Thierry Henry, rapporté par l’AFP :
Je ne dois rien aux supporteurs d’Arsenal. La seule chose que je doive à quiconque, c’est à mes parents de m’avoir mis au monde.
Une phrase (que je suppute sortie de son contexte) qui pourrait faire un beau sujet de philo ou de réflexion sur la nature de l’activité économique, n’est-ce pas ?
Add : Comme je le supputais fort justement, mais en deçà de la réalité, la phrase de Thierry Henry était plus que sortie de son contexte, puisque la traduction est très approximative et perd une proposition qui lui donne un tout autre sens. Bien vu JCK (s’il faut lire le foot en anglais aussi…). Henry innocenté, le message reste…
C’est amusant, il y a quelques années, j’avais pris en cours un exemple pour illustrer l’interdépendance des individus, les bienfaits de la coopération et les quelques conclusions que l’on pouvait en tirer vite fait, notamment sur ceux qui prétendaient s’être faits à partir de rien, sans l’aide de personne et qui ne devaient rien à personne. Mon exemple schématique se basait sur le Real Madrid. Très peu fouillée, mon idée reposait sur l’idée évidente que sans ses petits copains derrière qui donnaient les ballons, Ronaldo n’était rien. Et que nous en étions tous un peu réduits à ça, quelles que soient les diverses expériences personnelles que nous puissions avoir.
Mes élèves étaient visiblement assez de mon avis (et il y avait des connaisseurs…). Et après quelques nuances footballistico-sociales, on était tombés d’accord sur l’idée que seul Robinson gagnait ses matchs tout seul. J’étais donc assez content de ma petite illustration, qui avait passé le test démago-pédagogique (j’ai généralement une grande aversion pour les exemples à base de foot. Ils gonflent les filles, ne s’imposent pas obligatoirement et dégénèrent souvent en discussion sur la dernière défaite du PSG).
Je sais maintenant que je me trompais. Je souhaite donc m’excuser auprès de ces jeunes floués, s’ils me lisent. Je me tompais car, c’est vrai, à Arsenal, Henry doit se sentir seul sur le terrain certains jours.
Plus sérieusement, et pour éviter qu’on me taxe de collectiviste acharné, l’idée qu’on n’a pas besoin des autres et que sa réussite est entièrement due à un talent personnel est étrangère à toute l’économie, d’Adam Smith à Marx. C’est son contraire qui est au coeur de la théorie de l’échange. De même que l’idée d’externalités la réfute clairement. Le développement de la science l’illustre bien aussi. Et je ne parlerai même pas des implications en matière de philosophie politique, puisqu’au fond, il s’agit de répondre à la question “pourquoi les hommes font-ils société ?”. Je ne convoquerai pas plus Hegel ou, plus proche Fukuyama, pour évoquer le besoin de reconnaissance (un peu dur sans les autres). Bah, bon, y a ptet Nietzsche qui vient foutre le bazar, faut voir…
Bref. Vous aurez noté que là où certains rendent hommage à leurs parents pour l’éducation qu’ils en ont reçu – ce qui tient un peu plus la route, même si on pourra objecter du rôle de l’environnement social en matière de développement personnel – Henry n’évoque même que l’aspect biologique. Bien que persuadé et reconnaissant du génie de Thierry Henry et d’autres, je reste toujours stupéfait d’entendre le refrain “je me suis fait seul, je ne dois rien à personne”. Stricto sensu, c’est ridicule.
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drole de traduction….
"Who do I owe, and for what? Don’t you see my commitment on the pitch? I think you can see it. I don’t think about the word ‘owe.’ I owe something to my Dad, who put me on this planet."
msn.foxsports.com/soccer/…
Cela doit être sortit vaiment de son contexte,àmois que Henry ait chopé la grosse tête (ce qui est possible aussi). Pour son histoirepersonnele Henry doit beaucoupà son coach Arsène Wenger quil’avait fait débuter à AS monaco et qu’il avait repris après une saison décevante à la Juventus de Turin.
Après sur un plan purement footballistique,il es tvrai queHenry a de grande capacité à monterle ballon tout seul jusqu’au but. Mais dans tout les cas on parle d’équipe de football, donc de collectif.
Thierry Henry n’est pas né à Arsenal, et ce n’est pas à ce club ni que sa passion pour le football, ni son potentiel, ne se sont révélés. Arsenal l’a acheté alors qu’il avait déjà quasiment atteint sa plénitude d’une part, mais aussi, alors qu’il doit bien exister d’autres petits Henry rêvant de gloire aux alentours.
euh….
il doit quand même aux suporters d’arsenal son salaire de ces dernières années. (il me semble bien que les revenus importants du foot proviennent bien de la bourse des suporters)
Mais enfin, s’il n’y avait aucun supporter d’Arsenal, si personne n’allait au stade et surtout si personne ne regardait cette équipe à la télé, il n’y aurait même pas d’équipe! Henry a dû oublier que le foot était financer par la pub et donc par les millions de gens qui regarde ce spectable.
JaK: Bon : que tout salarié doive son salaire aux clients de l’entreprise qui l’emploie est un raisonnement qui tient : mais il me semblait qu’il y avait jusqu’alors consensus pour considérer qu’il n’était pas irrespectueux de chercher à tirer profit des clients de son employeur et même de chercher à tirer plus de profit aujourd’hui qu’hier des clients de l’entreprise employeuse. Et puisque la gestion de la relation clientèle ne s’encombre pas, à ma connaissance, de quelque éthique que ce soit au delà du simple respect des clauses contractuelles et de la règlementation applicable, en quoi est-ce irrespectueux pour qui d’adopter une stratégie de relation clientèle intégrant le refus de vouer quelque éventuelle excessif respect aux clients de son employeur ?
Au pire, l’employeur peut effectivement de sentir concerné, et en tirer les conclusions prévues par les voies contractuelles dans le cadre des lois s’il le souhaite.
Jolie citation en vérité !
Il est clair que le "je ne dois rien à personne" est un peu navrant en plus d’être un flagrant délit de grosse tête.
Mais franchement le plus joli, pour moi, c’est l’évolution de cette information 😉
Parce qu’entre la dépêche de l’Afp et l’article original de fox (merci Jak d’avoir joué au journaliste), il n’y a pas qu’un oubli de traduction mais plutôt une transformation des propos.
Plutôt qu’un sportif avec une tête comme un zeppelin, on a plutôt une agence de presse qui fait du sensationnalisme à peu de frais.
Décevant …