Faut-il faciliter la transmission des entreprises lors d’héritage?

Si l’on en croit une récente étude de la London School of Economics et Mac Kinsey, certainement pas. Selon cette étude (merci à Mark Thoma) le meilleur moyen de ruiner une entreprise en Grande Bretagne est de la confier lors d’héritage à un fils aîné.

Selon les auteurs, qui ont étudié les différences de productivité par secteurs entre entreprises britanniques et américaines, la mauvaise qualité du management en Grande Bretagne explique la moitié de l’écart. Si l’on enlève de l’étude les entreprises familiales gérées depuis une ou plusieurs générations en Grande-Bretagne, la performance britannique s’améliore considérablement.

Selon les auteurs, les entreprises détenues par une famille sont en général mieux gérées que les autres; mais par contre, lorsque la famille propriétaire gère l’entreprise, cet avantage devient un inconvénient. Plusieurs raisons à cela : il est difficile, si l’on se limite au cercle familial, de trouver dans l’ensemble des dirigeants compétents. Ensuite, annoncer à un fils de famille qu’il gérera l’entreprise familiale ne l’incite guère à travailler durant ses études, puisqu’il aura un emploi bien rémunéré quoi qu’il arrive ensuite. Lorsqu’on adopte la règle de primogéniture (confier l’entreprise à l’aîné de la famille) on se trouve avec ces deux effets en même temps, à leur maximum.

En Europe, près de 30% des entreprises sont familiales, contre 10% aux USA. En Allemagne, ces entreprises familiales ne néanmoins pas administrées par la famille détentrice. Par contre, en France et en Grande-Bretagne, la majorité des entreprises est gérée par la famille détentrice, et la gestion est transmise par primogéniture. D’où cela vient-il? Premièrement, de traditions juridiques locales. Et ensuite, de la fiscalité des héritages, qui en Grande Bretagne exempte de droits de succession les entreprises familiales. Pour plusieurs historiens économistes, ce poids des entreprises familiales a historiquement lourdement pesé sur le retard pris par l’Europe vis à vis des USA.

Selon l’un des auteurs de l’étude, il suffirait de plafonner cette exemption fiscale à un million de livres sterling pour faire gagner 250 millions de livres au contribuable britannique, tout en améliorant nettement la gestion des entreprises nationales. Pour expliquer son argument, il explique que “si l’on constituait l’équipe de football anglaise avec les enfants des joueurs de la génération de 1966 (championne du monde), on ne gagnerait jamais rien”.

Il ne faut pas tirer de conclusions trop générales d’une seule étude; mais ce qui y est dit pour la Grande Bretagne est également valide pour la France, pays qui présente le même niveau de gestion familiale et de transmission par primogéniture que l’Angleterre. Et pays dans lequel existent de très fortes pressions pour étendre les avantages fiscaux liés à la transmission des entreprises familiales, bien évidemment pour “sauver des emplois”. Et si les droits de succession étaient le meilleur moyen d’accroître la productivité des entreprises françaises?

Alexandre Delaigue

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11 Commentaires

  1. Ah, monsieur Delaigue, on voit bien que vos parents ne sont pas des petits commerçants besogneux et méritants !!! Sans quoi, vous ne tiendriez pas ce genre de discours technocratiques et gauchistes !
    Vous dites que cela coûte à l’Etat d’alléger les droits de succession, mais combien est-ce que vous coûtez, vous, à l’Eta ? Oui, vous, fonctionnaire produisant du vent pendant que de valeureux travailleurs et entrepreneurs vont travailler tous les matins pour produire de vraies choses vraiment utiles !!!
    (P’tain, ‘reusement chuis administrateur… ça aide pour publier des commentaires débiles…)

  2. C’est fou, il suffit que le gouvernement batte de l’aile pour qu’econoclaste penche dangereusement à gauche

    🙂

  3. Je n’ai pas encore cherché & lu le papier ou les données sont puisée (Bloom & Van Reenen 2006) mais le panel me semble plutot limité (surtout pourquoi l’industrie manufacturière ?).

    Ceci dit, la question de la distribution initiale des richesses (celle sous-jacente à ce problème, la succession et les droits eventuels à percevoir) à l’air de revenir dans les études d’économistes, notament pour expliquer le non décollage des pays du tiers-monde.

    C’est plutot une bonne nouvelle :).

  4. @V : j’ai du mal à me souvenir de la dernière fois où j’ai penché à droite. Mais bon… des fois, quand on est bourré… on contrôle pas tout.

    @Guerby : l’autre bonne nouvelle, c’est qu’elle n’est jamais vraiment partie, notamment via l’étude des problèmes de rationnements du crédit. Et comme la question des inégalités a de longue date été un sujet de discussion quant à son rôle sur la croissance, elle a toujours été dans le coin.

    Très bon article, qui date un peu, mais reste bien :http://www.cepremap.cnrs.fr/cgi-...

  5. SM : "(P’tain, ‘reusement chuis administrateur… ça aide pour publier des commentaires débiles…)"

    Pour être honnête, j’étais à deux doigts d’écrire un petit commentaire un peu narquois qui allait dans le même sens 😉

  6. Alexandre Delaigue: "Par contre, en France et en Grande-Bretagne, la majorité des entreprises est gérée par la famille détentrice, et la gestion est transmise par primogéniture. D’où cela vient-il? Premièrement, de traditions juridiques locales. Et ensuite, de la fiscalité des héritages, qui en Grande Bretagne exempte de droits de succession les entreprises familiales."

    Et en France? Fiscalité favorable aussi par rapport aux USA?

  7. @vulgos : pas du tout, c’est d’ailleurs précisé dans l’article cité. Les entreprises DETENUES par une famille sont mieux gérées, parce que les actionnaires familiaux sont plus attentifs aux gestionnaires qu’ils nomment. Les entreprises DETENUES ET GEREES par des familles, par contre, ne le sont pas; au contraire, dans celles-ci, les dirigeants sont mal choisis puisque pris uniquement dans le cercle familial.

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