Je commençais à sérieusement me demander pourquoi Xavier Darcos avait une telle dent contre la filière ES.
Il y avait des candidats sérieux : lobbying des littéraires, dont il fait partie ; lobbying des anti ES, dont il peut faire partie. C’était les deux hypothèses de travail. Aujourd’hui, avec son projet de réforme du bac général, il éclaire un peu mieux la discussion. “Il faut rééquilibrer (les filières ES, S, L, ndlr), que chacune ait sa raison d’être et que la filière ES ne soit pas une grande filière d’accueil pour ceux qui n’ont pas envie de faire de lettres et pour ceux qui ne sont pas capables de faire S (bac scientifique, ndlr)”.
A moins que le penchant naturel de beaucoup de jeunes soit vers le centre ? Qu’à tout prendre, pour l’élève moyen, une spécialisation précoce ne soit pas adaptée et que prendre ES, c’est un moyen de limiter les portes qui se ferment quand on ne peut aller en S. Dans ce cas, supprimer les filières pour un bac à tronc commun et options n’est pas sot[1]. En revanche, que Monsieur Darcos ne se berce pas trop d’illusions : il finira bien par se créer une option qui jouera le rôle de S. Sera-t-elle scientifique ? Littéraire ? Et imaginez un instant qu’elle soit… économique. Ces boules qu’il aurait pas le ministre…
Notes
[1] A condition que cette réforme enlève surtout le stupide sentiment d’être pour toujours dans une case à 18 ans, si on n’a pas fait S. En tout cas, la réforme Fillon, à côté, c’était franchement de la rigolade.
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Il y aura toujours un moyen de différencier au travers des options, puisqu’à le sortie, le moule aura toujours une forme définie. On peut aussi se douter que certaines options seront "fortement déconseillées" à certains élèves, ne serait-ce déjà pour des raisons d’effectifs (et pour soigner le taux de réussite de l’établissement).
J’aimerai partager l’optimiste de l’auteur pour la future hégémonie de la section ES. Mais il est à craindre que sa fameuse réputation (en parie injustifiée, selon mon expérience propre – c’est quand même le bac qui demande le plus de dissertations) ne s’évanouisse pas si vite.
Si quelqu’un connaît une étude sur la bascule entre lettres et mathématiques comme moyen de sélection, je suis preneur.
"il finira bien par se créer une option qui jouera le rôle de S. Sera-t-elle scientifique ?"
Comme si la série S avait jamais été réellement scientifique… (demandez à un professeur de CPGE son avis) Je pense qu’il faudrait créer une série généraliste avec le programme de la S actuelle.. et créer une série scientifique où on arrête de faire de l’Histoire Géo et du Francais (à condition de faire de celles ci au collège autre chose que ce qu’elle est actuellement, un passe temps) et où l’on revalorise la philo et les langues…
A la lecture de ses propos il est clair que notre cher ministre n’a pas suivi de formation d’économie (ES) auquel cas il aurait surement entendu parler de l’effet signal que produit un diplome(révélation d’une aptitude à apprendre, analyser, etc…).
Pour avoir suivi un parcours ES alors que tout me destinait à un parcours scientifique il me semble que cette filière offre une bonne culture générale à ceux qui la suivent. N’est ce pas d’ailleurs la vocation de l’éducation nationale?
Il est vrai que je suis aujourd’hui obligé de me remettre à niveau en math mais ma préférence pour l’économie se serait-elle révélée si j’avais choisi un parcours scientifique?
PS : j’ai été outré par les attaques de M Attali contre la science économique et le soutient qu’il a reçu sur son blog et que ce débat sur le bac ES ne fait que renforcé.
Vive la science économique!
Il faut tout de même avouer qu’il y a un sérieux souci avec le bac ES, avec lequel il est bien plus difficile d’intégrer une école de commerce qu’avec un bac S. On peut changer les noms des bacs dans tous les sens, cela n’y changera rien : la sélection continuera à se faire par les maths tant qu’existera une filière d’excellence qui permet de bifurquer vers tous les types d’étude.
L’idée du ministre est donc excellente : en regroupant les bacs en un seul, en constituant un tronc commun significatif, il rend possible qu’un élève avec une option économie entre dans une école de commerce, en rendant cet éleve comparable avec un futur scientifique, puisque une bonne partie des épreuves seront partagées.
Bonjour,
Je voudrais juste poser quelques faits que j’ai pu observés :
– j’ai passé il y a bientôt 10 ans mon bac Scientifique. Au moment de choisir qu’elle filière prendre en fin de seconde, voici la répartition des effectifs et les raisons évoquées par les élèves :
_70% en S : la filière la plus côtée ; la plus "polyvalente" qui permet de se réorienter facilement plus tard ; en gros elle permet de tout faire ;
_15% en L : filière de passionnés, ou d’élève ayant un projet bien précis ;
_15% en ES : ne se sent pas à l’aise dans les sciences et les lettres, et autre raison principale : la filière qui paye le mieux.
– plus tard, après mon diplome d’ingénieur, quand j’ai commencé à travailler :
_ceux qui gagne le plus ont systèmatiquement une formation type école de commerce dans leur cursus ;
_plus généralement, le salaire ingénieur débutant moyen est de 21 Keuro brut avec horaires de plus de 50 heures par semaine ; ecole de commerce : 25Keuro brut, mêmes horaires ;
_j’ai travailler en tant qu’ouvrier en usine : 35 heures, 20 Keuro brut annuel ;
_la majorité des postes de cadres sont occupés par des personnes ayant une formation école de commerce ;
_à l’étranger (notamment en Chine) on ne trouve quasiment que des personnes qui sorte d’école de commerce ;
_les ingénieurs sont extrêment recherchés mais on en trouve pas ;
_pour un même poste, un ingénieur sera souvent préféré à un "ecole de co’", et un ingénieur avec MS en ecole de commerce rafle tout ;
Ce sont juste des observations. J’ai essayé d’être le plus objectif possible, même si en tant qu’ingénieur je suis relativement agacé quand je vois que (là je me lâche) :
– je bosse dans une boite en Chine spécialisée dans la fabrication d’équipement à base de surfaces textiles : 100 personnes, je suis le SEUL ingénieur et le SEUL à avoir une formation dans le textile ;
– quand j’achète (moi ou d’autres) du matériel ou des matières premières, dans 80% des cas j’ai à faire avec des commerciaux et non des technico-commerciaux (je vous raconte pas toutes les c….ries que l’on peut entendre);
– 4 ans après avoir été diplômé, 40% de ma promotion ne travaille plus en tant qu’ingénieur : horaires de dingue pour une paye de misère, sans compter les déplacements.
Finalement, certains (j’en fais parti) décident de faire une formation en école de commerce pour (restons honnête en évitant le blabla habituel) : quitte à avoir plein de responsabilités et à faire 50-80 heures pas semaine, autant avoir le salaire qui va avec !!!
Donc : pourquoi beaucoup de lycéens passent un bas S et si peu font BTS/DUT/Ingénieur ? Pourquoi la filière S est considéré comme la voie "royale" ? Qu’est ce qui est tant recherché/rejeté chez un bac S et ES (en ne s’arretant pas simplement à ce niveau d’étude) ? Pourquoi les salaires d’ingénieur sont plus faible que ceux des autres (à niveau de formation équivalent) ? Pourquoi les ingénieurs sont quand même tant recherchés (surtout à l’étranger) ? Et pourquoi la combinaison Ingénieur/Ecole de commerce est si prisée ?
Je n’ai pas de réponse pour l’instant à toutes des questions (je préfère continuer à analyser la situation).
Je suis d’accord avec vous SM.
-Spurinna : "hégémonie de la section ES" ? Je n’y crois pas, mais plutôt une répartition plus "équitable" entre S et ES. Et pourquoi ces filières ne partageraient pas ces qui fait leur force ?
-Paul : d’accord pour tout revaloriser (histoire-geo, francais, langues, philo) mais supprimer histoire-geo et le francais du bac S ?!? Si ces matières existent et sont enseignées (même aux scientifiques) c’est qu’il y a une raison ! A vous de la trouver.
-Thomas : Vocation de l’éducation nationale = offrir une bonne culture générale. N’est-ce pas un peu réducteur ?
Je vous explique le raisonnement du ministre sur une exemple. Partons d’un lycée avec une TL, une TES et une TS de 20 élèves. On en fait 2 terminales ‘générales’ à 30 élèves. Au départ, il faut mettre beaucoup d’options donc l’économie en heures d’enseignement n’est pas extraordinaire mais on peut ensuite supprimer les options pour garder M.Woerth content. C’est vraiment bien que le sujet soit abordé sur un site d’économie car je pense que cette proposition vise surtout à la compression des dépenses.
Je m’inscris en faux avec Scipios, l’acces aux ecoles de commerce n’est pas plus compliqué pour les gens de la filière ES. A mon epoque (prepa 96-98) j’avais decortiqué tous les rapports de jury et la filiere eco etait aussi performante que la filière dite "géné" (qui est en fait bcp moins generaliste car il y a pas de sciences humaines). Le seul vrai critere discriminant etait celui des langues les notes moyennes des langues commune type allemand, espagnol etant bcp plus basses que les langues "exotiques" (italien, russe, chinois…)
Deuxieme point une fois en ecole de commerce la filiere ES est plus performante puisque que les etudaints maitrisent dejà des concepts economiques fondamentaux necessaires à tout futur cadre d’entreprise
Mon experience date un peu, mais si quelqu’un à des rapports de jury des grandes ecoles à m’envoyer je refais l’analyse pour voir si elle tient toujours
Bonjour Econoclaste, en tant que professeur de SES, sciences économiques et sociales ou économie et sociologie (avec un peu de science politique, mais on est trés fort visiblement), je pense que le problème se situe au niveau de notre discipline. Cette volonté de parler de tant de sujets avec de jeunes gens et en plus de manière trés rigoureuse est un sacré défi qui peut nous conduire soit à des discours idéologiques, soit à des discours éloignés des "réalités économiques "vécues" par tous ceux qu’on appelle agents économiques. En particulier, notre traitement de l’entreprise laisse vraiment à désirer et je comprends fort bien de nombreuses critiques qui sont portées contre notre discipline. Je dis cela sans pour autant vouloir nous inféoder au discours du Medef ou de l’IDE et renoncer à fonder sur la science le savoir à enseigner. A suivre donc…
Pour les écoles de commerces il y a un avantage à faire un Bac S pour 2 raisons :
1) Il est plus facile d’intégrer une classe préparatoire vue que certaines recrutent des bacheliers S pour leur classe prepa Hec voie économique. Alors qu’il n’y a aucune chance pour un bachelier ES d’être recruté dans une prépa HEC voie Scientifique. De plus la sélection est un poil plus facile les meilleurs Bachelier S opteront plutôt vers Maths Sup.
2) Il est plus facile d’intégrer les meilleurs Ecoles de commerce (HEC, ESSEC, ESCP) là c’est assez flagrant, ces écoles ont soit une épreuve de maths commune voie Scientifique et économique qui favorise les étudiants sortant de voie scientifique. Soit des épreuves d’orales en économie (AEHSC) qui sont extrêmement difficiles. Au final la part des prépa voie ES dans ces grandes écoles de commerce est bien plus faible.
Scipios, je vais vous faire une révélation : j’ai un bac ES et je suis entrée dans une école de commerce. Et avec un classement pas dégueu en prime.
Une autre ? je ne suis pas la seule !
Allez, encore une ? à l’ESCP-EAP (petite école de province, comme chacun sait, et qui contrairement à ses deux collègues ESSEC et HEC ne met pas un coeff 11 sur les maths en voie S …), les admis des deux principales filières (ES et S) sont à environ 50-50…
Fou, non ?
Tiens, c’est dingue : Scipios… mais avec quoi (avec qui) ça rime ?