Italians do it better

Intéressant article de Luigi Zingales sur la représentation des actionnaires minoritaires en Italie, rendue plus efficace par une loi récente. Au passage, une remarque : je suis toujours frappé du nombre et de la qualité des économistes italiens.

Aujourd’hui, d’Alesina à Zingales, on trouve un très grand nombre d’économistes italiens, en auteurs ou co-auteurs d’articles dans des revues notables. Ce sont des économistes italiens qui ont initié La Voce, dont se sont inspirés Telos et Vox-EU; les productions y sont de très bonne qualité.

Quand on regarde la liste des prix Nobel, c’est moins évident; il n’y a qu’un seul Nobel d’économie italien, Franco Modigliani, soit autant que de français (et même moins, si l’on attribue à la France une partie du prix de Gérard Debreu). Mais sur l’ensemble des publications, je ne serai pas surpris de constater que les italiens sont surreprésentés par rapport aux français, en considérant des populations équivalentes. Il me paraît même plausible de dire qu’il y a aujourd’hui plus d’économistes de haut niveau italiens que d’anglais.

D’où cela vient-il? De quelques institutions anciennes; et d’une tradition économique vivace en Italie. J’avais été frappé en lisant l’histoire de l’analyse économique de Schumpeter du nombre d’italiens qu’il cite, à toutes les époques. En se limitant au 20ème siècle, c’est Pareto qui a été la courroie de transmission de l’économie de Walras et Jevons vers les USA, beaucoup plus que Marshall. P. Sraffa, bien que négligé (injustement) aujourd’hui, a eu une influence considérable à son époque. Il est possible de trouver une tradition économique italienne très lointaine, quand en France on trouve beaucoup d’isolés à diverses époques, avec d’énormes trous entre les individus. Au total, les italiens ont peut-être l’un des systèmes politiques les plus défaillants d’Europe, mais produisent de grands économistes.

Et sur ce, je retourne au boulot.

Alexandre Delaigue

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8 Commentaires

  1. Je dis peut-être n’importe quoi, mais j’ai l’impression que ç’a peut-être à voir avec l’approche académique dite "italienne" des mathématiques. La comparaison a souvent été faite, en mathématiques, entre "l’école française", très marquée par Bourbaki avec ce que cela implique de rigueur (et d’accusations d’aridité), et "l’école italienne", moins rigoureuse mais, du coup, peut-être plus ouverte à l’étude d’objets moins strictement définis, comme on en rencontre pas mal en économie, il me semble.

  2. Sur la période récente (i.e. génération Alesina), l’explication est hélas moins glorieuse : l’absence de troisième cycle décent en Italie, qui a obligé des générations entières à partir au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, et pour certains en Belgique. Les choses ont évolué depuis (la génération Alesina est rentrée au pays), et il faudra voir ce que feront les générations futures (les PhD formés en Italie).

  3. a-t-on une idée du degré de corrélation entre le nombre d’économiste de qualité et l’Etat de l’économie d’un pays?

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Ca a dû être fait. Je sais que cela a été fait pour d’autres professions (plus d’ingénieurs augmente la croissance, plus d’avocats la réduit). Dans le cas des économistes, à mon avis on pourrait trouver une corrélation positive, mais cela peut venir de ce qu’il faut être un pays riche pour se payer des économistes…

  4. La qualité de La voce est bien réelle, et supérieure à celle de Telos mais inférieure à celle de Vox-EU. Luigi Zingales fiat bie partie des économistes "en exil": il enseigne à la business school de l’université de Chicago. Compte tenu de la qualité de cette université, il a tout intérêt à y rester. Alberto Alesina est (ou était ?) doyen du département d’économie de Harvard. Les économistes de sa génération rentrés en Italie sont pour l’essentiel dans le pôle mondial d’excellence qu’est l’université Bocconi (qui a aussi ses points faibles). Ceux qui ont essaimé et réussi à travers le monde sont le plus souvent des alumni de Bocconi.

    Les économistes sont presuqe totalement à l’écart du pouvoir politique, dont les dirigeants sont issus des partis, pas des meilleures universités du monde. Ils ont tous atteint leur niveau d’incompétence quand ils arrivent au pouvoir.

  5. Juste un mot pour signaler à Alexandre que son post est en renvoi sur le supplément ’12-15′ (réservé aux abonnés) du Monde électronique : la rançon de la gloire… Cacherait-il une ascendance italienne ? 😉
    Sur ce, bon boulot !!!

  6. Pour les générations futures, il faut aussi savoir qu’il y a une invasion italienne massive à PSE. Il arrive même, outrage suprême, que l’on parle plus la langue de Dante que celle de Molière à la machine à café. Je me suis d’ailleurs résolu à acheter une méthode Assimil en italien…

    Réponse de Stéphane Ménia
    Pourquoi, y a des italiennes ?

  7. "Je sais que cela a été fait pour d’autres professions (plus d’ingénieurs augmente la croissance, plus d’avocats la réduit)."

    Maintenant je pige pourquoi l’Italie se retrouve avec une telle impasse/croissance économique…:)

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