Aujourd’hui, dans le monde, un article d’ELB, Rencontre avec Peter Mandelson. Mes commentaires.
Non, en fait, le titre, c’était juste pour attirer les fans de polémique. En fait, sa chronique de la semaine est, pour moi, sans grand intérêt et sans surprise. J’ai juste relevé ce qui suit. Mandelson considère, selon Le Boucher, que :
L’Europe est le premier exportateur mondial. Elle serait la première perdante d’une fermeture. Les vrais naïfs sont ceux qui s’illusionnent sur l’état des forces mondiales et qui ne voient pas que si l’Europe s’abandonnait au protectionnisme, “le monde irait sans elle”.
Reformulons. L’Europe n’a pas intérêt au protectionnisme, car elle est la première exportatrice. Or, si elle se fermait, ses exportations baisseraient. Donc, elle doit rester ouverte.
Ou bien j’ai mal interprété, ou ça ne colle pas avec un discours de défenseur du libre-échange. Inutile de vous rappeler, vous qui lisez Alexandre ici ou sur Libé, que les bénéfices de l’ouverture, si tant est qu’ils soient réels (note à moi-même : bien joué, petit… ça va t’éviter les trolls protectionnistes), sont basés sur l’échange, donc autant sur les importations que sur les exportations (qui ne font que financer les premières, dans cette optique). Or, cet aspect n’est pas cité.
Deuxième point : si j’ai bien compris, les autres parties du monde sont supposées pratiquer le libre-échange et feraient sans nous si nous fermions les frontières. Si c’est bien le cas, je veux dire si le reste du monde est réellement ouvert (note à moi-même bis : SM 2 – 0 trolls protectionnistes), alors ils retiendront avec Joan Robinson que ce n’est pas parce que les autres comblent l’entrée de leurs ports avec des rochers qu’il faut faire pareil. En d’autres termes, l’argument guerrier de la réciprocité ne tient que si on est en présence de gouvernements qui ne sont pas (ou pas vraiment) partisans du libre-échange (c’est peut-être le cas, mais là n’est pas la question puisqu’ils sont supposés aller sans l’Europe, donc pratiquer le libre-échange ; oui, je me répète, mais le troll protectionniste ne sait pas lire ; là je pourrai lui faire remarquer qu’il est vraiment mauvais).
Mandelson est sûrement un défenseur du libre-échange. Mais, une fois de plus, on a ici une défense contradictoire. Qu’on soit pour ou contre, ce n’est encore qu’un argument mercantiliste qui est présenté dans ces quelques lignes.
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(Ceci n’est pas un trollage protectionniste.)
Pardon si je m’égare, mais… Est-ce que, de toute façon, l’Europe n’exporte pas surtout en son propre sein ? Je veux dire : est-ce que les pays européens ne sont pas les principaux importateurs des exportations européennes (et réciproquemment) ?
Auquel cas, me semble-t-il, la question n’est pas tant "protectionnisme ou libre échange", mais "le libre échange, à quelle échelle ?"
Je dirais même plus : auquel cas, on peut aussi bien écrire "si l’Europe s’abandonnait au protectionnisme, "elle irait sans le monde".
Non ? (J’ai écrit une bêtise ?)
Réponse de Stéphane Ménia
Les échanges intra-régionaux sont effectivement majoritaires. Ca ne change rien à l’affaire. Vous raisonnez comme Mandelson et Le Boucher. Le problème n’est pas de retirer des devises des exportations, mais d’échanger des biens et services. Pourquoi refuser de le faire ?
Ce qui est inquiétant est que Mandelson est le commissaire européen au commerce, c’est à dire, la personne qui négocie en notre nom, et notamment, avec les autres grandes régions du monde pour les accords multilatéraux. Et cette personne ne peut à priori ignorer la destination particulièrement publique de son propos.
A partir de là, difficile de penser à une manoeuvre de communication ? En se ridiculisant ainsi, c’est à la fois l’institution et ses convictions personnelles qu’il défend pour de mauvaises raisons qu’il discrédite.
J’ai l’impression que je me suis mal fait comprendre : ce qui précède n’était VRAIMENT pas un trollage protectionniste. Ni mercantiliste.
Je ne plaidais ni pour la fermeture des frontières, ni our l’exportation à marche forcée, j’allais (je crois) dans votre sens, en disant que voir la mondialisation des échanges comme quelque chose qui se déroulerait "en dehors" de l’Europe, "avec ou sans" elle, est absurde, puisque l’EEE est, sauf erreur, le premier exportateur mondial ET le premier importateur mondial, et que les échanges internationaux de biens et services sont particulièrement actifs en son sein-même.
(Cette fois, j’ai bon, m’sieur ?)
Moi je comprends qu’il s’adresse, notamment, a des Français et qu’il adopte donc leur langage mercantiliste.
Mandelson est un homme politique, le metteur en œuvre du "spin" Blairiste, et il sait dire les choses que les gens veulent entendre afin d’atteindre ses objectifs.
La politique est un rapport de force et il faut savoir dire au gens: "Si vous voulez vendre des Airbus, achetez des cafetières" de manière a ce que les fabricants de cafetières, malgré toute la sympathie qu’ils inspirent, ne puissent kidnapper l’intérêt général au nom de leurs intérêts particuliers. Vous savez bien que la force du protectionnisme est que l’activisme de ceux qui vont perdre rencontre généralement la passivité de ceux qui peuvent gagner.
Théoriquement vous avez raison, mais vous semblez toujours critiquer les praticiens au nom de la pureté intellectuelle.
Réponse de Stéphane Ménia
Je connais cet argument par coeur, c’est celui de Krugman, que j’ai repris des tonnes de fois. Ca n’empêche pas de viser plus haut.
Votre deuxième point me semble, identiquement à ce que dit Merlin, uniquement économique ; la politique vient là pour tempérer une vision trop idéaliste. Il me semble clair qu’il n’existe pas dans la réalité de gouvernement "libre-échangiste" pur. Le libre échange étant perçu par les hommes politiques comme réciproque (ce qui ne semble pas imbécile de prime abord), ceux-ci auront toujours tendance à sanctionner une absence de réciprocité.
La raisonnement que vous tenez me semble donc du ressort de la pure théorie.
Réponse de Stéphane Ménia
Vous voulez mettre des rochers dans votre port parce que les autres le font ? Ca ne vous semble pas imbécile a priori, dites vous ? Vous trouvez cela non théorique, donc pratique et réaliste ? Je suis du genre idéaliste (sans rire) ?
Mon intervention, après relecture, me semble affirmative mais non démonstrative. Ce que je veux dire, c’est qu’il existe des organisations internationales aux seins desquels les comportements protectionnismes sont sanctionnés, généralement par des contraintes sur les exportations des "fautifs". Je parle bien entendu de l’OMC ici
Voir sur cette page quelques exemples des conflits en cours :
fr.wikipedia.org/wiki/Org…
Les sanctions imposées par l’OMC pour des comportements qu’elle qualifie de distortions de concurrence consistent en l’autorisation pour le plaignant d’imposer des taxes sur les produits en question.
D’où ma remarque. Donc dans les faits, il me semble qu’effectivement si l’Europe pose des rochers dans ses ports, les autres pays feront de même. Plus spécifiquement, des rochers empêchant les navires européens de passer.
Réponse de Stéphane Ménia
Est-ce une bonne idée de se priver des biens et services des autres parce qu’ils se privent des nôtres ?
J’ai une question un peu connexe à votre sujet : Comment expliquez vous que le mercantilisme, réfuté quand même depuis au moins deux siècles, soient encore si présent dans les mentalités collectives ?
Après tout, il y a aussi des résultats contre intuitif en physique, comme par exemple l’adition des vitesses et qui – globalement – ont quand même l’air d’être passé dans le domaine public.
Réponse de Stéphane Ménia
Ca n’arrange personne de se tromper sur l’addition des vitesses…
Je ne sais pas si je deviens de plus en plus bete mais je comprends de moins en moins vos billets. Entre private jokes, ironie et allusions subtiles vous vous fermez de plus en plus aux non-economistes. Je vais retourner lire vos vieux billets explicatifs, pour avoir les idees claires.
Réponse de Stéphane Ménia
Je ne suis pas d’accord. J’ai expliqué en quoi la défense de Mandelson n’était pas cohérente et relevait du mercantilisme (conscient ou non). Je ne pense pas que je mérite vos propos acerbes. Et puisque vous le dites, nous avons si souvent évoqué ces thèmes qu’il serait notoirement lourd de reprendre. La citation de Joan Robinson, je l’ai au moins utilisée deux fois par le passé. Double faux-procès, donc.