Prix du livre d’économie du Sénat

Les candidats pour le prix du livre d’économie du Sénat 2007 sont publiés (via telos, qui fait sa pub). Quelques remarques sur le choix de l’année.

EDIT : parler de livres qu’on n’a pas lus, c’est pas toujours bien. Comme le font remarquer certains commentateurs, cela conduit à se fonder sur des a priori, et peut-être à des contresens. Donc je raye. Si j’ai l’occasion de lire certains de ces livres, j’aurai un avis; en attendant, j’ai des préjugés. Vous pouvez les lire, mais avec précautions. L’assassinat sur le web, c’est trop facile.

Cette année, le Sénat fait bien les choses, puisqu’en plus du résumé de chaque livre, on peut trouver sur le site une petite vidéo qui accompagne chaque livre, ainsi qu’un extrait lisible en pdf. C’est une très bonne chose, puisque cela permet de se faire une idée sur les livres sans les avoir lus. Cela tombe bien, parce qu’à ma grande honte, cette année est un point bas : je n’en ai lu qu’un de la sélection, ce qui biaise considérablement mon jugement. Je vais donc me livrer au jeu très amusant (quoique un peu vain, c’est vrai) consistant à parler de livres que je n’ai pas lus.

Commençons par celui que je connais : Delpla et Wyplosz, la fin des privilèges (SM en a fait la chronique). Pour être rapide, c’est mon vote. Le livre est loin d’être parfait, les auteurs surestiment probablement les gains des réformes qu’ils proposent, et sous-estiment le coût que représenterait le « rachat » des avantages. Mais c’est l’exemple typique du livre qui fait date, parce qu’il contient une idée simple mais fondamentale : parce que les réformes font des perdants, il est légitime de songer à les indemniser. La démarche soutenue inlassablement par Ecopublix, la nécessité d’évaluer les politiques publiques, requiert de prendre en compte leur coût pour certaines personnes. C’est la base d’une démarche de prudence : plutôt que de vouloir la réforme pour la réforme, celle-ci devrait se justifier en comparant gains et pertes. C’est une idée que l’on peut espérer vouée à un bel avenir, et c’est une idée importante dans le débat français.

Les autres livres peuvent se regrouper selon les catégories suivantes : les livres d’économie écrits par des économistes, les livres écrits par des gens qui croient qu’il est simple d’écrire un livre d’économie, et les livres consacrés à autre chose.

Commençons par les livres d’économie écrits par des économistes : Désordres dans le capitalisme mondial, d’Aglietta et Berrebi; Les déséquilibres financiers internationaux, par Brender et Pisani; L’enfer, ce n’est pas les autres, par Pierre Dockès. Concernant Aglietta et Berrebi, j’ai l’impression un peu ennuyeuse d’après les informations fournies par le site du Sénat d’avoir déjà lu ce livre, sans l’avoir lu. Cela fait longtemps qu’Aglietta écrit sur ce même sujet de la finance mondiale, des déséquilibres, des problèmes du système financier, etc. Je trouve que tout cela est un peu réchauffé et ressassé. Dans l’absolu, c’est sûrement intéressant, mais pas franchement neuf.

Le livre de Brender et Pisani est un Repères, ce qui signifie qu’il s’agit probablement (SM, si tu as ce livre, n’hésite pas à confirmer ou infirmer!) d’un ouvrage descriptif sur les caractéristiques de la finance mondiale. Sur le même sujet, probablement plus descriptif qu’Aglietta, certainement à la fois nuancé et complet, à en juger par les production habituelles des deux auteurs.On dira, un peu comme le précédent, qu’il s’agit d’une valeur sûre.

Pierre Dockès s’est visiblement lancé dans un genre qui était un peu tombé en désuétude ces dernières années : le livre de défense et illustration de la mondialisation économique. Par les temps qui courent, le projet n’est pas inutile, au contraire. Je trouve la démarche sympathique, et confesse aussi une grande sympathie pour l’auteur, qui dans les temps lointains ou j’usais les bancs des facultés s’attachait à la republication de l’oeuvre de Walras, père et fils. Donc, sans connaître, un livre a priori sympathique.

La seconde catégorie est composée des auteurs qui croient qu’il est simple d’écrire un livre d’économie. Qu’un économiste écrive un livre d’anthropologie, de psychanalyse, ou consacré à l’ingéniérie, il susciterait des moqueries, le plus souvent à juste titre. Etrangement, lorsque l’inverse se produit, ce n’est pas le cas. L’économie, c’est compliqué, dommage que si peu de gens soient au courant. Nous avons donc droit à l’inévitable ingénieur qui a tout compris : la main de l’Etat est dans la croissance américaine (à défaut, sans doute, de la culotte du zouave?).

L’interview de l’auteur, et les extraits du livre, nous indiquent que nous avons droit à la énième scie sur le thème suivant : les USA ne sont pas un pays ultralibéral! (quelle surprise). Ce n’est pas à cause de l’interventionnisme étatique que l’Europe est en retard! (mais ou va-t-il chercher tout ça). Au contraire, ils soutiennent leurs entreprises avec des politiques industrielles, notamment le small business act, ce merveilleux système de soutien aux PME! Et nous, qui avons totalement renoncé à faire de la politique industrielle, nous devons vite faire pareil pour avoir la même croissance que les américains! Outre qu’il n’y a bien qu’en France qu’on trouve un intérêt à cette vieillerie quinquagénaire qu’est le small business act, qu’en matière de politique industrielle, chaque jour nous apporte la preuve du génie national, qu’il y a tout un tas de raisons bien connues au décalage de croissance France-USA (et le retard de croissance entre la France et la Chine, hein? Et si on adoptait le parti unique et la réglementation du travail chinoise, pour rigoler?) je suis devenu totalement hermétique à ce genre de pseudo-raisonnement à base d’hommes de paille (l’ultralibéralisme américain qui en fait n’existe pas…) et d’ignorance intégrale de ce que l’économie a à dire sur le sujet.

EDIT : comme le font remarquer certains lecteurs plus avisés que moi, A. Villemeur n’est pas placé dans la bonne catégorie. je reste franchement dubitatif sur le contenu du livre.

Dans un autre style, nous avons l’anthropologue psychanalyste salarié d’une entreprise du secteur des subprimes (sic) qui nous explique que le capitalisme américain va s’effondrer. Expert dans le domaine, cela va de soi, ayant « prévu le premier » (re-sic) les difficultés actuelles, il explique donc comment la crise des subprimes va provoquer l’effondrement du système financier avec une analyse « anthropologique » du puritanisme américain. Je me demande s’il est nécessaire d’en dire plus. Mais étant donné le passé du prix des lecteurs du Sénat, je ne serai pas surpris qu’il se retrouve en deuxième session.

Enfin, nous avons le journaliste économique qui, après avoir constaté de troublants parallèles entre les années 20 et la fin des années 90, trouve aujourd’hui des parallèles entre les années 30 et la première décennie 2000. Pour le coup, le travail a l’air un peu plus sérieux, mais ce genre de parallèle a des limites évidentes. Parce que, tout bêtement, nous ne sommes pas dans les années 30. On peut se servir de celles-ci pour constater que la combinaison de protectionnisme, de fortes fluctuations financières, peut avoir des conséquences néfastes, voire en profiter pour donner un éclairage sur le passé et le présent : je crains que cela n’aille pas très loin.

Enfin, dans la catégorie des livres qui ne parlent pas d’économie, nous avons tout d’abord un autre livre de journaliste : Laurent Mauduit, après avoir quitté le Monde suite à un différend grave avec sa direction, expose tout le mal qu’il pense d’Alain Minc et du système de capitalisme de copinage à la française que celui-ci incarne. J’exagère un peu en disant que ce n’est pas un livre d’économie : mais bon, au delà d’une énième (mais sans nul doute divertissante) charge contre la dérive éditoriale du Monde, une attaque contre Alain Minc (là aussi, ce n’est plus très original) et la description d’un système très fermé identifié depuis bien longtemps, il est peu probable qu’on fasse des découvertes fracassantes.

Reste un livre de Jean-Marie Pelt qui nous explique le développement durable; je ne suis pas objectif, mais entre Saint Nicolas, Al Gore le prophète, et les bouffonneries du Grenelle de l’environnement, je suis devenu allergique. Au passage, l’interview de l’auteur dévoile un peu du fonctionnement du discours écologique en roue libre : pour convaincre, nous explique-t-il benoîtement, il faut que les gens aient peur. cela m’énerve.

Et finalement Denis Olivennes, qui nous offre le bréviaire du marchand de soupe. Une seule chose à dire : ne l’achetez pas; ne le lisez pas; ne votez pas pour lui. A moins que vous ne pensiez que Bach vaut moins que Britney Spears, et qu’il est sain que les recettes des films de Kubrick subventionnent les bouses de Luc Besson. En ce cas, je ne peux rien pour vous.

30 Commentaires

  1. Parmi les trois livres d’économie, le repère me semble le meilleur… et puis c’est le moins cher (8,5€). Un prix donc… de marché (un peu régulé, je vous l’accorde !).

  2. Vu les sélections années après années, je pense sérieusement à organiser le « prix du livre d’économie d’éconoclaste » l’an prochain.
    Sinon, j’ai pas le bouquin dont tu parles.
    Et je voterai aussi pour Delpla et Wyplosz.

  3. J’ai lu le bouquin de Brender et Pisani cet ete. Je l’ai trouve tres interessant, je pense que sa nomination est due au dernier chapitre ou (de memoire) ils expliquent que l’essentiel de la dette americaine est supportee par les menages, ces derniers continuant a emprunter grace a la hausse de l’immobilier. Les auteurs trouvaient la situation plutot risquee. On connait la suite.
    Cela dit, ce n’etait pas un chapitre-scenario-catastrophe, le but etait in fine d’expliquer que le dollar devrait continuer a baisser.

    Comme le livre est interessant, lisible par un profane (moi quoi) et anticipe correctement l’actualite, je comprends qu’il puisse recevoir un prix.

  4. "l’inévitable ingénieur "

    Il est certe centralien comme Muet et Wyplosz, mais aussi docteur en économie.

    Dans ce cas, c’est encore pire…

  5. Il me semble que vous êtes un peu dur ou bien envers Alain Villemeur ou bien envers la recherche en économie. Je ne sais rien de son livre, mais il a publié plusieurs articles dans des revues et des actes de congrès, dont un co-écrit avec Jean-Hervé Lorenzi qui n’a pas l’air d’être complètement un rigolo, et tout semble indiqué qu’il joue le jeu universitaire loyalement (thèse de doctorat, articles, etc…).

    En effet. Ben franchement, l’interview et l’extrait du livre ne le laissent pas deviner…

  6. Concernant Jorion, vous avez tort de le sous-estimer ainsi au motif que le
    bonhomme est "anthropologue" et "psychanalyste" – toutes disciplines dont il
    n’est nullement question dans son livre. D’abord parce qu’on apprend
    beaucoup sur l’immobilier américain. Ensuite parce que le diagnostic sonne
    juste : il a effectivement prédit une partie de la crise, non pas par des
    raisonnements anthropologiques ou psychanalytiques, mais par des
    raisonnements économiques plutôt standards (je ne connais par grand monde
    qui l’ait fait en partant correctement du marché du crédit hypothécaire). Tout
    ne se vaut pas, il ne faut pas y chercher de révolution théorique, nul
    approfondissement des modèles d’équilibre général à générations
    imbriquées, mais pour les lecteurs (non spécialistes) qui veulent comprendre
    "de l’intérieur" la crise financière, c’est une bonne lecture.

    Vous me répondrez qu’il s’agit une crisounette (cf votre post sur les
    écocomparateurs), et que le livre n’a donc aucun intérêt. J’étais plutôt
    d’accord avec vous au début. Maintenant, aux USA en tout cas, on commence
    à douter sérieusement. Il est de plus en plus probable que les Etats-Unis
    entrent en récession à la fin de l’année (c’est semble-t-il ce que la FED
    anticipe). L’impact des subprime sera étalé, le gros restant à venir. Hier Merril
    Lynch a annoncé une perte de 2,2 milliards de dollars au dernier trimestre ;
    la situation est pire que prévue dans l’industrie financière, et il ne faut pas
    faire comme si ça n’allait avoir aucune conséquence sur les autres secteurs.

    Alors si jamais cette crise passe à la postérité, pourquoi pas le bouquin de
    Jorion ? Je n’ai rien lu de mieux sur la question.

    Comme quoi, c’est toujours une mauvaise idée de parler des livres sans les avoir lus :-). Bon, quand même, les soucis immobiliers à venir sont annoncés depuis au bas mot 5 ans. Je crois bien même qu’on a l’un des plus anciens posts de ce blog sur ce sujet. Donc se déclarer « découvreur » c’est excessif. Quant aux raisonnements « anthropologiques » ce n’est pas moi qui les ai inventés, mais l’éditeur dans sa description du livre : ce n’était peut-être pas une bonne idée.

  7. Vous aviez l’air ne pas vous offusquer de Christine Lagarde, juriste, au ministère de l’économie. Pourquoi maintenant vous étonner d’un anthropoloque, psychanalyste et aussi en fonctions dans une banque us après avoir été informaticien et cogniticien. La transdisciplinarité vous effraie à ce point ?
    La transdisciplinarité, c’est très bien, c’est juste énervant quand c’est à sens unique. Dans n’importe quel domaine, il y a un minimum à savoir avant de se lancer; c’est un genre de précaution rarement pris en économie. Par ailleurs, les ministres de l’économie et des finances n’ont pas à être des économistes, ce serait absurde : le problème de Mme Lagarde tient à l’orientation qu’elle annonce donner à son poste, celui d’avocat-conseil des entreprises françaises.

  8. Bonjour,

    Pourriez vous m’expliquer, en termes simples, les raisons qui permettent au Japon d’avoir des prix de détail en baisse?

    A ma connaissance, la hausse des prix des matières premières et des produits agricoles est mondiale. Cette hausse doit être amplifiée dans un pays dont la monnaie baisse régulièrement.

    Franchement l’économie a de ses mystères

    d’avance merci de vos lumières sur ce phénomène

  9. Pour information : j’ai lu cet ouvrage de L. Mauduit. Vous pouvez enlever la rayure que vous venez de mettre sur votre texte, au moins pour le paragraphe qui le concerne vous aviez vu juste. C’est de l’économie, mais au sens très, très large… et c’est effectivement très divertissant (en plus de Minc, on a droit à Zacharias et autres idéaux-types dans le même genre…) !

  10. Personnellement ma préférence va sans hésitations à "L’enfer, ce n’est pas les autres!" de Pierre Dockès. Enfin un livre "contre les idées reçues… et le déclinisme" comme le dit une fille sur le site du Sénat. Ce livre donne de la Mondialisation une idée plus précise, le discours est "positif" sans que l’auteur ferme pour autant les yeux sur les difficultés que posent la Mondialisation. Il tente de dédramatiser en abordant des questions concrètes. En plus il est court… Efficace et courageux !

  11. @Laure: certes, cependant, dans le genre, Daniel Cohen a "déjà donné". Ca ne rend pas le bouquin de Dockès moins "efficace": juste moins "courageux" ("original" plutôt).

    A ce propos, la France est quand même le seul pays que je connaisse où l’on est qualifié de "courageux" si l’on avance que la mondialisation a des bienfaits… J’hallucine parfois.

  12. Dommage que "Les incendiaires" de Patrick Artus ne soit pas dans la liste…

    Artus, tous les ans il sort un livre, et depuis les débuts du prix, tous les ans il était sélectionné… Jusqu’à l’obtenir finalement l’an dernier. Le jury est peut-être lassé 🙂

  13. Alexandre, deux petites précision: Il s’agit du "Prix des lecteurs du livre d’économie" au Sénat. "Le prix du livre d’économie" est normalement remis au ministère de l’économie et des finances. Ce n’est pas le même palmarès. Je vais mettre tout cela en ligne dans quelque sminutes. Sur le point suivant, il me semble que tu te trompes aussi Alexandre, "Cette année, le Sénat fait bien les choses, puisqu’en plus du résumé de chaque livre, on peut trouver sur le site une petite vidéo qui accompagne chaque livre, ainsi qu’un extrait lisible en pdf." C’était déjà comme cela l’an dernier, j’avais téléchargé certaines présentations. Enfin, le pauvre Patrick Artus n’était pas là l’an dernier pour recevoir son prix. Il était en Chine. Ce n’est pas grave, on va lui faire une cérémonie à Pontault-Combault trés bientôt…. Sinon, moi non plus, je n’ai pas lu tous les livres, malheureusement. Une dernière remarque, il me semble que de nombreux économistes prennent souvent en référence quelques crises financières dont celle des années 30, dont ils apprennent toujours quelque chose, à les entendre. Donc, pourquoi le reprocher à Francois Lenglet ???

  14. Polymathe diplômé ou non–diplômé ?

    Dans la présentation très aimable et très bien documentée de « Vers la crise du capitalisme américain ? » qu’Alain Caillé propose sur le site Internet consacré par le Sénat au Prix des lecteurs du livre d’économie, il affirme que je suis psychanalyste. C’est une erreur (*) : je n’ai jamais professé la psychanalyse et je ne possède pas le titre de psychanalyste. J’ai été en cure avec Paul Duquenne à Bruxelles (1971–73 ; 74–75) et avec Philippe Julien à Paris (1987–91). Bien sûr, je me suis toujours affirmé lacanien et les auteurs les plus cités par moi dans « Principes des systèmes intelligents » (1990 et 1997) sont dans l’ordre Freud, Aristote, Lacan, Wittgenstein et Hegel. Mais tout cela ne fait pas de moi un psychanalyste.

    Le bloggeur d’Econoclaste reproche à la plupart des 10 candidats au Prix des lecteurs du livre d’économie et à moi en particulier de ne pas être économistes (**). Je ne suis en effet pas économiste : je suis diplômé en anthropologie et en sociologie. De plus je n’ai pas eu l’ambition avec « Vers la crise du capitalisme américain ? » d’écrire un livre d’économie : dans mon esprit, j’ai écrit un livre de sociologie tirant parti de mon expérience acquise durant 17 années en tant que développeur de logiciels financiers et tirant parti également des techniques d’« observation participante » propres à l’ethnologie / anthropologie.

    L’annonce que votre ouvrage a été retenu pour le Prix des lecteurs du livre d’économie ne s’accompagne pas d’une demande de justification du titre d’économiste : en vous lisant, les lecteurs du livre d’économie font de vous quelqu’un appartenant au cercle des auteurs qu’ils lisent : c’est une manière de brevet et je l’accepte avec reconnaissance à ce titre-là. Cela me remet en mémoire le courrier que je reçus en 1987 quand British Telecom m’accorda le titre de « Academic Fellow in Artificial Intelligence », distinction – ajoutaient–ils – réservée à des ingénieurs. Je leur avais répondu que j’étais très flatté mais me devais de leur signaler que je n’étais pas ingénieur. Leur réponse fut très britannique et dans le style de Lewis Carroll : « Cher Monsieur, cette distinction n’est effectivement accordée qu’à des ingénieurs et c’est pourquoi nous attendons votre venue avec impatience ».

    Cet adoubement venant de gens qui savaient de quoi ils parlaient m’autorisa ensuite à me présenter sans hésitation comme expert en intelligence artificielle. Quand j’écris de la philosophie, je me présente de la même manière comme philosophe ; ma qualité reconnue de spécialiste d’Aristote, me donne cette assurance. Dans une publication scientifique datant d’un peu plus de vingt ans, un collègue me qualifia de « polymathe ». Le terme me plut et je l’utilise à l’occasion quand le style dans lequel j’écris ne m’apparaît pas très clairement. C’est ainsi que j’ai qualifié mon blog de « polymathe ». L’avantage insigne ici, c’est qu’il n’y a ni polymathe diplômé ni non–diplômé !

    (*) Quand Caillé déclare également que je travaille pour Countrywide, la chose était vraie au moment où il l’a dite même si elle a cessé de l’être depuis ; enfin, j’ai été jeune enseignant de 1979 à 1984 au Département d’Anthropologie Sociale dirigé par Jack Goody, ce département est cependant à Cambridge et non à Oxford.

    (**) Voici le commentaire :
    « Dans un autre style, nous avons l’anthropologue psychanalyste salarié d’une entreprise du secteur des subprimes (sic) qui nous explique que le capitalisme américain va s’effondrer. Expert dans le domaine, cela va de soi, ayant “prévu le premier” (re-sic) les difficultés actuelles, il explique donc comment la crise des subprimes va provoquer l’effondrement du système financier avec une analyse “anthropologique” du puritanisme américain. Je me demande s’il est nécessaire d’en dire plus. Mais étant donné le passé du prix des lecteurs du Sénat, je ne serai pas surpris qu’il se retrouve en deuxième session ».

    Qu’ajouter d’autre? Je pense que rarement post aura été fait plus mal à propos. Vous avez donc mes excuses, réitérées sur le post d’origine. Il ne faudrait jamais se laisser aller au travers consistant à critiquer sans se renseigner un minimum. Je m’y suis laissé aller, et le regrette amèrement. J’espère que ce sera la dernière fois. Il faut parfois commettre des erreurs pour ne pas les répéter.
    Pour expliquer cette erreur, je ne peux que dire que vous avez subi le passé d’un prix du Sénat dont les sélections, les années précédentes, n’ont pas toujours été très heureuses. Il aurait mieux valu le dire ces fois-là sans doute, plutôt que de se laisser aller à des préjugés stupides et regrettables.
    Comme vous l’avez constaté, le commentaire qui vous concernait a été rayé – mais non effacé. Parce qu’il serait malhonnête de ma part de faire comme si cette erreur n’avait pas eu lieu, de l’effacer, et de compter sur l’oubli. Il n’a, en tout cas, pas lieu d’être.
    Mes excuses encore – je lirai votre livre, et le commenterai sur cette base.

  15. Un commentaire rayé mais non effacé pour ne pas enlever l’erreur première, c’est la classe! J’applaudis des deux mains pour ce "bon esprit" de bloggueur!

  16. >J’applaudis des deux mains pour ce "bon esprit" de bloggueur! +1

    Quand à monsieur Jorion, nul doute que sa réponse lui vaudra quelques lecteurs supplémentaires, moi inclus 🙂

  17. Monsieur Jorion fait partie de la short list d’auteurs injustement ou exagérément écornés ici. Les quelques-uns qui nous ont contactés, l’ont toujours fait sans agressivité. C’est vraiment tout à leur honneur. Les corrections et mea culpa sont alors la moindre des choses.

  18. Lisez le livre de Paul Jorion, et après vous pourrez effectivement donner un avis dessus.
    Je n’ai malheureusement pas lu les autres llivres, mais vais en acheter quelques-uns. Cependant concernant le livre de Paul Jorion, même si ce dernier n’est pas économiste, l’ensemble des connaissances mises en avant ainsi que la vision de l’évolution du marché qui y est décrite (avant crise) sont bluffantes eu égard à la situation actuelle.
    A mon sens, de part son coté visionnaire, il mérite haut la main ce prix.

    Laetitia

  19. Deux mots pour les bloggeurs sympathiques, mais qui n’ont pas (encore) lu l’Enfer. Oui, je suis pro-mondialisation, mais si originalité ( le courage, ça fait beaucoup !) il y a, c’est de tenir un autre discours sur la mondialisation. Car l’essentiel est de ne pas se laisser piéger par des discours qui ont des effets énormes et catastrophiques.
    Aujourd’hui le discours-type du patronat est de dire : la mondialisation est une fatalité et c’est une catastrophe pour la France parce que le « modèle social » y est trop coûteux, l’État trop « lourd », les salaires et les charges trop élevés. Ils se servent donc de la mondialisation comme d’un levier pour faire sauter (ou rendre plus étriqué) le système social, supprimer les services publics, faire baisser les salaires et les charges, finalement pour réaliser une redistribution de la richesse sociale en faveur des catégories favorisées.
    La Gauche anti-mondialisation me semble tomber dans le piège. Pour eux, la mondialisation est une catastrophe, elle serait responsable du déclin industriel, des délocalisations, elle détruirait les emplois et réduirait les salaires, sans parler de la précarité accrue, elle casserait le « modèle social ». D’une certaine façon, c’est le même discours !
    Or le discours patronal est faux. La France n’est pas handicapée par son système social, ses hauts salaires. S’adapter « à la baisse », se rapprocher d’un système social du type chinois ou indien serait absurde, car on peut gagner dans l’échange international, et on ne peut gagner qu’en jouant de nos différences : des salaires élevés, un système social qu’il faut améliorer, et une forte productivité, de fortes qualifications, l’innovation, les connaissances. On ne pourra évidemment exporter que des biens qui contiennent ce qui est aujourd’hui l’essentiel en terme de valeur ajoutée, de la technicité, des connaissances, de la qualification. Et puis, on l’oublie trop, nous faisons les 3/4 de nos échanges avec des pays européens (et là il s’agit avant tout d’éviter le dumping social et fiscal, les politiques macro compétitives « à la baisse » – politiques non-coopératives – et on n’y arrivera qu’avec un gouvernement économique européen).
    Gagner en jouant sur nos différences, c’est ce qu’on sait depuis Ricardo (il n’y a pas que L. Walras !). Évidemment, il y a toute une série d’exception à son théorème des coûts comparatifs (et d’ailleurs on peut et on doit en jouer), mais il est complètement faux que la Chine (ou l’Inde, le Brésil, le Mexique …) éliminera l’économie française, européenne, par ses faibles coûts (d’ailleurs l’Allemagne …). Parce qu’en se développant, en s’enrichissant (et c’est une bonne nouvelle pour des centaines de millions de gens), elle ne peut que développer son marché et l’ouvrir aux productions françaises et européennes. On nous a déjà jadis fait peur avec le « Péril jaune » (en 1901), avec le Japon, avec les dragons du Sud Est asiatique, et d’ailleurs avec les États-Unis qui devaient tout écraser. Je pense même que l’Europe a les meilleures chances pour l’avenir (disons à vingt ans).
    Évidemment, améliorer la position de la France, cela suppose une politique nationale de soutien à l’investissement, à l’innovation, aux universités, à la recherche, finalement à la production du facteur de production essentiel : les connaissances, les innovations. Et c’est une course, et elle n’est pas, et cela suppose de nombreux changements, une autre rupture, y compris dans le fonctionnement de l’Europe, mais si on se fermait aux autres, il serait impossible de la gagner, on serait même sûr de perdre à terme !

  20. J’aime bien que les auteurs viennent parler de leur travail sur un blog. C’est courageux et constructif.

  21. Je viens de finir l’ouvrage de Pierre Dockès. Cela commence bien, mais se dégrade progressivement au profit d’un apologue de la politique industrielle, rempart de la civilisation contre les Méchants Libéraux qui érigent, avec le Grand Méchant Marché, le conflit et les instabilités en mode de régulation. Alors il faut vite interdire ceci, subventionner cela, selon des modalités qui restent à déterminer, dans un monde où les agents répondent aveuglément aux conditions extérieures.

    Je caricature ? Oui, certes. Mais je suis très, très déçu par ce bouquin.

    http://www.leconomiste-notes.fr/...

  22. Je trouve aussi, comme l’a dit Coco, que c’est utile que les auteurs
    retenus viennent expliquer leur travail en réagissant aux commentaires qu’ils
    provoquent. La réponse de Jorion est amusante et éclairante et celle de Pierre
    Dockès précise l’enjeu politique d’une bonne compréhension de la
    mondialisation : éviter de se laisser abuser par certains discours simplistes de
    la gauche anti-mondialisation et aussi bien par les discours qui critiquent et
    caricaturent le modèle social français. C’est vrai que le livre de Dockès est
    proche de celui de D. Cohen – ce qui est plutôt un compliment d’ailleurs!-
    mais il est aussi parfois plus rigoureux et plus nuancé.

  23. Grmbl. Les trois sélectionnés pour le second tour sont tombés: Pierre Dockès, Aglietta-Berrebi et Mauduit. J’hésite naturellement entre les deux premiers, mais ce ne sera de toutes manières qu’un pis-aller, le Delpla-Wyplosz étant selon moi de très loin l’ouvrage le plus intéresant.

    Bon, eh bien c’est parti pour lire l’Aglietta

  24. Visiteur régulier d’Econoclaste, je vous avoue que, cette fois-ci, vous me déroutez. Car me voilà réduit dans ce blog à un étrange statut : celui d’auteur-fantôme. Auteur de l’un des trois livres qualifiés pour le prix des lecteurs du livre d’économie, je subis en effet la critique du bloggeur maison, Alexandre Delaigue. Mais comme ce dernier admet n’avoir pas lu certains des ouvrages, la critique qu’il fait, apparaît tout à la fois rayée mais lisible. Alors, que répondre à cela ?
    Dois-je répliquer à ce qui apparaît sous les rayures, et que quiconque peut lire ? Si je m’y emploie, mon détracteur aura tôt fait de me répondre que j’ai tort de me défendre puisque ce qu’il a écrit, désormais il ne l’assume plus. Et si je me tais ? La critique, fut-elle rayée, continuera d’être lue, de circuler, car Econoclastes est un lieu de rendez-vous pour ceux que l’économie politique intéresse.
    Alors, dans cette situation bizarroïde dans laquelle vous me placez, autorisez-moi au moins quelques remarques. D’abord, sachez que j’aime la critique, même vive. Aussi, Econoclastes, lisez-moi ! Ereintez-moi ensuite, si vous le voulez ; mais faites-le en connaissance de cause. Dans ma carrière de journaliste, peut-être pourrez-vous m’en donner crédit, j’ai toujours cherché à faire vivre le débat public – et notamment le débat économique, en essayant que l’échange l’emporte sur les préjugés – des préjugés qui dans certains milieux journalistiques sont pourtant assez répandus ; et très fortement critiqués à juste titre par les économistes.
    Lisez-moi ! Car j’ai l’immodestie de penser que, contrairement à ce qui est écrit-rayé, j’apporte dans mon livre des faits nouveaux en très grand nombre sur les rouages du capitalisme de connivence français, sur la façon dont les milieux d’affaires parisiens s’entendent entre eux, dans un système permanent de donnant-donnant, parfois même en dehors des règles de droit. Des faits accablants sur la façon dont la presse indépendante est de plus en plus laminée par ce capitalisme d’influence. Maintenant, si l’économie, c’est tout sauf cela ; sauf les mœurs étranges du capitalisme parisien ; sauf l’économie moribonde de la presse française ; sauf les système d’endogamie entre les milieux d’affaires et le pouvoir… alors, le débat est clos avant d’avoir commencé. Etrange conception tout de même, qui sort les entreprises et les règles de gouvernance, du champ de l’économie, à une époque où la question du conflit d’intérêt est âprement débattue…
    Rien de neuf sous le soleil, dites vous ? Compte tenu de la crise gravissime de la presse ; des turbulences dans lesquelles ont été prises Libération, Le Monde, puis aujourd’hui La Tribune ou Les Echos, n’allez-vous pas un peu vite en affaires ? Dans un pays, le notre, où il est parfois si difficile pour un journaliste de conduire des grandes investigations – notamment dans le domaine de la finance -, vous pourriez tout de même y regarder de plus près, avant de pratiquer de la sorte l’anathème rayée, la vraie fausse invective.
    Pour ce qui me concerne, j’ai quitté Le Monde, dont j’ai longtemps dirigé le service économique, parce que j’estimais ne plus pouvoir travailler de manière indépendante. Je ne vous demande pas de m’en donner crédit. Mais au moins, de grâce, suivez ce conseil de Péguy, que les journalistes bafouent trop souvent : « Penser contre soi-même ».

  25. "Lisez-moi ! Car j’ai l’immodestie de penser que, contrairement à ce qui est écrit-rayé, j’apporte dans mon livre des faits nouveaux en très grand nombre sur les rouages du capitalisme de connivence français, sur la façon dont les milieux d’affaires parisiens s’entendent entre eux, dans un système permanent de donnant-donnant, parfois même en dehors des règles de droit." Pourquoi répondre ici, puisqu’on ne daigne rendre compte de votre livre (en réalité, nous savons que, par le truchement de retards SNCF, Alexandre vous a lu) ? Alors que Jules de chez Diner’s room a fait un compte rendu éclairé ici : dinersroom.free.fr/index…. ?

  26. M. Mauduit, je prends le temps de vous répondre en détail sur mon blog. En résumé : votre ouvrage constitue un exceptionnel modèle d’enquête journalistique. En revanche, sa portée économique est au mieux très discutable. De ce fait, on peut vouloir ne pas le distinguer dans un prix où le caractère scientifique de l’ouvrage constitue un critère fondamental.

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