "EDIT : Chris Dillow se marre et cite LEX : Quand des épargnants crédules se font avoir par les arnaques nigérianes, personne ne recommande de fermer les fournisseurs de service internet""

    Les vertus de l’analogie ont leurs limites. Aux dernières nouvelles, quand certains se font avoir par ce type d’arnaque, il ne créent pas un risque systémique qui génère une récession mondiale.
    SI je perds mon argent de cete façon, je suis le seul responsable et j’assume. Les externalités sont très faibles.
    Si une banque est ruinée par des placements financiers qui se révèlent mauvais, elle crée un risque pour l’ensemble de l’économie. Les externalités sont énormes. Et qui dit externalités dit en général rôle a jouer pour le régulateur.
    Quand on voit le séisme provoqué par la faillite de Lehmann Brothers, si on avait laissé jouer le marché de façon normale, un très grand nombre de banques seraient rstées sur le carreau, et je vous laisse imaginer les conséquences (c’était d’ailleurs cette philosophie qui était a l’oeuvre de la part du régulateur durant les années 30, et on a vu le résultat).

    Si demain les arnaques nigériannes font courir un risque de récession mondiale, oui, une régulation surviendra. Et c’est d’ailleurs la 2e "imprécision" de cette phrase, c’est que personne n’a parlé de supprimer les marchés financiers (comme on ne supprimerait pas les fourniseurs d’acces web), il s’agit de reglementation. Le web n’est d’ailleurs pas un espace exempt de toute reglementation, loin de là.

  44. (Suite du n°9)
    Un premier suicide lié à la situation financière : http://www.google.com/hostednews...
    Mais ce n’est qu’à cause d’une fraude majeure, ce n’est pas lié au fonctionnement "normal" donc aberrant du système financier.
    (En fait, je suis généreux : on ne saura jamais le nombre de suicides de travailleurs provoqués par le fonctionnement de ce système économique inféodé à la finance et provoquant un système à basse pression salariale).

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