La Chine s’ouvre aux millionnaires, nous annonce le Monde daté d’hier. « Au rythme exceptionnel où elle progresse et se libéralise », est-il expliqué, « l’économie chinoise créerait, selon certaines sources, 70 millionnaires par jour ». Mais l’origine des fortunes chinoises pose une question.
Comme le constate Dani rodrik, il y a quelque chose de très particulier parmi les chinois nouvellement riches. Dans un pays dont la croissance est fondée sur l’industrie manufacturière, on devrait s’attendre à ce que ce secteur soit à l’origine des fortunes. Pourtant, l’essentiel des grandes fortunes chinoises provient du secteur immobilier.
Et les fortunes immobilières ont des particularités. Premièrement, elles constituent ce que les économistes appellent une rente pure : il suffit d’être le premier à détenir les terrains les plus avantageux pour, sans rien faire, et sans redouter de concurrence, être sûr de s’enrichir. Deuxièmement, dans un pays comme la Chine, la propriété immobilière est totalement déterminée par l’Etat. C’est lui qui décide de chasser de certaines zones les anciens occupants pour confier les terrains à d’autres, le plus souvent sans compensations, et selon un mécanisme dans lequel la proximité avec le pouvoir compte infiniment plus que les talents entrepreneuriaux.
En somme, ce qui détermine les fortunes en Chine, ce n’est pas « le rythme où elle progresse et se libéralise » : c’est la transformation des énormes inégalités politiques en énormes inégalités économiques. Comme le dit Rodrik, les secteurs en concurrence, comme les industries manufacturières, crèent une classe moyenne; l’immobilier fabrique des milliardaires. A ce titre le fait que les fortunes chinoises soient immobilières n’est pas, selon toute la littérature sur le développement, un bon signe.
"… il suffit d’être le premier à détenir les terrains les plus avantageux pour, sans rien faire…"
Traduction:
"…il suffit d’etre un bon membre du PCC…"
Clap, clap, clap, clap.
Pourquoi opposez-vous les deux mécanismes? Il ne fait aucun doute que l’oligarchie chinoise tire parti du développement structurel du pays en s’attribuant les opportunités de création de fortune. Pour autant, le mécanisme de développement par l’industrie manufacturière et les services est également à l’oeuvre.
Stigmatiser la "proximité avec le pouvoir" au pays du guanxi me semble un simple projection culturelle. La Chine reste et restera longtemps un pays où le politique et l’économique sont dominés par l’idée de survie. D’où la force des réseaux et l’impatience face à l’argent facile.