Amazon a été condamnée à cesser de pratiquer la gratuité sur les frais de livraison, en vertu de la loi sur le prix unique du livre. L’argument du tribunal est simple : la gratuité du port, c’est une vente avec prime. Et c’est interdit. Il me serait bien difficile de discuter l’affaire juridiquement parlant. On peut simplement se demander si cette décision va dans le sens de ce que la loi sur le prix unique souhaitait réaliser.
Add : Mathieu P. et Moggio ont démarré une conversation intéressante sur le sujet dans les commentaires. Ils la reprennent et la prolongent sur le forum.
Sur le site du ministère de la culture, on lit que :
"Ce régime dérogatoire est fondé sur le refus de considérer le livre comme un produit marchand banalisé et sur la volonté d’infléchir les mécanismes du marché pour assurer la prise en compte de sa nature de bien culturel qui ne saurait être soumis aux seules exigences de rentabilité immédiate.
Le prix unique du livre doit permettre :
– l’égalité des citoyens devant le livre, qui sera vendu au même prix sur tout le territoire national ;
– le maintien d’un réseau décentralisé très dense de distribution, notamment dans les zones défavorisées ;
– le soutien au pluralisme dans la création et l’édition en particulier pour les ouvrages difficiles."
La question qui se pose est donc de savoir lequel de ces trois éléments le port gratuit peut bien mettre à mal. Ni le premier, ni le dernier.
Le prix reste identique, modulo les 5% de remise autorisés, c’est évident. Quant au pluralisme, il n’y a qu’à consulter la taille du catalogue Amazon pour se convaincre que le modèle du libraire en ligne n’est pas son fossoyeur. Certes, l’effet vitrine du site est important (comme dans TOUTE librairie) et le lecteur à la recherche d’une bonne lecture tombera plus facilement sur le dernier opus de Dan Brown que sur celui d’un jeune auteur méconnu. Mais je reste souvent sceptique devant l’analyse romantique qui est faite de la distribution des livres. Le mythe du petit libraire de quartier, passionné de lecture, expert es découverte de perles rares et menacé par le big business est d’une grande hypocrisie.
D’une part, la plupart des libraires sont loin de ce schéma idyllique. Ensuite, je vois mal en quoi ceux qui y correspondent risquent de perdre leurs clients en raison de la gratuité du port. Si l’expertise et la convivialité sont des services valorisés, alors frais de port gratuits ou non, on ira à sa librairie préférée pour en profiter. C’est là que le prix unique du livre joue son rôle, pour éviter les excès (en gros, actuellement l’écart entre une librairie et Amazon ne peut excéder 5%, ce qui ne serait pas le cas si outre les frais de port gratuits, Amazon était en mesure de pratiquer des remises plus élevées). Dans ce cadre, la question n’est pas de savoir si on aura un livre plus ou moins cher, mais si on aura ou non à se déplacer chez son libraire. Or, l’avantage d’Amazon, c’est de ne pas se déplacer. L’avantage du libraire, c’est précisément de se déplacer. En gros, le livre en librairie classique et le livre chez un libraire en ligne ne sont pas le même bien. Leur demande n’est pas la même, la variation du coût global d’acquisition n’a pas pour effet de réduire à zéro la demande de celui qui est le plus cher (sans quoi, les libraires seraient déjà tous fermés, eux qui souvent ne pratiquent pas la réduction de 5%). Le livre en librairie et le livre sur Internet sont des biens seulement partiellement substituables. Il y a une certaine ironie à constater qu’une démarche destinée à promouvoir la diversité suppose implicitement l’uniformité la plus totale dans le comportement des lecteurs-consommateurs.
Reste l’argument du maintien d’un réseau de distribution très dense, notamment dans les zones décentralisées. Il faudra qu’on m’explique en quoi la fin de la gratuité du port favorise les habitants des zones défavorisées dans lesquelles il n’y a pas de distributeurs, malgré toutes les "précautions" de la loi et des syndicats de libraires. En d’autres termes, ceux-ci avaient la possibilité de payer leurs livres au même prix que les habitants des grandes villes, car Amazon trouvait rentable de procéder ainsi. Ce sera fini.
On peut supposer que le respect de la loi sur le prix unique appliquée dans ce contexte a pour seul objectif de défendre une rente. Il s’agit de la rente de libraires qui utilisent la loi non pas pour promouvoir ses objectifs défendables, mais pour défendre une catégorie spécifique de libraires. Ce ne sont ni les petits, ni les gros, mais les boutiques de taille moyenne, qui pratiquent les mêmes méthodes de rotation et d’implantation que les gros (centre des villes moyennes et grandes, gros volumes limités à un catalogue restreint).
De deux choses l’une : soit il y a bien un effet d’éviction lié aux frais de port et alors elles conserveront leur position sans apporter de valeur particulière aux clients ; soit les ventes resteront les mêmes et ce sont les lecteurs qui n’ont pas besoin ou ne trouvent pas chez elles le service attendu qui paieront la note, en améliorant colossalement les bénéfices d’Amazon. Une sacrée réussite dans la lutte contre les grosses multinationales…
Il est utile de rappeler que les ventes de livre en ligne sont de l’ordre de 4 à 5% des ventes globales et que les hypermarchés se taillent encore la part du lion. Si l’on pousse la logique de cette action à ses limites, alors on devrait forcer les grandes surfaces à vendre tous leurs produits plus chers, en fixant un prix unique sur tout. Obligeson les à faire payer le parking et les verres d’eau des fontaines à eau. Car tous ces services gratuits et ces produits aux prix attractifs sont une incitation déloyale à aller acheter ses livres en supermarché plutôt que chez un libraire.
De l’avis de beaucoup d’économistes; la loi sur le prix unique du livre n’est pas un mauvais dispositif. Il serait dommage qu’elle finisse par être dévoyée. Une rente n’est pas toujours une mauvaise chose, à condition qu’à long terme, elle ne serve pas que l’intérêt de celui qui la détient. Or, ici, comme dans le cas du téléchargement, on doit se demander si l’évolution de la technologie et des préférences ne rendent pas inappropriés certaines de ses applications. Pour ma part, je continuerai à acheter sur Amazon l’essentiel de mes livres, car cela correspond le plus souvent à mes besoins. Je boycotte depuis presque un an ma "librairie de quartier" (une de ces surfaces intermédiaires, qui servent du DVD et de la papéterie autant que du livre), au catalogue conforme aux habitudes du secteur (bof), infoutue de servir un accueil courtois et de prendre correctement des commandes. Ce ne sont pas quelques euros de frais de port qui changeront les choses. En définitive, dans mon cas, le bénéficiaire de cette décision sera… l’environnement. Je passerai probablement plus de commandes groupées, ce qui donne certainement un bilan écologique plus intéressant en évitant la multiplication des emballages, des factures et des opérations de transport spécifiques.
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Bonjour,
ma modification de comportement sera très probablement la même que la votre. Ma librairie de quartier ne dispose que des grosses ventes et n’a jamais répondu à un seul sourire.
J’utilise Amazon, j’essaie déjà de grouper mes achats lorsque je ne cède pas à un achat de livre "compulsif".
Etant donné que les frais de ports semblent rester gratuits au delà d’un certain seuil pour tous les produits vendus, la conclusion est simple : je grouperai mieux, voire je pourrai "compléter" avec un poche que j’aurais acheté en passant dans une librairie… Bref, j’achèterai plus de choses sur Amazon.
Réponse de Stéphane Ménia
Bah oui. Sans même parler des achats qui inclueront de l’introuvable en librairie. En toute honnêteté, je n’ai pas eu le temps de me documenter sur l’impact potentiel de la mesure. Je ne sais pas quelles sont les études, s’il y en a sur le sujet. Une chose est certaine, vous existez, j’existe et d’autres existent aussi. Nous avons des préférences spécifiques, qui sont sûrement loin d’être majoritaires. Mais, comme je le soulignais, aller cogner sur Amazon quand les grandes surfaces continuent à offrir à prix inchangé leur catalogue et que rien n’est fait pour améliorer le positionnement des librairies, ça m’intrigue.
Tu as beaucoup de mérite à argumenter avec tant de minutie contre une décision aussi manifestement crétine.
Réponse de Stéphane Ménia
La décision est-elle crétine ? On est toujours dans le problème du droit. Un, les juges ne sont pas économistes. Deux, si la loi est stupide, que peuvent les juges ? Ce qui m’énerve, c’est qu’on est face à des gens qui n’en ont rien à foutre de toi et qui se réclament de la défense de la diversité, reprenant les fins supposées de la loi sur le prix unique, alors qu’en réalité… La nouveauté, par rapport à certains autres lobbyistes, c’est qu’on peut même se demander si ça ne va pas leur revenir en pleine poire. Comme le souligne Sylvain dans le commentaire précédent, on peut même avoir des pertes de ventes, si la stratégie du consommateur consiste à optimiser les frais de port chez Amazon. Et le simple effet revenu est un manque-à-gagner pour le secteur. Au profit néanmoins d’Amazon, qui pourra en faire autre chose pour muscler sa position concurrentielle. Bref, je ne sais pas si la décision est crétine (l’appel le dira). Mais la démarche est d’une incommensurable stupidité. Pour tout dire, j’ai le même sentiment qu’avec l’industrie du disque.
Attention ! d’autres économistes (peut-être plus "solides" que Françoise Benhamou au regard des revues dans lesquelles ils publient) ont analysé la "loi du prix unique du livre" d’un point de vue économique (bien-être social). On ne peut pas dire qu’ils en déduisent que la loi en question "n’est pas un mauvais dispositif" ! Voir par exemple trois des contributions (en anglais) de Frederik van der Ploeg (2004, 2006 et 2008 à paraître dans le New Palgrave Dictionary…). Voir aussi la contribution (plus nuancée mais critique) de 2003 de Marja Appelman dans le Handbook of Cultural Economics édité par Ruth Towse.
Réponse de Stéphane Ménia
Je n’ai pas dit que c’était un dispositif optimal. J’ai simplement dit qu’il n’était pas mauvais. J’aurais du dire « pas si mauvais ». En la matière, on a quand même des expériences naturelles, notamment en GB, qui montrent que la suppression de la loi sur le prix unique a eu les effets attendus et jugés regrettables par ses défenseurs et par beaucoup de gens. En gros, avec les fins fixées, elle parviendrait à atteindre à peu près ce qui est attendu. En matière de réglementation contraignante, ce n’est pas la pire des lois du genre. Quant à Benhamou, j’ai mis un lien vers la note à titre d’exemple, parce que je n’ai rien d’autre sous la main.
Je ne sais pas si la décision des juges est crétine vis-à-vis du droit existant. Soit elle est conforme au droit auquel, cas la loi est crétine (de toutes façons, la loi du prix unique me semble crétine en soi), soit elle ne l’est pas auquel cas elle est crétine (donc elle ajoute du crétinisme à celui de la loi). Non, je ne fais pas dans la finesse, ces temps-ci.
Amazon n’est pas le seul à ne pas faire payer les frais de port. C’était selon moi une bonne initiative qui montrait les bienfaits que peut avoir la concurrence pour le consommateur.
Après bin s’il faut que je me déplace à la fnac du centre ville plutôt que de commander sur leur site…
@Moggio : on peut argumenter de nombreuses manières sur le prix unique du livre, mais pour avoir étudié en détail la contribution de van der Ploeg, je pense pouvoir dire qu’elle ne vole pas très haut. En effet, son modèle part du principe qu’il y a a priori une communauté d’intérêt entre l’éditeur et le libraire, alors que le propos du prix unique du livre est précisément d’aligner ces intérêts lorsqu’ils sont divergents. Il évacue donc par hypothèse l’effet bénéfique potentiel. Pas étonnant qu’il trouve des effets négatifs, alors. De même, le chapitre sur l’économie des livres du Handbook demanderait une discussion assez fouillée, tant la revue de littérature effectuée est subtilement mais nettement partiale.
Bonjour,
En réaction à l’action lancée par le syndicat des libraires contre Amazon, je vais bien évidement renforcer mes achat sur ce site Internet et éviter au maximum mes achats chez les libraires. Reste à savoir quelles libraries sont adhérentes ?
Je trouve cette action judiciaire d’un autre âge, De plus, elle témoigne d’un profond irrespect des lecteurs. Même dans une ville de 100 000 habitant + on ne trouve déjà pas tous les livres que l’on veut ! Commander en ligne est pour moi un impératif !
A qui bénéficie le prix unique ? Aux libraires, certainement. Aux clients, c’est douteux.
Je ne suis pas convaincu que les libraires de quartier proposent une offre plus diversifiée ni qu’ils offrent des conseils pertinents (quelle fraction de leurs livres lisent-ils eux-mêmes ?). En revanche si loi actuelle conduit chacun à payer le même prix partout en France, c’est le prix qui permet au libraire le moins performant économiquement de se maintenir en vie. Bref, si je suis à la campagne je paye les livres au même prix que si la loi n’existait pas (en théorie, car en pratique il n’y a pas de librairie près de chez moi et je commande sur Internet). Et si je suis en ville je paye beaucoup plus cher pour sauver mon libraire de quartier chez lequel je ne vais peut-être jamais (je ne vais quand même pas demander conseil à un libraire pour choisir un livre d’économie).
Conclusion : les livres étant plus chers, ceux qui ont des moyens limités lisent moins et en particulier moins d’ouvrages récents. Au bénéfice des élites qui ont promu la loi et qui vont de leur poissonnerie du quartier latin à leur librairie du quartier latin et veulent sauver les deux (à quand le prix unique de la daurade ?).
Réponse de Stéphane Ménia
Peut-être avez vous raison et tort à la fois ? Je prenais l’exemple de la GB, qui a supprimé le prix unique. Ce qui a conduit à réduire la diversité des catalogues chez les libraires. Mais bon, peut-être aussi que cette diversité, c’est la VPC qui peut la recréer maintenant. Quant au prix unique de la daurade, il est clair qu’il devrait s’appliquer. Ca inciterait les gens à acheter des livres en librairie, puisqu’ils ne pourraient pas payer le poisson moins cher au supermarché (qui vend des livres).
@Mathieu P. : Votre commentaire est stimulant. Connaîtriez-vous des travaux de recherche publiés dans des revues "sérieuses" (à comité de lecture) apportant une contribution complémentaire voire critique aux travaux de Fr. van der Ploeg et ses coateurs ? D’avance, merci.
@Moggio : je m’y attelle, mais la littérature sur le sujet est assez indigente. En fait, d’une part il y a les considérations, descriptivement intéressantes mais difficilement falsifiables, de Benhamou ou Rouet (*Le Livre, mutations d’une industrie culturelle*), et d’autre part une très abondante littérature sur le RPM (Resale Price Management) qui ne traite pas spécifiquement du livre, et donc dont on n’est pas sûr qu’elle soit directement applicable à des biens d’expérience purs comme les livres. En fait, je travaille actuellement sur le sujet pour ma thèse… Travaillez-vous également sur le sujet ?
Je pense qu’il s’agit de l’usage mal maitrisé du raisonnement économique par le tribunal, qui cherche à inclure les services annexes dans le prix. En réalité c’est absurde:
Imaginons deux libraires. L’un laisse ses clients se servir dans les rayons et reste le cul rivé à sa caisse. L’autre se dit que s’il peut aller conseiller les gens qui n’ont pas l’air de savoir ce qu’ils veulent, il va pouvoir leur fourguer plus de came et éventuellement les fidéliser. Il embauche donc un caissier. Grâce à ce salaire spplémentaire, il offre un service distinct au consommateur, mais qu’il ne lui fait pas payer. Atteinte au prix unique du livre?
D’un point de vue juridique, je pense que la question est celle de la fraude: si j’offre un MP3 pour l’achat du livre, on va bien se douter que la loi est détournée. Donc quel critère pour reconnaitre une fraude? On peut proposer per exemple que le service offert doit être accessoire et proportionné à la vente du livre. C’est le cas pour une livraison gratuite à domicile, ou pour un service de conseil.
@Mathieu P. : Disons que j’accumule dans mon coin des éléments de recherche économique "solides" sur le sujet, "solides" au sens où les contributions d’économistes français comme Fr. Benhamou et Fr. Rouet, pour intéressantes qu’elles soient, sont assez peu économiques car elles ne reposent pas vraiment sur une modélisation théorique du marché du livre (un modèle ou des modèles) et son test empirique, comme on devrait, je crois, le trouver, pour notamment une analyse (plus) "neutre". J’avais lu un jour, dans un texte d’Alan Peacock, l’hypothèse que les économistes culturels français font moins de l’économie que de la sociologie descriptive. C’est un peu ce que je ressens ici (et que je regrette).
Cette accumulation d’éléments de recherche a pour finalité le fait qu’un jour, en cas de temps libre !, la question de l’intérêt économique en termes de bien-être social (et non en termes d’intérêts particuliers bien compris) d’une "loi sur le prix unique du livre" (pour peu qu’il existait initialement) dans le contexte de, disons, la révolution numérique m’intéresserait. Marja Appelman, dans son texte de 2003, pose d’ailleurs la question de l’intérêt d’un tel dispositif de régulation dans le cadre récent offert par les "nouvelles" techniques de l’information et de la communication. C’est, je crois, une bonne question.
Moggio : vous pouvez poster les références exactes des textes de Peacock et Appleman ? Ils m’intéressent beaucoup. Concernant une modélisation du marché du livre, le mieux que je puisse vous dire est que j’y travaille, avec les outils de l’organisation industrielle (Hotelling, marchés bifaces, etc).
@Mathieu P. :
Les références que vous demandez sont les suivantes :
— A. Peacock, book review, J. of Cultural Econ., Sept. 1995. L’extrait auquel je pensais est le suivant : "The predominant view in the Anglo-Saxon world is that cultural economics is a branch of economics itself. It therefore follows the established conventions of model-building, e.g. models of artists’ behaviour, accompanied by testing of models, leading sometimes to consider such broader questions such as the case for public support for the arts and the efficiency of alternative methods of support. ‘L’économie de la culture à la française’, as represented in this work by well known French writers [i.e. here Sylvie Pflieger and Dominique Sagot-Duvauroux], seems to be much more a branch of descriptive sociology which is why the scenario I offer at the beginning of this review has been implicitly rejected."
— M. Appelman (2003), "Fixed book price" in R. Towse (ed.), A Handbook of Cultural Economics, Edward Elgar, chapter 29 (j’avais récupéré le PDF sur la Toile il y a quelques mois… il doit être encore trouvable…).
— (en prime !) V. Ringstad (2004), "ON THE CULTURAL BLESSINGS OF FIXED BOOK PRICES: Facts or fiction?", Intern. J. of Cultural Policy, 10, 3 ; un article critique sur le sujet.
Je suis heureux de savoir que vous mobilisez actuellement les outils théoriques de l’économie industrielle (dont ceux de la jeune économie des plates-formes multi-faces) pour modéliser tout ça. Enfin un travail de recherche française en économie culturelle fondée sur la construction de modèle(s) théorique(s) testé(s) empiriquement, non ?
Est-il indiscret de vous demander sur quoi porte précisément votre thèse de doctorat (voire qui est votre directeur de thèse !) ?
Réponse de Stéphane Ménia
Je m’intercale… Votre discussion est intéressante. Pourquoi ne pas prolonger sur le forum ? Si vous créer un fil, ve vous mets un lien vers celui-ci. C’est vous qui voyez.
Crétin, le prix unique ? Allons bon… Regardez ce qui s’est passé sur la lessive ou les petits pois : la grande distri vend à -20% et il n’y a plus de petits commerçants dans les centres villes. Libérez le prix des livres, vous arriverez à ce résultat en deux ou trois ans.
Quant à l’argument "y’a pas tout chez le libraire", oui, c’est vrai. Mais ce dit libraire peut très facilement commander n’importe quel ouvrage et vous l’obtenir en deux-trois jours. Après, c’est vrai, faut revenir… C’est vrai que c’est dur de devoir se coltiner des êtres humains plutôt que de rester sur Internet…
En outre, que je sache, personne ne s’offusque du "prix unique" des journaux… Ce qui est pourtant le "produit" le plus comparable à un livre.
Pour le reste, c’est vrai que tous les libraires ne sont pas forcément souriants, compétents, disponibles, de bon conseil… Comme dans toute activité humaine… Et il existe, dans la petite ville près de mon village par exemple, ou dans de grandes métropoles comme Toulouse (je connais moins Paris, désolé…), des libraires qui aiment et font bien leur métier.
Enfin, la livraison gratuite, pour Amazon, c’est une façon détournée et déguisée de baisser le prix du livre. Bien sûr, ils offrent un catalogue important et ne manquent pas d’intérêt. Mais peut-être n’est-il pas nécessaire d’en rajouter ?
Et d’éviter les comportements à la limite du puéril du type "puisque c’est comme ça, j’irai plus chez les libraires, j’achèterai tout sur Amazon, nadabor !"
Quant à l’argument sous-entendu ici ou là comme quoi les libraires seraient plus ou moins des "privilégiés", arrêtons de rigoler ! Allez voir ce que rapporte une librairie, on en reparlera. Du reste, elles roulent tellement sur l’or qu’il y en a beaucoup plus qui ferment que d’autres qui ouvrent. Cherchez l’erreur…
Au fait, pour ceux qui se poseraient la question, non je ne suis pas libraire…
Réponse de Stéphane Ménia
Qui a dit que le prix unique était crétin ? Vous vantez les mérites de petits libraires exemplaires, mais vous ne nous dites pas en quoi le paiement des frais de port chez Amazon va les aider. On a bien compris que vous aimez bien les librairies et les libraires. Je crois que c’est le cas de tous les lecteurs. Mais avant d’aimer les librairies, on aime les livres. Vous parlez de puérilité. Est-ce vous qui avez écrit « C’est vrai que c’est dur de devoir se coltiner des êtres humains plutôt que de rester sur Internet… » ? D’autant que si on se fie à votre point de vue sur les prix de l’alimentaire, l’objectif d’une loi devrait être de conserver des commerces en ville, pour avoir des prix plus élevés. Un sacré programme… On ne va pas refaire l’histoire du commerce, mais il est assez étrange de reprocher aux gens de satisfaire leurs besoins comme ils l’entendent et ne pas aller dans les « petits commerces » si les grandes surfaces leur conviennent.
Cher SM
Qui a dit que le prix unique était crétin ? Relisez les commentaires, je pense que vous y trouverez la réponse…
Quant au soit-disant objectif "d’avoir des prix plus élevés", cela me fait à la fois sourire et bondir. La viande n’est pas plus chère chez mon boucher qu’au supermarché (parfois même moins chère…) et nous ne parlerons pas de différence de qualité, ce ne serait pas du jeu… Par ailleurs, cela vous ennuie que les producteurs (eux, pas les multiples intermédiaires, si possible…) soient payés à un prix correct ? Moi pas. Cela augmente le prix des biens ? Certes. Ce qui serait supportable si les salaires augmentaient de même. Car le but d’une économie saine, ce me semble, n’est pas d’étrangler des producteurs pour faire baisser les prix des denrées alimentaires. Il est plutôt de faire en sorte que producteurs et consommateurs trouvent leur compte dans l’histoire.
Cela dit, vous avez raison : ce sont les consommateurs eux-mêmes qui sont les premiers responsables de la disparition du petit commerce et de l’avènement de la grande distri. Ce sont eux qui ont choisi d’acheter à bas prix (et encore, pas toujours, regardez bien…) des produits de qualité toujours décroissante. Mais est-ce mal de vouloir prôner la qualité ? (OK, on s’éloigne du livre… Au fait, question livres, on reproche aux libraires de ne pas avoir lu tous les livres, Amazon il en lit combien ?)
Au fait, je ne vois pas ce que ma remarque "se coltiner des êtres humains…" a de puéril. Sarcastique peut-être…
Et pour finir, en quoi le paiement des frais de port aide les libraires ? En rien. Cela évite simplement que les sites comme Amazon puissent pratiquer un prix plus bas de manière déguisée (parce que d’où croyez vous que cette "gratuité" vienne ? Si tant est qu’il existe quelque chose de "gratuit" dans notre bas monde…). Donc à maintenir une forme d’équilibre.
Réponse de Stéphane Ménia
Eh bien, ma foi, vous devez avoir raison.
Cher SM
votre (plus que) brève réponse me laisse sur ma faim. De sa formulation, ressort un je-ne-sais-quoi de "il est trop con pour qu’on cause avec lui", un peu désagréable. Mériterais-je un tel mépris ? Si c’est le cas, OK, écrivez-le, on n’en parlera plus, j’irai "jouer" ailleurs, je veux pas déranger…
En d’autres cas, moi, j’essaye de débattre, d’expliquer mes idées. Elles ne sont apparemment pas partagées par tous, mais cela n’empêche pas d’en discuter (de celles des autres comme des miennes). Expliquez-moi donc ce qui vous semble incongru dans mes remarques, exprimez plus avant les vôtres, je suis toujours ouvert aux avis des autres, qui peuvent être plus autorisés que les miens, cela ne fait pas doute. Enfin bon, c’est vous qui voyez, hein…
Cordialement…
Réponse de Stéphane Ménia
Je ne sais pas par où commencer, tant j’ai le sentiment que quoi que j’écrive, vous n’en tiendrez pas compte. Mon analyse du problème est dans le billet que j’ai écrit. Je ne vois pas en quoi les frais de port gratuits sont une baisse du prix du livre et une condamnation à périr pour les libraires. Et, surtout, je ne vois pas en quoi elle contrevient aux objectifs de la loi sur le prix unique du livre.
Otto : vous dites qu’il s’agit de payer les producteurs à un prix correct. Acceptons cet argument. Quel est l’impact du prix unique du livre sur la rémunération des auteurs ?
Mathieu P. : l’impact ? Aucun, évidemment. De même que la libération des prix du livre ne ferait sans doute pas gagner un centime de plus aux auteurs. Cela dit, vous noterez que ma réflexion sur les producteurs portait plus sur les produits alimentaires que sur les livres… Et vous savez sans doute que l’éditeur est également l’un des producteurs d’un livre, tout comme l’auteur (on pourrait parler des proportions entre l’un et l’autre, mais c’est un autre débat…).
SM, je pense qu’effectivement, nous avons du mal à communiquer. Le pire étant que, globalement, nous avons à peu près la même vision des choses (ou du moins, dit autrement, je suis assez d’accord avec ce que vous dites dans votre billet, même si j’émets quelques nuances sur certains points ; c’était du reste plutôt par rapport à certains commentaires que j’avais commencé à réagir, vous le remarquerez). Alors bon, pour moi, on clôt là. Et bon week end.
"Je ne vois pas en quoi les frais de port gratuits sont une baisse du prix du livre et une condamnation à périr pour les libraires." Bon, c’est simple : Le libraire du coin : 35% de marge brute. Amazon 45% avec d’éventuelles surremises sur la grosse artillerie. D’un côté, paquets expédiés de façon parcimonieuse parce que commerce de proximité, de l’autre, une logistique affutée avec une chaîne semi-automatisée pour la confection des paquets et, une réduction du tarif de la part de la Poste du fait des envois en nombre. Amazon et les autres ne perdent que très peu d’argent dans l’opération et obtiennent une position dominante dans le secteur. Ce qui vient après est plutôt logique : les éditeurs qui ne peuvent suivre au niveau des remises ne seront pas favorisés, voire retirés des listes de vente, en tout cas pas vraiment en "tête de gondole". (cela se fait assez couramment en super et en hyper… mais aussi à la FNAC). Une jeune éditeur qui ne peut pratiquer ce type de remise se voit contraint de se priver de ces vendeurs et se reporte vers les libraires "classiques". Seulement, voilà, la quantité de libraires de ce genre diminue d’années en années au profit des grosses structures. Quels sont les débouchés, quelle est la solution ? Libérer les prix ? Cela ne changera qu’une chose, accélérer la décomposition du réseau de librairies en France au profit des points de vente qui ne présentent que peu les petites structures éditoriales. Regardez sur Amazon et cherchez les poète Saint-Pol-Roux. Vous en trouverez d’occasion et une seule référence disponible (classé à "Pol-Roux, Saint", ça aussi, c’est de la culture, ah ah ah !) or cet auteur est défendu depuis des décennies par l’éditeur Rougerie. Seulement voilà, Rougerie vend ses livres ferme, sans faculté de retour et avec une remise modeste. Vous ne les trouverez pas sur ce site dans la liste des livres neufs… L’édition et la libraire ne se résument pas qu’à la distribution du dernier Harry Potter, c’est aussi une multitude de petites maisons qui font un travail créatif et délicat. Pour cela, il suffit d’aller faire un petit tour au marché de la poésie , place Saint Sulpice à Paris (en juin), pour s’en convaincre. Le point de vue économique de la libéralisation du prix du livre est intéressant, mais il faut tenir compte de la spécificité de la chaîne de distribution du livre aussi en amont et pour une part non négligeable sur le plan de la production. En l’occurence il est tout aussi intéressant de vérifier l’impact d’une telle disposition sur les petits éditeurs : aucune visibilité sur les sites mammouth et plus de débouchés chez les libraires classiques. A ce jeu là, l’équivalent d’un José Corti ne pourrait plus faire découvrir l’équivalent d’un Julien Gracq car cet éditeur ne pourrait même plus exister. Pardon pour ces départs dans tous les sens : l’insomnie et le fait également que votre sujet en recouvre de multiples…
Cordialement :
JTM
Réponse de Stéphane Ménia
Vous ne répondez absolument pas à la question posée. Qui ne s’avère visiblement pas si simple… Vous soulignez que les petits libraires ont une fonction de distributeur d’ouvrages qui ne sont pas distribués ailleurs. En d’autres termes, ils produisent un service qui est valorisé par un certain nombre de lecteurs. Et donc ? Justement, cette spécificité les met en principe à l’abri de la concurrence de Harry Potter. A moins que, à moins que, les gens n’aient pas envie de lire les oeuvres de « Pol-Roux, Saint ». Dans ce cas, je ne vois pas en quoi une réglementation sur les frais de port sert le petit commerce. C’est un aspect que j’ai clairement évoqué dans mon billet. On va chez le libraire pour d’autres raisons que l’existence de frais de port. Et on n’y va pas pour d’autres raisons encore. Considérer que les frais de port sont un obstacle est absurde. La réalité, c’est que plutôt que de militer pour l’interdiction du port gratuit, il serait plus logique de militer pour des subventions d’exploitation aux libraires qui pratiquent une politique de mise en rayon conforme à des objectifs de diversité des publications. Je ne sais pas si c’est une bonne idée, mais ce serait plus cohérent. Frais de port ou non, vos petits libraires fermeront s’ils ne répondent pas à une attente assez large. Si on creuse un peu, on peut même être surpris qu’on puisse se plaindre des prix obtenus par les grandes librairies et flatter la loi sur le prix unique. Au fond, c’est une rente qui se crée pour les gros, qui paient peu cher et encaissent beaucoup.
Les subventions pour les libraires existent, et ceux qui en bénéficient arrivent à sortir un peu la tête hors de l’eau. Ces dispositions accompagnaient également les projets autour du prix unique du livre. Je suis surpris que vous évoquiez un quelconque militantisme pour une chose qui existe belle lurette. Autant demander à un socialiste de militer pour le programme commun en 2008, si ce n’est le programme de Jules Guesde…
Je répondais indirectement à une question que du reste vous ne posiez pas – plutôt à une incompréhension déclarée de votre part (vous savez : "Je ne vois pas en quoi les frais de port gratuits sont une baisse du prix du livre et une condamnation à périr pour les libraires." …) Je tentais de vous montrer que la chaîne de production du livre formait un tout et que l’arrivée d’une nouvelle disposition comme la gratuité du port entrainait un effet de domino qui se répercutait chez les éditeur, voire chez les auteurs également. Seulement, le mécanisme est subtil et vise à terme à assurer une certaine hégémonie dans l’économie du livre. Et pourquoi diantre un libraire traditionnel n’aurait pas le droit aussi de vendre du Harry Potter en même temps que Saint Pol Roux ou bien la traduction intégrale de Tristram Shandy ? J’ai la sensation un peu brutale de me trouver dans une réflexion un peu déréalisée de l’économie du livre.
Simplement : Vous avez un port gratuit d’un côté et de l’autre un port payant… or vous savez au bout du compte que ce port n’est pas forcément gratuit puisque payé par l’éditeur qui finira bien par le faire répercuter sur sa marge. L’effet boule de neige n’ira pas forcément par une diminution à terme de ce bien culturel… outre le fait que je vous ai narré précédemment sur cette histoire de marge. Même les livres d’économie ne sont pas "grand public" – dommage, hein ? Désolé, eux aussi risquent d’augmenter, comme toutes les sciences humaines….
Et puis l’attente large à propos du libraire… Ceux qui y prétendent méritent de mourir de leur belle mort. Du reste, les libraires qui ont ce genre de fantasme n’existent plus guère, sauf dans les staffs des grandes boîtes. Seulement les libraires que je connais assez aimeraient continuer de faire leur véritable boulot : vendre des livres, ce qui apparaît plutôt paradoxal. Cela veut dire acheter de la marchandise et la vendre et non pas vivre avec un stock virtuel, un flux tendu et, d’ailleurs, des condamnation de la part de l’URSSAF, par exemple. Cela veut dire que ces livres-là sont trouvables ailleurs mais que d’autres ne le sont pas. C’est le métier du libraire : savoir où cela se trouve et vous l’avoir.
J’ai le sentiment que vous manquez de recul sur les effets de la libéralisation du prix du livre. Pourtant, le problème s’est posé il y a une trentaine d’années et nombre de personne qui avaient les mains dans le cambouis pourraient encore témoigner de la chose… Vous semblez perdre de vue que ce projet de prix unique était soutenu également par des éditeur (Jérôme Lindon, des Editions de Minuit, par exemple) et qu’il est l’aboutissement d’une réflexion interprofessionnelle et non d’une décision "ex cathedra"…
Et puis, la vente à prime – et ce port gratuit a été jugé comme tel par la justice – n’est pas autorisée en France. Cela vaut – et cela va vous rassurer quelque peu – autant pour les petits pois que les livres.
Enfin, notre discussion risque de devenir quelque peu obsolète sous peu. Nous revenons lentement au concept de libraire/imprimeur/éditeur courant au XIXe siècle et que permet les moyens technologiques actuels. Une sorte de bras d’honneur aux stratégies d’occupation des médias par les grands groupes financiers. Cet avènement risque d’être amer pour quelques cadors.
Cordialement :
JTM
Réponse de Stéphane Ménia
Vous finissez par dire « Et puis, la vente à prime – et ce port gratuit a été jugé comme tel par la justice – n’est pas autorisée en France. « . Je ne sais plus qui l’a dit en commençant son texte. Le seul argument qui ne me semble pas porté par votre position dans l’affaire repose sur l’idée que payant ou non pour le client, le port est payant pour quelqu’un. C’est certain. Mais avec une loi sur le prix unique, justement, je ne suis pas certain que l’enchaînement que vous décrivez soit naturel. Aveuglé par un réflexe conditionné, vous m’attribuez des ambitions de libéralisation du marché du livre alors même que j’ai dit que la loi sur le prix unique n’était pas une mauvaise loi. Par ailleurs, vous persistez à nier la différenciation du produit livre selon son mode de distribution ; différenciation qui peut tout à fait induire une différenciation des prix viable si elle n’est pas énorme. Sans quoi, je vois mal pourquoi les 5% autorisés n’ont pas mis sur la paille les libraires (mais vous allez peut-être dire que c’est le cas). Les frais de port n’atteignent pas les montants de remise dont vous parlez. Puisqu’on y est, on devrait interdire aux libraires qui le souhaitent de mettre des fauteuils dans leur magasin, d’ouvrir plus tôt que leurs concurrents, etc. Tout cela représente des services qui ne sont pas facturés.
Puisqu’il est de votre usage de penser que ma réflexion n’est constituée que de réflexe conditionné…
Mettons un livre de 20,00 €, prix d’une nouveauté chez Gallimard ou Grasset. Dans le cas où je dois faire cette vente dans le cadre de la loi Lang, je vous répercuterai le port. Je n’ai pas fait attention à votre allusion malencontreuse et je décide, parce que j’ai un bon fond (également un bon fonds), de vous concéder une remise de 5%. Cela fait donc un prix de 19,00 € + un port de 5,00 (Colissimo 500 g que j’ai arrondi pour la commodité de la chose…). Cela nous fait un total de 24,00 € que je vous prie de bien vouloir régler à réception, s’il vous plaît (la fin de la formule n’est pas légale…)
Mon éditeur m’a fait une remise correcte, sans plus de 35%. C’est ma marge, cela fait (on ne s’embarrasse pas de la TVA, hein, d’ac ?) donc 7,00 € de marge brut que j’ai déja écorné avec ma gentillesse quelque peu benoîte, je le reconnais, pour arriver au montant de 6,00 €. Donc : 25,00 € de chiffre d’affaires pour 6 euros de marge brute. Heureusement que dans ce cas, je ne suis pas au regime micro-BIC et que j’ai opté de me faire imposer sur les bénéfices…
Je suis Amazon. Je bénéficie pour ce coup-là d’une libéralisation du marché et ce n’est plus le distributeur qui fixe le prix public. De ma position de gros libraire, je multiplie par deux (on cause toujours pas des histoires de TVA, hein !)le montant brut du livre sur ma facture. Je me fais une marge de 10,00 €. mais, du fait de ma position dominante sur le marché de la VPC, je ne vois pas pourquoi je ne donnerai pas un petit coup de pouce. Allez, je vous le fais avec 1,00 € de plus…. Non ? Bon d’accord. On reste à 20,00 € Mais ma marge est bien là… 10,00 € de brut. Je fais mon paquet, avec les réduction qui me sont allouées par la Poste grâce à mes envois en nombre. Mettons… 4,50 au lieu de 5,00 € que je répercute pour être attractif. Résultat 24,50 €. Pas très déterminant, comme différence… Avec le nombre d’envois que je fais et le chiffre afférent, je peux baisser ma marge encore. Même avec seulement 5,00 € de marge, ça peut rouler et je peux le répercuter sur le prix de vente : 19,50 €, port gratos en somme. Je ne vois pas pourquoi je me gênerais, là.
La différence entre un libraire et un site ? L’industrialisation de certains services comme l’expédition et le conditionnement, l’automatisation de la chaîne de commande, etc. Cette différence de moyen, donne également une différence à l’arrivée : les charges fixes diminuent de façon substantielle dans la grande distribution. Amazon et consorts en font partie. Nous pourrions refaire le même calcul en égalisant les remises de part et d’autre, cette industrialisation de moyens fera tout de même la différence. Je ne pense pas, par ailleurs, que cette histoire de port gratuit fasse entièrement la différence et je suis même parmi les premier à déclarer que un certain nombre de libraire feraient mieux d’aller à la pêche, tant ils sont incompétents. Mais je trouve quelque peu fort du café qu’Amazon se pose en victime des "vilains-libraires-rétrogrades-assis-sur-ses-privlèges"
Le fait est que nous ne pouvons pas parler de la même chose, puisque vous parlez du "produit livre" alors que l’approche de ce "produit" est encore essentiellement artisanale dans ses pratiques, même chez certains grands distributeurs du livres (entendons nous sur le mot "distributeur", il s’agit des relais physiques entre l’éditeur et le libraire, tels la Sodis pour le groupe Gallimard, par exemple. ) par ailleurs, l’édition française comporte près de 350 000 ouvrages disponibles (chiffre ancien et assez approximatif, mais nous n’en sommes pas trop loin, je pense, et puis j’ai la flemme de consulter la Direction du Livre et de la Lecture) avec différents modes opératoire pour leur distribution auprès des professionnels… Une part importante de cette production (3000 par mois dont 1/6e de petits éditeur…) ne peut être négociée qu’avec des marges extrêmement réduites – coûts du papier, de fabrication et d’acheminement, etc. Si je vous citais auparavant des éditeurs comme Rougerie n’apparaissant pas sur Amazon en tant que livre neuf, c’est bien parce que cette maison a décidé de s’en passer !!!
Différenciation ?
Mais oui !
Les livres à faible marge sont pour les traîne-patin. A ce compte-là aucun petit libraire ne peut vraiment faire face parce que ce qui faisait aussi son chiffre et lui permettais de présenter d’autres ouvrages à faible rotation et à faible marges ont migré vers des services grand public mais dont l’offre est certainement plus étroite qu’on le croit.
Je ne suis pas économiste, mais il me semble qu’en réduisant l’offre on ne dynamise pas trop le secteur de production concerné. Que de grosses structures de vente de livre prennent le dessus comme cela arrive et l’on va vite arriver au "Goum". Ce sera moins cher, mais ça va être fade.
Je vous incite fortement à infléchir votre réflexion sur la concentration des libraires en chaînes et de leurs avatars électroniques en consultant l’ouvrage d’André Schiffrin, "L’édition sans éditeur". C’est évidemment un commentaire sur le livre dérégularisé aux Etats Unis… Mais comme beaucoup ont la passion de tout ce qui est ricain…
Compliments de JT "Pavlov" Maston
Pour information, un article de presse de plus sur le sujet dans Les Échos d’aujourd’hui (http://www.lesechos.fr/info/anal...
Réponse de Stéphane Ménia
La fin de l’article est peu démonstrative. Ce n’est pas parce que Harry Potter se vend à 12€ ailleurs que le prix unique du livre est à jeter à la poubelle. En revanche, je suis évidemment d’accord avec la première partie de l’article.
La Cour de cassation vient de remettre tout cela à l’endroit :
http://www.01net.com/editorial/3...