Ce sont les termes qu’utilise l’éditorialiste du Libération d’aujourd’hui pour caractériser le débat sur les 35 heures. Un exemple parmi d’autres :
Dans le numéro du mois dernier d’Alternatives Economiques, un dossier était consacré à la question du pouvoir d’achat. On y trouvait notamment un encadré consacré à l’effet des 35 heures sur le pouvoir d’achat, illustré par le graphique suivant, sensé prouver que les 35 h ont bénéficié au “pouvoir d’achat” (quel vilain terme, au passage) :
Comme vous le constatez, ce graphique titré “l’effet positif des 35h” montre que le “pouvoir d’achat” a augmenté pendant la période de mise en application des 35 heures : donc, les 35 heures ont bénéficié au pouvoir d’achat. Sauf que ce schéma ne prouve strictement rien : La progression du pouvoir d’achat dans la période peut très bien avoir d’autres causes, dont notamment la conjoncture mondiale. A titre d’illustration, le graphique suivant montre l’évolution de la croissance en Espagne depuis 1990 :
Comme vous pouvez le constater, non seulement les 35 heures en France ont “contribué au pouvoir d’achat”, mais en plus, elles ont contribué à élever la croissance espagnole! C’est l’erreur classique du post hoc ergo propter hoc : ce n’est pas parce que deux évènements se suivent dans le temps qu’ils sont liés.
A Alternatives Economiques, ils ne sont pas coutumiers de ce genre d’erreur grossière : c’est pour cela que les pédagogues utilisent souvent leurs documents. Que la volonté de défendre les 35 heures puisse les conduire à ce genre d’écart illustre à quel point le débat sur le sujet fait perdre tout discernement.
Comme le disait Piketty le mois dernier, il serait temps pour les promoteurs des 35 heures de faire leur mea culpa et d’admettre honnêtement que les 35 heures n’étaient pas une bonne idée. Pire : elles ont ouvert la voie de la création de vastes usines à gaz législatives, pour être appliquées d’abord, puis ensuite pour être progressivement vidées de leur substance (voir l’effarante complication générée par la loi TEPA, et les prochaines étapes annoncées par le constructiviste en chef). La question du travail est trop importante pour devenir le jouet des apprentis sorciers et des querelles de coqs de basse-cour.
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@ Alexandre : je ne dirais pas que les 35 heures "n’étaient pas une bonne idée"… elles ont tout simplement mal été fagottées, comme la fin de ton post le prouve…
partager le temps de travail est une très bonne idée (une idée généreuse), elle s’inscrit dans la logique historique… leur mise en oeuvre a, je pense, été trop précipitée…. peut-être est-ce mon côté trop naïf qui ressort…?
Il y a des tas d’idées généreuses qui ne sont pas de bonnes idées. Quant à la logique historique, objectivement, personne n’en sait rien. Quand bien même une idée est bonne, si on ne sait pas la mettre en oeuvre, elle peut très bien devenir une mauvaise idée.
En la matiére la proposition du "constructiviste en chef"/"papa des français", de rendre les accords d’entreprise subsidiaire au code du travail (au moins sur cette question) est sensiblement meilleure que la moyenne de ses proposition.
Pas sûr du tout. De toute façon il y aura des limitations, ne fût-ce qu’en provenance du droit européen : on ira là aussi assez vite dans l’usine à gaz. Et puis, je pense qu’il ne faut pas se voiler la face sur le déséquilibre des forces sur certains marchés du travail.
Les usines à gaz législatives me semblent bien plus être la conséquence des luttes d’influence entre patrons et opinion publique sur les gouvernements du moment que les 35 heures.
En d’autres temps, on aurait même plus simplement pu parler du lutte des classes, mais il parait que la lutte des classes n’existe pas dans la France d’à peu près.
@Aalexandre : Fichtre je ne savais pas que l’histoire pouvait faire preuve de logique.
Quand vous parlez de réduire le temps de travail, vous parlez du travail marchand je suppose !
Parce que je suis sure qu’un comptable professionnel passe plus de temps et à plus de chances d’avoir un accident qu’un ouvrier du bâtiment lorsqu’il effectue le même travail.
Et que le dit comptable aimerais certainement travailler une heure de plus a ce qu’il sait faire et payer le dit ouvrier une heure, que passer 3 heures à faire plus mal le même travail.
Avoir des docteurs en économie qui ignorent les avantages les plus élémentaires de la division du travail fait froid dans le dos.
Mmmmh … Je suis abonné à Alter éco et s’il est indéniable que son créateur et chroniqueur Denis CLERC est favorable aux 35 h, ce dernier, et la revue en général, n’ont jamais caché les effets pervers que les 35h ont pu avoir dans certains secteurs.
Mais enfin, cette mesure, si vilipendée aujourd’hui, n’a au minimum pas, en dehors de tout débat sur la réalité des bienfaits de l’augmentation du temps libre, empêché l’économie française de connaître une période faste comme rarement (jamais ?) depuis 30 ans et, surtout, a semble-t-il créé directement 350 000 emplois.
Alors, pas une bonne idée ? Je n’ai évidemment pas les compétences ni de T. PIKETTY, ni des auteurs de ce blog, mais j’ai toujours estimé que la mise en place des 35 h étaient la conséquence de la prise en compte de la réduction effective du temps moyen travaillé. N’était-ce pas en quelque sorte, une réduction assumée du temps de travail , là où dans d’autres pays, une réduction effective du temps de travail s’est effectuée via un recours massif au temps partiel, je pense à nos amis grands bretons notamment ? Par ailleurs, un autre des effets positifs des 35 h, n’a-t-il pas été d’inciter fortement les entreprises à revoir et optimiser leur organisation et, ainsi, à dégager des gains de productivité importants ? Fais-je fausse route ? Merci d’éclairer ma lanterne.
Plusieurs choses. Il ne suffit pas de considérer que la réforme a créé des emplois (en la matière, le chiffre des 350 000 est un peu magique); il faut aussi se demander si l’on n’aurait pas pu avoir le même effet à coût moindre. Dans certains secteurs, c’était applicable, dans d’autres, beaucoup moins.
L’idée qu’on assume une réduction réelle est problématique, dans la mesure ou une personne qui travaille 45 heures et une personne qui travaille 25 ne sont pas équivalentes à deux qui travaillent 35 : les deux types de travail ne sont que très peu substituables.
Quant à l’optimisation de l’organisation et aux gains de productivité, il faut se demander pourquoi si c’était possible, les entreprises ne l’avaient pas fait. La raison c’est le coût externe de cette réorganisation. Au final on a demandé aux gens de faire avec une demi-journée de moins ce qu’ils faisaient avant : il y a bien des cas ou c’est possible, effectivement; mais c’est usant. Les gains de productivité en question ont surtout rendu le monde du travail encore plus toxique qu’il n’était.
"Les usines à gaz législatives me semblent bien plus être la conséquence des luttes d’influence entre patrons et opinion publique sur les gouvernements du moment que les 35 heures."
C’est les deux, mon général.
Et il ne s’agit pas des patrons et de "l’opinion publique", qui s’en tape, mais des patrons et des syndicats. Ces derniers défendant leurs cotises, et donc l’opinion de leur base, qui est étroite.
Le problème est qu’au lieu d’avoir d’un côté des compétences gouvernementales et de l’autre des compétences relevant des partenaires sociaux, on a une course entre les trois parties pour ne surtout pas assumer les réformes importantes.
@Aalexandre : "partager le temps de travail est une très bonne idée (une idée généreuse), elle s’inscrit dans la logique historique…"
ben voyons, la logique historique ça c’est un bon argument pour défendre une reforme, je n’y avais pas pensés.
Quand vous parlez de temps du travail, vous parlez d’activité marchande je suppose !
D’autres que vous n’ignorent pas les avantages de la division du travail. Personnellement je préfère travailler 1 heure dans ma spécialité et payer en retour 1h un spécialiste pour exécuter un travail donné que passer 4h à l’effectuer moi même en moins bien.
Si vous considérez comme une idée généreuse de faire du mal aux gens en leur imposant des choix contraires à la logique, assumez au moins votre erreur quand elle est manifeste.
@ patrick : j’assume ce que je dis et je ne considère pas qu’il s’agisse d’une erreur… mais bref là n’est pas le propos…
sur le deuxième point je suis d’accord avec vous : étant nul en bricolage par exemple, j’ai récemment fait appel à un artisan pour réaliser beaucoup plus rapidement une tâche compliquée que j’aurais sans doute mis des heures (voire des jours) à exécuter… et j’ai préférer payer la main d’oeuvre pour un travail bien fait…
mais cela n’a strictement rien à voir avec la durée de travail fixée à 35 heures… je ne vous suis pas
@ Patrick :
ps : venez faire un tour sur le forum vous verrez ce que je pense des libertés réelles individuelles …
je ne compte faire du mal à personne 😉
Si je me souviens bien les années Jospin avaient vu la France avec une croissance du PIB/capita un chouia au dessus de l’Europe des 15 et 0.4 ou 0.5 points/annuel au dessus de l’UK (ce qui est massif). Le flip side etait que la dette Francaise avait augmentée de 150 milliards la ou les 15 etaient balancés et en UK elle avait diminué de 100 milliards.
C’etait du keynesianisme a la Francaise. Pro-cyclique. On depensait de l’argent que l’on n’avait pas a creer du pouvoir d’achat que l’on allait reperdre en periode de vaches maigres.
Le Labour plus malin a depensé massivement ses petites noisettes durant les 5 années suivantes en utilisant la depense publique a contre cycle. Notre malheureux Raffarin lui a du Raffariner.
Faisons donc le bonheur des gens a l’insu de leur plein gré, bien que ca ne rapporte guere electoralement.
Ca fait longtemps que je lis ton blog et j’aime bien.
Mais aujourd’hui t’étais nul.
Expose nous tes arguments et essaye de nous convaincre au lieu de nous refiler tes liens à la con. Nous aussi on a google.!
Suivez-les donc, les liens, au lieu de pleurnicher. Je ne vais pas réécrire 50 fois les mêmes choses pour faire plaisir aux gens trop paresseux pour bouger un doigt.
@Aalexandre : "mais cela n’a strictement rien à voir avec la durée de travail fixée à 35 heures… je ne vous suis pas"
Mais voyons quel autre raison de recourir à une activité marchande que l’opportunité de bénéficier du travail des autres, chacun meilleur que sois dans son propre domaine.
Dé lors mettre des obstacles a une activité marchande supérieure à 35h empéchent ce qui le souhaiteraient de travailler plus (à leur métier) pour… travailler moins chez eux (et s’occuper de leur famille par exemple).
Etant entendu que le seul l’investissement permet d’améliorer sur le long terme le niveau de vie.
@Aalexandre : "vous verrez ce que je pense des libertés réelles individuelles …"
Vous confondez liberté et pouvoir (de faire des choses) c’est une grave erreur.
La seule liberté consiste à ce que CHACUN puisse poursuivre ses objectifs propres par ses moyens propre. Définition universalisable comme il se doit.
@ patrick : non non je ne confond pas les deux… ces deux notions peuvent se recouvrir … parfois … lisez Constant, lisez Berlin …
@ Alexandre delaigue : "L’idée qu’on assume une réduction réelle est problématique, dans la mesure ou une personne qui travaille 45 heures et une personne qui travaille 25 ne sont pas équivalentes à deux qui travaillent 35 : les deux types de travail ne sont que très peu substituables". Il est bien des entreprises où les fonctions exercées par la majorité des salariés font qu’ils sont "substituables". Dans le monde de l’assurance par exemple, que je connais bien, grosso modo 2/3 des effectifs se résument à trois fonctions : gestionnaire sinistre, gestionnaire production, chargé d’accueil assurances. Il est vrai cependant que ce type de situation se retrouvera d’autant plus facilement que l’entreprise aura une taille importante, et on retombe là sur l’un des reproches majeurs faits aux 35h : plutôt bénéfiques dans les grandes entreprises, plutôt synonymes de pénibilité et flexibilité accrues dans les petites et moyennes.
"Quant à l’optimisation de l’organisation et aux gains de productivité, il faut se demander pourquoi si c’était possible, les entreprises ne l’avaient pas fait." Alors là, votre trop grande confiance en l’entreprise vous égare (je plaisante !). Sérieusement, on sait à quel point le poids des habitudes, les rivalités entre services, la défiance du personnel, la méconnaissance de la hiérarchie trop envoûtée, victime de la mode, par les gains de productivité uniquement assis sur le progrès technique (à les délices des GED mal pensées …) empêchent bien souvent toute réflexion spontanée et pertinente sur l’organisation interne de l’entreprise, gisement formidable de productivité (merci au passage à OBO pour ses écrits sur le sujet). Mais, il est vrai que les 35h ont parfois été appliquées brutalement en compensant bêtement par une augmentation de la cadence (souquez ferme, le garde chiourme veille !) et sans réaliser les embauches attendues. Effet pervers.
@Aalexandre : lisez Hayek 🙂