Chaque enseignant qui acceptera de réaliser au moins 3 heures supplémentaires par semaine recevra une prime de 500 €. Voilà qui réjouit le lascar que je suis : mon plan de financement pour un netbook est bouclé. Par contre, quand j’analyse la démarche, je la trouve absurde. La question qui se pose est très simple : les enseignants qui n’auraient pas accepté 3 heures sup les feront-ils pour 500 € (annuels) de plus ? Pour moi, la réponse est clairement non.
Arrondissons les montants et supposons qu’une heure sup (annuelle, c’est-à-dire réalisée toute l’année) rapporte mensuellement 100€. Trois heures sup rapportent donc 300€. Les heures sup dans le secondaire sont payées sur 9 mois (oui, on les paie pas en septembre, probablement pour compenser le fait qu’elles sont payées durant les vacances, mais c’est une interprétation qui fait fi de la mensualisation, bref, on s’en fout). 500€ répartis sur 9 mois, c’est 55€ de plus par mois. En fait, c’est largement insuffisant pour motiver quelqu’un qui ne voulait pas dépasser les deux heures sup. Je ne m’étendrai pas sur l’élasticité de l’offre de travail des enseignants, mais je doute fort que la mesure ait un impact significatif sur le nombre de volontaires, le refus de faire des heures sup ayant, à mon avis, des causes bien plus profondes que l’insuffisance de leur rémunération (fatigue, choix délibéré de travailler moins, etc.).
Alors, on me dira que c’est une mesure de reconnaissance de l’effort de certains, qui dépasse le cadre économique. Si vous voulez. Mais il y a probablement d’autres moyens de reconnaître cela. Un exemple au hasard : verser ces sommes aux profs de bahuts difficiles. Là oui, on reconnaîtra l’effort. Quand je pense que je vais recevoir cette prime, je me demande ce qu’on récompense vraiment. Soyons clairs : ce que je touche déjà pour les heures sup faites me convient en termes de rémunération, compte tenu des grilles existantes. Ajoutons à cela que la prime étant payée en décalé (au mieux, en novembre lorsque les premières heures sup sont payées), l’impact psychologique est limité.
Au total, on risque donc de créer un effet d’aubaine : ceux qui auraient fait les heures quoi qu’il en soit, vont toucher la prime. Les autres ne seront pas incités à en faire plus. J’appelle cela du gaspillage d’argent public. Je reconnais aussi que ce n’est probablement pas le pire en la matière. En revanche, j’applaudis des deux mains la prime de 1 500€ pour les enseignants débutants. C’est quelque chose qui fera du bien à de nombreux jeunes profs et sera probablement moins coûteux (à voir : malgré les non replacements des départs en retraite, il doit y avoir pas mal de nouveaux profs en ce moment, j’avoue ne pas avoir les chiffres en tête).
Dernier point : dans quelques mois, il se peut que le ministère se réjouisse que les enseignants aient accepté de faire des heures sup, grâce au dispositif mis en place. Ne vous laissez pas abuser. Le fait est que dans les établissements, un certain nombre d’enseignants ont accepté de prendre des heures sup parce qu’il fallait bien que quelqu’un fasse les heures. Pas seulement par philantropie ou conscience professionnelle, évidemment. Ces heures sont payées (défiscalisées, mais pas majorées pour ce que j’en ai vu…). Mais de ce point de vue, la prime n’aura eu aucun effet notable.
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Je ne pense pas qu’il y a ait tellement de nouveaux profs dans le système. Vu la chute drastique du nombre de postes aux concours depuis le début des années 2000 (avec des -20% par an), pas sûr que la prime de 1500€ parvienne à acheter la paix sociale… euh pardon, à revaloriser le métier d’enseignant auprès des jeunes générations.
Réponse de Stéphane Ménia
C’est sûr que là aussi ça ne crée pas d’attractivité particulière.
OUI
Au fait, ces temps ci, l’éduc nat paye encore les premiers salaires avec trois mois de retard ou ça a changé ?
Réponse de Stéphane Ménia
Aucune idée, mais je confirme aux lecteurs que ce fut le cas, oui . Entre un et deux mois de “retard” en général (je mets les guillemets parce que le rectorat trouvait ça normal administrativement). Il y avait des possibilités d’avance sur salaire, mais en gueulant fort. Personnellement, j’ai eu 0€ de salaire lors de ma mutation après l’IUFM. Erreur m’a-t-on dit. “Et alors ?” m’avait dit la banque (avant de redevenir gentille). Et un an et demi de retard pour le versement d’un rattrapage d’échelon la même année. Ca fait partie, avec les indemnités de déplacement en examen, des choses qui sont inadmissibles mais que les syndicats acceptent dans je ne sais quel compromis historique.
@Linca : je confirme que pour les colleurs non membres de l’EN en tout cas, ca peut tranquillement aller chercher dans les 5 à 6 mois de retard.
Sinon, je vais me faire l’avocate de Xavier : il y a probablement un effet d’incitation que vous sous-estimez, à savoir le fait que cette prime est versée sous forme de prime (merci M. de La Palisse) et non de revenu mensuel. Pour les vilains temporellement incohérents et conscients de l’être, ca peut être une incitation supplémentaire : je sais que j’adapte toujours ma consommation à mon revenu courant (éventuellement permanent même, ca marcherait aussi) et que j’ai un gros effet de cliquet, mais si j’ai une manne qui tombe du ciel je réussirai à l’épargner.
Evidemment ca peut jouer aussi dans l’autre sens (une collègue consacrait systématiquement son 13e mois, qu’elle ne considérait pas comme un salaire mais une prime, à l’achat d’articles de luxe)…
Cela dit je ne suis pas certaine du tout que cet impact soit suffisant pour justifier la prime, mais j’ai fait de mon mieux.
Autre explication de la mesure : Xavier a voulu montrer qu’à défaut de savoir faire une règle de trois, il savait au moins compter jusqu’à trois.
Réponse de Stéphane Ménia
Oui, l’effet paquet peut jouer, comme mon futur netbook le montre (je sais pas encore lequel je vais prendre, mais avec 500 patates, pétard, ça va péter. Ah ben non, tiens, je vais peut-être renouveler en plus mon appareil photo compact pour un bridge low cost. Enfin, je m’égare un peu là). L’inconvénient, comme je le disais aussi, c’est que ce sera versé au mieux fin novembre. Ce qui annule me semble-t-il l’effet incitation de début d’année. Par ailleurs, pour cette année, c’est d’ores et déjà grillé dans les établissements bien tenus, où les service sont établis fin juin début juillet, selon une logique coopérative pour l’essentiel. Il n’y a guère que les remplaçants à l’année qui prennent ce qu’on leur donne en silence (et encore). Non, globalement, je crois que les heures auraient été faites, ni plus, ni moins, sauf cas exceptionnels (bastions du SNES, établissements vraiment difficiles ou maisons de préretraite).
En m’excusant pour souhaiter rester anonyme pour des raisons qui devraient être évidentes aux yeux de quiconque aspire à devenir enseignant, donc, fonctionnaire, je vais essayer de répondre à la question de Linca.
Les profs sont recrutés par concours et affectés par des services fort éloignés de ceux qui, ensuite, les gèreront, lesquels sont eux-mêmes fort éloignés de l’établissement dans lequel l’enseignant exercera : simple usage rationnel de l’argent public, dans le cadre des contraintes générales du principe d’égalité des chances de chacun devant la possibilité de devenir prof, s’entend. Il est même relativement fréquent qu’une personne nommée enseignant pour la première fois ne soit connue en gros que de son simple état-civil tel que communiqué lors des épreuves de recrutement.
Dans la fonction publique, principal employeur des enseignants, ce sont les administrations du Ministère des Finances qui paient les fonctionnaires, et ce sont notamment eux qui bâtissent la fiche de paye à partir des renseignements sur la situation individuelle, l’affectation exacte, etc. de l’enseignant géré. Mais ce sont les services internes à l’administration employeuse du fonctionnaire qui gèrent la carrière de l’enseignant et donc, transmettent les éléments de situation que de superbes programmes informatiques vachement certifiés traduisent en nombre de pépètes à verser tel mois à l’heureux bénéficiaire. L’enseignant concerné étant à même de se représenter le circuit de paperasse complet à réaliser pour finir par verser des sous sur le compte du gentil prof, je vous laisse imaginer le spectacle.
Depuis le retour de la droite au pouvoir en 2002, il a été estimé prioritaire, à niveau gouvernemental, donc, inter-ministériel, non pas de simplifier le système (faut pas rêver !), mais de faire aller nettement plus vite chaque étape et de mesurer le temps pris à chaque étape, tout en employant de plus en plus systématiquement l’informatique pour les transferts de données entre établissement, service gestionnaire, trésorerie, etc. : le tout se donnant pour objectif d’améliorer le service rendu par le service public, y compris envers ses propres fonctionnaires ce qui est relativement nouveau : du coup, les enseignants nommés en septembre (du moins, ceux connus des effectifs avant le 20 août, ceci excluant quelques cas genre fait du prince, commissions paritaires tardives, etc.) sont généralement payés en septembre, même s’il arrive que certains éléments de situation individuelle influençant la rémunération n’aient pas été pris en compte à temps faute de démarche complètemement effectuée à temps selon la procédure convenue paritairement, du moins, dans ses grandes lignes. Quoi que, depuis 2005, l’administration en soit venue à présumer la bonne foi du fonctionnaire au motif qu’elle aura la possibilité pendant 40 ans de lui courir aux fesses si tel n’était pas le cas : mais je m’égare.
Avant cela, du moins, dans les établissements scolaires bien tenus (à ma connaissance depuis des temps immémoriaux, malgré la tragique absence de l’informatique et l’internet pour faire aller plus vite les dossiers en pointant du doigt les salauds de fonctionnaires qui prenaient parfois leur vendredi après-midi plutôt que de travailler plus pour gagner pareil), le système fonctionnait ainsi :
1) Un jeune prof arrivait dans le bahut.
2) Une vieille secrétaire revêche, un chef d’établissement paternaliste ou un vieux prof le prenait sous son aile.
3) Il lui expliquait : tu ne seras pas payé avant janvier : va demander une avance sur salaire au service d’aide sociale.
4) Le service social avait anticipé le besoin et disposait de crédits considérables destinés à verser approximativement trois mois et quelque de salaire de prof débutant à ceux nombreux qui le demanderaient en vertu de 1). Le jeune prof touchait son avance, fort heureux d’avoir trois mois de salaire d’avance en poche pour s’installer et en restait là, trop heureux de sa bonne fortune, en attendant
5) En fin d’année le service social justifiait de besoins financiers considérables qu’il conviendrait certainement de re-financer pour l’année suivante. Et on recommençait année N+1.
Globalement, ça fonctionnait pas trop même si c’était pas très carré du point de vue comptable. Mais, fort heureusement, un grand consensus d’élus chauves de gauche et de droite a mis fin à cet immonde bordel en votant la LOLF et il a fallu procéder autrement : c’est à dire, faire moins bien mais plus compliqué (maintenant, les jeunes profs sollicitent des prêts pour leur installation mais touchent leur salaire).
Maintenant, je ne connais personne qui s’opposerait à ce que le personnel de gestion affecté quelques jours par an entre autres taches à gérer les promotions et mutations de personnel enseignant reste affecté à plein temps à cette seule tache pour rendre plus rapidement le service du, mais alors, pour plus cher, puisqu’il faudrait alors les remplacer dans les autres taches qu’ils occuppent à certaines périodes de l’année au moins par des intérimaires chevronnés (tout est si technique dans l’administration….)
Enfin, tout ceci valant pour les établissements bien tenus, par opposition à cette espèce d’établissement dans lesquels les personnels estiment prioritaire de répondre immédiatement à celui qui crie le plus fort plutôt que de lire les correspondances ampoulées que leurs collègues de la capitale régionale essaient de rédiger de manière compatible à la fois avec le bon sens et la coquetterie d’un signataire qui, trop souvent, s’est rêvé jeune en artiste ou du moins littérateur.
Réponse de Stéphane Ménia
Eh bien, Monsieur Anonyme-on-comprend-bien-pourquoi, nous vous remercions pour ces précisions détaillées.
Je ne comprends pas en quoi le fait que les enseignants fassent plus d’heures supplémentaires représente un gain pour la société.
Je comprends que cela puisse permettre de mieux gérer les fluctuations de la demande (les effectifs changeant d’une année sur l’autre) mais pourquoi cela aurait-il brutalement changé en mai 2007?
Réponse de Stéphane Ménia
Pour la société, je ne sais pas. Pour les comptes publics, toutes choses égales par ailleurs, ça ne fait aucun doute, puisque c’est couplé à des réductions d’effectifs. Toute la mécanique repose sur cette hypothèse.
Au vu du jeu de mots "paquets-netbook" je suppose que vous travaillez sous Linux 🙂
Quoi qu’il en soit, pour votre netbook, je ne peux que vous conseiller chaleureusement le MSI Wind (ou l’un de ses clones moins chers) qui est super. Seule l’autonomie peut faire sourciller mais si vous n’êtes pas trop pressés, des batteries 6 cellules arrivent d’ici Noël il me semble.
Quoi qu’il en soit, pour votre choix, blogee.net risque de vous aider très utilement !
Ce "commentaire" n’ayant rien à voir avec le sujet du billet, je ne serai pas du tout vexé s’il n’était pas publié !
Réponse de Stéphane Ménia
Allez, on s’autorise un hors sujet… Pour Linux, je fais partie de ceux qui voudraient plus l’utiliser, mais le temps me manque pour devenir un utilisateur rodé. Alors, typiquement, depuis 10 ans, j’installe une distrib, je joue un peu avec et n’ayant pas le temps d’approfondir, j’en réinstalle une au bout d’un an ou deux… La seule que j’ai utilisé (notamment pour rédiger le bouquin), c’est une ultra légère (toutou linux) installée sur un vieux portable. Cet été, j’ai installé une Kubuntu et bien sûr, je l’ai utilisée deux fois…
Pour le netbook, je suis abonné à blogeee, évidemment. Celui qui m’intéresse le plus a priori est le Acer One. J’attends qu’il y ait une batterie 6 cellules et Linux, justement (windows là dessus ne m’est d’aucune utilité). Voire un disque SSD plus performant et un poil plus gros (en dessous de 16Go, je tique un peu). Autant dire que rien n’est joué… Après, l’offre évolue tellement vite que je ne sais pas du tout ce que je prendrai au final.