Encore plus forts que Jérôme Kerviel, voici les contrefacteurs : d’après la Tribune d’aujourd’hui, la fraude mondiale à la propriété intellectuelle coûte à l’économie mondiale près de 440 milliards d’euros (ce chiffre est également cité dans le Figaro Economie du jour). A l’appui de ce chiffre, est citée une étude de Kroll, « un des grands de l’investigation financière » le global fraud report. Cela représenterait entre 5 et 7% du commerce mondial, et serait en croissance rapide (une multiplication par 10 entre 1998 et 2004, soit une augmentation annuelle de près de 50%).
J’espère que vous êtes déjà impressionnés de savoir que la contrefaçon présente une ampleur pareille, supérieure au PIB de 150 états; le rapport nous apprend en plus, pour ne rien arranger, que ladite contrefaçon nous menace de mort innombrables, des incendies, des victimes de médicaments contrefaits; Comme par dessus le marché ce trafic nourrit Al Quaeda, il ne manque presque plus rien au bestiaire des peurs primales de notre temps : le commerce, le trafic, le terrorisme, l’empoisonnement, que demander de plus?
Bienvenue dans l’une des plus grandes arnaques statistiques de notre époque : le poids de la contrefaçon dans l’économie mondiale.
Déjà, aller consulter le très pompeusement nommé « global fraud report » pour trouver que tout cela n’a pas l’air très sérieux. tout d’abord, il comporte 16 pages, ce qui est étonnament court; surtout, les statistiques ne sont que quelques chiffres que l’on trouve dans l’introduction du rapport; les 15 autres pages ne sont qu’une vaste publicité pour les services de l’auteur de l’étude, le cabinet Kroll. Les chiffres ne semblent là que pour appâter le chaland, faire comprendre aux entreprises destinataires qu’elles doivent impérativement se protéger contre la contrefaçon, et ça tombe bien, Kroll est spécialisé là-dedans.
Les chiffres en eux-mêmes sont bien étranges : il semble que les contrefacteurs aient un goût prononcé pour les chiffres ronds, tout particulièrement pour les multiples de 10. Les douanes de l’Union Européenne annoncent une augmentation de 1000% de la contrefaçon, soit une multiplication par 10; on estime que les vêtements contrefaits représentent 20% des achats de vêtements en Italie; que 10% des médicaments vendus dans le monde sont contrefaits, d’après l’OMS, et 50% des médicaments vendus sur internet; ces chiffres puent l’estimation au doigt mouillé.
Surtout, ils sont contradictoires. Ainsi, on nous indique que l’OCDE considère que la contrefaçon représente « entre 5 et 7% du commerce mondial » en 2005; ce chiffre n’est pas différent de l’estimation de l’OCDE de la part de la contrefaçon dans le commerce mondial en 1998. Mais il est impossible de réconcilier cela avec l’autre chiffre des douanes européennes, selon lequel celles-ci ont augmenté de 1000% dans la période; cela supposerait que le commerce mondial et la contrefaçon ont augmenté au même rythme de près de 50% par an. Or si le commerce mondial progresse plus vite que la croissance économique, il ne progresse certainement pas à une telle allure. Il y a donc au moins un de ces deux chiffres qui est faux.
Et en fait, les deux sont faux. Felix Salmon a largement étudié les données mondiales sur la contrefaçon et la façon dont elles sont établies, pour constater qu’elles sont systématiquement grossièrement exagérées. On se reportera à cet article, puis à celui-là pour avoir la version longue, mais voici quelques éléments qui permettent de le comprendre.
Tout d’abord, les statistiques des douanes sont énormément gonflées. Elles sont fondées sur les saisies de biens contrefaits, sans prendre en compte l’évolution des contrôles effectués : ainsi, si les douanes mènent plus d’opérations contre la contrefaçon, il y aura plus de saisies, et on pourra dire que la contrefaçon « augmente ». Surtout, les biens contrefaits sont évalués à un niveau supérieur à la valeur marchande des biens d’origine : un DVD contrefait se trouve ainsi évalué aux alentours de 40 euros, et une fausse Rolex au prix d’une montre originale de la marque. Ce qui est parfaitement ridicule : personne ne va acheter un DVD contrefait, ou une fausse Rolex, alors qu’il peut avoir l’original au même prix, voire à un prix inférieur!
Il faut noter par ailleurs que cela aboutit à une surrévaluation considérable du coût de la contrefaçon pour les entreprises concernées, en faisant comme si toute contrefaçon était une vente d’original perdue. Vous avez peut-être déjà vu des gens affublés d’une casquette portant le monogramme Louis Vuitton; il faut savoir que toutes ces casquettes sont contrefaites, la marque n’a jamais conçu de casquette. On voit donc mal comment les acheteurs auraient pu acheter un original… On peut penser que la marque subit un préjudice avec son monogramme galvaudé; mais on peut tout aussi bien considérer que cela lui fait une publicité gratuite. Au total, il y a peut-être préjudice, mais celui-ci est certainement mineur, et largement inférieur au prix des biens d’origine.
Les évaluations de l’OCDE sont elles aussi absurdes. Tout d’abord, personne ne sait exactement d’où vient l’estimation selon laquelle la contrefaçon représente « entre 5 et 7% du commerce mondial ». Ce chiffre semble être apparu par enchantement, mais il est parfaitement impossible de savoir qui l’a déterminé pour la première fois, et ou il l’a trouvé. Tous les documents, lorsqu’ils abordent ce chiffre, adoptent la voie passive : « on estime que la contrefaçon représente 5 à 7% du commerce ». Et lorsqu’on veut savoir qui est le « on » et comment il a fait, on ne trouve aucune référence, à part des documents qui se citent mutuellement (la chambre de commerce internationale cite l’OCDE pour justifier son chiffre, et l’OCDE cite… la chambre de commerce internationale!).
L’OCDE a bien essayé d’estimer la part de la contrefaçon dans le commerce, à partir des données des saisies des douanes. On se reportera encore à Salmon pour admirer le chef d’oeuvre que représente cette estimation. Tout d’abord, on prend un pays dans lequel il y a beaucoup de contrefaçon (l’Afrique du Sud). Sur la base des saisies des douanes, on trouve un chiffre qui tourne autour d’une part de 0.5% des importations pour les produits contrefaits. Hélas, ce n’est pas assez; donc, sans le justifier, le chiffre est d’abord multiplié par 10, puis doublé, pour trouver une proportion de l’ordre de 5-10%. Et ensuite, on applique ce chiffre à la totalité du commerce mondial, sans prendre en compte les différences entre pays. On agrémente cela de données estimées fournies par les industries concernées (on demande donc au secteur textile, qui a un intérêt bien compris à exagérer la chose, d’estimer la part de la contrefaçon, puis on l’applique à toute une série d’autres secteurs…), de taux de croissance de la contrefaçon que personne ne connaît, et hop, on obtient le résultat voulu. En somme, on part du résultat – la contrefaçon représente environ 5¨% du commerce – pour arriver au résultat.
La réalité, c’est que personne ne sait quelle est la part de la contrefaçon dans le commerce mondial, mais qu’à chaque fois qu’on veut la mesurer de façon sérieuse, on se retrouve avec des ordres de grandeur 10 fois plus petits que les chiffres placardés dans la presse.
Pourquoi ces chiffres mensongers continuent-ils de circuler? C’est que personne n’a intérêt à la révélation de la vérité. Les administrations douanières ont tout intérêt à exagérer grossièrement le poids de la contrefaçon, qui leur donne une raison de continuer d’exister à une époque ou le commerce fait l’objet de plus en plus d’accords de libre-échange. Les entreprises des secteurs considérés ont tout intérêt à exagérer le préjudice qu’elles subissent, afin de pousser les pouvoirs publics à les soutenir. Les marchands de services « d’intelligence économique » comme Kroll ont tout intérêt à exagérer la menace, voire à y ajouter des risques d’incendies, de morts de maladie, Al Qaeda, voire les invasions des martiens, pour inciter les entreprises à acheter leur « expertise » vendue au prix fort. Les journalistes ont tout intérêt à reproduire ces fariboles sans se livrer aux plus élémentaires vérifications : cela leur permet d’écrire rapidement une bonne histoire, avec des gros chiffres, qui captera l’oeil du lecteur et du rédacteur en chef.
Et l’OCDE? Il faut savoir que tous les documents que celle-ci publie sont soumis à l’accord unanime des gouvernements des pays membres, eux-mêmes très soucieux sur ce sujet de satisfaire leurs services douaniers et les lobbys industriels. Un papier qui affirmerait que la contrefaçon est beaucoup moins importante qu’on ne le croit a toutes les chances de faire l’objet d’un veto, le plus souvent français ou américain. C’est ce qui donne le prodige d’hypocrisie dénoncé par Salmon : d’abord, on publie le vrai chiffre, et ensuite, on consacre des pages à le maquiller pour que le papier soit accepté par les pays membres. La vie des chercheurs à l’OCDE n’est pas toujours facile.
Le résultat est en tout cas assez pathétique. Il y a un chiffre dont personne ne sait d’où il sort, que tout le monde cite, et qui est totalement faux. Comme personne n’a intérêt à révéler la vérité, le mensonge subsiste; des entreprises achètent des services d’intelligence dont elles n’ont pas besoin, des lobbys industriels obtiennent des gouvernements des aides indues, dont les bénéfices sont inexistants; et de temps en temps, quelques articles de journaux remettent trois pièces dans le Juke-Box. Peut-être qu’un jour, on trouvera un journaliste économique qui fera son travail plutôt que de recopier des publi-reportages au service de marchands de fumée, et la vérité sera enfin connue; on peut toujours espérer.
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Concernant les objets contrefaits qui n’existent pas, Vuitton ferait bien parfois de s’en inspirer… Il y a quelques années, j’ai vu des babouches de folie à Marrakech, 100% LV. La classe à l’état pur. Bon, sinon, avec tes conneries dissidentes, tu vas encore avoir des insultes. Cool.
Mais qui peut-on croire si même les chiffres de l’OCDE servent des intérêts particuliers??!!
Ce post montre une fois de plus la complexité du droit de propriété intelectuelle. Il est légitime que les industriels demandent la protection de ce droit de propriété.
D’un autre côté, que la valeur des contrefaçons atteigne le niveau de PIB de plusieurs états n’est pas si terrible en soi car la production de contrefaçons participent ainsi au développement économique de pays qui en ont grandement besoin.
Problème au moins aussi difficile à résoudre que celui du téléchargement non?
Réponse de Alexandre Delaigue
Surtout, pas un si gros problème que ça…
AD : Je ne savais pas que les chercheurs à l’OCDE devaient obtenir l’aval des pays membres avant de publier leurs recherches. Merci de cette info.
Globalement, les effets de la contrefaçon sont positifs, non ?
coté positif : il y a gain de surplus si + de gens achetent un Vuitton, non ? (ok, les LVuitton sont des biens positionnels, mais ça tient quand meme, si on suppose que ceux qui achetent un Vrai Vuitton sont content de voir que les autres ont des faux).
Coté négatif/positif? : La contrefaçon ne fait que réduire la rente attribuée par la propriété intellectuelle; et puis elle fonctionne un peu comme la discrimination tarifaire. On discrimine entre ceux qui veulent payer bcp ou rien pour un sac, donc elle est welfare improving, non ?
Réponse de Alexandre Delaigue
C’est un autre débat, mais c’est effectivement un point de vue défendable. De nombreuses entreprises du luxe, d’ailleurs, ne se préoccupent guère de faire la chasse aux faux, et ne s’en portent pas mal. En tout les cas le phénomène n’a certainement pas l’ampleur prétendue.
Il me semble qu’une augmentation de 1000% donne une multiplication par 11 et non par 10
Réponse de Alexandre Delaigue
pfouh, oui…
c’est clair que là, c’est insultes assurées ! Mais tenez bon les gars, c’est un des derniers lieux de résistance !
Réponse de Alexandre Delaigue
Ca va, pour l’instant, à part le méchant verel qui me rappelle que je ne sais pas faire des additions…
Pourriez vous m’expliquer quelque chose?
A vous lire il semble très facilement visible que tout ça est faux. Si vous même le voyez, sans avoir -semble t’il- du faire des prodiges de recherches sur cette donnée, pourquoi donc les entreprises n’en serait-elle pas capable? Se rendant alors compte que il n’est pas intéret de payer d’autre sociétée telle que Kroll?
Réponse de Alexandre Delaigue
Parce que quand vous lisez plusieurs fois la même chose dans les journaux, vous finissez par la croire. Passer du temps à se renseigner plus avant, ça coûte cher, quand on a autre chose à faire.
C’est dissident de dire ça chez les économistes?
Tant qu’il ne s’agit que de contrefaire une casquette Vuiton, un CD de Johnny ou un dvd de jcvd, pas trop de problème.
Lorsqu’il s’agit des médocs que je prends ou des plaquettes de frein de ma voiture, je suis plus dubitatif sur son aspect marginal.
La capacité des journalistes économiques français à recopier strictement n’importe quoi si tant est que la couverture soit glossy et que ça "cause business" est impressionnante.
On ne tolérerait pas le dixième de leurs erreurs grossières à un journaliste médical, ou même sportif.
j’aime bien la théorie de Bastiat Lover (qui eut cru qu’un jour quelqu’un prenne un pseudo pareil !)
lui ou un autre pourrait-il en dire un peu plus sur les tenants et les aboutissants de cette "théorie" ?
"lisez plusieurs fois la même chose dans les journaux"
Comment peut-on trouver son intérêt à perdre de l’argent en achetant des journaux pour perdre ensuite du temps à les lire ? Le temps et la monnaie sont deux des ressources les plus contraintes pour les individus, qui sont donc normalement gérées avec une certaine parcimonie.
@FC : non. Mais la plupart des gens qui lisent ce blog ne sont pas économistes. Au fait, j’adore vos commentaires.
C’était une question sincère (même si j’aurais dû le préciser, peut-être, à la relecture).
Depuis des années, je sautais sur mon siège en voyant les chiffres de la contrefaçon publiés dans la presse. Il m’a toujours paru évident qu’une personne qui achète une fausse rolex n’en achèterais
pas une vrais si la contrefaçon n’existait pas et qu’en conséquence le manque à gagner est fictif.
A mon avis le problème est plus en terme d’image :
Les clients des vrais rolex n’en achèterons plus si tous les jeunes de banlieue en ont une (bonne) imitation au poignet.
Nous n’avons pas les mêmes valeurs!(quoi que…)
Très bonne analyse. Dans le même genre de sujet, les chiffres sur la criminalité organisée me paraissent tout aussi pipottesques. Surtout quand on voit le niveau de vie des parrains arrêtés.
Il me semble que l’origine de ces chiffres fantaisistes vient de l’absence d’acteur qui ont intérêts à les minorer. Le lobby des contrefacteurs, ou de la mafia a du mal à s’exprimer sur la place publique.
@ Plouf-plouf : votre raisonnement mérite vérifications empiriques et le cas de la marque Lacoste pourrait servir de terrain idéal.
est-ce que l’attrait pour la marque Lacoste par les jeunes habitants des cités (pleins de raccourcis ici mais bon pardonnez-moi) a entraîné un déclin des ventes chez les vieux papis du XVIème et chez les joueurs de golf ?
je me pose réellement la question ! Est-ce que lacoste a perdu son image de marque depuis que les djeuns’ font bling bling avec ?
Chiffres fantaisistes sans doute, de toute façon comment pourrait t-on chiffrer clairement une économie criminelle. Mais derrière il y a un véritable problème et pas simplement celui du gentil jeune qui ne peut pas s’acheter la méchante marque trop chère.
Problème d’image pour les marques et droit à la propriété (les états ont aussi pour mission de protéger les entreprises), danger pour la santé et la sécurité publique (et surtout dans les pays les plus pauvres avec les médicaments, contrefaçons de pièces auto etc etc).
Pour la valeur d’estimation du produit, il est logique de se baser sur le vrai puisque le faux n’a pas d’existence officielle donc il est impossible d’évaluer sa valeur réelle (et çà n’aurais pas de sens, l’amende en France se base sur la valeur du vrai).
Il est bon aussi de rappeler qu’en France la contrefaçon est une prohibition totale, delictuelle et punissable dés le premier article (que l’on soit vendeur ou acheteur).
Enfin il ne faut pas perdre de vue que même si les chiffres cités sont fantaisistes (en fait on n’en sait rien, comme pour la consommation de drogue etc etc), les gains sont énormes et que derrière se trouve des organisations criminelles internationales.
Attention à la banalisation…
Autre point
Concernant les chiffres, c’est clair qu’on peut se poser des questions… Enfin au vu de votre analyse, ça parait carrément surréaliste !
Pour la dangerosité de la contrefaçon de certains produits (médicaments, équipements auto ou électroniques, cigarettes, jouets), le risque est réel, surtout dans les pays en voie de développement. Mais c’est cet argument qui est principalement servi dans les pays développés, qui eux sont majoritairement consommateurs de textile, produits de luxe, cds, films…
Néanmoins le business est tellement juteux qu’il intéresse bel et bien les organisations criminelles ! Beaucoup plus rentable et moins risqué que le trafic de drogue par exemple, et les acheteurs potentiels sont bien plus nombreux. Il n’y a qu’à voir certains commentaires sur ce blog ou tant d’autres ("oh oui que la contrefaçon est bonne pour mon pouvoir d’achat… encore, encore").
Attention d’un côté à ne pas trop tourner le problème en dérision… Et à l’inverse, dommage que ces études fassent perdre en crédibilité à la contrefaçon, en exagérant son importance et dramatisant à l’extrême ses conséquences.
Sniff
vous avez raison, sur le fond, ces stat sont nulles, mais les journalistes aussi le sont…qui répètent bêtement la même chose, qui interrogent toujours les mêmes "experts", bref qui n’ont aucune imagination.
prenons les choses autrement : y des imbéciles qui travaillent, qui payent leurs impôts, leur TVA, des gérants de magasins qui travaillent 12 heures par jour etc…
y’a ceux qui ont un talent, qui le mettent à disposition d’une entreprise, qui trouvent des choses, qui dessinent des choses, qui créent des modèles
et y’a des petits malins qui gagnent 5 à 10.000 euros par jour en travaillant au noir, sans payer d’impôts et en profitant du travail des autres.
C’est normal, ça ?????
mais sur les stats, vous avez raison, chiffrer la contrefaçon, c’est pas possible, vu que c’est une activité souterraine…
@ Aalexandre
Vous avez peut-être raison, d’autant que ces populations ne se rencontrent gère .
En définitive leur volonté commune d’arborer un logo
sur leur poitrine ne démontre-t-elle pas leur (mauvais) goût commun ? Ce qui finalement est une bonne nouvelle pour la marque en question.CQFD.
@ aalexandre et Plouf Plouf (cf 17)
Pour Lacoste, je n’en sais rien, mais j’ai entendu dire pas un employé d’un garage BMW que l’image de la marque en avait pris un coup depuis que les BMW sont devenues populaires chez d’une part les "jeunes à casquette" (quelque soit l’origine géographique ou familiale des intéressés), d’autre part chez les braqueurs et enfin chez les parvenus décomplexés "bling-bling".
Ce qui vaut pour BMW (dont les voitures ne sont pas contrefaites à ma connaissance) vaut peut-être aussi pour le textile et Lacoste…
L’homme de goût découd le logo de ses lacoste
@ Oignon
Si si on contrefait aussi les voitures: il existe en Chine des contrefacons de X5 par exemple ou de certains produits de chez GM ou de la SMART. Dans ces cas il est vrai que la contrefaon est plus subtile: le modèle est copié mais vendu sous une autre marque.
"Le résultat est en tout cas assez pathétique."
vous voulez dire "lamentable", pour ne pas faire pleurer dans les chaumières ?
😉
au demeurant, article fort intéressant, merci !
@Oignon (22)
vous savez ce qu’on dit des BMW ?
la décence et les bonnes mœurs m’interdisent d’en dire plus !
;->
Réponse de Alexandre Delaigue
Attention à ce que vous allez dire!
Ce qui est fascinant avec ce genre de truc que tout le monde répète sans l’avoir vérifié, c’est que cela finit par devenir une "évidence" étant donné que si tant de gens le disent, c’est cela doit être vrai…
Excellent billet, qui confirme ce que tout le monde (sauf la "presse" et les "experts" économiques évidemment) sait sans l’avoir jamais appris.
Mais personne n’a remarqué que cette analyse a été fort pertinemment faite par… Molière: l’Avare, acte II, scène V.
… "FROSINE: Comment! c’est une fille qui vous apportera douze mille livres de rente.
HARPAGON: Douze mille livres de rente!
FROSINE: Oui. Premièrement, elle est nourrie et élevée dans une grande épargne de bouche. C’est une fille accoutumée à vivre de salade, de lait …. ; et cela ne va pas à si peu de chose, qu’il ne monte bien, tous les ans, à trois mille francs pour le moins. Outre cela…
… etc. etc …
HARPAGON: C’est une raillerie que de vouloir constituer son dot de toutes les dépenses qu’elle ne fera point! Je n’irai pas donner quittance de ce que je ne reçois pas; et il faut bien que je touche quelque chose."
Pas besoin de cabinet Kroll. Il suffit de relire ses classiques.
Les grandes marques du textile et de la maroquinerie (au sens large) et les pratiques dans leur gestion de la production ne sont pas totalement à détacher de la production de la contrefaçon. Pour exemple, si vous vous promenez un jour aux alentours de Shanghai, il y a une zone appelée en gros "cité internationale du sac", un bel espace où se concentre le secteur de la maroquinerie. Si vous discutaillez avec un des propriétaires du coin de la contrefaçon, il vous expliquera que pour que son entreprise soit rentable (suffisament selon son propre jugement), il produit une petite part de plus que ce qu’il doit faire, pour la vendre sur le marché intérieur notamment. En l’espèce, la contrefaçon provient de la même usine que celle fabricant les biens et est la conséquence de la volonté de produire en faisant des économies sur le salaire et coûts structurels (pour rester élégant), sans se soucier d’éléments immatériels propre au mode de production chinois.
Pour info, bien que la plupart de ces patrons chinois de la maroquinerie Shangahienne s’en sortent beaucoup mieux que l’immense majorité de leurs compatriotes, le taux de défaillance des entreprises dans cette zone est élevé (estimé entre 15 et 25% par an.Selon les industriels chinois, mais je n’ai pas eu l’occasion d’étudier cela).
Vos propos sont fondés concernant l’évaluation économique difficile de la contrefaçon. Mais cette difficulté est commune à toutes les activités illégales, par définition souterraines et occultes (drogues, armes, prostitution…).
Les chiffres avancés, aussi peu crédibles soient-ils , ne servent qu’à démontrer une seule chose : la contrefaçon est une activité dont le poids macroéconomique ne cesse d’accroitre partout dans le monde (dans les pays producteurs, relais et revendeurs).
Le modèle économique de la contrefaçon a changé : il y a 30 ans, elle était marginale. Les faux étaient produits dans des arrières-cours par des artisans, la clientèle se limitant à des occidentaux aisés en quête de produits à la limite de la caricature. Aujourd’hui la contrefaçon s’est massifiée, industrialisée, criminalisée et mondialisée. Les contrefacteurs sont à la tête d’usines pouvant produire en quantité industrielle et capable de fabriquer des biens élaborés (mp3, composantes d’ordinateurs, parfums, médicaments…). La Chine alimente à 70% la planète en copies, les contrefacteurs chinois ont donc nécessairement les moyens pour alimenter un tel marché.
La criminalisation est aussi une réalité : la contrefaçon est très rentable (par exemple, il aujourd’hui est plus rentable de vendre du faux Viagra que de l’héroïne) et moins sévèrement punie que les autres activités illicites. C’est donc "tout bonus" pour les réseaux criminels et terroristes qui ont à leur disposition une manne financière intarissable. Par exemple, il a été mis à jour que l’IRA vendait des faux CD et que les attentats de New York de 1993 furent en partie financés par la contrefaçon de textile.
Vos propos sont en revanche dangereux en ce qu’ils tendent à minimiser les conséquences de la contrefaçon. Les atteintes touchent l’économie (création de départements de lutte anti-contrefaçon non rentables pour les grandes entreprises, PME ne pouvant faire face à la concurrence des contrefacteurs, manque à gagner pour les États en terme de taxes), l’emploi (les investissements dans la lutte anti-contrefaçon empêchentles créations de postes, les PME ne peuvent se développer par manque de moyens) et la sécurité des consommateurs (faux médicaments, faux jouets, fausses pièces automobiles…).
Enfin, sachez que la contrefaçon ne sert pas de support publicitaire aux marques comme vous le prétendez. Les atteintes à l’image de marque sont réelles. J’ai travaillé dans le département anti-contrefaçon d’un grand groupe français et celui-ci investit chaque année quelques 15 millions d’euros dans cette lutte. Si la contrefaçon était bénéfique pour les marques, je doute que celles-ci dépensent de telles sommes. Ces dépenses sont directement liées aux atteintes à l’image qui sont très dommageables auprès de la clientèle habituelle et de la clientèle ciblée.
Quelles qu’en soient les statistiques, la contrefaçon reste du vol.
J’ai quand même un doute sur un point annexe: je pense que les seules entreprises qui dépensent vraiment du pognon à payer des cabinets spécialisés en fariboles sont celles qui ont avantage auxdites fariboles.
Je doute par exemple qu’une banque achète du conseil pipo sur la contrefaçon textile.
Sur ce point je pense qu’il y a une certaine malhonnêteté mais qu’elle est en quelque sorte réciproque.
PS: une banque achètera d’autres fariboles, oui je sais, mais pas sur la contrefaçon.
Cela n’est pas sans rappeler la façon dont certains évaluent les dommages causés par la contrefaçon d’œuvres protégées par le droit d’auteur et/ou des droits voisins, bref le « piratage » de la musique et du cinéma, sans parler des jeux vidéo (curieusement moins mis en avant, mais il est vrai qu’on ne les considère pas comme de la culture).
Quand on estime le manque à gagner, on fait comme si l’adolescent qui a une médiathèque «piratée» l’aurait sinon achetée au prix au marché… ce qui paraît bien improbable.