Aglietta sur les secousses financières

Intéressant entretien donné au Monde par Michel Aglietta. Comme le plus souvent avec lui, pas d’effets de manche. On notera aussi que ses préconisations en matière de régulation financière font l’économie d’une grande réglementation mondiale décidée dans une quelconque commission.

16 Commentaires

  1. J’étais justement en train de le lire… Lorsque M.A. (qui n’a pas été sollicité pour rejoindre la commission libératoire ?) dit que :

    "Il est aujourd’hui possible, du moins pour les principaux marchés qui ont des données historiques longues, de calculer de façon assez fiable des valeurs fondamentales de long terme et de supputer quand les marchés sortent de l’épure."

    est-ce cela aurait vraiment été possible lors de la toute dernière "crise" : quelle valeur de long terme pour des emprunts hypothécaires titrisés, actifs qui précisément sont récents ?

  2. Aglietta affirme que la concurrence mondiale permet aux banques centrales d’avoir une politique monétaire plus expansionniste sans risque de faire décoller l’inflation. Il considère aussi que les excès qui conduisent à une hausse des actifs pourraient être évités. A l’écouter, on pourrait donc concevoir une politique monétaire qui évite l’inflation et les bulles?

    Il y a derrière cela l’idée que les institutions politiques et monétaires sont plus douées pour la prévision et plus raisonnables que les hommes d’affaires (voire que les ménages dans le cas des subprimes). On retrouve cette idée dans les deux tomes (très intéressants) de sa Macroéconomie financière que vous avez recommandés.

    Mais comment les hommes d’affaires et les ménages pourraient-ils faire de bonnes prévisions lorsque le taux d’intérêt neutre est masqué par la politique monétaire. Comment pourraient-ils faire des choix rationnels quand toute la presse spécule sur les prochaines décisions de Bernanke et Trichet?

  3. Souhaiter que les "investisseurs de long terme" (ça existe ? quel est donc leur intérêt d’investir à long terme plutôt qu’à court terme ?) "prennent leurs responsabilités et établissent un rapport de force en leur faveur" me semble relever du voeu pieux : Existe-t-il donc des acteurs libres sur le marché ayant renoncé à établir un rapport de force en leur faveur avec un autre acteur du marché ?

    Ca existe. Ce sont les “fondamentalistes” (genre Buffet). Simplement, quand c’est le bordel, ils ne peuvent pas forcément se permettre de continuer de la même façon. Je reste dubitatif sur un point de l’entretien, essentiel pour comprendre leur comportement : la capacité à calculer des fondamentaux exacts.

    Doit-on oublier que les fonds spéculatifs ont été créés par les banques précisément pour permettre aux capitaux qu’elles gèrent d’échapper aux règles de régulation s’appliquant particulièrement aux banques ? Demander aux créateurs du mécanisme de dérégulation de reprendre le contrôle qu’ils n’ont probablement jamais perdu sur leurs créations me semble dans un tel contexte incantatoire.

  4. L’article est intéressant pour la description ce qui se passe, mais la solution proposée («un monitoring ferme», «modification profonde des principes de gestion de la finance») me semble guère pertinente. J’aurai envie de répondre: Pourquoi une telle solution maintenant plus qu’en 2001 ou qu’en 1997?

    D’ailleurs pourquoi le journaliste évoque-t-il la liste des crises financières en commençant en 1997? N’oublie-t-il pas le krach de 1987, la crise de 1992?

    Autre question pour les rédacteurs de ce site: que pensez-vous de la solution proposé par Frédéric Lordon ici (voir le chapitre 7):
    http://www.monde-diplomatique.fr...

    Au delà du discours anti-financier, j’ai l’impression qu’il partage le point de vue d’Aglietta sur le problème de la nouvelle finance et sur la «victoire de l’actionnaire sur le manager».

    En gros, la solution qu’il propose pour éviter que les futures crises financières aient des répercutions sur l’économie réelle, consiste à ce que les banques centrales aient deux taux de crédit: un pour les marchés financiers, un autre pour les particuliers (pour les banques qui financent les particuliers ou les entreprises, mais pas d’autres banques).

    J’aimerais bien connaître l’avis de personnes qui ont une plus grande culture économique que la mienne, sur la faisabilité et surtout sur les effets d’une telle solution.

  5. En seriez-vous à plaider pour l’existence de limites à la rationalité dont puisse faire preuve le plus bienveillant des régulateurs qui puisse exister ?

    Si oui, comment formuler l’idée selon laquelle une horde d’innombrables investisseurs cherchant tous individuellement à "baiser" le régulateur contient toujours une ou plusieurs parties qui y parviendront ?

  6. Sur http://www.monde-diplomatique.fr... :

    Je ne vois absolument pas comment tracer la ligne de séparation "vraie économie" / spéculation, l’article cachant soigneusement la question derrière "ce n’est pas parfait". Au contraire les deux sont très liées, les vilains spéculateurs participant très activement à l’efficacité des marchés. Il y aurait de plus des possibilités infinies de fraude. On le voit assez bien avec le dévoiement des exigences prudentielles des banques par la création de filiales qui n’y sont pas soumises et peuvent donc se régaler d’effets de levier et d’émissions légèrement garanties de bons commerciaux. Bref, cela me parait plutôt un "shoot the middleman" produit par une faible compréhension des mécanismes de marché et un très fort biais idéologique.

    A mon avis le problème réside d’abord dans les incitations de quasi tous les acteurs du monde financier : des gros bonus mais pas de malus. Les années de vache grasse le % sur les gains remplit les poches, les années de vaches maigres ce sont les investisseurs qui trinquent. Du coup la stratégie optimale est d’alimenter une bulle pendant quelques années, puis tomber en faillite quand ce n’est plus tenable (tout en se gardant d’un éventuel retour de bâton judiciaire) : les biens personnels sont protégés par les lois sur la banqueroute. Il n’y a donc pas intérêt à être _gestionnaire_ à long terme, car il est possible en gérant habilement le court terme de profiter (soi, l’individu) uniquement des effets positifs du cycle. Par contre il reste sans doute un intérêt à être investisseur de long terme, encore faut-il soit même le calculer correctement, dans un marché de gestionnaires qui poussent au court terme.
    On notera l’analogie criante avec une chaîne de Ponzi à grande échelle.

  7. Et si on commençait tout simplement par imaginer que SI les acteurs de ces marchés agissent ainsi, c’est qu’ils y trouvent intérêt ?

    La recherche du profit immédiat maximal se justifie parfaitement par la liquidité des marchés : l’argent gagné un jour peut soit être immédiatement et assez correctement sécurisé dans des titres et droits (immobilier, brevets) dont la pérénité et la valeur est garantie par l’existence même des états et les conséquences de leur activité la plus caractéristique : la défense de la propriété par le recours au monopole de la violence légitime exercé par la force publique.

    Pour un agent des marchés financiers et comme le souligne Aglietta, les bulles sont des mécanismes d’assurance : plus les spéculateurs sont nombreux à aller dans une direction, plus les risques pris par chacun sont à priori faibles. Donc, meilleur est le retour sur investissement.

    Je ne suis pas convaincu qu’il existe des moyens indolores de faire disparaitre ce constat dérangeant : la monnaie est l’inévitable otage du capitalisme de notre époque, comme le sait au fond de lui tout épargnant, c’est à dire, avec la mort programmée à moyen terme des systèmes mutualistes d’assurance vieillesse, tout citoyen.

  8. J’ai été assez déçu par cet entretien : La séparation entre investisseur de « long terme » et « spéculateur » est tout sauf trivial. Vouloir calculer les valeurs fondamentales est absurdes. D’autant plus que les crises depuis 1997 ont justement surgis dans des secteurs où on ne disposait pas de « données historiques longues » : devises d’acteurs émergents, internet et maintenant « sub primes ».

    La vraie question est à mon sens : ces crises sont-elles graves ?

    Et je pense qu’on peut répondre non. Ces crises, quant-elles se produisent réajuste rapidement les valeurs de marchés et elles sont efficaces dans la mesure où elles font des morts.

    Le secteur du crédit hypothécaire se restructure à grande vitesse aux US. Dans un an, il sera totalement recomposé. Les pertes seront prises, une partie des investisseurs aura perdu de l’argent. Mais sur l’ensemble du cycle, l’ensemble des partenaires y aura gagné.

    Exactement comme la bulle internet.

    PS : cela fait du bien de vous revoir 🙂

  9. Je viens de relire "Le Commerce des promesses" de Giraud et ce qu’il dit me semble beaucoup plus pertinent. Il assassine d’ailleurs cette notion de "fondamentaux".

    Des crises il y en a tous les 4 ou 5 ans et celle ci pour le moment ne parait pas vraiment majeure, sauf pour les perdants mais c’est la règle du jeu (et ils l’ont bien cherché).

    Moi je trouve les "crises" plutôt excitantes, et inévitables dans un système dynamique. Il faut savoir ce que l’on veut du calme ou de l’innovation, de la croissance, et du "niveau de vie".

  10. Bonjour,

    J’ai lu un truc que je ne comprends pas vraiment. C’est quoi les PCAC évoqués dans l’article suivant :

    http://www.lesaffaires.com/artic...

    j’extrais le paragraphe suivant :

    "Que se passera-t-il toutefois au terme de ces 60 jours? Le marché sera-t-il suffisamment stable pour que le PCAC ne soit pas le théâtre de la plus grande braderie de ce début de siècle? «On n’a jamais connu pareille situation dans l’histoire du Canada», disent les dirigeants de la Banque Nationale dans un appel conférence avec les analystes jeudi."

    syndrome de faillite généralisée?? Le journaliste parle de banqueroutes en cascade…….

    d’avance merci de "décoder"

  11. Les PCAC (ABCP) sont des placements/prets a court termes de liquidité, pas des assignats, qui sont garantis par du collatéral. Ce sont les C(réances) qui leur servent de collatéral dont la valeur pose problème parce que personne ne sait ce qu’il y a dedans.

    Je présume que les banques Canadiennes sont de petites tailles et pourraient avoir des problèmes de solvabilité si il leur fallait brader ces créances rapidement a la suite d’une demande de remboursement généralisée a échéance.

    Si j’étais Canadien je me demanderais si mon compte courant a ma petite banque locale est garanti par l’État Fédéral et je retirerais tout ce qui dépasse pour le mettre sous mon matelas. Ce sont les marchands d’armes qui vont faire des affaires. Et les vautours.

  12. @désabusé

    L’article est rigolo on y lit entre autre : « Pour l’immédiat 77% d’entre eux ont joué le jeu. Pour les 33% restant, la Banque Nationale… »

    Sur le risque… Et bien, c’est théoriquement possible bien sûr. Tout comme, si tous les clients d’une banque se rendaient le même jour aux guichets pour retirer leur avoir, celle-ci serait immédiatement en faillite.

    Concrètement, il n’y a aucune chance que cela se produise.

  13. Encore un appel en faveur d’une reglementation mondiale, comme si le monde economique et financier n’etait pas assez reglemente et "regule". Ce genre de preconisations sont le fait de gens qui meconnaissent le monde financier et/ou qui sont biaises ideologiquement.
    Toutes ces regulations ont souvent pour effet de deregler le mecanisme de formation des prix et d’evaluation du risque. Elles introduisent un hazard moral d’autant plus grand qu’il est favorise par un essor prodigieux de la technologie, par la globalisation et surtout par l’ingeniosite humaine!
    Plus recemment, le zele des regulateurs, la gourmandise des intervenants et la betise des agences de rating expliquent facilement pourquoi les banques ou autres ont pu acheter du papier emis par des conduits ou SVP, afin d’obtenir un rendement superieur au placement sans risque, sans prendre de risque!! car c’est de cela qu’il s’agit. Mais comme le dit si bien le proverbe anglais ,"there is no free lunch".

    Qui appelle à une réglementation mondiale ? Ni Aglietta en l’occurrence, ni moi, en tout cas. M’enfin, si ça vous a permis de dire ce que vous vouliez dire, c’est déjà ça.

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