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C’est une crise de la propriété, pas une crise pour le marché, par Chris Dillow. A noter que The Subprime Solution, de Shiller, évoqué dans cet article, devrait bientôt faire l’objet d’une note de lecture.

Rationalité Limitée résume le débat sur la réglementation des marchés comme réponse à la crise. Réponse brève : ce n’est pas une bonne solution. Voir aussi ici, ou cet article de Tyler Cowen.

Comment appréhender le risque, par Nassim Taleb (via alea).

Alexandre Delaigue

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14 Commentaires

  1. à un détail (important) près : si Dillow pense (à juste raison) que ce qui fait la différence, c’est que dans les fonds "managers invest their own money and take key decisions themselves, or at least closely watch those who do", comment peut-il approuver la nationalisation ?

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Parce que celle-ci n’est pas durable; il ne s’agit pas pour le gouvernement américain de devenir assureur avec AIG.

  2. Chris Dillow prétend que la cause du problème est à chercher du côté de la propriété du capital et de la gouvernance. Il note que les hedge funds qui sont non cotés ont beaucoup moins de problèmes que les grands établissements cotés.
    "So, one form of ownership has caused a crisis, and another hasn’t".

    Mais un ménage américain qui s’endette pour acheter une maison, c’est un peut comme une petite entreprise non cotée avec un seul "actionnaire". Pourtant, des millions d’entre eux se sont plantés.

    Quant au problème principal-agent qu’il invoque, il n’existe pas que dans les banques. Pourquoi le management des grandes entreprises industrielles cotées n’a-t-il pas "spéculé avec l’argent des autres"? Parce que le problème vient du métier des banques, pas de la propriété du capital ni de la gouvernance. Dillow est complètement à côté de la plaque.

  3. Pas d’accord sur la comparaison ménage/entreprise. On ne "gouverne" pas un ménage comme un Etat, ni l’Etat comme une entreprise, ni une entreprise comme un ménage.
    De plus, les ménages américains ont pu bénéficier d’un système de crédit beaucoup plus laxiste, qui avait le mérite de fonctionner tant que la valeur de leur bien progressait. Si l’onde de choc n’est pas aussi fort de notre côté, c’est pas parce qu’on est plus intelligent que les américains. C’est parce que les critères prudentiels et le recours au crédit sont plus stricts.

  4. @gu si fang
    je pense qu’il faut comprendre que l’analyse de Dillow concerne exclusivement la propriété et la gouvernance des organismes financiers, et qu’il ne parle tout simplement pas des ménages ou des entreprises industrielles. Si on admet ça, il n’est pas du tout "à côté de la plaque".

  5. Tout l’argument de Chris Dillow est basé sur l’idée que les banquiers ont spéculé parce que leurs actionnaires ne contrôlaient pas assez l’utilisation du capital. Propriété # contrôle.

    Un ménage qui s’endette pour acheter une maison prend un risque sur son propre patrimoine. Propriété = contrôle.

    Cette différence de propriété et de contrôle a-t-elle un effet sur le comportement des gens comme le prétend Dillow? Non : les ménages ont fait la même erreur que les banquiers, à savoir emprunter trop pour investir dans l’immobilier, en anticipant qu’il ne pouvait pas baisser.

  6. Pour essayer d’être plus clair, voici un passage où Dillow souligne le rôle des incitations :

    "In hedge funds, things have been different. Very often hedge fund managers invest their own money and take key decisions themselves, or at least closely watch those who do. Their incentives to take huge risks have been smaller. So these have at least survived."

    Un ménage aussi investit son propre argent. Ses incitations à être prudent son maximales.

    Un PDG dans l’industrie investit l’argent de ses actionnaires. Il est incité à prendre des risques – d’autant plus qu’il détient des stock options qui peuvent monter mais pas baisser.

    Un ménage a donc des incitations proches de celles d’un hedge fund, alors qu’un PDG dans l’industrie est plus proche d’un banquier. Si l’on raisonne comme Dillow, en expliquant la crise par ces incitations, les ménages devraient être prudents, et les industriels des têtes brûlées. Et pourtant les ménages se sont comportés comme les banquiers, et les industriels non…

    Les incitations liées à la gouvernance ne semblent donc pas avoir joué un rôle déterminant.

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Vous prenez une vision maximaliste de l’argument pour y trouver une contradiction inexistante. Dillow ne dit pas qu’en l’absence de problème principal-agent, tout le monde agit prudemment : il dit qu’en son absence, les organisations concernées ont agi PLUS prudemment. Et vous aurez du mal à affirmer le contraire avec votre analogie avec un ménage : vous en connaissez beaucoup qui ont un effet de levier équivalent à celui des banques d’affaires qui se cassent la gueule, ou dont le patrimoine contient autant de saletés? Quelle est la dépréciation maximale que l’on peut constater sur un logement? Et au final, quelle est exactement la proportion de ménages qui auront fait n’importe quoi? Dans le cas des banques, c’est 100%, je vous le rappelle. Ajoutons qu’une “faillite” pour un ménage (surtout aux USA) n’a pas du tout les mêmes conséquences que pour une organisation, qui va disparaître en entraînant avec elle tous ses membres et ses actionnaires.

  7. Un mécanisme de marché repose sur la foi en la pertinence d’une évaluation calculée par agrégation de choix improprement qualifiés d’individuels qu’il vaudrait mieux qualifier de choix faits par des entités indivisibles, atomiques.

    Ce qui dit implicitement Dillow est qu’une société, et à plus forte raison une entreprise, ne fait pas de choix dont l’agrégation vaille. C’est parfaitement conforme aux arguments développés par James Surowiecki et notamment aux quatre critères selon lesquels apprécier la valeur de l’agrégation d’un ensemble de choix énoncés dans Wisdom of Crowds, p.e.

    Bon, vous me direz, ça fout toute la logique de la capacité de l’actuel marché financier à réguler quoi que ce soit en l’air… mais est-ce une idée neuve ?

  8. "managers invest their own money and take key decisions themselves, or at least closely watch those who do"

    Dans la finance c’est "managers invest your money and take key decisions themselves, or at least closely pray voodoo" (ou prient le veau d’or).

  9. J’ai bien aime l’article de Nassim Taleb; il rappelle des points sur l’usage des statistiques qui me paraissent fondamentaux. Mais l’article me laisse perplexe: je ne connais pas l’usage des statistiques en economie/econometrie, mais les arguments qu’il avance sur la limite des statistiques "simples", la limite des modeles parametriques, sont connus depuis longtemps par les statisticiens. J’ai du mal a faire la part entre l’exageration pour le style et ce qui est reel dans sa critique des "economistes hackers": ceux qui font des maths financieres (academique et prive) connaissent bien ces aspects la je pense, non ?

  10. @ Alexandre

    Le fonds de ma pensée c’est que je vois dans les évènements actuels l’exemple-type du cycle autrichien. C’est l’institution de la banque à réserves fractionnaires qui est la cause de la bulle, et donc de la crise qui s’ensuit. Légaliser cette pratique revient à légaliser une forme de vol. Les incitations qui en résultent sont trop puissantes pour espérer les contrer par de la réglementation ou de la gouvernance. Le dernier frein a sauté en août 1971, et depuis les crises s’enchaînent.

    Les banques sont les premières à croquer la pomme : on leur impose un ratio capital/engagements. Elles sélectionnent les risques élevés : on introduit des critères de mesure du risque. Des pans nouveaux d’industrie financière se développent hors secteur réglementé pour capter une partie de la rente : ils seront réglementés à leur tour. Où s’arrêtera-t-on?

    Je me posais il y a quelques mois la question suivante : "Qui perçoit le seigneuriage dans un système où 95% de la monnaie est créée par des banques privées, mais où leurs marges sont rognées par la concurrence?". En fait la question est mal posée. Il suffit de se demander : "A qui profite l’expansion de la masse monétaire, c’est-à-dire l’inflation?". Une foule de gens non identifiés sont avantagés par la redistribution qui en résulte, et tous ont une incitation à accroître leur part du gâteau. Et cela dépasse largement le cadre des métiers de la finance. Je ne vois pas comment tous les réglementer / contrôler.

    Accessoirement, on ne peut pas faire un prêt sans emprunteur. Les ménages endettés sont donc partie prenante. La rente provenant du revenu monétaire est partagée entre l’émetteur du prêt et l’emprunteur.

    Pour revenir à votre remarque sur l’analogie avec les ménages, le levier n’est pas le seul critère d’évaluation du risque. Un ménage avec un levier de 10 "parie" sur une seule maison, et sur au plus 2 salaires. Son risque peut être plus grand que pour une banque qui a un levier de 50 mais qui le répartit sur des milliers de contrats.

    Chris Dillow s’égare en se focalisant sur la gouvernance. Et il insiste :

    "Markets, then, can protect us from risks. So why haven’t they done so? Again, the answer lies in a failure of ownership."

    Je pense qu’on ne peut pas espérer contrôler tout le monde lorsque le vol est légalisé; et qu’il n’y a pas de mécanisme d’assurance possible contre le risque d’une surévaluation généralisée des actifs causée par l’expansion monétaire.

    Les réactions sont les bienvenues!

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Sur cette question du problème de l’ownership, Surowiecki dans le dernier new yorker fait une remarque intéressante : toutes les banques d’affaires américaines sont devenues des sociétés cotées récemment. L’argument ne manque donc pas de valeur. Sur l’aspect autrichien de la crise, oui, up to a point quand même. Enfin, si vous voulez relancer la polémique banking principle-currency principle, bon courage. Mais si vous adoptez sur ce sujet la position de Fisher Black, la création monétaire n’a pas d’effet…

  11. les organismes financiers n’ont fait qu’exécuter les ordres du gouvernement US (pour Freddie et Fanny), ou suivre les orientations qu’il a données à travers la manipulation des taux d’intérêt. Faire porter le chapeau par "le marché" est une odieuse hypocrisie doublée d’ignorance. Dans cette affaire, le vrai coupable, c’est au contraire le gouvernement des USA. Il devrait progressivement devenir enfin clair que sans lui, des banques libres et responsables n’auraient jamais fait autant de c….ries.

  12. @Gu Si Fang
    Je suis 100% d’accord avec l’analyse autrichienne, et c’est bien pour ça que je ne crois pas que Dillow s’égare en parlant de gouvernance. L’analyse autrichienne est micro-économique jusqu’au bout, c’est-à-dire qu’elle repose sur les décisions individuelles des acteurs économiques, où leur propriété et leur mode de gouvernance jouent un rôle clef.
    Cela dit, dans le cas de la crise, je suis d’accord que même ceux qui avaient une bonne gouvernance n’ont pas forcément su corriger les signaux faux que leur envoyaient les autorités politiques et monétaires, et que dans cette affaire le mode de gouvernance a joué un rôle secondaire par rapport à la création artificielle de monnaie et de crédit.

  13. Je reviens sur les articles de Chris Dillow http://www.timesonline.co.uk/tol... et stumblingandmumbling.type… après réflexion et quelques lectures.

    Il y a en fait un point commun entre un ménage surendetté et une banque. Une banque qui a très peu de fonds propres, et un ménage qui achète une maison sans apport personnel, ce sont des modes de financement similaires : très peu de capitaux propres et beaucoup d’endettement; en d’autres terme : un effet de levier important. Ceci est caractéristique de ce qu’on appelle une économie de dette.

    L’explication de Chris Dillow consiste à dire que les banques sont mal gérées parce que leurs petits actionnaires morcelés les contrôlent mal. C’est un problème de gouvernance, un problème d’agence. Pour lui, l’agent (le management des banques) a pris des risques inconsidérés avec l’argent de ses actionnaires (sous-entendu : sans leur consentement).

    Je pense toujours qu’il a tort, mais moins… Dans une économie de dette, la création monétaire incite tous les acteurs de l’économie à utiliser l’effet de levier chaque fois qu’ils le peuvent. La redistribution permanente (tant qu’elle n’est pas anticipée dans les taux) des créanciers vers les emprunteurs fait que l’on a intérêt à être emprunteur. L’actionnaire est donc incité à prendre plus de risque; le ménage aussi. Ils sont partiellement déresponsabilisés, puisqu’en cas de succès ils "gagnent" un multiple de leur mise, alors qu’en cas d’échec ils ne perdent pas plus que leur mise. C’est exactement ainsi que le management des banques a agi, et il n’a pas trahi les intérêts de ses actionnaires.

    Chris Dillow n’a pas tort quand il dit qu’il y a un problème de gouvernance et de propriété. Mais ce n’est pas la CAUSE des dérapages bancaires, puisqu’à mon avis les intérêts des actionnaires et du management étaient relativement bien alignés. Le mode de propriété actuel (fort levier) et la prise de risque excessive sont plutôt deux SYMPTOMES d’un même phénomène : la forte croissance monétaire qui a engendré une "économie de dette".

    (P.S. si quelqu’un a une bonne référence sur la notion d’économie de dette, je suis preneur, merci! dédicace spéciale à Alexandre 😉 )

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