Question du jour

Lu dans Le monde daté d’aujourd’hui :

“certains économistes libéraux, estimant que la progressivité de l’impôt est contracyclique, prônent soit un recours accru aux impôts proportionnels, comme la TVA, soit la suppression de la progressivité (” flat tax “).”

Quelqu’un peut me dire en quoi cela constituerait une démonstration de l’intérêt d’une taxation non progressive ?
Il y a un ou deux autres trucs un peu bizarres dans cet article. Saurez-vous les trouver ?

12 Commentaires

  1. Il n’y a pas comme un contre sens total? Vu que l’impôt progressif est moins fort durant les périodes de crise, il permet d’aider la relance en réduisant la charge fiscal (en supposant que ça serve à quelque chose).

    Réponse de Stéphane Ménia
    Justement, c’est le sens de “contracyclique”: un impôt qui se réduit plus que proportionnellement lorsque le revenu baisse (ce qui est bien le cas de l’impôt progressif) est supposé atténuer plus fortement le choc conjoncturel. Mais derrière, il y a de toute façon des tas d’autres considérations à prendre en compte pour savoir si ce sera vraiment le cas (genre la répartition du revenu et les propensions à consommer). Je ne m’étais même pas arrêté sur ça. Ce qui m’étonne plus, c’est qu’on dise que des auteurs, soient-ils “libéraux”, contestent l’intérêt d’un mécanisme contracyclique. Dans l’ensemble, je pense notamment à Friedman, ils considèrent que l’action contracyclique n’est pas inintéressante en soi, mais complexe à piloter correctement. Friedman disait par exemple qu’en raison des délais de prise de décision et de transmission desmesures de politique conjoncturelle, une politique contracyclique manifestait ses premiers effets quand l’activité… redémarrait. En d’autres termes, l’ennui avec la politique conjoncturelle, c’est qu’elle serait désordonnée et finalement procyclique. L’autre élément majeur des “libéraux”, c’est qu’une politique conjoncturelle n’a que des effets temporaires. Mais, sur le fond, les stabilisateurs automatiques ne sont pas mal vus des économistes, dans leur grande majorité.
    En fait, ce point me gêne autant que la phrase qui dit que les économistes considèrent dans leur majorité que la clé du retour de la croissance est la baisse des impôts. C’est nettement plus compliqué. Le seul consensus qui se dégage dans la profession serait celui d’une minimisation des impôts qui créent des distortions dans les choix des agents économiques. De ce point de vue, l’impôt progressif a, basiquement, cette mauvaise propriété. Mais quand on étend le raisonnement à d’autres éléments (que financent les transferts dûs à l’imposition progressive ? des écoles pour les moins riches, par exemple), les choses sont nettement moins marquées. Bref, je nie le fait que les économistes défendent une baisse des impôts à tout prix. L’exemple du raisonnement de Piketty sur le RSA dans Libé illustre mes dires dans l’actualité.

  2. "En période de croissance, le poids de l’impôt augmente en raison de l’élargissement de la base fiscale et de la progressivité de l’impôt sur le revenu. Et inversement en période de ralentissement (…)"

    un peu plus bas:

    "Le ralentissement, dans un système fiscal de moins en moins progressif, a un impact immédiat sur les recettes, menaçant, comme au Royaume-Uni, l’équilibre budgétaire."

    Il n’y pas comme un gros problème? Si le système est moins progressif alors il subit moins fortement la baisse de croissance.

  3. sans lire l’article du monde, ca me ferait penser a la theorie de la taxation optimale de Barro (1980) et Stokey-Lucas (1983): les taux marginaux doivent etre constants, car cela limite les distortions (mieux vaut un taux marginal constant qu’un taux marginal parfois eleve et parfois bas, vu que les distorsions sont convexes en les taux.
    c’est une analyse parfiatement "liberale".

    Réponse de Stéphane Ménia
    Oui, mais ça n’explique pas la relation évoquée : c’est contracyclique, donc c’est mal.

  4. Attention, c’est un raccourci un peu rapide de soutenir qu’un impôt dont le taux est progressif va forcément rapporter à la collectivité un produit plus important qu’une "flat tax". Celle-ci (qui, dans son application courante, implique un taux unique à partir d’un certain seuil), reste un impôt progressif mais sans accélération: ni pro- ni contracyclique, c’est bien sa neutralité par rapport à la désincitation à "travailler plus (ou faire plus travailler son capital) pour gagner plus" que ses partisans mettent en avant.

    Le sujet me titille un peu (avec tâtonnements): swissroll.info/?q=flat+ta…

    Mais je me suis déjà fait la réflexion que s’il y a un pays dont la juridiction constitutionnelle serait susceptible d’empêcher le législateur d’adopter une flat tax, c’est bien la France! 😉

    Réponse de Stéphane Ménia
    Une flat tax, par définition, n’est pas un impôt progressif, puisque le taux est le même quel que soit le niveau de revenu taxé. Ensuite, on peut imaginer une flat-tax qui remplisse plus les caisses de l’Etat, c’est certain. Mais, je le répète, ici, le problème c’est la relation libéraux -> contracyclique -> mal. Il me semble que les “libéraux” considèrent avant tout que la possibilité de stabiliser le cycle se heurte à de nombreuses difficultés et qu’il vaut mieux donc s’en remettre au marché.

  5. Une tentative pour comprendre la logique du journaliste du Monde:

    Il y a dans l’article confusion entre les deux phénomènes qu’il commente: concurrence fiscale/baisse des impôts et moindre progressivité des prélèvements obligatoires. Le premier réduit les marges de manoeuvre de l’Etat et limite sa capacité à agir de manière contracyclique; le second réduit de manière directe le caractère contracyclique de la politique budgétaire.

    Cela explique l’absurdité relevée dans la deuxième citation de karg se. Le "système fiscal (est) de moins en moins progressif", mais c’est bien la concurrence fiscale (supposément) qui met à mal les finances publiques du RU.

    Une espèce de biais de simultanéité?

  6. Il y a des gens qui pensent que ce sont les dépenses des ménages qui sont sensées relancer l’économie.

    Il y en a qui pensent que ce sont au contraire les finances publiques, mises à mal par toute réduction des rentrées fiscales dans le contexte de Maastricht. Autrement dit, que la relance économique se pilote depuis Paris avec de gros canons à pognon gros calibre.

    à part ça, "yen a des bien". Mais ils ne lisent pas la presse.

  7. François Brutsch parle de flat tax "à partir d’un certain seuil" tel que pratiqué dans le canton suisse d’Obwald. Dans ce cas il y a bien progressivité, le taux marginal est constant mais pas le taux moyen.
    Un système de flat tax combiné avec un impôt négatif serait aussi dans ce cas.

    Réponse de Stéphane Ménia
    J’ignorais cette pratique suisse. Quand vous dites que le taux marginal est constant, vous voulez dire au delà du seuil ?

  8. Yom: ouf, merci à toi de m’avoir lu! J’ajoute que la flat tax est une réalité connue dans plusieurs pays (c’est toujours avec un abattement); c’est un peu facile de se fier à une formule journalistique pour en tirer une caricature idéologique, Stéphane…

    Réponse de Stéphane Ménia
    Je reconnais, François, que je n’avais pas le temps d’aller voir… Quant à la flat tax, je n’ai pas de problème particulier avec le concept. Et en pratique, un pays comme la Russie a bien eu raison de passer à cela. Par ailleurs, mener une politique contracyclique n’impose pas un impôt progressif.

  9. Dans les données, la politique budgétaire française est procyclique (je crois qu’il y a une référence dans le "Politique économique" de Bénassy-Quéré et al), donc, par préférences révélées, le gouvernement français n’aime pas les politiques contracycliques. Ergo, il faut supprimer l’imposition progressive, qui a le mauvais goût d’être contracyclique.

    J’ai bon ?

    Dans le genre maljournalisme, je recommande aussi le portrait d’Olivier Blanchard paru la semaine dernière dans le Monde.

    Réponse de Stéphane Ménia
    Oui, cela fait bien longtemps que les stabilisateurs automatiques ne stabilisent rien chez nous. Impôt progressif ou non.

  10. Flat tax et impôt négatif me semble être l’approche créant le moins de distorsions. Et il se trouve qu’en France, si on choisit une flat tax à 33%, et qu’on regarde quel impôt négatif a le même effet que l’IR actuel, on arrive à une valeur oscillant peu, et dont le minimum est pour un salarié au SMIC.

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