Les liens du lundi (en avance)

La blogosphère économique sauve le monde.

A ne pas manquer : la conférence Nobel de Krugman, en direct. Lequel Krugman considère que l’industrie automobile américaine va disparaître si l’on suit l’économie géographique. Pourquoi pas, mais des choix historiques – le fait que les dirigeants des entreprises automobiles aient dans le passé acheté leur compétitivité en remplaçant les hausses de salaires par des caisses de retraites et des systèmes d’assurance-santé, dont les coûts seraient reportés sur les dirigeants ultérieurs (actuels) semblent des explications plus plausibles.

EDIT : Quand les propos d’un économiste repris par un journaliste semblent bizarres, il est nécessaire d’envisager l’hypothèse que le journaliste n’ait strictement rien compris. La conférence Nobel était remarquable. Elle sera archivée en ligne sur le site du prix nobel dans quelques jours, mais les diapos donnent une bonne idée.

Pour Taleb, l’utilisation des méthodes quantitatives en finance a été un crime. Admettons. Mais en suivant lesdites techniques quantitatives et leur appréhension du risque (qui prend en compte l’existence de “fat tails” et autres déviations de la loi normale) ce qui s’est passé peut se ramener à ceci.

Supposez que je vous propose le produit suivant : chaque année, si le PSG n’est pas champion de France de Ligue 1, je vous paie 20 000 euros. Par contre, si une année, le PSG est champion de France de Ligue 1, vous me payez 10 millions d’euros. Seriez-vous prêt à prendre ce produit? Probablement pas (après tout, pour qu’il soit en moyenne rentable, il faudrait que le PSG ne soit pas champion de France pendant 500 ans). Le problème de la crise financière, c’est que les banques ont acheté, à haute dose, des produits que leurs propres modèles décrivaient comme celui-ci. Pourquoi l’ont-ils fait? La réponse est beaucoup plus probablement à chercher chez les sociologues, les psychologues, ou chez des économistes qui prendront le temps d’aller étudier les motivations des agents et le fonctionnement interne des banques. S’il y a un reproche à formuler aux quants, ce n’est pas tellement d’avoir développé et utilisé des modèles: c’est de n’avoir pas compris comment ceux-ci seraient utilisés.

Alexandre Delaigue

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8 Commentaires

  1. "La réponse est beaucoup plus probablement à chercher chez les sociologues, les psychologues, ou chez des économistes qui prendront le temps d’aller étudier les motivations des agents et le fonctionnement interne des banques."

    Inutile d’aller chercher aussi loin : toute la profession savait que la collectivité épongerait très très probablement les éventuelles pertes (à 90%). Cette information prise en compte, le comportement du secteur est rationnel.

    Reprenons votre exemple du point de vue du banquier salarié (pas l’actionnaire) : on vous propose de recevoir tous les ans 20 000 euros sans n’avoir rien à faire, mais on vous prévient que si le PSG devient champion de France, vous ne toucherez plus jamais 20 000 euros tous les ans. Combien faut-il vous payer pour bénéficier d’un tel contrat ?

  2. "S’il y a un reproche à formuler aux quants, ce n’est pas tellement d’avoir développé et utilisé des modèles: c’est de n’avoir pas compris comment ceux-ci seraient utilisés."

    Ca me fait penser à un passage de "Les Traders" de Olivier Godechot, où il analyse les compétences mises en oeuvre par les traders : il se rend compte que si les compétences mathématiques sont très valorisées, un nombre assez restreint de personne sait réellement les utiliser et qu’ils ne connaissent des modèles souvent que quelques règles d’interprétations.

  3. J’aime bien votre formulation du problème :

    << Supposez que je vous propose le produit suivant : chaque année, si le PSG n’est pas champion de France de Ligue 1, je vous paie 20 000 euros. Par contre, si une année, le PSG est champion de France de Ligue 1, vous me payez 10 millions d’euros. Seriez-vous prêt à prendre ce produit? >>

    En pratique, ce type de produit peut intéresser bien des gens. A commencer par tous ceux qui serait incapable de payer les 10 millions et pour qui les 20 000 changerait la vie.

    Ce qui est étonnant dans la crise actuelle, c’est qu’il y avait de très grosses institutions américaines qui étaient dans ce cas de figure (AIF, Fannies and co…)

  4. @henriparisien "ce type de produit peut intéresser bien des gens. A commencer par tous ceux qui serait incapable de payer les 10 millions et pour qui les 20 000 changerait la vie."

    C’est à dire, entre autres gens, la totalité des individus

    – parfaitement sensés
    – ayant souscrit des crédits subprimes vendus par des intermédiaires lucides
    – et soucieux de l’intérêt de leurs clients (se loger le mieux possible pour le moins cher possible aussi longtemps que possible et conserver une petite chance de faire une énorme plus-value en cas de miracle)
    – et judicieusement conseillés par des banquiers constatant que l’intérêt de leurs clients était de jouer le scénario du pire.

    Car ce ne sont jamais les perdants qui paient les factures des grandes catastrophes collectives

    Je serais surpris qu’aucun économiste n’ait perçu cela. n’y avait-il donc aucun ?

  5. Bonjour,

    Vous separez la description de la realite d’avec la maniere dont on interprete cette description. D’un cote les quants ne fesant que leurs boulot, et des financiers incapables de comprendre des modeles statisques.

    La division evidement doit etre abolie, d’ou votre recours "au sociologue". Mais la difference est de taille entre votre approche qui separe puis cherche a resoudre, et celle qui voit ces deux elements comme faces d’une meme piece. Pour cette derniere, la "crise" n’est pas illogique, mais fatale. Ignorer l’interet qu’un individu, groupe ou classe gagne a mettre des oeilleres quand ca l’arrange n’est pas innocent.

  6. Que le PSG ne soit pas champion pendant 500 ans me paraît de la plus haute probabilité ! Bon ok, je sors…

  7. Excellente comparaison ! Mais, comme le dit Passant, inutile de chercher bien loin des raisons d’acheter un tel produit. Si je peux le revendre n’importe quand, à meilleur prix de préférence, et si je veux rentabiliser une fortune dont je ne sais pas quoi faire, alors je suis preneur! Les yeux fermés!

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